Francis Lagacé

LE BILLET DE FRANCIS LAGACÉ




Environ une fois par mois, plus quand ça me chante, moins quand je pars en vacances, je propose une réflexion sur un sujet politique, social, philosophique ou culturel.

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22 décembre 2014


Salmigondis de Noël


Comment souhaiter Joyeux Noël quand on n’est pas croyant ? En passant, ici on inclut la personne qui parle comme à chaque fois que c’est utile ou nécessaire.

J’ai entendu l’autre jour une grande vedette dire dans un jeu télévisé : «On exclut toujours la personne qui parle». Cela est évidemment faux. Mais d’où vient donc cette croyance ?

Il y a sans doute deux raisons à cela. D’une part, il y a nos bons maîtres et maîtresses d’autrefois qui voulaient corriger les Québécois de leur usage dans lequel le pronom sujet nous est remplacé par on. Nous, les Québécois, on ne dit pas «nous» comme sujet en langue orale, on dit «on». Répéter la fausse maxime : «On exclut la personne qui parle» était une façon de se rappeler qu’il vaut mieux utiliser nous quand le sens est défini et qu’il inclut la personne qui parle comme dans «Nous sommes allés au cinéma hier.»

L’autre origine de cette confusion est une lecture erronée de certains manuels de grammaire qui donnaient la phrase «On exclut la personne qui parle» comme exemple et non comme règle. C’était un exemple de phrase qu’on peut faire avec on et non une règle d’utilisation. Quand je dis «on m’a téléphoné», on exclut la personne qui parle. Quand je dis, au Québec, on aime la bière, on inclut la personne qui parle.

Le bon usage du bon Maurice Grevisse, dans sa douzième édition refondue par son gendre André Goosse, précise à l’article 725e) que le pronom complément nous et que le possessif notre «s’imposent quand on = nous». Un exemple de cela serait : «On a distribué tous nos fruits, on n’a rien gardé pour nous.»

On est loin de nos moutons incroyants me direz-vous. Moi, qui suis plus athée qu’un iceberg, je fête Noël et j’en souhaite un joyeux aux alentours. C’est un prétexte pour fêter, après tout c’est le solstice. Mais je vous comprends de ne pas aimer l’orgie commerciale des cadeaux obligés, l’incitation à la surconsommation et les airs lourds de mélasse états-unienne mugis par des chanteurs et chanteuses qui rivalisent de vibratos agonisants. C’est profondément déprimant.

Cela me fait penser à cet étudiant qui s’obstinait à vouloir écrire noël avec une minuscule parce qu’il avait vu dans un dictionnaire l’exemple suivant : «un beau noël». Il a fallu que je lui explique la différence entre la fête de Noël et un cantique ou chant de Noël, qu’on appelle «un noël». Par exemple, aux époumoneries funestes dont je parlais plus haut, je préfère les noëls anciens, qui datent des XVe et XVIe siècles. On appelle aussi un noël ou un petit noël le cadeau qu’on fait à un enfant. Si vous en donnez trente-deux et qu’ils coûtent quatre-vingt-dix-huit dollars chacun, on pourra difficilement parler de «petits noëls».

Pour en revenir à nos boules de Noël, je fêterais tout aussi volontiers Vishnou, Zeus, Aphrodite, Thor, Gaïa et tutti quanti si on avait la sagesse de donner de ces nécessaires congés à l’occasion de leurs fêtes, ces congés que n’aimait pas voltaire parce que ça empêche les employés de travailler.

On comprendra que la période des Fêtes, qui s’appelle ainsi parce qu’il y a trois fêtes : Noël, le jour de l’An et les Rois, est un prétexte, commercial pour notre classe dominante, social pour les autres.

Mais, tout le monde n’a pas ni le cœur ni les moyens de fêter, et pour celleux-là je souhaite qu’on les respecte.

En finissant ce salmigondis, je vous avais prévenuEs, je nous souhaite pour 2015 de remettre la dignité au centre de nos préoccupations sociales, que le printemps ne se fasse pas trop attendre...




14 décembre 2014


La santé malade de sa gestion


J’emprunte le titre de mon billet à l’ouvrage de Vincent de Gaulejac : La société malade de la gestion paru une première fois en 2005 aux éditions du Seuil, puis réédité en 2009. Il y a donc assez longtemps que ce chercheur et penseur français nous met en garde contre les dérives déshumanisantes de la gestion qui privilégie les chiffres et range les humains parmi les ressources qu’on peut traiter de manière comptable.

Les nombreuses et récentes modifications au système de santé québécois en sont une illustration désolante. Prenons l’une des toutes dernières proposées par le Dr Barrette, ci-devant ministre de la Santé. Au lieu de faire comme en Suède, dont on prétend s’inspirer, et d’augmenter l’accès aux soins en favorisant un plus grand nombre de médecins (il y en a 50% plus en Suède qu’au Québec, toute proportion gardée), le ministre propose que les médecins de famille voient beaucoup plus de patients. Autrement dit, qu’ils fassent du chiffre.

Ce n’est pas vraiment une nouveauté que d’appliquer une technique exigeant qu’on fasse plus avec moins, qu’on ne perde pas une seconde, qu’on ne respire pas entre deux activités de travail, qu’on performe comme sur une chaîne de montage et qu’on traite les patients comme des unités de production qu’on peut multiplier. C’est l’application de la méthode Toyota, poétiquement appelée «optimisation» avec un joli nom, comme tout ce qui est dégueulasse dirait Foulquier avec les paroles de Le Prest.

Maintenant qu’on veut appliquer cette optimisation aux médecins généralistes et à leur pratique, ils se rebellent publiquement, ce qui est la moindre des choses, mais tout le système est déjà engagé dans cette voie qui «transforme les usagers en clients, les agents en représentants de commerce et les institutions en entreprises.» (de Gaulejac, édition 2009, p. 10)

Au final, notre système de santé au lieu de remettre les gens sur pied rendra tout le monde malade à commencer par ses fidèles employéEs qui n’auront plus aucun plaisir à rendre des soins selon des contraintes impossibles, qui feront des dépressions, auront des troubles de toutes sortes et ne seront plus capables d’entrer en relation avec des personnes humaines qui ont besoin d’attention et de temps de qualité, la chose la plus importante dans la guérison.




9 décembre 2014


Misogynie et féminisme


La misogynie, c’est la haine des femmes ou la crainte qu’elles inspirent, mais c’est aussi quelque chose de plus sournois, c’est-à-dire la malheureuse culture qui les relègue toujours au second plan, qui les oublie, qui les considère comme quantité négligeable, qui les déconsidère donc.

Même si c’est rationnellement indéfendable, il reste que la moitié de l’humanité (les hommes) a tendance à traiter l’autre moitié (les femmes) comme si elle n’était qu’accessoire alors que c’est elle qui détient la clé de l’avenir. Jean Rostand expliquait déjà cela dans son livre Les chromosomes au début du vingtième siècle : on peut théoriquement répliquer un œuf humain pour obtenir un nouvel humain, il faudrait d’ailleurs mettre ça au féminin, car ça donnerait une humaine, l’ovule étant nécessairement de chromosome X. On ne peut pas théoriquement faire un nouvel humain juste avec un spermatozoïde, ni même avec des millions.

Mais la culture dans laquelle nous vivons, si elle consent avec morgue à reconnaître un peu de ce qu’elle doit aux femmes, continue à leur imposer une vie faite de renoncement et d’autosurveillance. S’est-on demandé pourquoi la récente vague de «coming out» de femmes agressées qui n’avait jamais parlé paraît si importante alors qu’elle n’est en fait que l’écho lointain de la réalité ? Les hommes qui sont en position d’autorité se sont-ils mis à la place des femmes qui se demandent toujours ce qui peut leur arriver quand elles doivent sortir le soir, quand elles passent dans un lieu mal éclairé, quand elles sont aimables avec un étranger ? Pourquoi devraient-elles avoir à se surveiller ? Pourquoi serait-ce leur responsabilité de se surveiller et pas celle des hommes d’être respectueux ?

On se rappellera peut-être la chanson La rue, qu’interprétait Pauline Julien à la fin des années 70 : «Si tu sors dehors, toutt peut t’arriver, si tu sors dehors, t’es comme en danger, tu peux t’faire faire n’importe quoi, pi ça peut être n’importe qui» (paroles d’Odette et Madeleine Gagnon, musique de Jacques Marchand). Cette chanson exprime parfaitement l’injonction horrible faite aux femmes par la culture misogyne : «Tu es à la disposition des hommes, de tout homme.»

C’est pourquoi on ne peut se contenter de classer la série des tweets #agressionnondénoncée comme une mode de réseaux sociaux. Il faut l’intégrer dans un mouvement continu de prise de parole, de conscience et d’éveil, dont les femmes sont les phares.

Cela nous amène à la triste constatation faite par nombre de participantEs aux activités commémorant le vingt-cinquième anniversaire de la tuerie misogyne du 6 décembre 1989 : comment se fait-il que la plaque commémorative à Polytechnique soit si peu connue, ne fasse l’objet d’aucun fléchage signalétique, ne soit pas référée comme lieu de recueillement ? Est-ce par manque d’intérêt ? Est-ce par crainte du vandalisme misogyne ?

Qui osera prétendre après cela que le féminisme n’est plus nécessaire ?




24 novembre 2014


La grande manipulation


L’une des techniques de manipulation les plus efficaces et les mieux connues consiste à proposer quelque chose de très difficile à quelqu’un pour finir par obtenir quelque chose que cette personne n’aurait probablement pas voulu donner si on l’avait demandé directement. Par exemple, votre patron pourra vous proposer de rester au bureau tous les soirs de la semaine pour finir par accepter que vous ne le fassiez que deux fois. Vous avez l’impression d’avoir fait un gain, alors que lui a obtenu exactement ce qu’il souhaitait.

C’est la même chose qui se produit avec le fameux rapport Robillard sur les programmes gouvernementaux du Québec. La fidèle libérale a été commissionnée pour faire le sale boulot de proposer des mesures insupportables, ainsi le gouvernement pourra se donner des airs de «bon garçon» en se contentant des mesures qu’il avait soigneusement préparées.

Les membres de ce gouvernement ont pour mission d’aplatir l’État social pour faire la place au privé, et rien ne les fera dévier de leur objectif. Le ministre Bolduc en a donné une autre preuve lors de son allocution à la clôture du Forum sur les enseignantes et enseignants universitaires contractuels organisé par la Fédération nationale des enseignantes et enseignants du Québec (Fneeq-CSN) du 20 au 22 novembre dernier.

Voici en substance ce qu’il a dit :
«C’est beau votre lutte à l’austérité, vos manifestations pacifiques, vous faites bien de vous exprimer, mais nous allons continuer selon ce que nous avons prévu. L’Éducation va faire sa part et tous les ministères vont y passer, la santé aussi. Cette année et l’année prochaine seront difficiles, mais j’espère que nous pourrons bientôt réinvestir dans l’Éducation.»

En cela, il nous a servi une répétition à peine adaptée de la déclaration que l’ancienne ministre, Line Beauchamp, avait faite à la suite de la grande manifestation du 22 mars 2012. Selon elle, il fallait admirer le caractère pacifique de cette manifestation, grâce à quoi elle ne changerait tout simplement pas de cap. L’opinion et le bien-être des principaux intéressés ne sont pas des facteurs dignes de considération.

La dette, le déficit, l’équilibre budgétaire, tout cela n’est que prétexte. Le seul but : laminer l’État social et faire place nette pour que le privé se partage le butin.




27 octobre 2014


Les loups solitaires


À la suite de meurtres absurdes commis par des jeunes hommes sans doute aliénés, il a beaucoup été question dans le discours médiatique de «loups solitaires», qu’il faudrait dépister pour les neutraliser, peut-on supposer.

L’analogie a quelque chose d’intéressant, aussi convient-il d’en comprendre les implications logiques et descriptives.

Sans être spécialiste de l’éthologie des loups, on peut savoir qu’il existe deux sortes de loups solitaires :

1. Le loup oméga est au bas de l’échelle sociale de la meute; il est victime des sautes d’humeur des autres. C’est un vieux loup, qui quittera la meute par instinct de survie, finalement.

2. Le jeune loup qui cherche à s’accoupler doit quitter la meute pour ce faire puisque le loup alpha se réserve les femelles. Il pourra éventuellement créer sa propre meute à l’extérieur de celle d’où il provient.

Dans tous les cas, rappelons-nous que c’est le comportement de la meute qui est responsable de l’apparition du loup solitaire.




21 octobre 2014


Politique du désespoir


Des gouvernements serrent la vis aux travailleuses et travailleurs, laissent le moins de marge de manœuvre possible pour améliorer son sort, insistent sans cesse sur la sécurité, la surveillance, la répression, n’en ont que pour les entrepreneurs et leurs combines, favorisent la sous-traitance, l’exploitation, l’atomisation du travail, la compétition féroce entre les employéEs parce qu’elles et ils n’ont pas de répit, ne savent plus où se retourner...

En conséquence, des gens que le travail rend malades, fous de frustration se jettent dans les bras d’idéologies sectaires ou de droites dures, un jour pètent les plombs et commettent un geste insensé.

En conséquence, des gouvernements serrent la vis aux travailleuses et travailleurs, laissent le moins de marge de manœuvre possible pour améliorer son sort, insistent sans cesse sur la sécurité...




15 septembre 2014


Qui va payer ?


Un discours d’épouvante répandu dans la population consiste à se demander frénétiquement «Qui va payer?» «Qui va payer pour les services publics? Qui va payer pour la dette? Qui va payer pour les retraites?»

Dans la réalité, c’est une fausse question. Le paiement ne se fera pas dans le futur. Il se fait dès maintenant, il a même toujours été là. Quant à savoir qui, c’est très simple: C’est nous, nous tous. Nous payons depuis toujours, nous payons actuellement et nous continuerons à le faire.

Enfin, pas tous, parce qu’il y en a qui payent le moins possible et qui mettent leurs avoirs à l’abri. Ce sont les grandes entreprises et les très riches, qui ont des rémunérations en options d’achats, qui reçoivent des primes quand ça va bien dans leur banque, et qui reçoivent les mêmes primes quand ça va mal dans leur banque, qui placent des sommes faramineuses dans des paradis fiscaux, qui achètent toutes de sortes de produits dérivés sur lesquels il n’y a pas de taxation.

C’est drôle, mais personne ne nous demande qui paye pour ça. C’est pourtant nous qui payons les salaires et les primes de ces grosses légumes, comme nous payons aussi tous les salaires des grandes vedettes du hockey, car chaque fois que nous achetons notre boîte de céréales ou notre tube de dentifrice, nous payons dans le prix d’achat le coût de la publicité, le coût des droits de télévision, de même que nous payons aussi avec nos impôts les généreuses subventions et les nombreuses exemptions fiscales que reçoivent ces si gentils hommes d’affaires, ces si aimables grandes entreprises.

Nous payons toujours pour tout, et c’est très bien quand ça passe par la distribution progressive de la contribution fiscale parce que ça permet à tout le monde de contribuer aux services collectifs que nous nous offrons. C’est moins bien quand certains, sous prétexte qu’ils gagnent beaucoup plus que la moyenne, veulent soustraire ces surplus à la cotisation fiscale, ce que les salariéEs de la classe moyenne ne peuvent se permettre.

Prétendre que ce n’est pas juste que les contribuables paient pour le régime de retraite des employés municipaux, c’est assez bizarre, parce que le régime de retraite, il fait partie des conditions salariales. Alors pourquoi accepterions-nous de payer pour le régime de retraite des députés, des ministres, des médecins, des banquiers? Nous le faisons pourtant. En entendez-vous qui vous posent ces questions?

Chaque fois qu’on achète un produit, on paye le salaire et le régime de retraite des employéEs et des cadres de l’entreprise qui le fabrique. Bon, c’est sûr, si vous achetez chez Walmart, là vous payez surtout le salaire des proprios parce que, les «associés», ils paient pratiquement pour travailler.

Quand des gens qui veulent notre bien essaient de nous effrayer avec «qui va payer?», ils ne nous proposent pas que nous payions moins à l’avenir, ils nous proposent que nous payions plus dès maintenant et pour toujours, tout en nous offrant moins de services pour que les grands et les puissants de ce monde continuent à jouer à la roulette, pour qu’on oublie qu’on pourrait taxer les transactions financières, qu’on pourrait limiter les primes astronomiques, qu’on pourrait contrôler les mouvements de capitaux vers les paradis fiscaux, qu’on pourrait instituer de meilleures protections sociales, qu’on pourrait réglementer les loyers...




8 septembre 2014


Actuelle inactualité: Beau Dommage


L’actualité est une course folle qui peut nous faire négliger des faits plus importants que d’autres sous prétexte qu’ils sont plus anciens de deux minutes. L’inactualité peut parfois être présomptueuse si elle prétend sélectionner ce qui est digne d’intérêt sans tenir compte de l’ensemble des données.

De son côté, cette chronique de l’actuelle inactualité se contente de s’essayer sur des sujets qui du passé s’imposent au présent pour la raison que des faits récents y amènent, sans se soucier que récent puisse vouloir dire «il y a un jour, une semaine, un mois ou plus».

Le groupe Beau Dommage est présent dans l’actuelle inactualité parce que la télé de Radio-Canada y a consacré deux émissions récemment dans le cadre de Tout le monde en parlait, émission diffusée les mardis soirs 19 h 30 en été, et parce que le groupe était inévitable dans deux expositions présentées à Montréal, soient Musique, le Québec de Charlebois à Arcade Fire au musée McCord, puis Vies de Plateau au musée de Pointe-à-Callière.

Tout le monde s’accorde, les commentateurs culturels et les membres du groupe eux-mêmes, pour dire que l’immense succès de Beau Dommage dans tout le Québec est étonnant étant donné le caractère typiquement montréalais du groupe.

Pourtant, une brève analyse du premier album, celui qui a été cause de leur succès phénoménal et qu’aucun des trois autres des années 70 n’a pu égaler, permettra de montrer que le groupe a connu un tel succès justement parce qu’il correspondait parfaitement à l’état évolutif du Québécois francophone d’alors, majoritairement urbain dans sa résidence, mais encore majoritairement rural dans sa tête.

Il faut d’ailleurs distinguer le décor et les thèmes. Si les décors des chansons de Beau Dommage sont surtout urbains, les thématiques, elles, sont assez larges, une seule chanson (nous y reviendrons) ayant vraiment pour thème la ville de Montréal.

Un nom du terroir
Le nom du groupe Beau Dommage vient d’une vieille expression qui signifie: «Naturellement! Bien entendu! Ça va de soi!»

Où a-t-on surtout entendu cette expression à l’époque? Dans l’émission de télévision Les Belles Histoires des Pays d’En-Haut écrite par Claude-Henri Grignon et qui a rassemblé les téléspectateurs de plusieurs générations pendant des décennies. Avec Terre Humaine de Mia Riddez et Le Temps d’une paix de Pierre Gauvreau, nous avons là un trio des plus grands succès télévisuels dans lesquels l’auditoire se complaisait à se revoir comme s’il vivait encore en des temps héroïques. Malgré leur musique pop, Beau Dommage avait un nom bien du terroir.

Des chansons enracinées
Bien que cadrées en ville pour la plupart, les chansons du groupe sont enracinées dans l’imaginaire québécois traditionnel. Une analyse sommaire de chacune nous en convaincra.

Tous les palmiers
Le thème de cette chanson est le retour à la maison. Tout à fait universel. Que ça se passe à Montréal est simplement contingent à l’auteur qui habite au 6760, St-Vallier Montréal. Certes on y prend le métro à partir de Berri-De Montigny jusqu’à Beaubien, mais c’est en passant par chez Dupuis, le magasin à rayons phare de ceux qu’on appelait les Canadiens français et dont les catalogues étaient diffusés dans toute la province.

La scène où la mère crie: «Manon, viens souper!» a beau se passer dans les galeries de ruelles, tout le monde de tous les villages du Québec (et sans doute d’ailleurs) se rappelle ses jeux d’enfants interrompus par cette injonction maternelle.

«Sortir les bicycles du garage», «sortir les chaises sur la galerie», c’est typiquement québécois au printemps et ça n’a rien de spécialement montréalais.

À toute les fois
Cette histoire d’un garçon démoralisé par une peine d’amour doublée par la vision de son ex qui continue à collectionner les histoires pourrait se passer dans n’importe quel bar de n’importe quelle région et tout le monde a connu quelqu’un qui... Rien dans le décor n’est même typiquement montréalais.

Chinatown
C’est la seule chanson dont le thème est Montréal et qui en parle de façon positive. C’est le seul véritable appui à la thèse que Beau Dommage est montréaliste.

La complainte du phoque en Alaska
Décor pas du tout montréalais. Seule référence urbaine, le poil noir de l’animal qui «brille comme les rues de New-York après la pluie» dans un contexte triste. La thématique de cette chanson est très très québéco-québécoise. On y dit qu’il vaut mieux rester parmi les siens et ne pas s’épivarder ailleurs même au prix du succès. Thème on ne peut plus traditionnel, donc.

Le picbois
Décor campagnard, thématique de la beauté de la nature. Le narrateur de la chanson implore même le picbois: «Laisse-moé pas revenir en ville!»
Cette chanson plaît autant aux citadins qu’aux ruraux parce que les Québécois sont unanimes: «On est donc bien à la campagne!» Rappelons-nous que tout le monde rêve d’avoir un chalet. Et ça nous amène à l’autre chanson.

Harmonie du soir à Châteauguay
L’action a beau se passer dans la région montréalaise, se balancer les pieds sur le bord d’un quai en écoutant chanter les ouaouarons, c’est particulièrement bucolique, et c’est surtout quelque chose que tout le monde a fait au bord d’un lac près de chez soi.

Le géant Beaupré
Cet amusant dialogue entre le gardien de la dépouille empaillée et le héros canadien français n’a lieu encore une fois à Montréal que pour des raisons contingentes. Ledit géant faisait alors partie de la collection de l’Université de Montréal. Mais le héros est saskatchewanais et le thème de la discussion s’entend partout dans les magasins généraux de province: «Le monde est fou».

Ginette
Des collèges classiques, il y en avait dans toute la province, l’un des plus célèbres étant à Ste-Anne-de-la-Pocatière. La concurrence entre le cha-cha et les mathématiques a été vécue dans tous les collèges, tant ruraux qu’urbains. Quant à la déchéance finale («un motel dans le bout de Sorel»), elle est hors Montréal. À l’époque, les motels avec danseuses nues étaient déjà répandus dans toutes les régions, même à Saint-Marc-du-Lac-Long.

Un ange gardien
Deuxième chanson vraiment montréalaise. Mais encore, c’est surtout le décor puisque la thématique est un peu fantastique et parle d’une erreur coûteuse. Quant à la présence d’un ange gardien, si ce n’est pas de la tradition!

23 décembre
Difficile de faire plus traditionnel que cette chanson. Y compris avec le Montréalais Doug Harvey, hockeyeur connu dans tout le Québec, toutes les références sont typiquement québécoises et le M. Côté qu’on reverra le 7 janvier aurait pu tout aussi bien être le concierge de l’école de Saint-Émile d’Auclair.

On notera au passage que si on revenait en classe le 7 janvier, c’est que la veille, c’était les Rois, que cette fête était traditionnelement célébrée dans les familles où on servait un gâteau dans lequel était caché une fève.

Cette longue période allant du 23 décembre au 7 janvier était justement appelée la période des Fêtes, parce que s’y succédaient trois fêtes chrétiennes. Certains en profitaient pour fêter soir après soir, d’où l’expression désignant les ivrognes toujours chaudasses: «être entre Noël et le Jour de l’An».

On en profitera pour souligner que les grognons qui accusent l’expression «Les Fêtes» d’être politiquement correcte pour cacher la célébration de Noël, que ces grognons donc sont complètement dans le cirage.

Montréal
Cette chanson ne fait pas la part belle à Montréal. Ce n’est pas facile d’y être amoureux et tout y est sale. C’est exactement la vision de la ville qu’ont tous les campagnards. En guise de conclusion à un album qu’on dit montréaliste, on constate (et c’était assez vrai à l’époque) que les Montréalais ont souvent la même opinion de la ville que les ruraux.

Et tout ça se passe au Bois-de-Boulogne, un havre de verdure où l’on s’isole de la ville environnante.

On constate donc que sur onze pièces, seules deux sont positivement montréalaise (et ce n’est pas celle qui s’appelle Montréal) et que toutes les thématiques sont assez universelles, leur décor étant plutôt contingent à leur auteur.

Beau Dommage a été par ses rythmes extrêmement fédérateur: cha-cha, rock, pop, folk, country et même ce qu’on appelait à l’époque «rock progressif». Il y avait donc de quoi attirer un public large et nombreux.

Quant aux thématiques, on constate que ces urbains plongeaient encore leurs racines dans une tradition qui goûtait bon le terroir.




1er septembre 2014


La concurrence du bien


Cette expression servait de titre à une conférence que donnaient la très regrettée Carol Gélinas, du Regroupement des organismes communautaires familles de Montréal (ROCFM), et le professeur Michel Parazelli, de l’École de travail social de l’UQAM, sur les PPP sociaux, ces ententes avec des fondations, dont la très célèbre Fondation Chagnon.

L’enfer est pavé de bonnes intentions comme le dit la sagesse des nations. En voulant faire le bien, parfois même en voulant l’imposer, on conduit souvent à une espèce de compétition absurde qui donne l’impression de bien faire, mais ne change pas grand-chose à la réalité profonde. Cela se voit par exemple quand on prétend s’attaquer à l’épidémie de dépressions dans le monde du travail en fournissant des approches de réadaptation pour le patient alors que c’est le milieu du travail qui est malade.

On pourrait discourir pendant des jours; je me contenterai ici de citer deux exemples contemporains de la concurrence du bien, qui ne s’attaque pas à la racine du mal.

1. Les saines habitudes de vie
Tout cela part d’un excellent principe. Pour vivre en santé, il est tout à fait approprié de se nourrir sainement, de pratiquer une activité physique régulière et d’éviter les substances toxiques. Personne ne peut être contre la promotion de bonnes habitudes.

L’effet pervers de la réduction à cet excellent principe, c’est qu’on rend les individus, et uniquement les individus, responsables de leur état de santé sans tenir compte des causes externes ni des causes systémiques. Ainsi, l’individu malade sera coupable de ne pas avoir pratiqué les saines habitudes de vie.

Pourtant, même sans pratiquer de saines habitudes de vie, on a de meilleures chances d’être en santé longtemps si on vit à Westmount que si on vit à Hochelaga-Maisonneuve.

Rendre les individus seuls responsables de leur santé, c’est dédouaner les causes environnementales, les causes socio-économiques, les causes inhérentes au milieu du travail, c’est faire comme si la pauvreté n’avait pas d’autres effets et pouvait être contrecarrée par un bon régime (qu’on paye comment, s’il vous plaît?).

Les causes systémiques nécessitent des solutions systémiques, des décisions collectives et des moyens collectifs (notamment les impôts bien employés).

2. Les défis de contribution pour une bonne cause
En réponse à la folie des vedettes qui ajoutent à leur gloire celle de se verser un seau d’eau glacée sur la tête, une journaliste indienne a eu l’idée de proposer un défi, qui consiste à donner un bol de riz à une personne nécessiteuse.

Encore un excellent principe. Mais, vous aurez beau donner une assiette pleine à une personne pauvre, il faudra recommencer tous les jours. Ne serait-il pas mieux qu’on lui trouve du travail approprié si elle en est capable et sinon qu’on se cotise collectivement pour assurer sa survie? Ne serait-il pas mieux qu’on ait un régime d’assistance sociale permettant de se loger, se nourrir décemment?

Et cela ne passe-t-il pas par la justice sociale, la répartition collective des richesses et, notamment, par des impôts bien employés?

On n’en sort pas: il y a les solutions à la pièce, qui donnent bonne conscience et qui font de si belles photos, et il y a les solutions collectives, qui ne sont ni glamour ni pipole.




25 août 2014


Miscellanées


Entrée

Le 23 mai 2012, j’écrivais ceci sur mon statut Facebook :

Le gouvernement du parti libéral est composé d’incultes et d’ignares,
incapables de faire deux phrases sans faire trois fautes,
incapables de faire la différence entre boycott et grève,
incapables de savoir ce qu’est la démocratie,
incapables de comprendre ce qu’est la légitimité.

Et j’ajoutais en privé, pour les gens que je fréquente, que le cabinet libéral se comportait comme une bande de marguilliers, préoccupés par une gestion à la va comme je te pousse.

Ai-je besoin de faire la démonstration, au vu des déclarations récentes d’un certain Bolduc, que rien n’a changé, que ce qui justifie la promotion au rang de ministre ne relève en aucune façon des capacités intellectuelles ou morales? Mais de quoi d’autre, on se le demande.

Plat principal

J’arrive du Forum social des peuples, tenu à Ottawa du 21 août au 24 août. La tenue d’un tel événement nous ramène à la question importante de l’hégémonie culturelle, c’est-à-dire comment changer la pensée dominante. Et cela se manifeste dans des questions concrètes. Par exemple, comment rappeler de façon claire et limpide que c’est l’impôt sur le revenu qui est la façon la plus équitable d’assurer que chacun paie sa juste part.

En effet, la tarification modulée des services selon le niveau de revenu nous conduirait à la situation absurde où chaque citoyen devrait traîner avec lui sa plus récente fiche de paye pour calculer justement le taux approprié chaque fois qu’il demande une prestation de service. Ça aurait aussi pour conséquence, et donc c’est une conséquence que l’on vit, de considérer les services comme un bien de consommation et de transformer les citoyens en clients.

J’ai eu l’occasion de discuter avec une jeune personne qui se posait sincèrement des questions sur le rôle des gouvernements et qui me demandait pourquoi le socialisme serait mieux que le capitalisme alors qu’il suffirait peut-être de convaincre n’importe quel gouvernement de faire des modifications à la pièce.

Très difficile de répondre à cela en une phrase bien structurée, facile à comprendre, mais il convient de rappeler qu’un ensemble est plus qu’une somme de petites parties, et qu’une politique cohérente fait appel à une façon de pensée, à une préoccupation pour le bien commun incarnée dans des programmes et des systèmes, pas seulement dans des mesures ponctuelles, qui corrigent le symptôme, pas la maladie.

En termes concrets, c’est vrai qu’il faut construire des logements sociaux, je peux et dois convaincre les gouvernements conservateurs et libéraux de le faire, mais cela ne permettra pas de faire en sorte qu’il y ait moins de pauvreté. Il y a des mesures sytémiques à prendre. C’est une différence importante entre un gouvernement néolibéral et un gouvernement vraiment socialiste.

N’est-ce pas avec les jeunes que nous devons discuter de ces questions? N’est-ce pas elles et eux qui formeront la pensée dominante de la société à venir?

Dessert

J’ai entendu quelque part, une personne fort savante, qui fait des recherches anthropologiques sur la prévalence des droitiers, affirmer qu’on estime qu’il y a plus de risques pour la santé chez les gauchers que chez les droitiers, et que c’est sans doute pour cela que les droitiers ont toujours été plus nombreux.

Je m’étonne toujours que des scientifiques soit si peu prudents. Mais, je ne m’étonne jamais que des personnes estiment que ce qu’ils connaissent ne soit pas appelé à changer. On croit toujours qu’on baigne dans le permanent alors que le changement est la règle de l’univers.

Je rappellerai à ces scientifiques qu’une corrélation n’est pas une explication. Que les gauchers retracés dans l’histoire et la préhistoire aient été plus malades ou plus faibles ou moins en santé, cela s’appelle une corrélation. Ce n’est absolument pas une relation de causalité.

On pourrait aussi se demander s’il est très sérieux de croire que le taux de gauchers ne varie pas, alors que la domination des droitiers a été très rarement remise en question.

Une donnée intéressante : puisque je suis gaucher, chaque fois que j’étais dans une classe, j’ai compté systématiquement la proportion de gauchers. Quand j’étais jeune, ça ne dépassait jamais 5 %. La gaucherie était alors encore assez mal vue.

Dans les dix dernières années où j’ai enseigné, le compte dans mes classes n’était jamais inférieur à 15 %. Il faudrait des enquêtes systémiques, mais de grâce ne tombons pas dans le panneau des compagnies d’assurance qui trouvent les gauchers plus sujets aux accidents sans se demander pourquoi, quand on sait bien la réponse, c’est parce que les droitiers ont fait le monde à leur façon et nous obligent à nous débrouiller avec. Faites le monde pour les gauchers et vous allez voir que les droitiers en auront des accidents.





19 août 2014


La peste anti-syndicale



Mon récent séjour parisien fut l’occasion d’éprouver à quel point la réception que l’on fait aux grèves ouvrières est semblable de part et d’autre de l’Atlantique. Les employéEs de la SNCF (chemins de fer français) ont fait grève légitimement, légalement, en respectant toutes les règles et toutes les exigences légales. Plus encore, elles et ils l’ont fait pour le bien général puisqu’il s’agissait de s’opposer à la privatisation en douce de la société d’État. La création d’une filiale de la même société susceptible d’entrer en concurrence avec la maison mère n’étant rien d’autre qu’une privatisation.

Bien sûr, la grève cause des désagréments de toutes sortes. Elle permet aussi des démonstrations de solidarité fort réconfortantes. Mais, jamais je n’avais vu dans tout l’univers politique et médiatique une telle unanimité contre un droit légitime des travailleuses et des travailleurs. C’était, même à la télé d’État, un véritable déferlement anti-syndical et anti-grève. «Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés.» (Les animaux malades de la peste, La Fontaine)

La SNCF s’est même autorisée à publier de grandes annonces dans les journaux et à la télé avec le titre «Y en a marre», prétendant parler au nom de la population. Et de se vanter ensuite d’avoir établi tout plein de mesures pour aider les voyageuses et voyageurs.

Oui, dans les gares, il y a eu quantité de personnes embauchées à la va vite et portant veste rouge pour rassurer les clients. Ces malheureux intérimaires sans aucune formation spécifique, on ne peut leur en vouloir, mais ils ne faisaient que lire les horaires et n’en savaient pas davantage que le premier venu. Il suffisait de lire les feuilles de route distribuées consciencieusement tous les matins, grâce à la prévention des syndicats, pour savoir quels étaient les trains qui roulaient et s’ajuster en conséquence. Vous me direz, c’est plus facile à faire pour un vacancier que pour une travailleuse, et je serai bien d’accord. Mais si une grève ne dérange personne, on se demande bien à quoi elle sert.

J’ai même entendu à la radio le premier ministre socialiste déclarer que les grévistes étaient des irresponsables. Alors, pouvez-vous m’expliquer pourquoi le droit de grève existe s’il n’est pas acceptable de l’utiliser? En tout cas, il est bien loin le temps où le parti socialiste était la Section française de l’Internationale ouvrière.

«Demandez-vous belle jeunesse
Le temps de l’ombre d’un souvenir
Le temps du souffle d’un soupir
Pourquoi ont-ils tué Jaurès?» (Brel)




11 août 2014


Bonté humaine


Tous les jours, les êtres humains font preuve de bonté les uns envers les autres. Ils ne le font pas au hasard pour s’en vanter dans leur club ou sur leur page Facebook. Ils le font au moment où ça convient parce que c’est la chose à faire à ce moment-là. Ils n’en tirent aucune gloire ni aucun avantage autre que celui d’exprimer leur humanité.

Voici une anecdote pour illustrer ce fait. Je venais de monter dans le RER B (le train régional) en direction de Paris à l’aéroport Charles de Gaulle. C’était jour de grève et il ne circulait qu’un train sur trois. Nous étions déjà fort entassés dès la première station.

Je me suis trouvé, dans l’espace entre les rangées de sièges, adossé à l’un de ces sièges, tenant ma valise placée à la verticale sur mon côté gauche et mon sac à main sur ladite valise que je tenais près de moi pour éviter qu’il ne se balade. De l’autre côté de la valise, un jeune homme, grand, mince, peut-être d’origine africaine. Je dis ça parce qu’à la station suivante, un de ses potes a réussi à se faufiler près de lui et ils se sont parlé dans une langue qui, à mon oreille, me semble africaine.

À la troisième station, moment d’arrêt. Tellement de monde qu’il fallait se retenir de respirer pour se faire plus petit. À la station suivante, il y avait même des gens qui ne portaient pas à terre, collés contre les parois de la voiture.

Voyant une sorte de panique se former dans mes yeux de Nord-Américain, le jeune homme a posé sa main sur la mienne. Ce n’était pas un toucher de séduction. La main était ferme et amicale, pas caressante. Ce n’était pas non plus la main furtive du voleur, qui glisse et disparaît aussitôt, non, elle était posée et immobile.

Je l’ai regardé, il m’a fait un sourire d’une franchise et d’une bonté rassurantes. Ce n’était pas un sourire moqueur, ni un sourire de séduction, non un sourire amical. L’effet recherché s’est réalisé : je me suis apaisé et j’ai pu supporter le voyage.

Arrivés en Gare du Nord, nous nous sommes déversés sur les quais comme des milliers de poissons recrachés par un chalut sur le pont d’un navire de pêche. La cohue nous a séparés, je me suis mis à l’écart et ai attendu mon compagnon de trajet. Il est arrivé, m’a souri et m’a demandé si j’allais bien. J’ai répondu que je m’en tirais fort décemment. Je l’ai remercié en lui donnant la main et en lui touchant l’épaule, comme font de vieux amis, et nous sommes repartis chacun de notre côté en nous souhaitant bonne journée.

N’est-il pas approprié de se rappeler que la plupart des gens sont bons la plupart du temps?




4 août 2014


Bêtise humaine contre bonté humaine


Il a été porté à mon attention qu’il existait de ces riches fortunes aux États-Unis (et sans doute ailleurs dans le monde) qui se piquaient de générosité en offrant des sommes de quelques milliers de dollars, ou même plus, à quiconque arriverait à justifier son mérite auprès du détenteur de ladite fortune.

Autrement dit, je suis un Crésus et je propose de donner 10 000 $ à la personne qui fera pour moi la singerie la plus amusante. Oh, ce n’est pas dit comme ça. Le mécène parle plutôt d’originalité, de sensibilité, de créativité. On habille avec de beaux mots ces choses-là.

Il semblerait que les généreux donateurs aient trouvé là une façon, selon leurs propres dires, de rendre à la société une part de leur fortune si considérable.

Non, mais faut-il être à ce point démuni intellectuellement et spirituellement (j’entends ici par «esprit», cette part de la conscience humaine qui n’est pas uniquement rationnelle, mais qui tient compte de sa présence au monde et à son environnement, ce qui est de l’intelligence sensible, pas seulement de l’intellect), donc faut-il être en peine, comme disaient les vieux, pour se livrer à de pareilles sottises.

Ce genre de petits concours, tout à la gloire de celui qui l’organise, ressemble fort à cette coutume qu’avaient les nobles et parfois les bourgeois d’aller sur les places dans les quartiers pauvres pour y lancer des pains et des gâteaux et se délecter du spectacle des miséreux s’étripant entre eux pour les ramasser. Cruelle, prétentieuse, méprisante et narcissique, cette pratique n’a absolument rien de généreux ni de propre à redonner quoi que ce soit à la société.

Si vous voulez faire votre part pour la société, payez vos impôts, payez donc vos salariés, militez dans un groupe de gauche, faites pression pour bannir l’évasion fiscale, contribuer à la richesse collective en favorisant l’amélioration des régimes sociaux. C’est pourtant simple, et il n’est nul besoin d’avoir un doctorat en sociologie ou en économie pour comprendre ce que Benjamin Franklin disait déjà : «Tout le bien qu’un particulier peut accomplir ne vaudra jamais celui que peut réaliser une collectivité qui s’en donne la peine.» Participez à l’effort collectif à la même mesure, selon vos moyens, que les autres, vous verrez que vous n’aurez plus besoin de flatter votre narcissisme et de poser en héros qui donne aux autres pour se faire élever une statue.

À la même occasion, j’ai aussi appris qu’il existait un mouvement dit de Random acts of Kindness, c’est-à-dire des gens qui décident de faire une bonne action comme ça au hasard et choisissent tout à coup, au pif, une personne avec qui elles seront particulièrement gentilles à ce moment-là, en lui faisant un cadeau, une faveur, une aide particulière.

Vous êtes si peu aimable et généreux que vous sentez le besoin de faire une loterie pour choisir les moments auxquels vous serez gentils, et les personnes avec qui vous le serez? En tant qu’êtres humains, ce n’est pas tout le temps que la sollicitude envers nos congénères est de mise? Moi, c’est drôle, j’essaie d’être aimable en tout temps et, quand je ne le suis pas, ce n’est pas random du tout, c’est parce que je fais face à quelqu’un qui s’obstine à susciter ma colère.

Des milliards d’individus se comportent humainement tous les jours, et il faudrait construire des monuments à la gloire de ceux qui ne le sont que de temps en temps?

Dire que j’ai appris tout ça à la radio d’État. Les commentateurs de ces «modes», si je puis dire, s’extasiaient devaient ces hauts faits d’armes, ce qui me jette dans une stupéfaction au-delà de tout ce que je saurais décrire.

La bonté humaine est générale, anonyme et non capitaliste. Gardez pour vous votre charité ostentatoire, payez vos impôts, traitez vos employés avec équité et justice.

La semaine prochaine, je donnerai un exemple de ce qu’est la vraie bonté anonyme.




13 juillet 2014


Vieillir (3e partie)


Je croyais bien avoir dit mon dernier mot sur le sujet en écrivant mon billet du 25 mai 2014 sur le très beau film Anatomie.

Or, il y a un mois tout juste, je venais d’arriver à Paris pour mes vacances et je tombe sur cette affiche montrant un beau jeune homme (il s’agit de Pier-Gabriel Lajoie) pour annoncer un film intitulé Gerontophilia. Je me précipite dans la salle sans rien savoir de l’œuvre en question, croyant me trouver devant une production anglaise ou états-unienne.

Je découvre avec étonnement que l’action principale du film se déroule à Montréal, ce qui se voit dès le début avec la signalisation «Arrêt» sur un octogone rouge, et je reconnais nos maisons typiques ainsi que notre hiver.

J’avais complètement raté toute info à propos de ce long métrage qui avait été présenté au Festival du film de Toronto, au Festival du nouveau cinéma à Montréal et dont le réalisateur, Bruce LaBruce, avait été interviewé en janvier dernier par Fugues. Le film est sorti à Paris en mars.

Partie en anglais, partie en québécois, le récit nous embarque dans cette histoire rocambolesque d’un post ado de 18 ans, à priori hétéro, qui tombe amoureux d’un vieux de 81 ans, hébergé dans la maison de retraite où il travaille. Les images sont belles, la bande son est magnifique, les personnages sont savoureux et attachants, peu importe leur rôle dans cette tragi-comédie.

Le jeune acteur est une découverte et le vieil acteur est tout à fait charmant. Je me suis juré d’en parler à mon retour en me demandant si le film serait présenté en salle commerciale au Québec. Et voilà, j’apprends qu’on le joue à l’Excentris, rue Saint-Laurent. L’affiche québécoise me paraît moins séduisante que l’affiche française, mais ici le titre est Gérontophilie, et quoi que le film soit toujours en version originale sous-titrée (ce qui est un excellent choix), les génériques de début et de fin sont présentés en français.

Vous comprendrez que j’y suis retourné avec mon conjoint. Vous comprendrez que je vous recommande fortement d’aller voir un film qui fait du bien non seulement parce qu’il aborde de manière aimable un sujet tabou, mais aussi pour son traitement plein de tendresse et pour son côté véritablement esthétique.




2 juin 2014


Suivez les pointillés


Je m’apprête à prendre des vacances, le beau temps aidant, et plutôt que de vous laisser sur un coup de gueule contre la petitesse qui accable souvent nos sociétés pourtant capables de tant d’humaine humanité, j’ai voulu suggérer une série de questions que l’on pourrait bien se poser ensemble.

Par exemple, demandons-nous si l’économie existe en dehors de nous. L’économie dirigée a donné certaines catastrophes environnmentales; l’économie non dirigée a donné certaines catastrophes environnementales. Alors pourquoi laisserions-nous tomber l’économie régulée ?

Passons tout de suite à une autre question. Avons-nous besoin de héros ? Du chevalier blanc, nous sommes passés aux chevaliers de l’industrie. Quand j’étais petit, je me cherchais des idoles. On a tendance aussi à avoir des figures tutélaires quand on est adolescent. Mais une société mature pourrait-elle se passer de statues emblématiques ? Le « Ni Dieu ni maître » des anarchistes est bien sympathique. À tout le moins, on pourrait avoir la chance de consentir au pouvoir qu’on accorde et être capable de le retirer quand on estime qu’il n’est plus légitime. N’était-ce pas là la question fondamentale que posait La Boétie dans Le discours de la servitude volontaire ?

De grandes questions qu’on se pose tout le temps depuis toujours. Bon, allons-y donc avec des questions plus spécifiques.

Depuis quelque temps, je me demande, en voyant évoluer les ondes publiques, s’il suffit que la télé et la radio d’État se proclament d’ici pour se dédouaner de leur soumission à l’empire marchand. Un capitaliste d’ici est-il moins exploiteur qu’un capitaliste d’ailleurs ?

Bon, c’est encore une trop grosse question peut-être. J’entendais récemment un spécialiste patenté du journalisme affirmer péremptoirement qu’il y avait déjà trop d’opinions dans les médias. Trop d’opinions ? Quand on est spécialiste du discours public, il me semble qu’il ne suffit pas d’écrire il me semble pour avoir une opinion.

Des sentiments, des commentaires, des impressions, des goûts, des avis, oui il y en a pléthore. Ça ce sont des opinions au sens commun du gros bon sens grâce auquel on pourrait toujours croire que la terre est plate, mais est-ce qu’on pourrait, quand vient le temps d’analyser de manière sérieuse le rôle politique du monde médiatique, car oui le monde médiatique est par définition politique puisqu’il rapporte les affaires de la cité, et s’il ne les rapporte pas, c’est justement un choix délibéré, donc ne pourrait-on pas faire les distinctions qui s’imposent et rappeler que l’opinion au sens spécifique de l’étude des discours est une prise de position basée sur des arguments, lesquels sont des faits soumis à ce qu’on appelle en logique « les tables de la vérité », c’est-à-dire susceptibles d’être qualifiés de vrai ou de faux. Donc, l’opinion journalistique, pas le sentiment au sens commun, c’est quelque chose de rare. Et par ricochet, donc, vous m’entendez venir, que peut-on espérer d’un nouveau média ?

En mettant ces ingrédients dans la mijoteuse, qui sait si la potée sera plus digeste.

De retour pour un nouveau billet quelque part en juillet.




25 mai 2014


Vieillir (suite)


J’allais voir le film Le règne de la beauté de Denys Arcand, qui n’est pas le film raté que certains ont dit ou écrit. C’est un beau film, pas un grand film, mais un beau film.

Toutefois, je ne m’attendais pas du tout au court métrage qui le précédait. Du silence, quelques chuchotements à peine, une musique discrète, le son d’un cœur qui bat, des gros plans s’attardant longuement sur la peau vieillie de deux acteurs québécois bien connus, par ma génération en tout cas.

On reste interdit devant ces images auxquelles notre univers photoshopé ne nous a jamais préparé. Le silence des salles de cinéma est habituellement plein et habité. On le sent. Ici, c’est un silence déserté qui se fait parmi les spectatrices et spectateurs muets, renvoyés à leur propre finitude, comme se découvrant brusquement dans le miroir parce que 20 ans se sont écoulés depuis la dernière fois qu’on s’est regardé vraiment.

Je l’avoue, j’ai eu un malaise en voyant des plans rapprochés d’une gorge avec sa peau molle, ses sommets et ses fosses, plans insistants, plans lents. Ce film de quelques minutes (8,39 pour être précis) peut nous paraître long, mais quel cadeau magnifique nous font Gilles Pelletier et Françoise Graton, car c’est de ce couple qu’il s’agit, en se prêtant ainsi au scénario de Patrick Bossé le réalisateur du film Anatomie.

Un baiser sur le front, quelques pas de danse, une main qui caresse la peau plissante d’un bras, les veines bleues qui percent la peau devenue transparente, les taches et les boutons qui parsèment le corps vieillissant, une tête posée sur un torse dans le bruit amoureux d’un cœur toujours vivant. Ce film, qui m’a surpris dans mes propres frayeurs, m’a séduit, m’a comblé d’une richesse et d’une chaleur, a suscité l’envie irrépressible de partager.

L’amour des corps vieillissants, entre les corps vieillissants est un tabou ultime dans notre société de la perfection éphémère. Et je ne peux que penser au poème Les petites vieilles, œuvre qui m’avait tant impressionné, adolescent : «Je guette, obéissant à mes humeurs fatales/ Des êtres singuliers, décrépits et charmants». L’audacieux Baudelaire n’aurait pas ici boudé son plaisir même si la description cinématographique évite soigneusement le scabreux que notre poète maudit affectionnait.

Puis me revient la belle chanson de Moustaki sous la voix de Reggiani : «La femme qui est dans mon lit/ N’a plus 20 ans depuis longtemps/ Ne riez pas/ N’y touchez pas/ Gardez vos larmes/ Et vos sarcasmes/ Lorsque la nuit /Nous réunit /Son corps, ses mains/ S’offrent aux miens/ Et c’est son cœur/ Couvert de pleurs/ Et de blessures/ Qui me rassure».

Pour toutes ces belles évocations, pour la simplicité de cet hymne généreux à l’amour qui n’a pas d’âge, aux corps qui ont su durer, un grand merci à Patrick Bossé, Gilles Pelletier et Françoise Graton. J’inscris ici le lien vers le site du film Anatomie.

Je vous souhaite la grâce de voir ce court métrage d’une sereine humanité, d’accepter d’être dérangé le cas échéant, puis de vous laisser gagner par cette tendresse si rassurante.




18 mai 2014


Autocensure


Mercredi soir dernier, 14 mai 2014, en regardant les nouvelles à TVA, nous avons eu une très belle illustration concrète de ce que signifie l’hégémonie culturelle. Les Canadiens de Montréal venaient de gagner la septième partie de hockey qui les opposait aux Bruins de Boston faisant d’eux l’équipe gagnante de la série demi-finale de leur division. Du Centre Bell, où avait eu lieu la diffusion du match, la foule se déversait dans la ville et laissait éclater sa joie.

Une journaliste décrivait en direct la situation et parlait de la police qui ne réprimait pas la foule dans sa «man... présence dans la rue». La journaliste s’est reprise à temps pour ne pas employer le mot «manifestation» parce que depuis 2012, l’État policier nous a appris que «manifester, c’est violent et ce n’est pas bien».

Comprenons-nous bien. Je ne dis pas que la journaliste pense ça. Je ne dis pas que la journaliste en question croit ça fondamentalement. Que ce soit cette journaliste-là ou n’importe quelle autre personne n’a absolument aucune importance. Car l’idéologie n’est pas ce que l’on pense, mais bien ce qui nous pense.

Ainsi, la connotation sociale dominante des mots manifester et manifestation est devenue telle qu’une personne qui tient des propos publics s’autocensure pour ne pas employer le terme si elle ne veut pas donner une image négative d’un événement.

Si on est attentif, on notera que tout le discours public est coloré par de pareilles réticences, présuppositions, préconceptions et autres interprétations, qui ne relèvent absolument pas de la mauvaise volonté, ni de la méchanceté ni de la mauvaise disposition de qui que ce soit. Et il en est de même du discours privé de la plupart des citoyenNEs, qui baignent dans un contexte où la pensée austéritaire va de soi, comme la bonté des saints allait de soi dans le Québec rural des années 30.

L’hégémonie culturelle est un phénomène qui transcende les décisions conscientes; elle est la superstructure idéologique qui oriente une conception de la réalité. Ce genre de phénomène ne se corrige pas en deux coups de cuiller à pot.

Nous avons devant nous un très long travail de réappropriation des concepts, du discours, mais aussi de la pratique même du politique dans nos relations quotidiennes, que ce soit au travail, avec nos voisins, dans nos échanges économiques, dans toutes les organisations auxquelles nous participons aux niveaux local, municipal, régional, national, international.




12 mai 2014


Comment les Québécois votent-ils ?


À cette question assez simple, on pourrait répondre assez simplement : comme tout le monde. C’est bien possible, mais cela n’explique pas davantage ce qui s’est passé le 7 avril dernier.

À mesure que les eaux se décantent, ce qui était brouillé pour plusieurs apparaît plus clair. Il serait très présomptueux de sous-estimer l’intelligence collective des électeurs. Aussi est-il intéressant de décortiquer l’ensemble des facteurs qui jouent dans les choix électoraux d’une société.

On doit d’abord se rappeler que les gens décident à partir des données dont ils disposent. Or, à moins d’être féru de politique comme le sont quelques spécialistes, la moyenne des ours n’a pas connaissance de tous les programmes, de tous les faits et gestes des candidatEs ni de tous les liens qu’elles et ils entretiennent avec tel groupe idéologique ou avec telle entreprise.

Savoir tout cela exige une recherche à temps plein. Entre les activités quotidiennes, les exigences domestiques, le travail et ses loisirs préférés, la connaissance politique obtient la portion congrue et on serait bien prétentieux d’en exiger davantage. C’est l’éducation citoyenne, dès la formation scolaire, qui peut intégrer la préoccupation pour les affaires de la cité, mais cette part de la vie active est nécessairement limitée.

L’orientation idéologique des choix est aussi déterminée par l’hégémonie culturelle. Or, le caractère hégémonique de la pensée néolibérale est un fait patent. Un changement à cet égard ne s’opère pas seulement par une prise de conscience, c’est tout un environnement ainsi que de nombreux réflexes acquis qui doivent être modifiés. Quand, par exemple, des enseignantEs parlent de leur «clientèle», l’impact idéologique de cette référence peut leur échapper, mais la relation réelle qui se crée est déjà modifiée.

Quand on invite des politiques à débattre la question : Qui va payer la dette ? Il y est impossible de penser hors du cadre idéologique selon lequel une série d’énoncés implicites ne sont jamais remis en question : il y a une dette à payer, la dette d’un État peut être divisée par le nombre de ses citoyens, cette dette est une mauvaise chose, ceux qui doivent payer la dette sont les citoyens ordinaires, etc.

C’est l’hégémonie culturelle qui fait en sorte qu’on puisse voter contre ses propres intérêts, ce que Thomas Frank décrit dans son livre What’s the matter with Kansas ? (2004), traduit en français sous le titre Pourquoi les pauvres votent à droite.

À cela s’ajoute, une part de ce que j’ai appelé dans mon billet du 4 avril 2011 le vote libidinal.

Puis au Québec, le scrutin majoritaire uninominal à un tour fait en sorte que la fonction de Premier ministre est accordée au chef du parti qui obtient le plus de députés. On ne peut donc faire un choix local différent si on veut un choix national donné. Si je préfère donner le pouvoir au parti X, je voterai parti X dans ma circonscription sans égard à la qualité des candidats locaux.

Finalement, et ce n’est pas le moindre des facteurs, le discours public en est rendu au point où, en fait, ce ne sont pas les partis mais plutôt les personnalités des chefs qui sont considérées. Nous avons été nombreux à nous étonner que les électrices et électeurs votent pour le Parti libéral 18 mois à peine après l’avoir chassé du pouvoir. Mais, il suffit de constater que ce n’était pas le même chef, donc c’est comme si c’était un tout nouveau parti, même si son équipe n’était pas si différente, même si ce nouveau chef a lui-même fait partie de cette équipe auparavant.

En effet, le discours public efface toute autre chose que la personnalité du chef. Vous remarquerez, si vous sortez des cercles particulièrement intéressés par la politique, en discutant avec n’importe qui, y compris des détentrices et détenteurs de doctorat, que lorsqu’on parle choix électoral, on nomme les chefs, pas les partis, pas les candidats locaux, même pas les plateformes électorales, encore moins les programmes.

Les électrices et électeurs votent nationalement, et votent pour une personne. C’est une sorte de présidentielle dans un régime qui n’a rien de présidentiel ni de proportionnel.

Comment changer tout cela ? Changer le mode de scrutin n’est qu’une partie. Ce sera loin de tout régler, mais c’est un minimum.

La tâche la plus ardue et la plus longue, c’est de modifier l’hégémonie culturelle. À cet égard, on trouve des pistes fort intéressantes dans un article de Pierre Mouterde : Quel avenir pour Québec solidaire ?

Sans s’interdire de prendre une petite pause au besoin, je conclurai comme mon camarade Mouterde : «Il ne reste qu’à se retrousser les manches.»





4 mai 2014


Nous sommes fiers de nos sévices


Certains commerçants tiennent à vous d’une drôle de façon. Ils insistent pour vous offrir une nouvelle option dont vous ne voulez absolument pas ou s’acharnent à vous garder dans leur liste de clients même si vous leur signifiez de façon claire et formelle que vous les quittez définitivement.

Vous trouverez peut-être amusante l’histoire de ma relation avec BNP-Paribas, dans laquelle ladite banque joue le rôle de l’amant éconduit qui refuse de lâcher prise.

Tout a commencé un beau jour de juillet 2007, où je décide de m’ouvrir un compte bancaire personnel à Paris pour faciliter les retraits d’espèces quand nous y venons en vacances et pour pouvoir faire des paiements dans toutes les machines qui acceptent les cartes bancaires. À l’époque, il n’y avait pas encore de puces sur les cartes québécoises alors qu’en France on le faisait depuis déjà plus de 20 ans.

Comme j’avais eu un bon service à la BNP 20 ans plus tôt, lorsque je travaillais à Villefranche-sur-mer, je me dirige à l’agence BNP-Paribas du Square du Temple, tout près de l’hôtel où nous logions et dans un arrondissement qui nous plaît beaucoup.

Ce fut un charme et une facilité pour nos dépenses lors de nos voyages en Europe pendant presque cinq ans.

Mais le mal guettait. Voulant bien faire, la banque décide en avril 2012, sans me demander mon avis, de transférer mon compte à l’agence Le Marais international afin de faciliter mes opérations internationales comme les placements et l’immobilier et surtout de pouvoir me répondre en anglais, toutes les communications étant dorénavant doublées de la traduction anglaise.

C’était bien mal me connaître, moi qui n’ai pas la fibre propriétaire et qui voulais faire mes affaires en français. J’avais seulement besoin de retirer de petits montants pour mes activités usuelles comme acheter des fleurs ou passer chez la boulangère, puis de pouvoir utiliser ma carte pour payer mes billets de cinéma à la caisse rapide.

Multiples courriels sur la question, mais erreur étrange, la Banque verse sur mon compte une somme de 1280 euros que je ne reconnais pas et dont j’exige l’annulation. On retire ce dépôt par traites mensuelles en me facturant des intérêts. Nouvel échange de correspondance pour détricoter cet autre imbroglio.

Mes efforts dans un cas comme dans l’autre ne donnant rien, je décide de rompre et demande par courriel du 19 juillet 2012, ainsi que par lettre du 23 juillet 2012, de fermer mon compte et de virer le solde à mon compte de la Banque Nationale en leur indiquant toutes les coordonnées nécessaires.

On m’a répondu qu’on n’arrivait pas à le faire, car on désirait un numéro qui leur permettrait de faire le virement en dollars états-uniens. L’agence en question ne fait affaire qu’avec les États-Unis pour faire des virements au Canada, alors que ma marchande parisienne de vêtements pour hommes peut faire des virements à mon compte canadien sans aucune difficulté.

Je fais donc moi-même les virements pour vider mon compte et répète la demande de fermeture par deux autres courriels (23 août 2012, 15 septembre 2012), puis par une autre lettre le 16 septembre 2012, tout en faisant à l’intention de la direction de la Banque un petit compte rendu de mes mésaventures.

On me répond qu’on est désolé des mauvaises impressions que j’ai ressenties et qu’on finalisera la clôture du compte.

Je croyais la saga terminée, mais ne voilà-t-il pas qu’on me relance le 17 mars 2014 en me demandant si je veux fermer le compte puisque je n’ai pas fait d’opération récemment, le tout dûment doublé en anglais.

Nouvelle lettre du 24 avril 2014, dans laquelle on me demande de m’assurer que mes opérations sur mon compte (opérations inexistantes sur un compte à zéro, rappelons-le) respectent les règles fiscales de mon pays.

Dans ma réponse à la Banque si opiniâtrement attachée à moi, je la renvoie à ce billet, qui lui rappellera qu’un attachement non partagé n’est pas source de bonheur.

Souvent banque varie, bien fol est qui s’y fie.




27 avril 2014


Hypocrisie morale ?


Plusieurs, moi le premier, auront été étonnéEs que le programme québécois de procréation assistée défraie les coûts d’une fertilisation in vitro destinée à une mère porteuse au bénéfice d’un couple de même sexe.

Ce qui est étonnant dans cette situation, c’est que le rôle de mère porteuse n’ayant pas de statut légal au Québec et étant exclu par le Code civil actuel, on ne voit pas pourquoi le gouvernement du Québec a payé pour cela.

Dans les réactions qui ont été publicisées, on a fait valoir que certains voulaient transcender les limites biologiques. Or, ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Il s’agit bien de savoir pourquoi le gouvernement a remboursé des frais pour une activité qui n’a pas de caractère légal. Que le couple soit de même sexe ou non, la fertilisation destinée à une mère porteuse n’a pas à être remboursée puisque le statut de mère porteuse n’est pas légal au Québec.

Quant à la discussion sur le recours même à la mère porteuse, n’y a-t-il pas une forme d’hypocrise à ne s’en émouvoir que maintenant qu’un couple de même sexe en a fait l’annonce ? En effet, on sait que des couples de sexe différent y ont aussi recours. Le débat ne méritait-il pas de se faire dès lors que ce recours était connu?

Le débat sur le remboursement, lui, semble pour l’instant très simple. Pas de statut légal : pas de remboursement.




21 avril 2014


Politique québécoise : trois exigences minimales


On peut s’interroger sur la façon de bien regrouper les forces de gauche au Québec à la suite du résultat très décevant des élections du 7 avril dernier.

Pour ce faire, rappelons-nous toutefois que les électrices et les électeurs ont une marge de manoeuvre assez mince, sachant que notre système électoral est fabriqué sur mesure pour favoriser la domination du bipartisme.

Il convient aussi de se demander qui sont ces quelque 25 % des personnes ayant voté qui ont accordé leur voix au Parti québécois. Quelle est la part de nationalistes traditionnalistes de droite ? Quelle est la part de socio-démocrates ultrapatients et résignés ?

Puis, chez l’électorat qui a appuyé le Parti libéral, très vraisemblablement pour sanctionner le gouvernement péquiste, quelle est la part de modéréEs ?

Chez les caquistes, il y a sûrement des électrices et électeurs séduits par des propositions faciles à énoncer, qui semblent pleines de bon sens : alléger le fardeau fiscal des contribuables, faire le ménage dans l’administration.

Étant donné le blocage que constitue le mode de scrutin actuel, qui a toujours pour résultat que 60 % des électrices et des électeurs sont ignorés par le pouvoir, il est plus que jamais nécessaire d’axer la pédagogie politique sur trois exigences essentielles et minimales pour assainir le climat politique et favoriser une diversité de propositions plutôt que de toujours devoir choisir entre deux équipes qui se vantent chacune à tour de rôle d’être la plus à même d’attirer les investisseurs. N’est-il pas plus mobilisateur de promouvoir l’humanité plutôt que la comptabilité ?

La première exigence est qu’on dispose enfin d’un mode de scrutin proportionnel. Aucune concession ne devrait être faite là-dessus. Un parti qui prétend vouloir d’abord le pouvoir pour le partager ensuite se comporte de façon hypocrite. Il faut s’annoncer comme étant prêt à le partager d’avance, sinon ce n’est que tactique (très malencontreusement nommée stratégie).

La deuxième exigence que devraient avoir les électrices et les électeurs est une question de réalisme lié carrément à la survie des générations à venir. On aura beau avoir l’économie la plus florissante pour les 1 % dominants, à quoi cela sert-il si les générations à qui nous avons emprunté la terre doivent souffrir au point de respirer à peine ? Un parti politique qui ne s’engage pas dès maintenant dans la sortie de notre dépendance au pétrole se comporte comme un éthylique dansant à deux pas de la bouche d’un volcan actif.

La troisième nécessité est celle de fournir à l’État les moyens de ses politiques. Ces moyens sont accessibles facilement puisque depuis 30 ans le gouvernement se prive volontairement de revenus auxquels il avait déjà recours. Il faut savoir qu’une meilleure répartition des catégories de revenus imposables aurait pour effet de diminuer les impôts de la majorité des citoyenNEs et de faire payer une plus juste part à celles et ceux, ainsi que les entreprises, qui en ont les moyens.

Résumons-nous, dans les quatre ans à venir, il est possible de réunir un électorat soucieux de son avenir, de la justice et du bien commun autour de trois revendications essentielles pour redonner un sens à la politique québécoise : le mode de scrutin proportionnel, la sortie de la dépendance aux hydrocarbures et l’accès de l’État aux moyens de ses politiques.




14 avril 2014


Élections québécoises : schizophrénie et désuétude


Les résultats des élections québécoises paraissent déroutants, mais sont compréhensibles au vu du comportement des partis et du mode de scrutin dont nous sommes affligés.

D’aucuns se demanderont quel aura été le rôle des sondages. Réflètent-ils ou modèlents-ils les choix des électrices et électeurs ? Quand on sait que le passage d’un gouvernement à un autre se joue sur environ 10 % du vote, c’est une question qui peut se poser.

Quel que soit notre avis sur les sondages, quel que soit le rôle qu’ils jouent ou ne jouent pas, il reste qu’un contrôle plus serré de leur utilisation serait sans aucun doute bienvenu. C’est pourquoi un groupe comme le collectif RISQ pour la réglementation de l’industrie des sondages a été créé.

Cela dit, il convient d’analyser deux des grandes causes des résultats électoraux, troublants en apparence.

D’abord, le comportement schizophrénique du Parti québécois n’a pas échappé à la majorité des personnes qui ont voté. J’en donnerai cinq exemples, mais il y en a d’autres.

Alors qu’il a fait voter une loi sur les élections à date fixe, il en déclenche une sans avoir été battu au Parlement avec la visée évidente de surfer sur des sondages favorables.

Il a courtisé les électrices et électeurs de la Coalition avenir Québec (CAQ), par des mesures de droite, tout en implorant d’un autre côté les sympathisantEs de Québec solidaire, solidement campé à gauche, de voter pour lui.

Il se dit souverainiste, mais exclut la tenue d’un référendum sur le sujet.

Il se prétend social-démocrate, mais dépose un budget austéritaire.

Il recrute des environnementalistes (Breton, McKay), mais se lance tête baissée dans l’exploration du pétrole de schiste.

Le Parti libéral, s’il n’est pas reluisant dans ses propositions, a le mérite d’une certaine cohérence dans sa vision d’un monde gouverné par les affaires, ce qu’il a clairement rappelé dans son slogan.

Ensuite, notre mode de scrutin est totalement désuet. Mais les deux vieux partis se refusent à le modifier, car ils souhaitent toujours profiter à tour de rôle des distorsions importantes qu’il occasionne. Il est plus que grand temps d’en changer et c’est ce que propose depuis 15 ans le Mouvement Démocratie nouvelle.

Certains ont proposé un exemple de carte de l’Assemblée nationale si le scrutin proportionnel avait été utilisé lors des récentes élections. Ce genre de projections ne peut être exact parce que les résultats eux-mêmes auraient été très différents puisque les gens ne votent pas de la même façon quand ils savent que leur vote compte.

Dans le scrutin actuel, les personnes qui votent sont confrontées à un dilemme : comme elles n’ont qu’un vote, elles veulent qu’ils servent à choisir le gouvernement. Or, le vote ne sert qu’à faire élire unE députéE, et le gouvernement est formé à partir du nombre de députéEs obtenu. Cela a pour résultat que les gens votent localement avec en tête un choix national. Et tous les autres votes locaux, qui n’ont pas servi à faire élire unE députéE, sont perdus. De là, sans doute l’obsession de vouloir voter «gagnant».

Dans un scrutin proportionnel mixte compensatoire, les gens votent d’une part pour la personne qui va les représenter localement et d’autre part pour la liste du parti qui va les représenter au niveau national. Cela permet même de voter pour unE représentantE d’un parti localement et pour unE autre au niveau national.

Nous aurions sans doute tout de même eu un gouvernement libéral, mais il ne serait pas majoritaire et, surtout, les députéEs seraient choisis sur les enjeux qui concernent les circonscriptions. Cela éviterait par exemple qu’on retrouve en deuxième position, dans une circonscription comme Sainte-Marie-Saint-Jacques, une candidate libérale qui est une illustre inconnue.

Cela faciliterait aussi pour les électrices et les électeurs l’articulation entre les campagnes locales, régionales et nationales. Ils pourraient prendre plus d’intérêt dans la couverture médiatique des enjeux locaux.

Et qu’on nous lâche avec l’exemple du parlement de style israélien. Il suffit d’exiger qu’un parti ait au minimum 5 % des votes au niveau national pour avoir unE représentantE dans le système compensatoire, ce qui évite le chantage et le blocage par de petits partis marginaux.

Savoir que son vote compte encouragerait sans doute certaines personnes qui ne votent pas à le faire. Savoir que son vote compte favoriserait un vote très différent. Un gouvernement minoritaire ou de coalition encouragerait sans doute une culture du dialogue, qui réduirait peut-être le désabusement à l’égard des politiques.




23 mars 2014


Une boussole pour perdre le nord


Pendant la campagne électorale, la chaîne de radio et de télé publique du Canada offre une sorte de jeu qui s’appelle la boussole électorale. Concoctée de manière objective par divers universitaires, cette technique de détermination des préférences des électeurs ne doit justement être considérée que comme un jeu, car si une personne indécise espère s’y faire une idée plus précise du parti qui lui ressemble, elle risque fort d’être entraînée très loin de ses intérêts véritables.

Je ne prendrai que deux exemples pour illustrer mon propos, mais cette analyse pourra s’appliquer mutatis mutandis à tous les sujets abordés et à toutes les questions posées.

Premier exemple : Si vous répondez oui à la question «Êtes-vous pour l’abolition de la taxe santé?» On vous approchera de manière égale des deux formations politiques qui proposent cette mesure, soit la Coalition Avenir Québec (CAQ) et Québec Solidaire (QS).

Or, bien que ce soit la même proposition, la raison pour laquelle chacun de ces deux partis l’inscrit à sa plateforme n’est pas du tout la même. Chez la CAQ, c’est par détestation de la participation des contribuables à l’effort fiscal que l’on s’oppose à la taxe santé. Chez Québec Solidaire, c’est parce qu’au contraire on croit à l’effort fiscal, mais que celui-ci doit être proportionné aux revenus, la CAQ étant plus près de ce que l’on pourrait appeler l’État facilitateur (État qui ne met pas de bois dans les roues des entrepreneurs), QS étant plus près de l’État régulateur (État qui aplanit les inégalités sociales).

Une même mesure place donc les deux organisations non pas près l’une de l’autre, mais bien aux antipodes. Et la réponse à cette question sans savoir pourquoi on y répond de telle façon ne permet pas de savoir laquelle des deux est plus près de notre façon de voir les choses.

Deuxième exemple : Si vous répondez oui à la question «Êtes-vous pour l’indépendance du Québec?», on classera à égalité dans vos préférences les trois partis politiques suivants : Option nationale, Québec Solidaire et le Parti Québécois.

Or, la façon de voir l’indépendance de ces trois partis n’est pas du tout la même et le rôle de l’indépendance n’y est pas du tout le même. Pour Québec Solidaire, par exemple, l’indépendance est un outil pour créer une société plus égalitaire et proposer une constitution par la contribution de la population à son élaboration. Pour le Parti Québécois, l’indépendance est désirable en soi pour l’émancipation de la population québécoise et ne permet pas d’orienter la constitution vers un type de société plutôt qu’un autre. Pour Option nationale, l’indépendance consiste d’abord à être maître des impôts, des lois et des traités, c’est-à-dire posséder les attributs régaliens, quitte à déterminer ensuite l’orientation des politiques nationales. Cet objectif serait réalisé dès l’élection du parti.

On constate donc que l’appui à une mesure politique n’est pas en soi une preuve qu’on est plus près du parti qui la propose. Les raisons qui sous-tendent une proposition colorent toute la conception du devenir collectif et les liens entre les différentes mesures sont souvent beaucoup plus importants que les mesures elles-mêmes. C’est parce que le politique est le lieu d’interprétation de la volonté générale ou de l’influence sur cette volonté générale dans le but, soit d’atteindre le souverain bien (ce qui est considéré comme philosophiquement désirable) ou le bien commun (ce qui est considéré comme désirable pour la collectivité ou par la collectivité).

Un alignement objectif des mesures proposées par des partis politiques sans tenir compte de ces différences fondamentales ne peut pas être tenu pour autre chose qu’un jeu et n’est certainement pas une façon juste d’apprécier les programmes des prétendants à la gouverne démocratique.




10 mars 2014


Qui a des chances d’être élu?


Il est un argument souvent utilisé dans les campagnes électorales à propos des candidatEs et des partis à qui l’on dit qu’ils n’ont aucune chance d’être élus.

C’est pourtant, si l’on croit en la démocratie, une idée qui est tout sauf un argument. Les raisons à cet effet sont multiples. Tout d’abord, si ce prétexte avait été pris au sérieux par tous les partis et par tous les candidats, aucun des partis actuels au Québec n’existerait. Nous en serions encore aux deux partis originaux du parlement du Bas-Canada, soit le parti canadien et le parti britannique.

Ensuite, il faut se demander à quoi servent les élections : à élire les personnes qui sont déjà élues ou à voter pour des personnes et des partis dont les programmes correspondent à nos convictions.

Quelle est la volonté de l’électeur, voir élire la personne la plus statistiquement favorisée même si ses politiques suscitent chez lui l’aversion? À cet égard, et c’est bien dommage que la proportionnelle n’existe pas au Québec, attribuer des votes à unE candidatE qui ne sera pas éluE, c’est favoriser la démocratie, car cela permet de compter les appuis de chaque côté, et cela permet au parti de cette personne d’obtenir du financement. En ce sens, on gagne et on fait gagner la démocratie quand on vote selon ses convictions et non pour ce que les devins nous annoncent.

Ensuite, il faut se demander quel est l’intérêt de voter si l’objectif consiste à deviner quelle est la personne que les autres ont choisie pour pouvoir faire comme eux. Ne s’agit-il pas plutôt de se demander quelle est la personne dont les idées nous conviennent? Et la mesure de l’appui à cette personne, même si elle n’est pas élue permet d’en évaluer l’importance dans la population. Si on vote contre ses convictions, on nuit à ses propres idées et on fait avancer les idées adverses, c’est une drôle de conception de la démocratie.

Une façon beaucoup plus positive de regarder les choses consiste à ce dire qu’on profite des élections pour exprimer dans l’urne des idées qu’on va promouvoir par ailleurs le reste du temps.

Une expérience personnelle m’a convaincu très tôt que chaque vote compte. Lorsque j’étudiais à l’Université du Québec à Rimouski, je me suis présenté comme représentant étudiant à la Commission des études. J’ai fait ma campagne à la mesure de mes moyens auprès des différents groupes qui composent la population étudiante.

Le jour des élections arrive, et je me balade dans l’université pour selon l’expression consacrée «faire sortir le vote». Les bureaux fermaient à 17 h. Vers 16 h 55, en descendant un escalier pour me rendre vers ce qui s’appelait le Salon bleu, où se reposaient les étudiantEs entre deux cours ou pour socialiser, je croise un camarade d’un département scientifique et lui demande s’il est allé voter comme il me l’avait promis. Il me répond : «Je n’ai pas vraiment le temps et, de toute façon, ce n’est pas mon vote qui va changer le résultat.» Je lui réplique qu’il a tort et que chaque vote compte.

Le lendemain, je reçois les résultats (à l’époque, les résultats étaient dévoilés par l’administration et il n’y avait pas de représentantE des candidatEs). J’avais été battu par un vote.

Ce qu’il convient d’en retenir, c’est que les chances d’être éluE dépendent toujours du vote que l’on décide d’accorder et qu’on a toujours le choix de voter pour faire avancer ses idées.




3 mars 2014


Pierre et Paul peuvent aller se rhabiller


«Déshabiller saint Pierre pour habiller saint Paul» est une expression datant du XVIIe siècle dont l’évolution connaît divers avatars et, en ce froid matin d’hiver qui perdure, j’avais envie de rhabiller les deux protagonistes dont on se doute qu’ils doivent bien frissonner.

Tant en France qu’au Québec, j’entends aujourd’hui l’expression le plus souvent sans le qualificatif saint, qui ne fait plus beaucoup image pour le locuteur contemporain s’il ne sait pas qu’on habillait autrefois les saints dans les églises lorsque c’était leur fête. On entend «déshabiller Pierre pour habiller Paul», «déshabiller Pierre pour habiller Jacques», et toutes sortes de variantes, j’ai même entendu une fois «déshabiller André pour habiller Jacques».

L’idée reste la même, on prend à quelqu’un pour donner à un autre ou l’on défait quelque chose pour faire autre chose. C’est le sens qu’a pris l’expression de nos jours.

Toutefois, à l’origine, la signification, encore connue de certaines personnes plus âgées ou plus littéraires, était en fait : «trouver une solution qui n’en est pas une et qui nous donne l’air fou». Pourquoi donc?

Parce qu’il faut savoir que la fête de saint Pierre dans la tradition catholique, d’où nous vient le dicton, est célébrée le 29 juin et que la fête de saint Paul est aussi célébrée le 29 juin. C’est la fête de saint Pierre et saint Paul, apôtres. Alors si, pour habiller saint Paul le jour de sa fête, on déshabillait saint Pierre, on avait toujours l’air aussi fou en promenant une statue habillée et l’autre pas.

Déshabiller saint Pierre pour habiller saint Paul, c’était strictement ne rien changer à la situation alors qu’aujourd’hui le sens est plutôt : «créer une forme d’injustice» ou «enlever d’un côté pour ajouter d’un autre». Ainsi, les formes et les sens évoluent-ils pour garder une fonction, accompagnant de cette façon la culture qui change.




24 février 2014


L’Arizona sur la pente glissante


L’état de l’Arizona a voté une loi (Loi 1062) afin de protéger toute personne, tout commerce, toute association contre des poursuites pour avoir agi ou refusé d’agir en vertu de sa liberté de croyance religieuse.

C’est une bien vilaine interprétation de la liberté de croyance, car la liberté de croyance, qui est une affaire de liberté de penser et de liberté d’expression, ne saurait en aucun cas autoriser la discrimination (agir contre quelqu’un ou ne pas agir pour lui rendre un service normal), laquelle discrimination va contre les principes d’égalité à la base de toutes les libertés.

La gouverneuse de l’État, Jan Brewer, a le pouvoir d’opposer son «veto» à cette loi, et l’on ne s’étonne pas que les leaders économiques de la région l’implorent d’y avoir recours, car une telle ouverture à la discrimination risque fort d’entraîner un mouvement de boycott économique. Ce serait en effet la seule façon de faire entendre raison aux autorités législatives de l’Arizona de la même manière qu’il a fallu un boycott économique pour s’opposer à l’apartheid en Afrique du Sud.

Élever une liberté au-dessus des autres, c’est nier la notion même de liberté.




17 février 2014


Ils vivent au-dessus de nos moyens


En préparation du budget que le gouvernement québécois doit déposer le 20 février, on entend le Conseil du patronat dire que le Québec vit au-dessus de ses moyens et que ses programmes sociaux devraient être moins généreux.

C’est quand même drôle, mais trouvez-vous que les personnes âgées dans les CHSLD vivent au-dessus de leurs moyens? Trouvez-vous que les personnes seules ou itinérantes vivent au-dessus de leurs moyens? Trouvez-vous que les chômeuses et les chômeurs vivent au-dessus de leurs moyens? Trouvez-vous que les mères monoparentales vivent au-dessus de leurs moyens? Trouvez-vous que les personnes malades et handicapées vivent au-dessus de leurs moyens?

Les dirigeants d’entreprise, les banquiers, les financiers de toutes sortes, ils ne vivent pas au-dessus de leurs moyens? En tout cas, ils vivent certainement au-dessus de nos moyens.

On propose de réduire les programmes sociaux? Qui propose ça? Des gens qui bénéficient d’exemption fiscale, qui profitent de subventions, qui reçoivent des salaires astronomiques, qui se font donner nos ressources naturelles, en fait qu’on paye pour qu’ils exploitent nos ressources.

Alors, dites-moi, pourquoi le Conseil du patronat ne propose-t-il pas qu’on soit moins généreux avec les nantis? Ah, mais la réponse est toute faite: «Parce qu’ils créent des emplois!» N’est-ce pas formidable, ils créent des emplois!

En tout cas, s’ils en créaient, j’imagine que ça se verrait quelque part. Plus on applique leurs recettes, plus le tissu social se délite et une frange de plus en plus grande de la population sombre dans la pauvreté.

Ce que l’on voit surtout, c’est que ces gens-là quand ils veulent augmenter la production, fidèles aux méthodes de nouvelle gestion, ils congédient ceux qui sont en première ligne et embauchent plus de cadres et, hélas, ça se vérifie tant dans les entreprises manufacturières que dans la grande distribution et même dans le secteur public et parapublic. Si les employéEs prenaient en main leurs entreprises, elles fonctionneraient mieux et il y aurait plus d’embauche.

Messieurs du patronat, on vous prendra au sérieux quand vous donnerez l’exemple, vous qui vivez au-dessus de nos moyens. Si vous tenez tant à payer la dette dont vous nous avez accablés vous-mêmes grâce à votre système financier, eh bien cotisez-vous entre vous.




10 février 2014


Vieillir


Jacques Brel a fait de belles chansons plutôt déprimantes sur le sujet. Dans Les Vieux, il dit «Que l’on vive à Paris, on vit tous en province quand on vit trop longtemps» ou encore «Ils n’ont plus d’illusion, ils n’ont qu’un cœur pour deux» et dans Vieillir, il s’écrie «Mourir, cela n’est rien, Mourir, la belle affaire! Mais, vieillir, oh, vieillir!»

Jeune, on a tendance à partager ce genre d’idées romantiques, bien que je me rappelle avoir écrit quand j’avais 20 ans que le culte de la jeunesse est une erreur. Vieillir peut avoir des charmes à la condition, bien sûr, d’avoir la chance de conserver une bonne santé.

D’abord, parlant de vieux charmants, on se rappellera, en ces temps olympiques, de Richard Garneau, qui était certainement le plus beau vieil homme auquel je puisse penser. Sa culture et sa finesse nous manquent cruellement quand on pense à la cérémonie d’ouverture des Jeux, mais passons.

Je dirai ensuite, comme je le répète sans cesse autour de moi (vieillir, c’est aussi se donner le droit de radoter un peu), que vieillir est la meilleure manière de ne pas mourir jeune. Et quand je regarde le soleil du matin à travers la fenêtre en cette belle journée d’hiver, je me réjouis de ce bonheur épicurien, au sens originel du terme, qui consiste à admirer la superbe clarté matinale.

Certes, «l’âge ne fait rien à l’affaire», chantait Brassens, et quand on n’a pas su cueillir la sagesse au long de son chemin, comme je l’écrivais ailleurs, on peut faire un vieux con pas plus méritant qu’un jeune con. Mais, c’est absolument impossible de devenir un vieux sage si on quitte ce monde au moment où on est un jeune con ou un jeune sage (parce qu’il y en a tout plein des jeunes sages, il faut chérir leur apport à nos méditations, et c’est sage de contester l’autorité quand cette dernière fait fausse route). Alors, donnons-nous la chance de vieillir.

Puis, il ne faut pas non plus bouder ses plaisirs. Je connais des gens très près de moi qui sont offusqués quand les jeunes s’adressent à eux de manière trop respectueuse. Pas moi, j’ai grand plaisir à me faire vouvoyer et appeler «Monsieur» par la relève, même si je ne suis pas encore tombé (comme disait Vigneault).

Quand une demoiselle m’offre poliment son siège dans l’autobus, je l’accepte avec plaisir et je la remercie clairement. Une jeune dame m’a déjà proposé de partager son parapluie au sortir du métro. N’est-ce pas aimable? Et je dirais non juste pour oublier que j’ai les cheveux gris?

D’ailleurs, l’âge, c’est bien relatif. Je me rappelle une anecdote savoureuse. J’avais 31 ans. C’était un soir de début d’automne, je marchais rue Sherbrooke, curieusement déserte. Comme il faisait assez froid, je portais mon trench et mon éternel béret. Un vent furieux se soulève et arrache mon béret qui s’en va rouler (oui, comme une roue) en plein milieu de la rue Sherbrooke, toujours déserte.

«Ah, misère!», me mets-je à crier, me sentant impuissant devant le vent qui avait déjà déporté mon couvre-chef à cinquante mètres de moi. De l’autre côté de la rue, environ soixante mètres devant moi, un jeune punk au crâne soigneusement rasé, aux bottes bien attachées et au blouson décoré de métal, regardait la scène. «Ça y est, me dis-je, il va bien se marrer.» Il s’est mis à courir dans la rue, a attrapé mon béret au vol, a traversé sur mon trottoir et a attendu que j’arrive près de lui pour me le remettre en me disant : «Tenez, Monsieur, votre chapeau.»

Pour ce jeune homme de seize ans peut-être, j’étais déjà un vieux monsieur. Je l’ai remercié bien bas en rechaussant ma coiffure. Depuis, j’ai pris du détachement face aux jugements de Brel sur la vieillesse et j’ai continué à trouver les punks sympathiques (surtout ceux aux lacets rouges, bien sûr).

Tous les jeunes n’ont pas cette bienveillance pour l’âge d’or (expression qui a fait son temps, je crois). Ainsi, j’ai découvert il y quelques années une expression jeune qui sert à désigner les vieux. Le nom de «pruneau» nous est accolé parce que comme le pruneau, le vieux est «sec, ridé et il fait chier».

Pardon pour la vulgarité, mais c’est l’explication. Il y a deux ans, un 8 février, mon conjoint avait le goût de faire un petit souper à nous deux pour nous rapprocher et comme nous n’avions pas une excuse valable dans le calendrier, il m’a suggéré de fêter la Saint-Pruneau. Depuis, tous les 8 février, nous célébrons cette date en nous réappropriant le nom pour rigoler. Samedi dernier, pour la troisième édition, nous avons invité un camarade à célébrer l’occasion avec nous.

C’est vrai qu’il y a de ces personnes âgées qui sont acariâtres, qui sont «malcommodes» comme on disait dans le temps. Bien que je revendique le fait de vieillir, je pense qu’être déplaisant avec notre entourage ne rendra pas notre vieil âge plus agréable. Alors, je nous souhaite tous de devenir de doux pruneaux et de le célébrer encore longtemps. Puissent les vents nous être favorables.




3 février 2014


Qui doit modérer ses transports ?


Cette jolie expression surranée n’est sans doute plus très connue des jeunes. Les transports auxquels elle faisait référence étaient les mouvements de l’âme, les excès d’émotion, et le conseil de «modérer ses transports» visait à ménager une personne dont les emportements risquaient de lui causer des ennuis.

Toutefois, c’est bien ennuyeux, mais il me semble qu’au propre comme au figuré, c’est toujours aux mêmes à modérer leurs transports. Ce n’est pas à ceux qui mènent grand train (de vie s’entend) qu’on demande de se modérer, mais toujours à ceux qui ont moins.

Ainsi, j’entendis la semaine dernière le président de la Société des transports de Montréal annoncer que ladite société réduirait ses dépenses et augmenterait ses tarifs. Que les autobus, si j’ai bien compris, circuleraient un peu moins souvent, ce qui au bout du compte ferait faire de grandes économies.

Doit-on chercher la rentabilité d’un service public? À long terme, qu’est-ce qui est le plus profitable pour une société? Inciter les gens à faire usage du transport en commun ou les en décourager? Le métro est déjà à pleine capacité. Au contraire de réduire la fréquence des bus, il faut l’augmenter, investir davantage dans le public.

Certaines villes se sont même fait un point d’honneur de rendre le transport en commun gratuit (ce qui est une excellente publicité pour elles). Des villes moyennes certes (Aubagne, Compiègne en France, Hasselt en Allemagne), mais aussi de grandes villes (Tallin en Estonie, le centre-ville de Portland en Oregon).

Avoir une vision d’avenir, c’est encourager l’utilisation du transport en commun qui rendra la ville plus conviviale et attirera plus de résidents (donc à terme de l’activité économique et des revenus).

Avoir une vision rétrograde, c’est chercher à faire des économies dans les services essentiels, ce qui décourage les usagers, encourage encore la voiture et la pollution qui s’ensuit, alimente le discours des partisans de l’auto, qui mesurent la qualité de vie au plus grand nombre de kilomètres parcourus avec aisance et qui ne feront désormais que passer en ville pour y laisser leurs émanations de carbone.




27 janvier 2014


Éloge (¿) de la vacuité


«Vanité des vanités, tout n’est que vanité», disait l’Ecclésiaste (chap. 1, verset 2). Moi, ce qui me chiffonne, c’est la vacuité du discours qui remplit nos ondes, nos images, nos bandes passantes et c’en est un peu une belle illustration que l’on trouve dans le film La Grande Bellezza de Paolo Sorrentino, si vous avez la chance de le voir avant qu’il ne quitte les écrans.

Beaucoup d’agitation, beaucoup de clinquant, beaucoup superficialité. À part le «human interest», que l’on confond avec le sérieux et la profondeur, il semble que notre monde médiatique soit incapable d’étudier des questions de manière rigoureuse. Aussi des émissions de télé multiplieront les invités pour éviter que le client ne s’ennuie. Deux ou trois questions croustillantes feront office de solidité théorique, puis on pourra retourner aux boutades et autres rigolades comme si un bon mot était plus important qu’une étude des causes des conditions socio-économiques qui nous affligent. Comme si un clash entre deux grandes gueules était plus instructif, plus divertissant certes, qu’une analyse.

Comme si une logorrhée était toujours nécessaire, car parfois le silence dans l’attente de plus d’information sérieuse serait la meilleure attitude. En tout cas, si j’étais isle-vertois, c’est ce que je me dirais.

Le commentaire a envahi toutes les tribunes, aussi quand je réclame de l’analyse, on me répond qu’il n’y a que ça, mais dire tout ce qui nous passe par la tête n’est pas analyse. Et, ici, en mode essayistique, j’exprime une désolation, pas non plus une analyse, je l’ai fait avant et le ferai après, mais pas cette fois-ci, aujourd’hui c’est illustration.

Comme il est bon de lire des essais du genre de La littérature est inutile de Gilles Marcotte (paru chez Boréal en 2009), où la pensée se promène librement sans préoccupation liée à la nécessité d’accrocher le chaland par des couleurs criardes ou des larmes de circonstance.

Cela nous fait oublier les répliques insensées d’une vedette traitant un homme qui s’est enrichi en achetant et revendant les autres de «génie absolu». Cela nous fait oublier qu’une télé d’État se permet de faire une émission dans laquelle elle demande aux plus riches et aux mieux nantis ce que l’État devrait faire pour les plus pauvres, comme si on ne devinait pas la réponse qui est de débaucher les fonctionnaires qui sont au service de la population. Cela nous fait oublier qu’un grand journal francophone se demande si les syndicats sont utiles vu qu’ils sont moins nombreux et que de moins en moins de personnes sont protégées par eux. On se demande bien à cet égard si l’emploi est toujours utile vu qu’il y a de moins en moins de gens qui en ont. Peut-être les logements ne sont plus utiles vu qu’il y a de plus en plus d’itinérants?

Bon, je m’arrête, allez voir La Grande Bellezza, lisez des essais, après vous aurez toujours le temps de rallumer votre téléphone pour savoir quel est le nouveau trend sur Twitter.





20 janvier 2014


La religion économique


La force de l’idéologie, c’est de s’exprimer à travers nous sans qu’on en prenne conscience. Une idéologie est dominante dans la société quand ses membres et ses principaux acteurs énoncent des sentences absurdes en croyant que c’est une donnée de la nature.

À l’époque où le Québec était dominé par l’idéologie religieuse catholique, on entendait des politiques, des journalistes, des professionnels parler de la «grâce de Dieu» ou de «providence» comme si c’était des choses démontrées. Il ne venait à l’idée de personne de contester publiquement l’utilité de la prière quotidienne à la radio.

La nouvelle religion, celle qui fait dire des absurdités sans que personne ne sourcille, est celle de l’économie. Malheureusement, cette religion fait des ravages dans tous les pays occidentaux. Et il est remarquable de voir même l’attitude de tous les journalistes lorsqu’ils interviewent les politiques ou les économistes opiner du bonnet lorsque ceux-ci récitent la vulgate des principes austéritaires.

Alors même que les expériences d’austérité ont entraîné la plupart des pays dans une spirale déstructurante, les rares qui s’y opposent sont vus au mieux comme de doux rêveurs, au pire comme de dangereux psychopathes.

J’ai entendu récemment à la radio la célèbre Christine Ockrent poser la question suivante à un économiste invité (économiste de droite, on s’en doutait) : «Hollande aura-t-il le courage de prescrire les mesures d’austérité qui s’imposent?» La question ne portait donc pas sur la pertinence des mesures d’austérité.

C’est assez fort de café, même si on connait les accointances de la fameuse intervieweuse, n’est-il pas son rôle de pousser l’interviewé à se justifier plutôt que de l’encourager à faire pression sur quelqu’un d’autre?

J’ai entendu la même chose à Radio-Canada quand un animateur et un reporteur faisaient des gorges chaudes avec l’intention du président du Vénézuela de rendre l’inflation illégale. On a la mémoire courte, car c’était aussi l’intention du Parti conservateur de Robert Stanfield au Canada en 1974, qui a été battu par le Parti libéral du Canada en opposition féroce à cette mesure. Devinez qui l’a appliquée dès 1975 ? Le gouvernement Trudeau !

Pour en revenir à notre religion d’État, on peut concevoir que ce n’est pas par mauvaise volonté si tous les grands médias et leurs employés chantent en choeur les louanges de l’austérité économique, ils en sont rendus à croire, comme on croyait jadis aux dogmes catholiques, que ces idées relèvent de l’ordre naturel des choses.




16 décembre 2013


Les fruits XXX


L’une des grandes joies, quand on n’a pas de voiture, c’est de se retrouver libre le dimanche quand tout le monde est en train de déneiger.

C’est de pouvoir marcher lentement dans des rues quasi-désertes au lendemain d’une chute de neige relativement importante.

C’est de se retrouver au cinéma dans une salle clairsemée parce que les automobilistes sont trop pris par leur déneigement.

En passant, j’ai remarqué que mes habitudes cinématographiques font en sorte que je me retrouve généralement au milieu de spectateurs dont la chevelure est de toutes les couleurs et part dans toutes les directions ou encore portent de petites laines sur leurs épaules frêles et frileuses.

Mais, les compagnons de fortune qui s’apprêtaient à se bidonner en regardant les Lions de Cannes hier au Cinéma Beaubien ont dû se demander pourquoi je me suis mis à rire avant même que la projection du premier film publicitaire ne commence.

C’est que je m’étais apporté comme collation un sachet de purée de fruits, comme ceux que l’on met dans les boîtes à lunch des enfants, et qui sont une collation de format idéal, juste la portion nécessaire.

Or, je n’avais pas remarqué que ce Squish’ems aux pommes et petits fruits de Dole avait été produit aux États-Unis d’où la traduction fort pornographique du produit qui donnait: «pomme et baises mélangées». Ça pourrait aussi s’appeler «Adam et Ève en partouze».

Y a-t-il encore quelqu’un qui doute de l’utilité de la révision par un être humain?

Sur ce, passez de Belles Fêtes, je vais vous laisser tranquilles pour environ un mois, à moins que l’actualité ne me fasse rager.





9 décembre 2013


Le talent et la sagesse


Mon conjoint et moi ne regardons à peu près jamais Tout le monde en parle, mais hier soir nous avions envie d’une soirée un peu molle, passive, où nous nous contenterions de regarder passer les trains (comme dans la chanson Les Bonbons de Brel).

Alors, nous regardions sans grand intérêt et sans passion défiler les plus ou moins «pipoles» tout en sirotant le digestif. Évidemment, nous avons zappé quand nous avons entendu l’annonce que le si bon Dr Julien venait dans la séquence suivante. Nous n’avions nullement envie d’entendre une ennième fois sa promotion de l’action sociale vue comme une entreprise alors que le gouvernement a dépouillé les CLSC, qui avaient cette mission sociale, laquelle n’est surtout pas une affaire ou une entreprise.

Ça nous a permis de revoir sur une chaîne de Plattsburgh une séquence de Columbo et de nous demander comment on pouvait porter un imperméable par dessus un complet quand on travaille à Los Angeles, un pays où il fait chaud et où il pleut très rarement.

Quand nous sommes revenus à la télé radio-canadienne, on annonçait Daniel Clarke Bouchard. Drôle et plein d’aplomb, mais quand nous l’avons entendu jouer, ce fut le choc! Je n’ai qu’un mot: Wow!

Des talents comme ça, il y en a peu.

Ensuite, je me suis rappelé une anecdote que j’aime bien raconter pour montrer comment se comportent les vrais grands artistes.

C’était au tout début des années 90. Je m’étais rendu à un brunch organisé par l’Union des écrivains et j’étais accompagné de mon conjoint. Mon conjoint était assis juste à côté du grand poète et musicien africain Francis Bebey, que dans mon ignorance, je ne reconnus donc pas.

Devant monsieur Bebey, il y avait l’une de ces dames qui aiment tant la culturre en roulant les r, et qui s’extasiait sur la Toscane. «Ah, monsieur Bebey, connaissez-vous la Toscane?» Et l’autre répondit tout simplement: «Non.»
--Ah, monsieur Bebey, il faut absolument que vous y alliez! C’est la plus belle partie de l’Italie, reprit-elle.
--D’accord, rétorqua-t-il poliment avant de se tourner vers mon conjoint pour lui demander s’il était poète.

Mon compagnon répondit qu’il accompagnait un écrivain en me désignant du doigt. Et monsieur Beby de reprendre:
--Donc, c’est vous l’écrivain. Mais vous, Monsieur, toujours en s’adressant à mon homme, vous faites quoi?
--Je travaille dans le textile.
--C’est bien, et vous, Monsieur, s’adressant à moi, qu’est-ce que vous écrivez?
--Des poèmes, contes, des nouvelles, des romans.
--C’est beaucoup!
--Est-ce votre première visite à Montréal m’enquérai-je alors?
--Non, je suis venu au Festival de Jazz l’été dernier. Et là, j’ai été invité par l’Union des écrivains. Hier, j’étais à la Maison des écrivains, j’ai beaucoup aimé.
--J’espère que vous apprécierez votre séjour, ajoutai-je.
--Malheureusement, je dois partir aujourd’hui, car je donne un concert ce soir.
--Pas ici?
--Non, c’est à New York.
--À quel endroit?
--C’est au Carnegie Hall, dit-il tout simplement sans en faire plus de cas.
--Mais, dites-moi, dans quel style écrivez-vous?
Et notre conversation fut abrégée par les discours qui commençaient à l’avant-scène.

Les plus grands ne se prennent pas la tête et accordent de l’importance aux gens peu importe d’où ils viennent et ce qu’ils font. Ils ne se glorifient pas d’aller ici ou là. Ils font ce qu’ils ont à faire.

Daniel Clarke Bouchard est plein de talent. Il est très jeune aussi. La sagesse lui viendra avec l’âge, ou pas.





2 décembre 2013


Ébauche brève d’une philosophie de la folie meurtrière


Dans une douzaine de jours, on commémorera la tuerie du 14 décembre 2012 à Newton au Connecticut (États-Unis). Les journaux et autres médias ont déjà commencé à en parler et chacun cherche à sa façon comment donner du sens à ce qui ne semble pas en avoir.

Les médias ont rapporté que la mère du jeune auteur de la tuerie était une survivaliste et que le jeune homme était troublé, qu’il détestait les anniversaires et qu’il ne supportait pas d’être touché.

Cela ressemble fort au profil d’un enfant victime d’inceste et d’un ou deux parents abusifs psychologiquement et probablement physiquement. On peut raisonnablement supposer qu’il s’agissait ici de sa mère puisque c’est elle qu’il a assassinée en premier.

À l’approche d’une autre commémoration de tuerie dont la misogynie avait servi de motif principal, il faut se garder de tirer les conclusions masculinistes faciles selon lesquelles quand c’est un homme qui tue, c’est un seul fou et quand c’est une femme qui abuse, ce sont toutes les femmes qui sont méchantes.

Car la cause du trouble de l’enfant est probablement le caractère toxique de sa famille, mais ce n’est pas la cause de la tuerie. D’ailleurs, s’est-on demandé ce qu’avait pu subir cette femme? Si elle n’avait pas elle-même été victime d’un père alcoolique, brutal, incestueux? C’est plus que probable et la chaîne doit remonter loin encore.

Il y a des victimes d’enfance violente et brutale, hommes et femmes, qui deviennent de grands partisans de la justice sociale et qui s’investissent dans l’action politique et sociale. Qu’est-ce qui fait que d’autres, surtout des hommes, se transforment en assassins monstrueux?

N’y a-t-il pas une piste évidente dans la culture machiste et dans le contexte socio-culturel qui valorise les armes?

En effet, il est remarquable que, dans toutes les séries de télé, dans tous les films, la solution passe par l’utilisation d’une arme à feu. On tue les fantômes, les méchants, les morts-vivants, les arnaqueurs, les trafiquants de drogue, les amantEs infidèles, les tricheurs, les voleurs, les ingrats, etc.

Je me rappelle même avoir regardé avec mon conjoint un film mélodramatique états-unien pendant lequel un des personnages principaux faisant état de ses déceptions émotives disait: «Mais j’ai ma solution.» Je lançai alors par dérision: J’imagine qu’il va sortir son gun. Eh bien oui, c’était ça, sa solution. Nous n’en revenions pas!

Il ne faut pas voir ici une inférence bébête selon laquelle c’est la télé qui influence les gens. La télé est en fait influencée aussi par une pensée dominante. Donc, elle est le reflet de l’imaginaire états-unien. Ça joue dans les deux sens et ce qu’on peut en conclure, c’est que la société états-unienne considère les armes, donc la violence, comme la solution principale aux problèmes que vivent les individus.

Quand, dans une société, tout ce qui est valorisé chez les hommes, c’est la domination et la violence. Quand, dans une société, l’accès aux armes est facilité et valorisé. Quand, dans une société, toutes les solutions passent par les armes, à quoi peut-on s’attendre?

La justice sociale aidera à réduire la misère humaine. Une meilleure socialisation des enfants (garderies, activités communautaires) aidera à détecter plus tôt les cas, assez rares croit-on, d’abus familiaux. Mais c’est aussi un changement culturel important qui pourra enlever de l’imaginaire que les armes sont une solution. Pour les États-Unis, hélas, ce n’est pas demain la veille.




25 novembre 2013


Nos oublis commodes


Dans le cadre des Rencontres internationales du documentaire de Montréal, j’ai eu la chance et le bonheur de voir Québekoisie de Mélanie Carrier et Olivier Higgins. Ce film nous remet face à notre aveuglement total devant la réalité des peuples autochtones qu’on a préféré effacer de nos mémoires plutôt que de voir comment on a rétréci leur univers en agrandissant le nôtre.

Depuis, je conseille à qui veut m’entendre de mettre à son programme l’assistance à la projection de ce film dès que possible, car il est fort bien fait et est un bon instrument pédagogique pour nous amener à réfléchir.

J’en parlais hier avec un ami. J’ai appris de lui que, dans les premières années du cinéma, les Amérindiens jouaient surtout le rôle de «bons sauvages» et que c’est autour de la Deuxième Guerre mondiale et après qu’ils sont devenus les méchants de service pour créer le genre western.

Cela m’a rappelé un fait de mon adolescence, qui montre à quel point l’idéologie dominatrice des blancs européens s’affirme dans la plus superbe ignorance. Il y avait au tout début des années 70 une émission pour enfants mettant en vedette l’ineffable Fess Parker (dont le nom est en soi une belle absurdité pour un public francophone), qui incarnait le héros états-unien Daniel Boone.

Ce charmant héros accomplissait des merveilles grâce à la collaboration des «Indiens», qui se tapaient tout le travail, dont il récoltait ensuite les honneurs. Un épisode qui m’avait particulièrement révolté est celui où il était parti avec deux ou trois blancs et une douzaine d’Amérindiens pour délivrer un personnage que des brigands avaient fait prisonnier.

Au bout de nombreuses péripéties et au prix de la mort de la moitié de ses fidèles serviteurs indiens, Daniel Boone déclara dans la plus belle innocence qu’il avait réussi sa mission «sans perdre un seul homme». Qu’un héros de télé puisse faire une telle déclaration sans que cela ne fasse lever le moindre sourcil dépasse proprement l’entendement, mais il semble hélas que j’aie été l’une des très rares personnes de mon entourage à m’en émouvoir.

Et cela m’amène à un autre exemple de double ignorance entendu ce matin même sur les ondes de Radio-Canada première chaîne. Le correspondant en Chine expliquait à l’animatrice de l’émission Info Matin que la Chine s’était incroyablement développée ces 30 dernières années, mais que l’éducation n’avait pas suivi puisque les Chinois en général ne parlent pas l’anglais. Non, mais vous vous rendez compte ? Les chauffeurs de taxi ne parlent pas anglais.

On en apprend tous les jours : que les Chinois ne parlent pas une langue dont ils n’ont visiblement aucun besoin serait un manque d’éducation. Les énormités qu’on peut proférer quand c’est l’idéologie qui parle.

Et pour revenir à mon sujet du début, l’oubli des torts imposés aux peuples qui ont accueilli nos ancêtres est bien commode quand on veut exploiter la richesse de ce pays sans les consulter.





18 novembre 2013


Tout ce que je rate


Assez souvent le dimanche, parfois un autre jour de la semaine, je prends régulièrement ma journée sans ordinateur. Je dois dire que c’est plus facile depuis que ma seule profession est celle d’écrivain et que je n’ai plus de téléphone portable.

Pour certains, c’est soit un tour de force, soit un épouvantable refuge ringard loin de la condition postmoderne.

Ce n’est rien de tout ça. Il s’agit simplement d’une pause bénéfique comme l’arrêt sur un banc quand on a marché toute une journée dans une ville. Le fait de s’asseoir pour se détendre ne nous fait pas oublier tout ce qu’on a vu et apprécié, au contraire cela permet de mieux enregistrer les impressions, de se les approprier.

Il en est de même de l’information, car je n’apprendrai rien à personne en disant que trois nouvelles répétées mille fois sont beaucoup moins utiles que cinq nouvelles vues une seule fois chacune, sans compter que ça demande six cents fois moins de temps.

C’est remarquable à quel point on ne rate pas grand-chose quand on va soi-même à la chasse aux nouvelles plutôt que de se laisser submerger par le flot des médias qui frappent à notre porte.

Je ne veux pas dire par là que les grands médias sont inutiles. Ils ont des moyens qui permettent d’avoir accès à des nouvelles et de les diffuser à grande échelle. Mais on n’a plus besoin d’attendre après eux pour savoir ce qui nous importe.

On arrive donc à savoir tout ce qui est nécessaire si on consulte les sites utiles, les médias qui nous intéressent et les sources que l’on connaît comme crédibles au moment où on en a besoin. Cela bien sûr exige qu’on ait une curiosité qui va au-delà de la connaissance du menu préféré des «pipoles». Et à cette condition, tout ce qu’on rate, finalement, c’est ce qui ne nous est pas utile.

Samedi dernier, j’émergeais de ma sieste de mi-journée quand j’entends à l’émission La Sphère de Radio-Canada qu’une grande polémique, un événement médiatique incontournable, avait rempli toutes les tribunes pendant la semaine. Ça m’avait totalement échappé, et j’ai donc fait une petite recherche sur le web pour savoir de quoi il s’agissait. J’ai alors découvert qu’il s’agissait de ce genre de non-événement qui oppose les teneurs de micro ou les hurleurs en compétition pour les cotes et les clics. Je ne vous en dirai pas davantage, c’était une nouvelle sans aucun intérêt qui ne concerne rien ni personne.

On se réjouira de constater qu’on ne rate rien d’important quand on dispose de suffisamment de sources, quand on les sollicite au bon moment et qu’on garde bien sûr accès à des grands médias de manière ponctuelle. L’avantage extraordinaire de la multiplicité des points d’accès est, pour les personnes qui savent s’en servir, de pouvoir débrancher sans crainte de rien manquer, parce que les nouvelles ne disparaissent pas quand on ferme la boîte à perdre du temps, pas plus que la ville ne disparaît derrière nous quand on s’assoit sur un banc.




4 novembre 2013


Changement ?


J’ai des sentiments mitigés à propos de la notion de changement. Tout n’est que changement dans l’univers, mais en même temps on se rappelle Lavoisier et son «Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme». Alors, le changement, c’est aussi le retour du même.

Si le changement est nécessaire, utile, amusant, parfois salvateur, quand il ne correspond qu’à un slogan du type : «Faut que ça change!», «Nous sommes le vrai changement», «C’est le temps de changer», cela n’a rien de particulièrement stimulant.

Les boulevards de l’histoire sont jonchés des ruines décrépites de tous ces promoteurs du changement qui ne voulaient en fait qu’«être calife à la place du calife». Changer le personnel ne change pas la dynamique humaine qui, à la longue, reprend ses penchants conjoncturels. Il faut des processus qui assurent que même les moins vertueux suivront la voie appropriée. Et ces processus-là impliquent plus de démocratie, de consultation, de contre-vérification, ce qui a le don d’épuiser les amateurs de la pensée magique à qui plairait bien le coup de balai définitif, oubliant par là que le ménage, ça se fait régulièrement, pas une fois pour toutes.

Des changements inutiles aussi me laissent songeur. Par exemple, pourquoi changer d’heure ? La théorie voulant que les heures d’ensoleillement en fin de journée soient plus propices aux commerces ou à l’industrie ne tient pas la route quand on sait que les bureaux et les usines ouvrent le matin justement quand on aurait besoin de plus de lumière.

J’ai eu beau chercher partout, je n’ai trouvé aucune explication satisfaisante en plus de constater que les médias nous apportent des justifications nouvelles et différentes chaque année. Tout ce qu’on sait, c’est que des décisions politiques en Allemagne, puis dans les autres pays européens, ont instauré cette coutume dont on ne sait comment sortir.

Le changement des mentalités dont l’idéologie est modelée par l’hégémonie culturelle et politique (merci Gramsci) est une chose qui prend du temps et qui demande un travail de terrain important avant que les médias de masse n’y fassent écho et un travail politique important afin que les médias de masse n’aient pas le choix d’y faire écho, mais en attendant on se désole que les discours simplistes comme ceux de Régis Labaume servent si bien les propriétaires et patrons qui ont été imprévoyants et accusent maintenant les syndicats de leurs propres turpitudes.

Je ne sais pas pourquoi, mais me revient à l’esprit un changement qui avait été présenté au XVIIIe siècle, la Modeste proposition de Jonathan Swift pour que les pauvres soient utiles à la nation. Il suggérait qu’on parque certains pauvres, surtout les femelles, parce que les mâles n’ont pas besoin d’être nombreux, en tant que fournisseurs de bébés bien engraissés pour les vendre ensuite aux bourgeois comme mets de choix.

Si ça vous révolte, vous avez bien raison, mais la question demeure : pourquoi le fait-on ?, puisque c’est bien ça, métaphoriquement parfois, mais littéralement souvent (travail des enfants, esclavage sexuel, trafic des humains), que notre société globalisée fait. Tiens, voilà un objet de changement à méditer.




28 octobre 2013


La charte de la confusion


En huit jours, j’ai eu l’occasion d’assister à trois débats publics sur la charte dite des valeurs proposée par le gouvernement québécois.

Entendre les opinions de part et d’autre est fort utile pour comprendre la légitimité des diverses positions. Toutefois, il ressort que le débat serait plus facile et plus serein si les paramètres étaient plus clairs et mieux connus. En fait, on a souvent l’impression que les interlocuteurs ne parlent pas toujours de la même chose, ce qui occasionne de l’ambiguïté, des quiproquos et des confusions.

Je propose ici un essai de distinction de différents concepts utilisés et des différentes règles auxquelles on réfère.

D’abord, il ne paraît pas déraisonnable en soi de vouloir adopter une charte des valeurs. Une telle charte servirait de guide pour la conception des lois et règlements, et ensuite quant à leur interprétation.

Cependant une charte des valeurs doit regrouper les valeurs universelles auxquelles une société adhère : égalité, liberté, solidarité, justice, paix, etc. En ce sens, il s’agit d’une grande déclaration de principes qui ne contient pas en elle-même de mesures spécifiques, car ces mesures-là relèvent des lois et règlements qui s’en inspireront.

Or, il est bien clair que le gouvernement ne présente pas, dans le cas qui nous occupe, une charte des valeurs, mais une tentative de charte de la laïcité, qui contient un élément de charte des valeurs, soit le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes. En voulant tout faire rapidement en une étape, le gouvernement a contribué à la confusion.

La laïcité, donc, puisque c’est de cela qu’il s’agit consiste pour l’État à afficher une neutralité complète à l’égard des religions et à n’en favoriser aucune.

Encore une fois, la tâche est assez partielle puisque les religions bénéficient toujours de certains avantages dont ne bénéficient pas les autres organismes sans but lucratif. Elles peuvent même exercer certains pouvoirs civils comme celui de faire des mariages reconnus par l’État.

Une autre distinction, abordée par exemple dans le billet du 14 octobre 2013, est celle entre croyance et religion. La religion relève d’une organisation qui dispose d’un clergé ou de représentants; la croyance relève de la conviction personnelle. Il faut donc distinguer entre la liberté de religion des groupes d’un côté et la liberté de croyance des individus de l’autre.

Cela nous amène à distinguer l’État comme institution, qui ne doit afficher aucun lien avec la religion, et les individus d’autre part, qui disposent de la liberté d’expression.

La question qui se pose est donc celle de savoir quelles sont les limites raisonnables à apporter à la liberté d’expression des individus pour garantir la neutralité de l’institution. Pour ce qui est de l’institution, elle ne doit pas afficher de signe religieux et, en ce sens, le maintien du crucifix au-dessus du fauteuil de la présidence à l’Assemblée nationale est une aberration.

Il ne semble pas non plus qu’aucune religion n’exige formellement de la part des individus le port de certains signes en tout temps. Les avis à cet égard relèvent de l’interprétation.

Mais de qui doit-on exiger cette retenue dans l’expression des croyances ? Là encore le projet de charte présenté (notons qu’il n’y a pas encore de projet de loi officiel) contient des incohérences, sources de confusion.

Il convient donc de rappeler que les exigences dont il est question dans le projet en débat s’adressent aux employéEs de l’État et non aux employéEs des commerces ni aux passants dans la rue. J’ai remarqué par exemple que la caissière d’un commerce que je fréquente ne porte plus son foulard depuis un certain temps, je n’ai pas osé lui demander si c’était à cause des dérapages que le débat a pu causer.

La question est donc : pour quels employéEs de l’État de telles exigences sont-elles appropriées ?

Exiger la même retenue de la part de tous les employéEs de l’État, mais pas des éluEs est-il justifié ? Doit-on traiter les écoles primaires et secondaires de la même façon que les cégeps et les universités ? Il convient de rappeler la liberté académique si chèrement acquise par les enseignantEs des collèges et universités.

Les hôpitaux sont gérés par l’État, mais les personnes qui y travaillent sont-elles dans une relation institutionnelle ou dans une relation d’aide ?

Permettre un droit de retrait selon le conseil d’administration d’un établissement, c’est ouvrir la porte à l’arbitraire et créer des régimes parallèles d’une institution à l’autre même si elles sont physiquement voisines, par exemple dans une même rue.

Et quand on parle de signes, sait-on de quoi l’on parle ? On entend beaucoup parler de voile. On se rend compte pourtant que de nombreuses personnes entendent par là le hidjab, qui est en fait un foulard. L’expression « femme voilée » ne désigne-t-elle pas une femme dont on ne voit pas le visage parce qu’elle porte un niqab ?

Quand on entend des interlocuteurs s’entre-contredire, le fait qu’ils appellent de noms différents des réalités semblables ou de noms semblables des réalités différentes n’aide pas à résoudre ces contradictions.

Sur la question du niqab toutefois, il semble bien que le consensus soit tout à fait général : on donne et on reçoit un service de l’État à visage découvert.

Pour aider à la sérénité du débat, ne conviendrait-il pas aussi de reconnaître dès le départ des discussions que les objectifs 1. d’assurer la neutralité de l’État et 2. de garantir la liberté d’expression sont tous les deux légitimes et que le débat doit porter sur les moyens de concilier les deux ?

La fréquentation des débats m’a semblé fort instructive et, si l’on essayait chaque fois de s’entendre au moins sur les termes de référence, cela devrait nous conduire à un exercice démocratique plus mesuré, certes difficile, mais nécessaire.




22 octobre 2013


L’accord commercial qu’on nous cache


Le Canada et l’Union européenne ont signé récemment l’accord économique commercial global.

Cette entente menace nos services publics. Les réactions et les critiques avaient commencé à émerger malgré les sourires béats de nos deux gouvernements provincial et fédéral.

Coup de théâtre: on fait passer à la trappe ce débat important en réveillant la chicane constitutionnelle autour du projet de loi 99 sur les référendums.

Ainsi le PQ et les conservateurs ont l’air de se détester pendant qu’ils s’entendent pour nous priver des services normaux de l’État, bradés à l’entreprise.





21 octobre 2013


L’indispensable éducation sexuelle


Hier, dimanche 20 octobre 2013, je me réveille tôt, je mets mes écouteurs pour ne pas déranger mon conjoint et j’écoute la radio de mon lit. À l’émission de Franco Nuovo, Dessine-moi un dimanche, on discute au téléphone avec un invité spécialiste de la chasse à l’orignal, qui fait des imitations de l’appel de la femelle, puis de l’appel du mâle.

L’animateur s’enquiert candidement de savoir si le mâle attire parfois d’autres mâles avec ses appels. L’invité parle de la compétition entre mâles, mais quand l’animateur précise qu’il aimerait savoir si vraiment l’appel du mâle pouvait attirer les mâles, notre «spécialiste» s’empresse d’affirmer, avec cette imperturbable assurance que seule l’ignorance confère : «Ça n’existe pas, ça, dans le monde animal.»

Et comme pour figer dans le marbre cette monumentale bourde, il ajoute sans hésitations que «chez les animaux, c’est mâle ou femelle, pas entre les deux.»

Je ne nomme pas la personne en question et je ne veux pas m’en prendre à elle. L’ignorance est un défaut qui se corrige par l’information. Peut-être l’animateur se sentait-il gêné de devoir corriger publiquement l’invité, aussi n’a-t-il pas osé le faire.

Mais, dans tous les cas, voilà une illustration très éclatante du caractère indispensable de l’éducation sexuelle, une éducation qui devrait être sérieuse et factuelle afin d’éviter l’ignorance, la confusion et les préjugés.

Je commencerai avec la dernière affirmation concernant «mâle ou femelle» pas entre les deux. Il y a de très nombreuses remarques à faire à ce sujet. Je m’en contenterai de trois.

1. Ce préjugé consiste à croire que l’homosexualité est due au fait qu’un mâle est moins mâle ou qu’une femelle est moins femelle. Outre le fait que c’est toujours difficile à apprécier, on sait que ce n’est pas le fait d’être plus mâle ou plus femelle qui fait qu’un individu est attiré par les autres du même sexe. C’est seulement le fait qu’il les préfère, c’est tout.

2. Chez les animaux, il n’y a pas seulement mâle ou femelle, il y a entre les deux et il y a aussi les deux. Tous les biologistes pourront vous le dire.

3. Et chez les humains, il y a des personnes qu’on appelle intersexes ou intersexuées, parce qu’elles comportent des caractéristiques physiques et sexuelles des deux sexes. De nombreux cas de figure existent, mais leur orientation sexuelle envers les hommes ou les femmes ne dépend pas de leur conformation physique. J’ai déjà abordé ce sujet à l’occasion d’un billet en décembre 2007, qu’on pourra relire à l’adresse suivante : www.francislagace.org/billet.php?section=2007-2009#sujet38.
Dans tous les cas, il ne faut pas confondre orientation sexuelle et condition intersexuelle.

Pour en revenir à la première grossière erreur, c’est assez étonnant de découvrir qu’un amant de la nature soit si peu observateur et n’ait jamais eu l’occasion d’apercevoir un comportement homosexuel chez les animaux. Moi qui ai vécu à la campagne, j’ai eu un chat mâle qui ne s’accouplait qu’avec des mâles, j’ai des amis qui ont observé des chevaux, des chiens, des oiseaux, etc. qui s’accouplaient avec des individus de leur sexe dans la nature, même quand des individus de l’autre sexe étaient disponibles.

Pour qui veut s’instruire sur le sujet, je recommande la lecture de Biological exuberance de Bruce Bagemihl, où on découvrira que la diversité sexuelle n’est pas que le fait des humains.

Non seulement les rapports homosexuels ont existé de tout temps et sous toutes les latitudes dans les sociétés humaines, mais ils se retrouvent chez les autres animaux de manière plus fréquente qu’on le croit généralement.

Alors à quand une éducation sexuelle sérieuse et factuelle?





14 octobre 2013


Religion : une liberté comme une autre ?


Je ne peux m’empêcher de me poser des questions et de regretter, quand il s’agit de religion, que l’on confonde sans cesse le droit de croire en ce qui nous plaît avec la liberté de religion, qui est en fait la possibilité pour des prêtres ou autres responsables de l’orthodoxie de décider pour nous de ce qui est bien ou mal.

Qu’une personne croie en une entité supérieure parce que ça lui permet de s’expliquer qu’il y ait quelque chose plutôt que rien, je l’accepte sans problème. Pour moi, ça ne résout rien, parce qu’on peut aussi se demander pourquoi il y aurait une déité plutôt que pas du tout, mais bon.

Qu’une personne croie en une entité supérieure qui fera vivre son âme éternellement parce que ça la rassure devant l’inévitable fin de toute vie, je l’accepte sans problème. Pour moi, ça ne résout rien, parce que l’éternité ne me paraît pas plus rassurante qu’une vie bien accomplie, mais bon.

Mais, dans tous les cas où on arrive à se mettre d’accord sur le fait que c’est bien correct qu’une personne ait ce genre de croyance, jamais cela ne justifie le saut qualitatif qui consiste à accepter ensuite une religion, c’est-à-dire un ensemble organisé qui s’octroie le droit d’opprimer ses fidèles.

Vous me répondrez : « Mais les gens qui ont la même croyance ont bien le droit de s’associer entre eux pour partager leur foi. » Voilà, on y est, c’est le droit d’association, il est prévu par les Chartes. Mais pourquoi donc les Chartes prévoient-elles une liberté de religion, alors que la liberté de conscience et la liberté d’association y sont déjà prévues ?

On ne prévoit pas spécifiquement la liberté de se syndiquer parce que la liberté d’association est déjà prévue, alors pourquoi la religion ?

Aussi, dans le débat sur la laïcité qui fait rage actuellement, on ne fait pas souvent cette distinction entre la croyance, qui est un droit individuel, et la religion, qui est un droit d’association.

Aussi mélange-t-on deux objectifs très différents : celui d’empêcher l’état de contribuer à faire en sorte que les prêtres et autres responsables de l’orthodoxie décident à notre place de ce qui est bien ou mal et celui de respecter les individus dans leurs croyances.

Pour atteindre le premier objectif, il faut que les religions n’aient aucun avantage différent de celui qu’ont toutes les organisations sans but lucratif sinon la liberté de religion serait une liberté d’association plus «égale» que les autres.

Pour atteindre le second objectif, on doit permettre aux individus d’exprimer leur croyance quand cela ne nuit pas à la neutralité de l’État et leur permettre de s’associer avec qui ils le veulent pour partager leur conception du monde.

Alors, est-on justifié de se mêler de la façon dont les gens s’habillent en dehors de certains contextes très spécifiques ? Ne vient-on pas jouer dans la liberté chèrement acquise de pouvoir se vêtir comme on veut, de pouvoir manifester ses opinions et ses croyances dans la mesure où cela n’incite pas à la haine ou à la violence ?

En tout cas, le débat est plus complexe qu’il y paraît et en mélangeant sans cesse deux niveaux, croyance individuelle et association organisée qui vise à l’observance de l’orthodoxie, on n’aide pas à y voir clair.




16 septembre 2013


N’est-ce qu’un cauchemar ?


Est-il possible que les grands capitalistes soient assez bêtes pour ignorer que l’on ne peut produire indéfiniment avec de la matière finie?

Est-il possible que les grands capitalistes ne sachent pas que même la technologie la plus avancée ne permettra pas une croissance de richesse suffisante pour satisfaire les besoins de toute la population terrienne?

Est-il possible que les grands capitalistes préparent consciemment la population à se taire et à se soumettre en réduisant la démocratie au verbiage que constitue l’expansion à l’échelle planétaire du concept de gouvernance, qui n’a rien à voir avec l’expression du peuple, mais tout à voir avec la gestion par un petit nombre, ce qui s’appelle proprement l’oligarchie?

Est-il possible que les grands capitalistes préparent consciemment la population à se taire et à se soumettre en édictant partout des règles sécuritaires de plus en plus strictes comme c’est le cas chaque fois que le G20 se réunit?

Est-il possible que les grands capitalistes préparent consciemment la population à se taire et à se soumettre en restreignant partout le droit de manifester et en le réprimant sauvagement comme c’est le cas au Canada, au Québec et à Montréal avec le règlement P-6?

Est-il possible que les grands capitalistes s’assurent de ne pas être embêtés par les réfugiés climatiques de plus en plus nombreux que cause le réchauffement global en restreignant l’immigration partout en Occident?

Est-il possible que les grands capitalistes s’assurent une main d’œuvre esclave en n’autorisant que le déplacement des travailleurs et travailleuses migrantEs temporaires?

Est-il possible que les grands capitalistes préparent deux mondes: l’un où les riches et puissants bénéficient du capitalisme vert et l’autre où les esclaves et les laissés pour compte croupissent et subissent les effets de la dévastation de la planète?

«En l’absence d’orientations politique réfléchies, l’interruption inéluctable de la croissance imposée par les limites biophysiques de la planète pourrait bien annoncer un monde sombre et âpre, qui pourrait prendre la forme d’États-forteresses, autoritaires et militarisés, indifférents au sort des populations vulnérables (à l’extérieur comme à l’intérieur de leurs frontières) qui subissent les effets pervers de la course à la croissance.»
Andrea Lévy, «Les dangers d’une décroissance sauvage», revue Relations, juin 2013

N’est-ce pas déjà un peu ce que nous sommes en train de vivre?




9 septembre 2013


La liberté enchaînée


Autrefois, les esclaves se promenaient avec un boulet; aujourd’hui, ils se baladent avec un téléphone. (1er juillet 365 Chrysanthèmes +1, par Francis Lagacé, les Écrits francs s. a. 2010)

L’une des grandes joies de ma nouvelle vie, c’est de ne plus avoir de téléphone portable. Ne plus être attaché à cet appareil auquel un emploi, une fonction, nous lie est un véritable bonheur. Certes le quidam qui possède un téléphone peut décider de répondre quand ça lui chante, de ne s’en servir que pour appeler quand il en a besoin. Mais il n’en va pas ainsi pour les personnes qui, accomplissant un mandat électif, sont tenues de répondre «présentE» quand on les sonne.

Je me rappelle une publicité des années 90 de la compagnie Bell. On y vantait le téléphone cellulaire comme étant source de liberté. Pour illustrer cette liberté, on montrait un pêcheur seul sur son lac, qui pouvait appeler et recevoir des appels. Je trouvais cette annonce profondément contradictoire. A-t-on envie, quand on veut aller pêcher dans les bois, d’être joignable en tout temps? Et quel est ce besoin d’appeler tout le monde aussitôt qu’on pêché une petite truite de sept centimètres?

Je cite ici les paroles d’une fort rigolote chanson de Mouloudji sur une musique de Jean-Marie Le Guen et d’Aimable Pluchart. Cette chanson raconte l’enterrement du Père l’absinthe, mort en delirium tremens:

«Morbides on suivait son bel enterrement, quand dans la rue de l’Espoir, voilà qu’un feu rouge nous coupe de la bière qui poursuit seule son calvaire. Sans demander son reste, le convoi s’enfuit personne connaissait l’adresse.

On eut beau l’appeler, on eut beau crier, on eut beau gesticuler... Et, rue de l’Espoir, il fallut nous voir courir dans un deuil à courre, mais peut-on lutter contre les autos, on a fini au bistrot.»

Mouloudji, Le père l’absinthe

Cette chanson ne serait pas imaginable aujourd’hui, car chacun aurait, de son portable, appelé les responsables du convoi et on aurait vite retrouvé le cimetière. C’est bien dommage pour le bistrot.

Mais, bon, je fais confiance à l’ingéniosité humaine, qui trouvera bien d’autres prétextes, en ces temps de connectivité, pour passer au bar plutôt que de se rendre à d’officielles cérémonies.




4 septembre 2013


Radio-Canada à la défense du privé


Il est formidable de constater à quel point l’idéologie de la privatisation fait des ravages et obscurcit les esprits de ceux-là mêmes qui devraient défendre le rôle du public et de l’État.

Hier soir, 3 septembre 2013, la télé de Radio-Canada présentait dans son émission Tout le monde en parlait un historique de la création de la Place des Arts.

On y présente le ministre du gouvernement libéral d’alors, René Lévesque, comme un gros méchant qui a enlevé des mains de généreux hommes d’affaires dévoués, associés il est vrai à des représentants municipaux, réunis sous le nom de Centre Sir-Georges-Étienne-Cartier, la gestion de la Place des arts pour la remettre à la Régie de la Place des arts, un organisme relevant de l’État.

Je ne suis pas un farouche défenseur de René Lévesque, mais une chose est sûre : il a fait exactement ce qu’il fallait faire, c’est-à-dire démanteler un PPP (partenariat public-privé) pour en remettre les rênes à un organisme public.

Qui aurait le courage aujourd’hui de faire de même avec les deux méga centres hospitaliers de Montréal ?




2 septembre 2013


Quelques balises pour la laïcité


Le flou qui entoure la Charte des valeurs québécoises mise de l’avant par le Parti Québécois n’est pas de bon augure.

On a l’impression que, sous de nobles prétextes, on cherche à faire valoir un Québec catholique, qui serait fondamentalement normal, en opposition à un Québec ou d’autres fois sont pratiquées. Or, les vraies questions qui se posent, ce sont les questions de balises dont doivent disposer par exemple les enseignants à l’égard de la laïcité. Et là-dessus, l’attitude de la Fédération autonome de l’enseignement et de son président, Sylvain Mallette, me semble être la plus mesurée.

À cet égard, j’aimerais faire mes propres propositions de balises. Par exemple, dans le cadre de l’enseignement, aucun élève ne devrait être retiré de la classe parce que ses parents ne veulent pas entendre la réalité. La théorie de l’évolution ou la théorie du Big Bang sont l’état actuel des connaissances et les enfants doivent être mis en contact avec elles.

Ça me rappelle au passage une distinction importante qu’on doit faire entre théorie et hypothèse au point de vue scientifique. J’avais eu une discussion avec un curé, qui mettait sur le même pied sa foi en dieu et la théorie du Big Bang. J’ai dû lui expliquer que son dieu n’est qu’une hypothèse. Hypothèse d’ailleurs inutile dans l’état actuel des connaissances.

Il n’en va pas de même quand il s’agit d’une théorie dans le corpus scientifique. Une théorie est un système d’explications qui permet de fonctionner dans le monde scientifique. On ne fonctionne pas à partir de la Vérité révélée, mais bien à partir de théories applicables. Et quand une théorie s’avère incorrecte, on la corrige en fonction de la réalité. Or, ce n’est pas du tout le cas de la foi, qui se défie totalement de la réalité.

C’est la théorie atomique qui fait en sorte que la chimie moderne fonctionne. Les ordinateurs et le web fonctionnent parce qu’ils font appel à l’application de théories cohérentes. On ne peut pas en dire autant des hypothèses farfelues que nous proposent les religions. Il y a donc une différence importante entre le monde qui doit être enseigné et l’univers des croyances qui relève des préférences de chacun ou de certains groupes.

Par exemple, on devrait pouvoir enseigner que l’homosexualité est normale puisqu’elle existe dans la nature, a toujours existé dans les sociétés humaines et ne fait de tort qu’à ceux et celles qui refusent de voir le monde comme il est.

Autre balise importante, on devrait se décider une bonne fois pour toutes à retirer le crucifix de l’Assemblée nationale. Il n’y a pas sa place. Si l’État est catholique, il n’est pas neutre. S’il est neutre, ce symbole de l’alliance entre l’Église et le Gouvernement, qui a été placé là par Duplessis, il convient de le rappeler, ce symbole, donc, est de trop.

Si vous estimez que c’est un symbole patrimonial, mettez-le à sa place, soit le musée. Mais, consacrer la douteuse hégémonie de la pensée catholique tout en prétendant donner l’exemple aux nouveaux arrivants, cela s’appelle une injonction contradictoire, dont le résultat est toujours dysfonctionnel.




26 août 2013


Impôts : Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose !


Alors que les impôts n’ont pas cessé de baisser depuis les vingt dernières années, on étourdit les contribuables à force de leur dire qu’ils en paient trop. Et voilà le Chevalier Couillard, ci-devant chef de l’opposition officielle, qui vient à la rescousse de la population en proposant de les réduire encore.

Ce qu’il ne vous dit pas, c’est pourquoi certains ont l’impression justifiée qu’il leur reste moins d’argent à la fin de l’année : parce que les salaires n’augmentent pas et parce que les impôts ont été remplacés par des taxes à la consommation et par des tarifs plus élevés.

Non, les taxes ne sont pas égales ni justes, car elles pèsent plus lourd sur les personnes dont le revenu est plus modeste. Ces dernières ont moins d’argent disponible pour faire des achats quand elles ont payé les premières nécessités. Les tarifs comme la taxe santé coûtent beaucoup plus cher aux personnes qui ont un revenu de 25 000 $ qu’à celles en disposant de 70 000 $.

« Rééquilibrer les impôts » comme le propose le généreux prétendant à la gouvernance de notre oublieuse province, ça doit passer par une augmentation du nombre de paliers d’impôts afin que le fardeau soit réparti selon la capacité de payer. Ça doit aussi passer par une part un peu plus équitable des entreprises, dont les impôts ont diminué de moitié dans les vingt dernières années.

Mais le mensonge est électoralement beaucoup plus payant. Gageons que notre nouveau champion fera tout un tabac médiatique avec ses propositions séduisantes, mais fausses et dangereuses.




19 août 2013


Perte de repères


D’une génération à l’autre, ce ne sont pas tous les points de repère qui sont transmis. Certaines choses s’effacent, s’oublient ou se transforment. Les historienNEs, les encyclopédies nous permettent de garder le contact avec l’origine, mais le sens usuel va son chemin sans qu’on y puisse grand chose.

Cette réflexion m’est venue quand, un jour relativement récent, j’ai entendu un animateur de la radio de Radio-Canada dire que la vieille chanson À la claire fontaine était une chanson pour enfants. Je n’ai pu réprimer une risette surprise. Cette chanson, qui parle d’un homme qui se fait sécher nu sous un chêne en pleurant la maîtresse qu’il a perdue, n’est pas spécialement pour les enfants même si bien sûr elle ne leur est pas interdite.

Cela me rappelle d’ailleurs une anecdote : entendant mon père la chanter, alors que j’étais tout jeune écolier, je lui avais demandé pourquoi ce monsieur pleurait sa maîtresse. Il me répondit : «C’est parce qu’il l’aimait.» Et je m’étais étonné que l’homme en question aime tant l’école, ce qui déclencha un rire bien compréhensible.

Ce n’est pas parce qu’une chanson fait partie du folklore ancien qu’elle est pour les enfants. C’est toutefois autour de réunions familiales ou d’occasions où l’on veut faire connaître le patrimoine aux enfants qu’elle risque d’être interprétée. Notre bonhomme animateur avait franchi le pas entre patrimoine et destination aux enfants.

Parlant de repères ancestraux, la campagne pour la récente collecte de fonds du diocèse de Montréal misait sur le caractère patrimonial de la religion catholique, notamment son influence sur notre toponymie : que dirions-nous de la rue Denis (Saint-Denis), du fleuve Laurent (Saint-Laurent), de la Plaza Hubert (Saint-Hubert), du boulevard Michel (Saint-Michel) ?

Eh bien, moi, je ne m’en porterais pas plus mal. J’ai déjà écrit quand j’avais 20 ans, que je renoncerais volontiers aux Pyramides d’Égypte si on avait pu épargner la souffrance de ceux et celles qui les ont construites. Mon opinion est toujours la même. Alors, je m’accomoderais fort bien d’aller me balader dans le Village sur la rue Catherine. Le patrimoine religieux n’est pas une absolue nécessité et, sans lui, Bach aurait bien été capable d’écrire une belle musique pour plaire à sa femme, pour endormir ses enfants, pour complaire aux nombreux princes qui l’ont commandité ou rien qu’en admirant le ciel étoilé, cet univers dont nous faisons partie.




15 août 2013


Curiosité russe


C’est drôle, mais lors de la vigile devant le consulat russe de Montréal au 3655, rue du Musée, le mardi 13 août 2013 au soir, une caricature d’espionne russe, femme costaude aux épaules carrées, vêtue d’un imperméable ciré, cheveux blond roux, semblant tout droit sortie d’un film de l’époque de la guerre froide, m’a mitraillé de son appareil photo au début de l’activité et à la fin de l’activité sous toutes sortes d’angle, à moins qu’elle ne visât plutôt Yves Lafontaine, rédacteur en chef de Fugues, qui était juste à côté de moi.

C’est quand même drôle.




12 août 2013


Humour absurde et politiques québécois


Les partis qui se prétendent les plus près de gouverner le Québec pratiquent un humour absurde digne du plus pur non sense.

On a d’abord la Coalition Avenir Québec (CAQ), qui n’est qu’un autre avatar de l’Action démocratique du Québec (ADQ) de sinistre mémoire. Aux dernières élections, ils ont affirmé que tout le monde était pourri et qu’il fallait donc les mettre à la place des pourris. C’est digne du grand Vizir Iznogoud.

Puis, hier soir dans un bulletin de nouvelles télévisées, je tombe sur Philippe Couillard, chef du Parti libéral, clamant que le «Parti Québécois n’était pas de gauche». Messieurs Jourdain et La Palice n’auraient pas dit mieux.

Mais le plus ridicule de l’affaire, c’est qu’il reprochait au Parti Québécois de ne pas avoir fait ce qu’il ne voulait pas qu’il fasse. En effet, il reprochait au Parti Québécois d’avoir promis de ne pas hausser les tarifs d’Hydro Québec, de les avoir haussés quand même comme les Libéraux avaient promis de les augmenter. Autrement dit, les péquistes sont des sans cœur, mais les vrais sans cœur qu’il faut élire, c’est nous, parce que c’est nous qui avons eu en premier l’idée de faire monter les tarifs.

C’est un peu comme si, au détour d’un sentier dans la forêt, vous étiez accueillis par deux bandes de brigands qui vous somment de choisir par lequel des deux vous serez bastonnés. Mais le critère décisif devrait selon eux être celui qui vous promet de vous donner le plus grand nombre de coups de bâtons.

Le reportage se poursuivait par le témoignage de deux personnes «militantes» (mais est-ce qu’on milite dans ce genre de partis, ne s’agit-il pas plutôt de supporteurs comme pour les clubs de foot) toutes fières de constater que «le Parti libéral a une nouvelle image».

Voilà, tout est dit, il s’agit d’une image à vendre. Elle n’a même pas besoin d’être belle ou attirante, elle a juste besoin d’être nouvelle. C’est le roi Ubu qui va être content!




5 août 2013


De l’importance du coming out


Pour toutes les personnes qui doutent encore de l’utilité du défilé de la Fierté gaie, qui ne comprennent pas l’importance, la nécessité du coming out, nous avons devant nous un cas fort intéressant.

Comme de nombreux dirigeants à l’homosexualité refoulée, Vladimir Poutine combine une homophobie très extravertie et un homo-érotisme (culte de la virilité et du torse mâle) tout aussi extraverti.

Voilà ce que donne une éducation ou un contexte social qui refuse la reconnaissance de l’homosexualité. Cela conduit à la persécution de ces autres que l’on ne veut pas reconnaître en soi (comme diraient Daniel Welzer-Lang, Pierre Dutey et Michel Dorais dans le livre intitulé justement La peur de l’autre en soi, paru aux éditions VLB en 1994).

Les autorités grecques s’offusquent à la simple évocation qu’Alexandre le Grand en était. Et vous vous rappelez Jorg Haider? Ce leader d’extrême droite autrichien, qui aimait s’entourer de beaux jeunes hommes et qui s’illustrait dans tous les sports. Parangon de la vertu, il est mort d’un accident de voiture alors qu’il roulait à 142 km dans une zone de 70, en état d’ivresse et sortant d’un bar gai.

Et vous vous demandez encore pourquoi il faut qu’on en parle? Vous vous étonnez qu’on en parle tant? Rappelez-vous que si on vous interdisait de parler de votre hétérosexualité, vous seriez privé d’au moins la moitié de vos sujets de conversation: aucune référence à votre famille, aux personnes qui vous plaisent, à vos histoires d’amour, à vos sorties en couple ou en famille, etc.

En cette saison propice à la Fierté gaie (opposée à la honte qu’on voudrait bien nous imposer chez encore beaucoup trop de monde), il est de mise, ce petit rappel que le coming out est nécessaire parce que les modèles variés sont indispensables.

Si Poutine avait eu des modèles d’homos épanouis dans son entourage, peut-être serait-il moins cruel envers ceux dont il a tellement peur qu’ils réflètent son image.




29 juillet 2013


Aléas de mémoire


J’ai lu récemment une biographie de Charles Trenet (ou Trénet, comme il prononçait lui-même) par Jean-Philippe Ségot. L’auteur, dans son avant-propos, dit que l’écriture n’en fut pas facile parce que le sujet de la biographie a souvent fait des déclarations fantaisistes sur son histoire, a embelli certains passages et a mélangé certains épisodes.

Je trouve ce genre de précaution oratoire un peu superflu. En effet, n’est-ce pas vrai de toute personne? La mémoire peut jouer des tours, mais surtout le souvenir affectif est souvent plus important que le souvenir factuel, de sorte que la plupart des gens se souviennent des scènes de leur vie en se donnant un rôle un peu meilleur que celui qu’ils ont effectivement joué.

Souvent on situe telle activité à telle date erronément parce que de façon analogique le souvenir s’accorde bien avec un autre qui a suscité le même sentiment ou parce que les mêmes personnes étaient présentes. Toutes choses qui se précisent facilement en consultant les calendriers et les agendas, en faisant l’appariement avec les faits vérifiables dont tous peuvent attester.

Loin de se dire qu’on ne peut jamais se fier à la mémoire de personne, il faut simplement tenir compte du facteur émotionnel dans la mémoire pour faire les ajustements nécessaires.

D’ailleurs pour les faits importants, les événements traumatiques, quand la mémoire revient, elle est plutôt fiable. Toutes les personnes qui étaient au monde et dotées de conscience raisonnante se souviennent de ce qu’elles faisaient le vendredi 22 novembre 1963, jour de l’assassinat de John F. Kennedy. Tous les Français se souviennent de ce qu’ils faisaient le dimanche 12 juillet 1998 (lorsque les Bleus ont gagné le Mondial de foot). Ça, c’est l’extrême, mais on peut aussi être certain que l’essentiel de ce qui concerne un événement important pour une personne est plutôt bien mémorisé par elle.

À moins bien sûr d’avoir affaire à une personnalité narcissique pathologique, qui niera férocement le moindre souvenir pouvant la désavantager, on saura faire la part des corrections à apporter, mais il y en aura toujours. Ça fait partie de la vie et ça cause de sacrées bonnes discussions dans les repas de famille ou entre amis. Ceux qui tiennent un bon agenda en sortent généralement triomphants.

Cela ne disqualifie pas la mémoire, cela la rend plus humaine.




24 juin 2013


Partis et vacances


Il y a plusieurs façons de considérer ce qu’est ou doit être un parti.

Entre autres, on peut le voir comme un groupe autour d’une personne qui a énoncé des idées et que l’on veut promouvoir avec elles. Ou alors un groupe qui soutient une personne dont la seule idée est de se promouvoir elle-même et ses propres intérêts.

On peut aussi le voir comme un groupe réuni dans la commune détestation de quelqu’un ou de quelque chose. Dans ce cas, cela ressemble plus à une coalition conjoncturelle.

Mais, outre qu’il existe bien d’autres façons de le concevoir, il me semble que la notion contemporaine la plus intéressante du parti devrait être celle de l’organisation démocratique d’un groupe réuni par des valeurs partagées et dont l’objectif est de les faire avancer par des discussions d’où doit émerger la volonté générale dans le sens du bien commun.

Or, ce type de parti s’accommode mal du vedettariat et de l’obsession médiatique du héros. Ce type de parti, le plus intéressant je le rappelle, n’est pas sous la coupe de ses porte-parole. Ses porte-parole sont justement des exécutants, et les discussions qui consistent à ramener un parti à ses figures publiques les plus connues ne s’y appliquent guère.

Un vrai parti démocratique, qu’il soit municipal, provincial ou fédéral, est quelque chose de nécessaire.

Les aspirants au pouvoir qui nient son importance ou son utilité ne sont justement qu’à la recherche du pouvoir.

***parti en vacances***

Je prends le parti des vacances pour quelques semaines. Vous avez congé de billet jusque vers la fin juillet.




17 juin 2013


Psychologie du troll


Dans les médias sociaux, surtout Twitter et Facebook, le troll est une peste. C’est un personnage qui s’immisce dans une discussion pour susciter une fausse polémique, pour créer de faux débats et faire enrager ses interlocuteurs. Parfois même, il est à l’origine d’une fausse discussion en y allant d’une déclaration fracassante, totalement injustifiée. Il s’ensuit souvent un dialogue inutile de la part de leurs victimes pour essayer de le convaincre qu’il a tort.

Ce qui est particulièrement ennuyeux, c’est qu’il s’invite sur la page de la victime choisie, qu’il s’ingère dans un débat jusqu’alors argumenté (rationnel ou passionné, mais argumenté), fait semblant d’argumenter, mais tourne tout à l’enfantillage et à l’argutie.

Or, cette discussion est totalement inutile, car le troll est la plupart du temps au courant que ses affirmations sont fausses. Son seul but est de faire dérailler les débats ou de mettre ses interlocuteurs en furie. Il arrive tout de même qu’un troll soit inconscient de son rôle de troll: il est seulement entraîné par la griserie que procure à certains la sensation de mener les autres en bateau, de les faire tourner en bourrique.

À la fréquentation de mon plus récent troll, j’en ai profité pour faire la somme des connaissances que j’avais de leurs procédés. Cela m’a permis d’en dresser les principales caractéristiques psychologiques, que je propose ici.

Le troll ne veut pas discuter. Il veut faire sortir ses interlocuteurs de leurs gonds. Le but est de pouvoir ensuite poser en victime.

Le troll est de mauvaise foi, ment, tourne autour du pot, ne répond pas sur l’essentiel, tire sur tout ce qui bouge, et quand on se lasse, il accuse son adversaire de ne pas vouloir discuter.

Rien d’autre jamais ne pourra satisfaire le troll que la colère, l’impatience et les excès qu’elle entraîne chez ses interlocuteurs. Il s’en servira ensuite hors contexte pour essayer de disqualifier ces derniers.

Un troll fait des généralisations abusives et tente de convoquer en sa défense particulière des personnes qui ne sont absolument pas en cause dans les propos qu’il cite.

Il n’hésitera pas à se contredire d’une fois à l’autre, puisque rien ne compte pour lui que les écarts auxquels il espère vous mener. Un troll ira jusqu’à nier l’existence des trolls, soit parce qu’il est lui-même parfaitement ignorant, soit parce qu’il joue très consciemment son rôle de troll.

Le troll, qui est incapable de répondre aux arguments qu’on lui sert, reprend les faussetés déjà démenties et les affirme comme si elles étaient nouvelles. En ce sens, sa psychologie ne dépasse pas celle de l’enfant de deux ans.

Puisque le troll ment, s’accroche aux détails, n’a aucun intérêt pour la discussion véritable, il convient de ne pas s’adresser à lui. Lui répondre, c’est le nourrir. L’ignorer, c’est blesser son côté narcissique, ce qui est beaucoup plus efficace.

Je dois avouer qu’il faut croire beaucoup en la liberté d’expression pour laisser un troll se ridiculiser en long et en large sur sa page. C’est ennuyeux de voir ainsi polluer un fil de discussion.

Mais il reste que répondre à un troll, c’est se lancer à soi-même une injonction paradoxale qui consiste à vouloir convaincre quelqu’un qu’il a tort, alors que c’est le dernier de ses soucis et se demander à soi-même de tenir une argumentation raisonnée dans un contexte où la seule chose qui ne compte pas est la raison.

Analysez le troll, ne lui parlez pas.

Si vous tenez à ajouter un peu de gaieté dans le décor et à dépolluer l’environnement qu’il salit, intervenez en passant par-dessus sa tête:

--parlez des trolls en général;

--adressez-vous à tout autre qu’à lui et surtout pas sur les faussetés qu’il débite ni sur les faux arguments qu’il emploie;

--citez des proverbes;

--faites des déclarations issues de la sagesse des peuples, mais surtout ne le nourrissez pas.

Le troll s’alimente à la rage qu’il fait naître en vous. L’en priver, c’est l’affamer et le laisser dépérir.




9 juin 2013


N’existe que l’image


La psyché contemporaine est ainsi faite qu’il n’y a aucune place pour ce qui n’est pas attesté par une vidéo montrée mille fois ou, à tout le moins, une photo qui fait le tour des médias.

C’est la pensée que m’a suggéré la lettre de Paul-André Allard dans le courrier des lecteurs du journal Métro, publiée le vendredi 7 juin 2013.

Je cite l’affirmation qui y est faite: «Soir après soir, et ce, pendant des mois, des bandes de voyous armés de pierres et de cocktails molotov s’attaquaient aux policiers, saccageaient des locaux, bloquaient des ponts, fracassaient des vitrines.»

Il est remarquable que parmi les centaines de manifestations qui ont eu lieu, il y ait eu si peu de casse. Probablement, moins en fait, pendant ces centaines de démonstrations démocratiques que pendant la seule émeute du 9 juin 1993 à la suite de la victoire des Canadiens pour la coupe Stanley.

J’essaie en vain d’énumérer plus de trois établissements saccagés par des manifestants pendant le printemps Érable. Mais, les mêmes images revues mille fois ont multiplié par mille les dégâts. Il s’en trouve même parmi des gens dont je respecte pourtant habituellement le jugement pour me dire qu’ils en savent plus sur les manifs auxquelles j’ai participé parce qu’ils en ont vu un reportage de deux minutes à la télé.

N’ont pas été montrées mille fois les marches particulièrement pacifiques, bon enfant, joyeuses et solidaires qui ont émaillé ce printemps Érable.

On découvre aussi dans l’énumération de monsieur Allard des amalgames qui mettent sur le même pied les cocktails molotov (multipliés par mille), qui sont des actes criminels, et le blocage d’un pont qui est une manifestation démocratique d’usage courant en d’autres pays.

N’existe que l’image, plus encore n’existe que l’image dans la tête.

Mais un gouvernement sourd qui légitime la répression de la dissidence aboutira tôt ou tard à des bruits qu’on ne pourra qu’entendre, alors les images s’effriteront peut-être.




3 juin 2013


Les monstres politiques (la suite)


Le manque total d’éducation politique conduit aussi à ce retour désolant à la conception médiévale du parti, c’est-à-dire un groupe de gens qui s’agglutinent autour d’un champion. Parlez du Parti libéral à un quidam, il vous fera l’éloge ou la diatribe de M. Couillard; parlez du Parti québécois à un quidam, il vous dira que Mme Marois l’ennuie ou le stimule.

Or, un véritable parti politique dans une société démocratique, c’est un groupe de personnes qui adhèrent à un programme et qui décident ensemble des orientations les plus appropriées pour le bien commun, non les suiveurs d’un chef. C’est sûr que c’est plus difficile à analyser que les frasques d’une vedette. Québec Solidaire en paie le prix avec ses deux porte-parole et ses décisions collectives qui n’ont rien à voir avec les préférences du moment de tel ou tel membre de son comité de coordination.

Parlant de Québec Solidaire, il serait bon que les commentateurs improvisés réfléchissent aux clichés monstrueux auxquels ils cèdent avec tant de facilité. Quand ces trop bons personnages nous disent que le programme de Québec Solidaire est irréaliste, on aimerait bien qu’ils nous pointent l’aspect particulier dont ils parlent. Si une proposition est irréaliste, on devrait être capable de la citer.

Ça me rappelle, ces gens qui me disaient ne pas lire le Devoir parce qu’ils le trouvaient trop «intellectuel». Je leur répliquais: Combien d’éditoriaux du Devoir as-tu lus au juste? «Aucun» était la réponse et on s’empressait d’ajouter «justement parce que c’est trop intellectuel». Cela s’appelle une prophétie autoréalisante. Mais, si tu n’as pas lu quelque chose, quel jugement peux-tu porter dessus?

Pour en revenir à nos monstres politiques, une autre erreur facilement entretenue par notre éducation politique déficiente est celle qui consiste à placer tous les politiques dans le même sac: «tous pourris», ce qui sert en général les plus pourris d’entre tous, ceux qui s’avancent en disant: «Ce sont tous des méchants, élisez-moi; moi je ferai mieux!»

Ces héros font mieux pendant quelques semaines, puis font bien pire parce qu’ils n’ont pas de guide programmatique pour les conduire dans la vertu. Rappelez-vous le bon maire Drapeau qui régnait comme un roitelet sur la ville de Montréal. Élu pour remplacer tous les mauvais qui l’avaient précédé, son seul programme était justement de les remplacer.

Nous n’avons pas besoin de gens qui se prétendent vertueux, nous n’avons pas besoin de vedettes, nous avons besoin de programmes véritablement politiques dont le contenu s’intéresse au bien commun et qui permettent à la population d’avoir son mot à dire régulièrement et fréquemment.




27 mai 2013


La peur de la liberté des autres


On a fait grand cas, de l’autre côté de l’Atlantique, du geste fatal d’une personne âgée et visiblement déséquilibrée qui se serait supprimée pour «réveiller la France».

Il ne faut jamais prendre à la légère les suicides; leur prévention est un devoir de tous et chacun envers les êtres qui nous sont chers. Une fois cela établi, il convient de ne pas mettre sur le même pied des gestes de significations fort différentes.

Ce n’est pas du même ordre que de s’immoler en public quand on est jeune et désespéré parce que son avenir est bouché, et qu’il s’agit alors du sacrifice de toute une vie, ce qui a déclenché le printemps arabe en Tunisie, cela n’est pas du même ordre dis-je que de mettre fin à ses jours alors que le reste de nos jours n’est pas menacé, et cela parce qu’on n’est pas capable de supporter la liberté des autres, qu’ils soient homosexuels ou musulmans.

D’autres que moi sont beaucoup mieux placés pour expliquer l’importance fondamentale de l’immigration dans l’évolution des sociétés et pour démontrer que, mis à part peut-être, mais je suis loin d’en être sûr, quelques rares régions de l’Afrique, berceau de l’humanité, toutes les populations actuelles sont issues d’un mouvement migratoire, plus récent pour certaines très ancien pour d’autres.

Je m’en tiendrai donc à l’autre sujet de désespoir qui a été évoqué, soit le délitement de la famille. Qu’est-ce donc que ce délitement? Doit-on comprendre que la famille était beaucoup mieux au XIXe siècle quand la pauvreté et l’alcoolisme, causés par l’exploitation de la classe ouvrière, faisaient des ravages et que l’on devait abandonner des milliers d’enfants ou quand justement les gardiens des valeurs familiales, les bons bourgeois, faisaient travailler les enfants dans les usines et dans les mines jusqu’à les faire mourir?

C’est vrai qu’à cette belle époque, les puissants exerçaient un véritable droit de cuissage sur toutes leurs subalternes qui n’avaient qu’à se taire pour ne pas déranger l’apparente harmonie des ménages. Ah, les bonnes valeurs familiales, qu’elles étaient bien protégées en ces temps bénis!

Les familles françaises comptent trois ou quatre enfants, elles ont la possibilité de prendre des vacances, en plus on propose de reconnaître des familles qui existaient avant, mais qui devaient se cacher, les familles homoparentales. C’est l’accès à l’égalité et à la justice qu’on appelle délitement?

Il est assez ironique d’entendre les organisateurs de la répétitive et odieuse Manif de la Honte, qui ose s’appeler Manif pour tous alors que c’est la manif de l’exclusion, parler de liberté. La liberté d’opprimer si je comprends bien. Ou alors, la liberté pour les «normaux», mais pas pour les autres. Il faut voir les références aux animaux dans les pancartes des anti-égalité. Ils ne sont pas homophobes, ils veulent juste ramener les pédés dans la cage qui leur sied si bien. On en faisait autant avec les suffragettes, rappelons-nous.

J’ai demandé en ces pages le 21 janvier dernier en quoi une France retardataire dans les droits était plus civilisée que ses voisins. Je n’ai jamais obtenu de réponse et n’en aurai jamais. Je reprends les mots que j’avais employés: «J’aimerais bien qu’on m’explique comment les Espagnols, les Belges et les Néerlandais échappent tout à coup à la "civilisation" ou aux "principes anthropologiques".» Depuis 10 ans, ces pays pratiquent l’égalité et leur société ne paraît pas plus délitée que la France idéale des fachos.

En fait, le délitement, il faut le chercher du côté de la haine qui se déverse dans les discours des anti-égalité qui se pressent dans les marches de l’exclusion et qui pervertissent jusqu’au sens des mots en coalisant les ennemis de la justice, de l’égalité et de la liberté.

S’il faut chercher un message dans ce geste d’une personne troublée, c’est l’horreur incontrôlable que suscite chez certains la liberté quand elle est partagée par tous, c’est le vide abyssal et terrifiant qui reste dans la pensée de ceux qui sont incapables de voir outre leurs privilèges.




20 mai 2013


Divertimento


On a toujours l’impression que, quand ça vient d’une langue étrangère, c’est plus précis, ça «sonne mieux», ç’a plus de charme. Les anglos emploient des mots français dans leurs textes pour faire «chic», les francos des mots italiens pour faire savant, des mots anglais pour faire cool, etc.

Ce n’est que normal, il n’y a pas de quoi fouetter un chat. Ce qui l’est moins, c’est lorsqu’on est colonisé au point de croire que les expressions d’une langue sont meilleures, plus justes ou plus efficaces que l’autre. Je songe ici à ceux qui sans cesse s’exclament que c’est donc mieux et plus percutant en anglais, que les anglo-américains l’ont donc l’affaire!

Je connais pourtant nombre de cas où la traduction française de textes états-uniens est, à mon avis, fort supérieure.

La grande majorité des littéraires reconnaissent qu’Edgar Allan Poe est plus intéressant en français qu’en anglais, parce qu’il a été traduit par Baudelaire. Pour se rapprocher de notre époque et de la culture populaire, j’ai toujours trouvé que la version française de The Sound of Music était meilleure.

En anglais do-ré-mi-fa-sol-la-si deviennent doe, ray, me, fa’, sow, la, tea et leurs illustrations «sow a needle pulling thread, la a note to follow sow» sont plutôt alambiquées alors que la seule difficulté en français était avec fa dont on a décidé que c’était «facile à chanter».

Que dire maintenant de la devise de Star Trek: «To boldly go where no man has gone before» finalement désexisée fin des années 80 en «To boldly go where no one has gone before» traduite par un très efficace «au mépris du danger, avancer vers l’inconnu» non sexiste dès le point de départ et plus proche encore des intentions. Cette traduction fut améliorée par la suite en «au mépris du danger, reculer l’impossible», expression dotée d’une puissance d’évocation nettement supérieure à l’originale.

En publicité, je me rappelle d’une discussion où certains se plaignaient de la traduction du slogan de Gillette «The best a man can get» en «la perfection au masculin». Il y a dans l’original un jeu de mots sur «ce qu’un homme peut obtenir/devenir de mieux», mais la traduction aussi comporte un jeu de mots qui aura peut-être échappée aux moins subtils: c’est la perfection du masculin, et c’est la perfection un mot féminin, dont on fait du masculin. Personnellement, le côté plus matérialiste du slogan anglais me rebute alors que le côté esthétique de la version française me séduit.

Et pour ne prendre qu’un exemple du passage à l’inverse, qui dira que The Tin Flute rend mieux l’esprit du roman de Gabrielle Roy que Bonheur d’occasion. Je sais, je suis de mauvaise foi et je prends les exemples qui m’arrangent, exactement ce que font les partisans de: «les traductions ne rendent pas justice à l’original». On peut faire moins bien, aussi bien, et parfois mieux.

Décolonisons nos esprits!




13 mai 2013


Les monstres politiques


Est-ce parce que nous n’enseignons pas assez l’importance du politique par opposition à la politique politicienne? Est-ce parce que les médias et une grande partie des élites elles-mêmes considèrent le monde politique comme un cirque? Est-ce parce qu’on a convaincu la population qu’elle devait être spectatrice alors qu’elle devrait être l’acteur principal?

Toujours est-il que nous avons ainsi créé des monstres politiques, tel ce Jean Charest qui trouvait tout à fait normal d’appeler un juge pour l’influencer, fin des années 80, et qui s’excusait non d’avoir commis le geste, mais de s’être fait prendre. Tels ces élus municipaux qui estiment dans l’ordre des choses que d’utiliser leur position pour se servir dans l’assiette au beurre et au passage graisser les pattes de leurs petits copains. Tels ces péquistes qui trouvaient toutes naturelles les manifestations contre le gouvernement libéral, parce qu’ils croyaient qu’elles étaient en leur faveur, mais insupportable la volonté de manifester pour contester leurs décisions à eux.

C’est une monstruosité que de vouloir asservir la population à la politique politicienne, alors que le printemps érable a été une magnifique révélation de la découverte du politique par un nombre important de citoyennes et de citoyens.

Mais qu’a de plus pressé le gouvernement péquiste? Pas d’enquêter sur l’épouvantable répression policière ordonnée par le gouvernement précédent! Non, car cette répression, il la pratique lui-même à son avantage. Sa commission spéciale a pour but de trouver des moyens pour que la population ne prenne plus la rue. En clair, inventez-nous des façons d’étouffer la grogne populaire afin que la seule chose qui compte, le commerce, puisse s’épanouir sans contrainte.

Si nous avions des politiques au gouvernement, plutôt que de petits politiciens, ils chercheraient des moyens pour que la population ait davantage de possibilité de s’investir dans le politique. Ils ouvriraient la possibilité pour les quartiers, les villes et les villages de s’exprimer dans les rues, les chemins, les places publiques. Ils se demanderaient comment créer des mécanismes pour répondre rapidement aux besoins des populations. Ils ne chercheraient pas à inventer des moyens pour réprimer les manifestations avant même qu’elles aient lieu.




6 mai 2013


La peur des apparences


Des milliers d’occasions peuvent illustrer cette crainte des faux-semblants, mais deux exemples récents m’y ramènent.

Le premier m’est fourni par une visite dans un syndicat la semaine dernière. Je me suis trouvé en présence d’une personne qui, tout en se plaignant du manque d’information et d’engagement de beaucoup, trouvait que l’appellation «camarade» pouvait en rebuter certains. Au cours de son intervention, elle apporta un argument dont elle ne compléta pas la teneur en énonçant «Mais quand on connaît l’histoire, le sens et l’origine des mots...» sans terminer sa phrase.

C’est avec grande déception que je constatai qu’elle ne tirait pas la bonne conséquence. En effet, quand on connaît l’histoire, l’origine et le sens du mot «camarade», on se rend compte que c’est la meilleure appellation pour des gens qui partagent le travail ou certaines conditions sociales ou le même projet politique.

Le mot vient d’abord du jargon militaire espagnol, où il désignait celui qui partage la chambre d’un autre. Les deux co-chambreurs étaient donc des camarades. Le Dictionnaire historique de la langue française du Petit Robert nous apprend que le mot «camaraderie» au sens où on l’emploie aujourd’hui apparaît déjà sous la plume de Madame de Sévigné en 1671.

Au XIXe siècle, les syndicalistes, les socialistes et les communistes ont avec raison utilisé le terme puisqu’il désigne cette condition commune beaucoup mieux que «frère» ou «soeur» et encore mieux que «collègue» dont les relents corporatistes me gênent. Le collègue ne se détache pas de sa condition professionnelle alors que le camarade embrasse tous les aspects des conditions partagées, la solidarité sociale en somme.

Que l’expression «camarade» ait été dévoyée sous des régimes totalitaires ne devrait pas nous empêcher de nous en servir, pas plus qu’on ne devrait cesser de parler d’amour parce que les religions chrétiennes ont commis de nombreux crimes en son nom ou que les hommes ont dominé des femmes sous ce prétexte.

Et voilà qui m’amène à mon second exemple. En fin de semaine, c’était le congrès de Québec Solidaire. Il y a eu débat sur la nécessité ou non de faire alliance avec d’autres partis en campagne électorale ou autrement. A été évoquée la crainte de la perception qu’on aura de nous si on ferme la porte à des alliances avec d’autres partis souverainistes. Que diront les médias?

Un parti qui s’attaque au capitalisme ne peut pas avoir bonne presse. Se préoccuper de la façon dont on sera présenté dans les médias ne peut en aucune façon déterminer les choix politiques. Avec qui Québec Solidaire doit-il faire alliance? Avec les citoyennes et les citoyens, car ce sont elles et eux qui voteront pour la justice sociale.




29 avril 2013


Pour nos camarades intersexes


J’ai parlé la première fois de ces personnes le 10 décembre 2007. Nous devrions en parler un peu plus souvent, engoncés que nous sommes dans notre confort binaire.

En tout cas, l’occasion m’en a été offerte par l’activité de l’Université populaire de vendredi dernier au café l’artère: «Regard sur l’intersexe».

La discussion qui a suivi a été fort éclairante, car il s’en trouve au nom de la raison pour justifier les mutilations qu’ont pu subir, et subissent encore, les personnes intersexes. Il faut rappeler ici que l’on a très souvent fait des opérations chirurgicales pour transformer les personnes intersexes en fille (le plus fréquent) ou en garçon. On l’a fait avec ou sans l’accord des parents et, la plupart du temps, sans aucune consultation de l’enfant. Comprendre que le corps médical veut bien faire est une chose, mais penser que c’est «raison» en est une autre.

Forcer des gens à choisir d’être autre chose que ce qu’ils sont est une violence dont les conséquences sont incalculables. Plus grandes encore lorsqu’on décide à leur place et qu’on ne leur en parle même pas. Je proposerais d’être à l’écoute et d’accepter que nous n’avons pas à obliger nos camarades intersexes à entrer dans les petites cases «mâle» ou «femelle».

On lira avec intérêt le communiqué du Second forum intersexe international de l’ILGA (International Gay and Lesbian Association), qui s’est tenu du 9 au 11 décembre 2012 à Stockholm.

Je terminerai par ces mêmes mots qu’en décembre 2007: Et je manquerais à mon devoir d’enseignant si je confortais l’ignorance et les préjugés: "Inquiéter, tel est mon rôle. Le public préfère qu’on le rassure. Il en est dont c’est le métier, il n’en est que trop." (André Gide, Journal)




22 avril 2013


Politiques au service de qui?


Le 28 août 2012, quelques jours avant les élections, madame Pauline Marois fait un discours devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain où elle se déclare «la meilleure alliée des entrepreneurs».

Peu après son élection, elle ne tardera pas à retourner devant ce même cénacle, soit le 9 novembre 2012, pour y parler d’enrichissement et de rigueur économique.

Le 13 novembre 2012, plus de 50 organismes représentant des centaines de milliers de citoyens demandent une rencontre avec la première ministre pour discuter de la nécessité d’une commissioin d’enquête publique et indépendante sur les dérapages policiers du printemps 2102. La réponse fut le silence le plus complet.

Le 1er février 2013, le Conseil central du Montréal métropolitain de la CSN, le Regroupement intersectoriel des organismes communautaires de Montréal et le Regroupement des organismes communautaires famille de Montréal unissent leurs voix pour demander un rencontre avec Jean-François Lisée, ministre responsable de la région de Montréal, afin de discuter du problème que représente l’intrusion des fondations privées dans les orientations sociales du gouvernement. La réponse fut le silence le plus complet.

Malgré des relances récentes à l’une et à l’autre, la réponse est toujours le silence le plus complet.

Pierre-Karl Péladeau dit à la première ministre qu’il aimerait bien «servir» le Québec. Elle ne tarde pas à nommer ce magnat de la presse à la présidence du conseil d’administration d’Hydro-Québec procédant à ce que certains ont appelé très justement la berlusconisation du Québec.

Au printemps dernier, quand monsieur le maire Tremblay de Montréal implorait que cessent les manifestations parce que ça déplaisait aux commerces, je lui ai demandé si c’était les commerces ou les citoyens qui élisaient les maires. Si les maires devaient s’occuper de la population d’abord ou des commerces en priorité. La réponse fut le silence le plus complet.

Le message est tristement clair: les politiques sont élus par les citoyens, mais ils gouvernent au service du commerce.




15 avril 2013


Paradoxes de l’information


Jamais nous n’avons eu accès à autant d’informations. Les sources sont diversifiées, riches et nombreuses. Il n’est même plus nécessaire de se fier aux médias de masse, on peut aller chercher les renseignements qui nous intéressent par les canaux qui sont les plus près de nos préoccupations et ainsi obtenir des nouvelles avant même le grand public.

Mais, alors que 50 sources différentes proposant 20 nouvelles différentes devraient nous fournir 1000 renseignements nouveaux, la concurrence entre les différentes sources pour s’arracher le chaland fait en sorte que les 50 diffuseurs se disputent la clientèle en nous présentant chacun 10 fois les deux mêmes manchettes criardes et «pipoles», de sorte qu’on se retrouve avec 100 renseignements de plus ou moins d’importance au lieu de 1000 utiles.

Pas plus aujourd’hui qu’hier, il n’est possible de bien se renseigner sans faire soi-même une chasse à l’information. Se renseigner, malgré la facilité d’accès aux sources, exige un travail de recherche, de tri et d’analyse.

Prenons un autre exemple à partir d’une information bien connue et accessible à tous. Comment appelleriez-vous une personne qui réunit sous son toît des miséreux pour les regarder mourir sans leur fournir aucun analgésique, qui fricote avec les dictateurs et reçoit leurs cadeaux, qui récolte de l’argent pour faire des campagnes contre le droit des femmes à l’avortement et qui vole au secours des compagnies en demandant aux pauvres de rester tranquilles et d’accepter le sort que Dieu leur fait. Moi, j’appelle ça un monstre, et ce monstre s’appelle Mère Térésa.

Il y a quelques semaines des journalistes ont déterré ces informations qui étaient déjà largement publiques et qui avaient entre autres été colligées dès 1995 dans le livre de Christopher Hitchens, The Missionary Position (Mother Teresas in Theory and Practice). J’aurais pu moi-même témoigner de cela dès décembre 1984 (et vous de même si vous étiez de ce monde, car c’était dans toutes les télés de la planète) quand la bonne dame est allé prêcher la résignation et le pardon à la population de Bhopal qui voulait exiger des comptes à la compagnie Union Carbide.

Même la faculté de théologie de l’Université de Montréal a expliqué qu’il n’y avait pas lieu de réagir à ces nouvelles, qui n’en étaient pas, puisqu’elles étaient de notoriété publique depuis longtemps. On terminait en disant que les gens préfèrent croire ce qui les arrange que de faire face à une réalité déplaisante.

Voilà bien un autre paradoxe de l’information, non seulement les faits sont facilement accessibles, mais ils sont connus depuis longtemps. Pourtant ils n’ont aucun effet sur les masses qui les oublient aussitôt préférant le mythe confortable à la vilaine vérité.




8 avril 2013


Quand la nouvelle détruit l’information


Vendredi dernier (5 avril 2013), les nouvelles du matin à Radio-Canada parlaient, comme il se doit, d’un spectacle tenu au Latulipe, rue Papineau à Montréal. Cet événement organisé par la Coalition contre la réforme de l’assurance emploi visait à donner de la visibilité à sa campagne contre les désastreuses modifications imposées par le gouvernement Harper au régime d’assurance emploi.

Peu de gens connaissent les détails de cette réforme enterrée parmi des centaines de modifications à environ 60 lois dans la loi mammouth C-38. Expliquer ces choses serait un véritable travail d’information que les médias devraient se donner comme devoir.

Toujours est-il que le malheureux fait divers des deux décès dans une garderie de la région de l’Outaouais a complètement évacué cette nouvelle et a fait la manchette des informations tout le reste de la journée et toute la journée du lendemain.

C’est alors que le fait divers prend le pas sur le fait social, que la nouvelle détruit l’information. Pour éviter de se faire reprocher de répéter ad nauseam une information qui n’est plus une nouvelle, on décompose l’information: à 15 heures, on apprend par quelle porte le tueur est entré, à 16 heures, on découvre la couleur de la robe que portait la directrice de la garderie.

Là, encore, on confond la nouvelle et l’information, on cède à la tentation du voyeurisme et on met sur le même pied le fait divers, qui devrait se retrouver en bas de liste, avec le fait social, structurant et systémique, et qui devrait donc avoir la priorité.

Il n’est pas vrai que le journalisme soit uniquement dévoué à la nouvelle. Il se doit aussi à l’information. Quant aux nouvelles elles-mêmes, elles doivent être triées et classées selon leur «signification», c’est-à-dire leur impact réel sur la collectivité, et non leur attrait voyeuriste éphémère.




1er avril 2013


Ce qu’on ne veut pas voir


Plutôt que d’accepter une réalité qui leur déplaît, certains feindront de ne pas la voir. Et, si en plus, elle ose se montrer, ils feront tout pour la dissimuler ou la nier, quitte à l’écraser.

Deux cas illustreront mon propos.

1. La violence policière

Depuis l’élection du Parti québécois, j’ai toujours trouvé suspecte l’obsession du ministre Duchesne à répéter sans cesse que «les gens ne sont plus dans la rue, on se parle maintenant». Comme si l’expression dans la rue était une mauvaise chose, comme si la démocratie ne s’exerçait que dans le bulletin de vote.

Avec l’absence totale de réaction de ce gouvernement à la demande d’une enquête publique et indépendante sur les agissements policiers, avec l’indifférence incroyable dans laquelle il acceuille l’écrasement des moindres manifestations, avec le silence qui accompagne l’application du règlement P-6 de la ville de Montréal, aux conséquences pourtant aussi terribles que celle de l’ignoble Loi 12, avec la superbe nonchalance quant aux propos mensongers et révoltants de la police montréalaise concernant l’inexistence du droit de manifester, on constate que le Parti québécois ne voulait pas voir la démocratie, considérant comme le Parti libéral qu’entre les élections, il n’y a pas de démocratie, seulement de la gouvernance. Cela confirme l’usurpation de la volonté générale et du bien commun au profit de ce que l’on appelait au milieu du siècle dernier les «puissances d’argent».

Il est grand temps de réhabiliter la rue, mais il ne faut pas compter sur le Parti québécois, parti aussi bourgeois que le Parti libéral ou la CAQ, pour le faire.

2. L’homophobie

Un quidam m’ayant vu avec mon conjoint s’empresse de me demander ce que je pensais des deux messages télévisés utilisés dans la campagne de sensibilisation contre l’homophobie. Je répondis qu’ils sont très gentils et positifs.

«Mais, vous ne trouvez pas ça trop provocateur, m’a-t-on répliqué, ça pourrait faire tourner les homophobes contre le message voulu?» Je n’en croyais pas mes oreilles. «Vous trouvez ça provocateur», ai-je reparti?

—Non, pas pour moi, mais pour les homophobes!
—Un geste si simple et si anodin est provocateur?
—C’est simple et anodin pour vous!
—Non, intellectuellement parlant, Monsieur, deux personnes qui s’embrassent quand elles se retrouvent, n’est-ce pas la chose la plus banale qui soit?
—Ben, pas pour les homophobes.

J’en suis encore médusé. Cette campagne extraordinairement soft serait provocatrice et il faudrait être davantage discret? N’est-ce pas à dire qu’il faudrait absolument se cacher? N’est-ce pas exactement ce que veulent les homophobes, ne pas voir qu’on existe?

Il est grand temps d’affirmer haut et fort que l’homosexualité est normale et que c’est l’homophobie qui n’est pas acceptable.




25 mars 2013


La police au service de qui?


À quoi devrait servir la police? À maintenir l’ordre public en principe. Et l’ordre public ne devrait-il pas être défini par la volonté générale qui s’exprime dans les institutions démocratiques? À voir comment les choses se déroulent, c’est loin d’être le cas.

Nous sommes nombreux à nous inquiéter quand la police, par la bouche d’un porte-parole officiel, se permet effrontément de déformer la réalité dans une déclaration mensongère, telle que celle citée dans cet article de La Presse à l’effet que le droit de manifester ne serait pas garanti par nos chartes des droits.

Mais une autre très grave raison de s’inquiéter, c’est quand la police offre ses services à qui peut les payer comme cela est présenté sous l’onglet «Services affaires» de son site. Qu’il ne se trouve personne pour s’en émouvoir parmi le personnel politique actuel est un très mauvais signe.

On n’espérait pas grand-chose des libéraux pour qui l’État est un buffet bien garni auquel peuvent s’empiffrer ceux qui arrivent à s’en approcher, mais des péquistes, qui prétendent avoir des notions de bien public, c’est pour le moins désolant.

Ainsi donc, quand la police s’approche de vous comment pouvez-vous savoir à l’avantage de qui elle intervient? Comment ne pas croire qu’elle est en service commandé pour une cause privée qui n’a rien à voir avec l’ordre public, mais tout au contraire avec la bonne marche de la business?




18 mars 2013


Paul Rose


Le camarade Paul Rose est décédé la semaine dernière. Il était clair pour moi que le seul sujet de mon billet cette semaine serait cet homme de valeur que j’ai appris à connaître.

J’ai eu la chance de négocier deux conventions collectives avec lui. Passer de longues heures à attendre et à préparer les étapes à venir m’a permis de mieux découvrir ce grand gaillard aussi remarquable par sa taille que par sa gentillesse et sa douceur.

À travers les vicissitudes de la vie, Paul avait acquis une sagesse qui pouvait déconcerter les esprits un peu plus rigides. En plus d’être toujours prêt à analyser et à comprendre comment les autres pouvaient aboutir à tel ou tel comportement, comme conseiller il nous présentait toutes les options avec les conséquences. Cependant, il nous laissait décider de l’action à entreprendre, ce qui est le véritable rôle d’un conseiller même si cela a l’heur de déplaire à ceux qui préfèrent se faire dicter leur conduite, quitte après à se plaindre d’avoir été mal conseillés.

Compréhensif et patient, il n’appréciait pas les esprits superficiels, mais se montrait tolérant à leur égard. Je ne l’ai vu s’emporter qu’une fois. C’était surtout un emportement rhétorique, sa voix était forte, mais pas colérique. Toutefois, comme il était impressionnant debout, faisant des gestes pour ponctuer son message et pointant du doigt les responsables de son impatience, les négociateurs patronaux faisaient mine de vouloir se cacher derrière leur table.

Ayant négocié dans plusieurs secteurs auprès d’employeurs de toute sorte, il n’en revenait pas de constater tant de petitesse chez ceux qui auraient dû être les mieux éduqués.

Il appréciait les arts, la poésie, le cinéma. Toujours ouvert à des discussions élevées, mais aussi capable de blaguer. Il faisait preuve d’une grande humanité.

Peu de gens savent ce qu’il a fait pour améliorer la condition des détenus, pour qu’ils aient un meilleur accès à la formation et à l’éducation, pour l’accès à des visites contacts.

Titulaire d’une maîtrise en développement régional, il a été lui-même chargé de cours. Il comprenait bien notre situation. Quant à la précarité, il avait déjà donné.

Je garde en mon coeur la mémoire d’un homme chaleureux, militant, partisan de la justice et profondément humain.





11 mars 2013


Exigeons une enquête publique et indépendante
sur les agissements policiers pendant le printemps Érable !


Au printemps 2012, plus de 3400 personnes ont été arrêtées.
Des centaines ont été blessées.
La répression a été brutale et injustifiée.

Plus de 50 groupes de la société civile exigent une enquête publique et indépendante.
Ils ont demandé une rencontre avec la première ministre. Nulle réponse ne nous est parvenue.

Venez participer à la vigile organisée

le mardi 19 mars 2013, de 9 h à 21 h
devant les bureaux de la première ministre
Avenue McGill College
entre Sherbrooke et De Maisonneuve

Le Conseil central du Montréal métropolitain-CSN sera plus particulièrement visible à la plage horaire de 18 h à 19 h.

À 19 h, il y aura projection du film Dérives produit par 99%Média.




4 mars 2013


Poulapaix


«Poulapaix poulapaix poulapaix poulapaix poulapaix, moi j’suis poulapaix poulapaix disait-il.
On l’appelait monsieur Poulapaix.

Même quand la police défonce des portes à quatre heures du matin
...
Même quand on fait des procès en l’absence de l’accusé
...
Même quand on demande à la liberté de montrer ses papiers
...
Même quand on traite les chômeurs de maudits paresseux
...
Même quand on casse des grèves à coups de matraque
...
Même quand la police tire dans le dos des jeunes en les traitant de maudits drogués»

Gérald Godin

Monsieur Poulapaix, c’est moi. Malgré toutes les provocations, malgré les mensonges largement diffusés, malgré la démesure de la répression.

Je fais partie des Artistes pour la paix et je m’obstine à penser que l’art et la culture nous sauveront.

Mais, je ne suis pas aveugle pour autant. J’ai vu le lundi 25 février 2013, en direct à CUTV, la télé qui ne fait pas de montage commode, les policiers armés, bottés, casqués, charger sur une foule pacifique.

J’ai vu le mardi 26 février 2013, en direct dans la rue, les agents de médiation de la police venir nous faire du charme à la queue de la manif pendant que la cavalerie se préparait à charger des gens sans défense à la tête de la foule.

Et pendant ce temps, le gouvernement du Québec tarde toujours à créer une commission d’enquête publique et indépendante sur les agissements de la police.

Oui, je suis encore et toujours poulapaix, mais il me semble que j’aurais plus de chance de succès si la police ne déployait pas tant d’énergie pour me prouver que j’ai tort.





25 février 2013


Marre de compter!


Mercredi soir dernier, j’étais devant l’édifice de la Commission scolaire de Montréal afin de réclamer avec le collectif Éducation sans frontières l’accès à l’école pour les enfants des sans papiers.

Un commissaire qui passait et à qui j’expliquais la cause m’a demandé si nous savions quels étaient les coûts d’une telle demande. Je lui répliquai que l’on ne posait pas telle question à quelqu’un qui se présente à l’hôpital et qu’on ne devait pas le faire non plus pour tout droit fondamental.

Il ne s’agit pas ici de fournir gratuitement des pastilles contre la toux à la population entière. Il s’agit simplement de remplir la mission normale de l’État et de permettre l’accès à l’éducation à tout enfant comme nous y sommes engagés par le Pacte international sur les droits sociaux, économiques et culturels.

Quand il s’agit d’un droit fondamental, on ne se demande pas combien ça coûte, mais on s’organise pour le réaliser. À moins qu’on demande à la population de faire moins d’enfants pour qu’il y en ait moins au total dans les écoles?

Hier, j’étais devant les locaux de l’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal en appui aux sages-femmes qui demandent entre autres que la rémunération pour leurs heures de garde soit raisonnable. Alors que les infirmières ont droit à une heure de salaire payée pour chaque tranche de 8 heures de garde, les sages-femmes ne sont payées que 1$ par heure de garde, soit moins que le salaire minimum d’une heure pour 8 heures de garde. Et on veut nous faire croire que c’est cela qui va déséquilibrer le budget du Québec?

Ah oui, j’oubliais, il faut respecter le déficit zéro. Il faut tout compter parce qu’on «n’a pas les moyens». Et il faut faire des règles différentes pour les «eux» contre les «nous» pour les «elles» contre les «autres». Souvent compter empêche de réfléchir.





18 février 2013


Média et idéologie


J’avais rangé mon carré rouge quelque temps après les élections de septembre, mais je l’ai ressorti dès le mois de novembre voyant comment le Sommet sur l’enseignement supérieur dessinait l’une de ces consultations dont les apôtres de la mobilisation-concertation des acteurs à la sauce gouvernance ont le secret.

Ce port du carré rouge ne m’a valu aucune question particulière, sauf hier où tout à coup plusieurs quidams apeurés m’ont demandé ce qui se passerait bientôt. Il semble que la rumeur des médias de droite ait augmenté le régime sur ce sujet.

Jeudi soir 14 février 2013, quelques centaines de manifestants d’Idle no more ont parcouru les rues de Montréal. Je n’en ai eu aucun écho par les médias traditionnels.
Dimanche 17 février 2013 vers midi, une centaine de manifestants anglophones protestaient contre le projet de loi 14 qui vise à renforcer la loi 101. Cette nouvelle a fait le premier sujet des nouvelles radio de Radio-Canada toute la journée. Ça me rappelle quand les carrés verts manifestaient à 12 et étaient couverts autant que les carrés rouges qui manifestaient par dizaine de milliers.

Lors du Forum social de Laval, en novembre 2102, le comité des jeunes du Conseil central du Montréal métropolitain de la CSN présentait des clips vidéo diffusés sur le web pour faire pièce à la couverture inadéquate des médias traditionnels. Une personne présente ayant longtemps fait du journalisme s’est élevée contre la tentation naïve de croire qu’il y a un complot médiatique favorisant leurs grands propriétaires capitalistes. J’ai répliqué qu’il était encore bien plus naïf de s’imaginer neutres parce qu’on n’est pas conscient du charriage idéologique qu’on transporte, tant il est vrai que l’idéologie n’est pas ce que l’on pense, mais ce qui nous pense. Le travail de recul, de mise à distance et de critique des poncifs que nous assènent les «experts patentés» est toujours nécessaire et le reportage «neutre» est probablement ce qu’il y a de moins neutre.

Si les médias sociaux offrent autant la parole aux voix de toutes les tendances et sont donc bien loin d’être exempts de l’idéologie néolibérale dominante, du moins ils offrent une diversité, ils sont un canal par où s’exprimer.




11 février 2013


La justice ou la peur?


Ces croyants qui ont besoin d’un dieu pour appuyer la morale me remplissent d’horreur et d’effroi. Ils nous avouent tout simplement que la seule chose qui les retient de nous voler, violer et égorger (pas nécessairement dans cet ordre, d’ailleurs) est la crainte de l’enfer ou de la punition de leur dieu.

Ce sont donc des psychopathes doublés de sociopathes qui trouvent désirables le vol, le viol et le meurtre.

Le pire, c’est que pour nous prouver que leur dieu a raison et nous obliger à penser comme eux, ils sont bien prêts à nous voler, violer, égorger (toujours pas nécessairement dans cet ordre).





4 février 2013


Méfions-nous de ces personnes qui définissent la vertu pour nous!


Deux récentes activités, soit le colloque sur les PPP sociaux, tenu les 31 janvier et 1er février ainsi que le Forum citoyen de Montréal en vue du Sommet sur l’enseignement supérieur, ont été l’occasion de rappeler qu’il ne faut pas prendre pour argent comptant les concepts qu’on nous livre comme si nous devions nous soumettre à leurs présupposés.

Prenons par exemple le concept de gouvernance, dont j’ai déjà maintes fois parlé. Prétendre qu’une certaine façon de composer les conseils d’administration, de réguler les structures de pouvoir dans une organisation, que cette façon donc soit la bonne juste parce qu’elle correspond aux recommandations de l’Institut sur la gouvernance des organisations publiques et privées, c’est mépriser la volonté des communautés qui pourraient s’exprimer tout autrement. Faisons passer la démocratie avant les principes de «gouvernance».

Autre exemple: la mobilisation. Les subventions venant des comités de gestion qui administrent les fonds venant de la Fondation Chagnon et du gouvernement québécois (Avenir d’Enfant, Québec en forme, Réunir Réussir, Appui) demandent une mobilisation des milieux. Si cette mobilisation consiste à adhérer à des mots d’ordre déjà décidés, elle se fait au service de quoi et de qui?

Dernier exemple: la qualité. Ça fait des lustres que j’entends parler d’éducation de qualité, mais j’aimerais bien savoir qui définit la qualité. Est-ce que la qualité, c’est la satisfaction du client? Est-ce que la qualité, c’est la possibilité de comparer les pratiques d’un établissement à l’autre? Il n’est pas sûr que je veuille de cette qualité-là.

Remettez en question tout ce qu’on vous sert: que ce soit la «saine gestion», la «bonne gouvernance», la «qualité», la «concertation», la «vertu» et j’en passe.

C’est toujours difficile d’avoir l’air d’être contre la vertu parce que des gens bien intentionnés nous arrivent avec de beaux concepts tout ficelés et enrubannés, mais la première chose à faire quand on nous soumet ces beaux cadeaux, c’est d’être plus méfiants que les Troyens et de vérifier ce qu’ils ont dans le ventre avant de les faire entrer en nos murs.




28 janvier 2013


Les Français et nous


Nous sommes différents et nous nous ressemblons.

Parfois nous croyons nous comprendre et nous nous méprenons.

Par exemple, cette fois où une amie autour de l’année 1980 s’était retrouvée sur un banc quelque part aux Tuileries et avait engagé la conversation avec, ô coïncidence, quelqu’un qui était enseignant comme elle!

Il la croyait millionnaire. Elle le croyait miséreux. En effet, ils avaient discuté salaires. Elle avait donné son salaire annuel brut, comme c’est l’usage au Canada, mais sans dire que c’était le salaire annuel brut puisque c’est entendu. Il avait donné son salaire mensuel net, comme c’est l’usage en France, mais sans dire que c’était le salaire mensuel net puisque c’est entendu.
Imaginez l’écart!

D’autres fois, nous nous croyons éloignés, mais nous faisons pareil.

Par exemple, cette manie de croire qu’une expression en anglais est plus «parlante» qu’une expression française. Nous nous gaussons bien de leurs emprunts à l’anglais, et pourtant nous empruntons nous aussi même sans besoin.

Mais alors que leurs anglicismes portent carrément les habits anglais, tels les shopping et les mail, les nôtres se déguisent sous des vêtements français comme nos éventuellement pour dire «un jour» alors qu’en français ce mot veut dire «si les circonstances s’y prêtent» ou nos décade pour dire «dix ans» alors qu’en français ce mot veut dire «dix jours».

Nous sommes parfois offusqués de voir chez eux à quel point le client n’est pas toujours roi. Le commerçant ne se plie pas en quatre pour satisfaire nos caprices. Par contre, nous sommes ravis de constater que le même commerçant n’essaiera pas nécessairement de nous fourguer un article qui ne nous convient pas et sera prêt à nous envoyer chez son compétiteur si ce dernier a ce qu’il nous faut; on ne voit pas ça souvent chez nous.

Nous nous croyons très solides devant les changements de climat, mais nous chauffons à 25 en hiver et climatisons à 17 en été. Les Français me paraissent bien plus résistants que nous au froid et à l’humidité. Quand il fait moins 5 à Paris, je grelotte bien davantage que lorsqu’il fait moins 30 à Montréal.

Ils nous bassinent avec notre accent, mais ne faisons-nous pas de même avec eux?

Et, ici comme là-bas, nous mettons beaucoup de temps à accepter qu’un «immigrant» soit un des nôtres. Pourtant, toute l’histoire de l’humanité est faite d’immigration.

Si nous pouvons les trouver par moments prétentieux, ils nous jugent souvent pusillanimes. C’est toutefois Marcel Rioux, dans son ouvrage Les Québécois, qui illustre le mieux nos différences d’attitude: pour le Français tout est occasion d’apprendre ou d’enseigner alors que pour le Québécois tout est prétexte à une histoire ou relation d’une expérience.

De part et d’autre de l’Atlantique, nos charmes sont aussi nos faiblesses; nous n’avons pas fini d’apprendre les uns des autres et d’enrichir nos expériences.




21 janvier 2013


Débattre de l’égalité?


Contrairement à ce que certain aimerait bien nous faire croire, le débat en France autour du mariage des conjoints de même sexe est tout sauf riche. Il est empreint d’un navrant refus de l’égalité et d’une homophobie malheureusement très bien assumée pour beaucoup et dissimulée sous une prétention anthropologique profondément ridicule pour d’autres. Faire du fantasme maman, papa, bébé, le modèle de toutes les familles du monde alors que cette famille nucléaire est extrêmement circonscrite dans le temps et dans l’espace, c’est proprement étaler son ignorance.

Au Québec le débat a tourné court et a donné lieu rapidement à une loi sur l’union civile (en 2002) parce que les élus ont fait preuve de sensibilité et d’intelligence. Ils se sont vite rendu compte d’une chose très simple: de l’égalité devant les droits, on ne débat pas.

Il n’en a hélas pas été ainsi au niveau canadien et le sujet a été sur le devant de la scène médiatique pendant des années avant que la question ne se règle devant les cours, puis devant le parlement en 2005. Il y a même eu une commission parlementaire itinérante sur la question. Prétendre qu’il n’y ait pas eu de débat de ce côté-ci de l’Atlantique, c’est encore une fois étaler son ignorance. Toutefois, ce n’est pas que le débat fût à ce point justifié.

Il n’y a jamais eu de débats riches sur l’abolition de l’esclavage, mais des plaidoyers riches en faveur de l’égalité. Il n’y a jamais eu de débats riches sur le vote des femmes, mais des plaidoyers riches en sa faveur. Il n’y a jamais eu de débats riches sur le mariage des conjoints de même sexe, mais des plaidoyers riches en sa faveur.

Ce qui se débat, ce n’est pas ce qui oppose les Noirs et les Blancs, les femmes et les hommes, les homos et les hétéros, mais bien ce qui les concerne tous. Par exemple, il n’y a pas lieu de débattre de l’abolition de l’esclavage, mais bien de débattre des limites et de l’extension à accorder aux contrats de louage de sa force de travail d’un être humain à un autre être humain ou à une «personne morale». Il n’y a pas lieu de débattre du droit de vote pour les femmes, mais bien de débattre de comment le vote doit être exercé par tous, de son caractère plus ou moins proportionnel, de la fréquence de ce vote, de ce qui lie les personnes élues aux citoyennes et citoyens. Il n’y a pas lieu de débattre du mariage des conjoints de même sexe, mais de débattre par exemple de la PMA (procréation médicale assistée), pas dans le but de savoir si elle doit s’appliquer aux couples homos, mais de savoir si on l’accepte point. Si oui, il n’y a pas de raison que certains couples en soient exclus.

La France, hélas, ne fait pas particulièrement bonne figure avec ses hordes d’opposants à l’égalité des droits, qui se drapent dans des arguties spécieuses, qui fleurent le mépris et la haine. La France retarde, et j’aimerais bien qu’on m’explique comment les Espagnols, les Belges et les Néerlandais échappent tout à coup à la «civilisation» ou aux «principes anthropologiques» que prétendent défendre les antimariage.

Mais il faut bien que la plupart se rabattent sur des distinctions jésuitiques comme cette histoire de «couples ayant la capacité de reproduction», qui ne résiste pas une seconde à l’épreuve de la réalité, quand on sait que les couples stériles hétéros se marient sans aucune objection de quiconque et que la plupart des couples homos ont intactes leurs capacités de reproduction, dont ils ne se privent d’ailleurs pas. Mais, il le faut bien, dis-je, car il n’y a pas d’arguments justes contre l’égalité. Il n’y a que ce sentiment lancinant que ces «gens-là» ne sont pas comme nous, qu’ils ne peuvent pas former une famille et qu’on ne va tout de même pas leur confier des enfants.

Quant au supposé droit des enfants à avoir un père et une mère, quelle fadaise digne du plus mauvais élève de rhétorique! Les droits des enfants sont beaucoup plus sérieux et beaucoup plus précis que cela: l’aliment, la protection, l’hygiène, l’affection et l’éducation, peu importent le nombre et le sexe des personnes qui les leur procureront.

Débattre de l’égalité? Non. L’obtenir, si!




14 janvier 2013


L’obsession de l’activité


On me demande quand j’annonce que je vais passer mes vacances à Paris pour la trente-deuxième fois: «Mais qu’est-ce que tu vas faire?» C’est un peu la même question qu’on me pose lorsqu’on apprend que je prendrai ma retraite à la fin de mon présent mandat.

Outre le fait que j’aie dans mes cartons de quoi écrire pour les vingt années à venir sans discontinuer, je ne vais pas non plus à Paris pour voir la tour Eiffel pas plus que je ne visite le stade Olympique tous les jours depuis que j’habite Montréal.

On ne va pas nécessairement quelque part pour «faire», mais pour «être». Pourquoi donc faudrait-il toujours faire quelque chose? Cette obsession de l’activité est bien occidentale; elle est semblable à cette autre manie que nous avons, et dont je parlais récemment avec une camarade, de vouloir à tout prix meubler le silence de nos paroles, alors que d’autres cultures s’accommodent très bien de passer du temps ensemble sans même parler, sans même agir, comme le font les amoureux et comme devraient pouvoir le faire les amis.

Petit aparté analogique: Cela me ramène aux derniers moments que j’ai passés avec mon père. J’étais dans sa chambre de CHSLD et je lui tenais la main sans mot dire. Il me regardait, je le regardais. Il tombait assoupi par moments. Un instant, il releva la tête et me demanda: «Ça doit être plate pour toi.» Je répondis: Non, est-ce que c’est plate pour vous? Il fit signe que non. Eh, bien, ce ne l’est pas davantage pour moi. On est bien là; ça me suffit.

Pour revenir à notre sujet, l’art de ne rien faire, n’en déplaise aux maniaques de la production, est aussi nécessaire à la vie que l’art de l’action. C’est pourquoi pendant mes vacances j’en profite pour accomplir mon activité préférée: Rien.

Les croyants appellent ça prier; les philosophes et les sages appellent ça méditer; les pragmatistes appellent ça recharger ses batteries; les hédonistes appellent ça se reposer ou se gâter; les intellectuels du réalisme critique appellent ça l’état de latence; les humanistes appellent ça se recueillir, ce qui au sens propre signifie «ramasser ses morceaux pour se refaire une unité dans la diversité de son expérience».




14 décembre 2012


Fondations et PPP sociaux: visages de la privatisation


Nous vous invitons à vous inscrire à un colloque portant sur les grandes fondations à fonds mixtes (comme la fondation Lucie et André Chagnon), lesquelles s’infiltrent de plus en plus dans nos services publics. Ces fondations nous dictent leurs valeurs et contournent nos lieux démocratiques pendant que le gouvernement perd son rôle d’expression de la volonté commune dans les orientations sociales.

Par ce colloque, nous voulons réfléchir sur leur impact, partager un état de situation et réfléchir ensemble à des pistes d’interventions communes. Il s’adresse à tous les acteurs préoccupés par ces questions : intervenantes et intervenants en milieu communautaire, syndicats, travailleuses et travailleurs des services publics, citoyennes et citoyens...

Ce colloque aura lieu le 31 janvier 2013, de 19h à 21h et le 1er février de 9 h à 15h30, à la CSN (1601 de Lorimier).

Pour vous inscrire : ginette.henry@csn.qc.ca. L’inscription est obligatoire. Des frais de 20$ sont demandés et sont payables sur place.

C’est un rendez-vous!

Ce colloque est organisé conjointement par le Regroupement des organismes famille de Montréal (ROCFM), le Regroupement intersectoriel des organismes communautaires de Montréal (RIOCM) et le Conseil central du Montréal métropolitain-CSN (CCMM-CSN).

Francis Lagacé
2e vice-président du CCMM-CSN




10 décembre 2012


Au secours, Monsieur Lafargue!


Le comité Environnement et Développement durable du Conseil central du Montréal métropolitain-CSN a organisé le 29 novembre dernier une soiré de réflexion sur la décroissance, intitulée «Pour sauver la planète, repenser le développement». À cette occasion, une conférencière, Andrea Levy, a interpellé les syndicats afin qu’ils reprennent leur revendication traditionnelle de réduire la durée du travail.

Cela m’a rappelé un article que j’avais publié dans L’Action nationale en 1995 et qui avait été intitulé par la rédaction «La réduction de la semaine du travail» alors que je lui avais donné le même titre qu’à ce billet.

Paul Lafargue, socialiste et gendre de Karl Marx, a publié le magnifique essai Le droit à la paresse en 1880, une lecture qui devrait être obligatoire dans les écoles. Et faisant appel à lui dans mon article, j’argumentais que la responsabilité sociale des entreprises doit faire en sorte qu’elles retournent leur profit non seulement sous la forme de salaire décent, mais aussi sous forme de temps parce que la production augmentée grâce aux machines devrait profiter à tous plutôt qu’à un seul propriétaire qui bénéficie des progrès de la technique et du travail de plusieurs.

Quelqu’un dans la salle nous a posé une question fort intéressante: «Est-ce que la réduction du temps de travail remet en cause le capitalisme destructeur pour la planète?» La discussion n’a pas permis de conclure que oui, car la redistribution du temps et de l’argent peut se faire sans annuler le profit. Or, la notion de profit est fondamentale dans le capitalisme.

Toutefois, en y repensant bien, si la revendication de la diminution du temps de travail est constante et conséquente, elle doit in fine aboutir à remettre en cause le profit puisque la rémunération décente mais non faramineuse de tous et chacun (le propriétaire, les actionnaires, les personnes travailleuses, les personnes lésées par l’activité économique, l’ensemble de la population par un impôt progressif et par des taxes appropriées) nous dispense de la nécessité du profit.

Il faut convenir que ce n’est pas la seule mesure à entreprendre, mais elle est plus que jamais nécessaire et, sur ce point en tout cas, Paul Lafargue est de fort bon conseil tant il est vrai qu’on n’a jamais tant travaillé et tant produit. Les personnes qui n’ont pas accès au travail méritent qu’on leur redistribue la richesse en argent; les personnes qui ont accès au travail méritent qu’on leur redistribue la richesse en temps sans réduire leur revenu. La richesse est là, on n’a pas à la créer.

«Les socialistes révolutionnaires ont à recommencer le combat qu’ont combattu les philosophes et les pamphlétaires de la bourgeoisie ; ils ont à démolir, dans les têtes de la classe appelée à l’action, les préjugés semés par la classe régnante. » (Paul Lafargue, extrait du Droit à la paresse)




3 décembre 2012


Les chargéEs de cours, excellentEs enseignantEs


Avec les rencontres sur la qualité de l’enseignement en vue du Sommet sur l’enseignement supérieur, on nous ressort la rengaine de la qualité menacée par la présence importante des chargéEs de cours dans les universités.

D’abord un petit mot sur la qualité. Ce concept est complètement contaminé par les affairistes de toute sorte. Qui définit ce qu’est la qualité? La qualité pour qui et dans quel but? Ça me fait penser aux jugements qu’on porte sur les universités et dont l’UQAM sort toujours perdante pour les raisons mêmes qui sont sa force: une université située au centre-ville et ouverte à la mixité sociale.

Quand on calcule les ratios professeurEs étudiantEs, on oublie toujours de compter les chargéEs de cours. En fait, les universités préfèrent les cacher de leurs statistiques, comme on cache la bonne immigrée qui est pourtant responsable du succès de la cuisine.

Quand j’entends des déclarations chocs comme «certainEs étudiantEs auront fait tout leur bac sans rencontrer un seul professeur», je ne me peux m’empêcher de riposter que les étudiantEs en question en seraient les premiers surpris, car elles et ils vous jureront qu’elles et ils en ont eu une bonne trentaine. Pour l’immense majorité des étudiantEs, unE professeurE est une personne qui leur enseigne. Et elles et ils ont bien raison.

J’ai beaucoup d’amiEs chez les professeurEs. Je vais en insulter plusieurs ici, mais il faut bien dire qu’en 26 ans d’expérience comme enseignant à l’université avec des contrats à durée déterminée, les témoignages que j’ai recueillis de la plupart des étudiantEs qui connaissent la différence entre unE chargéE de cours et unE professeurE sont à l’effet que les chargéEs de cours sont meilleurs pédagogues, plus à l’avant-garde, alors que les professeurEs sont payés pour être à la fine pointe des connaissances, et plus disponibles alors même que les professeurEs disposent de bureau et ne sont pas obligés de travailler en trois ou quatre endroits différents pour arriver à un revenu suffisant.

Devrais-je verser dans l’excès inverse de celui que je dénonce en prétendant qu’il suffirait de supprimer les postes de professeurEs? Ce ne serait pas plus malin que les personnes qui associent chargéE de cours et risques pour la qualité.

C’est la qualité de vie des personnes chargées de cours qui est menacée par leur précarité. On ne peut être contre une augmentation du nombre de professeurEs puisqu’il devrait être normal d’avoir une stabilité d’emploi et d’avoir accès à une infrastructure qui permette la recherche.

Mais, de grâce, ne tirez pas sur les précaires, tirez sur la précarité!




25 novembre 2012


Bachand s’en va-t-en guerre, mironton, mironton, mirontaine!


Monsieur Raymond Bachand perdrait sans doute un concours de charisme contre un crapaud, mais il sera peut-être le chef du vénérable parti libéral du Québec, ce parti de lumière et de sagesse, qui nous a donné la perle démocratique qu’on appelle la loi 12.

Ne voilà-t-il pas que, se lançant dans la métaphore sportive, l’illustre ancien sinistre des finances déclare que ses propos récents et plutôt venimeux à l’égard de son rival, Philippe Couillard, sont comme une «mise en échec» au hockey. Le sport exigeant une certaine rudesse même si on ne veut pas «trop blesser» son collègue.

L’inénarrable Outremontrais est un puits de science intarissable et l’on n’a de cesse d’apprendre grâce à lui des paradoxes inouïs. C’est bien la première fois que l’on m’avise que, lorsque deux joueurs sont en compétition pour devenir capitaine de leur club, ils sont autorisés à faire des «mises en échec» à leurs propres coéquipiers.

J’en suis tout ébaubi! Cela ne promet-il pas des splendeurs incomparables s’il devient un jour premier sinistre du Québec?




19 novembre 2012


La guerre contre l’intelligence


On apprenait avec stupéfaction, il y a quelques jours, que l’ancien ministre de la Santé, Yves Bolduc, avait traité d’incompétent le nouveau ministre de la santé, Réjean Hébert, sous prétexte qu’il aurait été trop universitaire et qu’il prenait des notes lors des rencontres avec les acteurs du réseau de la santé, qui pis est, qu’il prenait des notes «comme un étudiant».

Survenant quelque temps après l’intervention du maire Tremblay de Saguenay qui estimait, lui, que Gérard Bouchard avait étudié trop longtemps, cette déclaration montre où logent certains de ceux qui ont la prétention de nous diriger. Ils veulent nous entraîner avec eux vers l’obscurantisme.

On doit donc comprendre que les Bolduc et compagnie n’aiment pas les universités. On voit bien pourquoi ils n’avaient rien à faire de consulter le milieu universitaire pour décider de son avenir.

Ensuite, monsieur Bolduc se vante de ne pas prendre de notes, ça fait trop étudiant. À qui feriez-vous confiance, au prétentieux qui ne prend pas de notes où à celui qui écoute studieusement?

Finalement, on entend dans son discours le mépris des étudiants, encore! «Prendre des notes comme un étudiant» serait une honte au lieu d’une gloire?

Non seulement de pareils abrutis sans aucune envergure sont dans la caverne dont parlait Platon, mais ayant découvert qu’ils y étaient, ils veulent y rester.




12 novembre 2012


Mesure humaine


Savons-nous comment mesurer? Utilisons-nous le bon instrument?

Quand on compare la popularité des films, on calcule en nombre de dollars qu’ils ont rapporté. Quelle gymnastique pour arriver à tenir compte des prix des billets selon les différents types de cinéma, selon les différents pays et selon les années!

Ne serait-il pas plus simple de compter le nombre d’entrées? Après tout, même si un certain nombre des spectatrices et spectateurs ont reçu un billet en promotion, même si un certain nombre n’ont pas aimé le film, il est certain que toutes ces personnes sont entrées dans la salle pour voir le film. N’est-ce pas là la vraie mesure de sa popularité?

Quelqu’un me rapportait récemment les milliers de dollars que représente toute la viande jetée chaque semaine dans un supermarché. Mais comment dois-je interpréter ces dollars? Le poulet, le lapin, le boeuf et le porc n’ont pas le même prix. Si je savais combien de kilos on jette, sachant que 100 grammes constituent une portion, que ce soit du poulet ou du boeuf, je saurais combien de portions on gaspille et combien de repas on aurait pu servir avec toute cette viande jetée.

Dans un but d’optimiser le travail, on veut en certains endroits minuter le temps de certaines relations humaines. D’après vous, quel est le médecin le plus performant? Celui qui traite 5 patients en une heure ou celui qui en traite 10?

Pour moi, c’est celui qui en traite 3, car plus on passe de temps avec une personne plus on a de chance de bien s’en occuper. Vous me direz: mais ça prendrait beaucoup trop de médecins et ça coûterait trop cher.

Ça, c’est une autre question qui concerne l’allocation des ressources, mais ce qu’il faut retenir de cet exemple, c’est que la vraie problématique n’est pas de se demander comment faire pour que le médecin passe moins de temps avec ses patients, mais bien comment faire pour qu’il réussisse à en passer plus.

Quand on sait quel est le vrai plus qu’on cherche, on regarde la situation selon une tout autre perspective et on se pose des questions très différentes.




5 novembre 2012


Questions de jugement


Des juges ont pris la décision de rayer d’un trait de plume l’acquis social du droit de grève pour les étudiantEs du Québec en parlant tout à coup de boycott plutôt que de grève. N’est-ce pas là une décision politique?

Certes, le Québec ne vit pas dans un régime de droit coutumier, mais dans un régime civiliste. Toutefois, dans le domaine social, les pratiques historiques ont leur poids.

Pour discréditer la grève étudiante, certains juges sont allés chercher son encadrement dans le droit du travail et ne l’y ont pas trouvé. Ils en ont conclu qu’il n’y avait pas de droit de grève pour les étudiantEs. N’est-ce pas une erreur de jugement que de confondre le marché du travail et le système d’éducation? N’est-ce pas une erreur de jugement de croire que la grève est un moyen de pression réservé à la négociation des conventions collectives?

Encore une fois, l’Histoire nous apprend que la grève a été utilisée par des groupes qui n’étaient pas nécessairement en lien d’emploi avec les autorités visées, qu’il s’agisse d’étudiantEs, de prisonniÈrEs, de femmes ou de membres de communautés locales.

Si les juges sont nommés par le parti politique au pouvoir, cela ne risque-t-il pas d’affecter l’apparence d’indépendance du judiciaire?

Si les juges sont nommés par le parti politique au pouvoir, cela ne risque-t-il pas de créer dans l’esprit des observateurs l’impression qu’il s’agit parfois de récompense politique?

Si les juges sont nommés par le parti politique au pouvoir, cela risque-t-il de déséquilibrer le rapport entre la tendance progressiste et la tendance conservatrice dans une population?

Si un juge prend une décision en disant qu’il s’agit de combattre l’anarchie, doit-on comprendre que les anarchistes n’ont pas droit à leur opinion dans la société? Doit-on comprendre que le juge en question confond anarchie et chaos?

Doit-on comprendre que la liberté d’expression ne permet pas de s’interroger sur nos institutions?




29 octobre 2012


Conditions de travail


Un jour, mon conjoint m’a demandé: «Francis, tu es un syndicaliste, n’est-ce pas?» Évidemment, ai-je répondu, intrigué avant de reprendre, mais pourquoi tu me demandes ça?

«Ton objectif, c’est d’améliorer les conditions de travail des travailleuses et des travailleurs, n’est-ce pas?», a-t-il repris. Mais tu sais bien que oui, ai-je répliqué.

«Alors, qu’en est-il des tiennes, de conditions de travail?», me fit-il. Eh bien, je ne pus répondre grand-chose. C’est vrai que la plupart des élus des grandes organisations syndicales ont des vies de fous et ne se ménagent nullement.

C’est une sacrée contradiction que nous avons à assumer, et ça mérite qu’on y réfléchisse.




22 octobre 2012


Le public au services des affairistes


J’apprends que le recteur de l’UQAM, Claude Corbo, donnera un déjeuner-causerie pour la Chambre de commerce du Montréal métropolitain le 31 octobre 2012. Parmi les arguments de vente de cette activité, on fait valoir aux entrepreneurs qu’ils peuvent prendre «toute la mesure des retombées positives des partenariats entre les universités et le secteur privé.»

De même, j’avais appris l’existence d’un Forum stratégique pour la santé, le 26 octobre, toujours organisé par la même chambre de commerce. On y parlera des «besoins et occasions liés aux établissements de santé». L’objectif est, entre autres, de faire «connaître toutes les occasions d’affaires du secteur».

La classe d’affaires considère le monde de la santé et de l’éducation comme un marché parmi les autres, une occasion de brasser du fric, et elle ne s’en cache même pas. Et, pourtant, s’il y a des secteurs où la notion de profit n’a aucun sens, où le seul intérêt devrait être celui de la population, ce sont bien ceux de l’éducation et de la santé.

Qu’on ne vienne pas me dire que les États font entrer le privé dans ces secteurs parce qu’ils sont plus efficaces. Ce n’est pas vrai. Le privé lui-même le dit. Les gens d’affaires y cherchent leur profit. On n’est alors pas étonné que des établissements de santé cherchent à imposer la méthode lean en leurs murs, cette méthode qui vise à faire disparaître les temps morts pour que la production soit plus efficace. Les universités et les hôpitaux sont vus comme des usines!

Et nous devrions trouver ça normal?

Madame Marois, nouvelle première ministre, s’adressera à la Chambre de commerce du Montréal métropolitain le 9 novembre 2012. Doit-on comprendre qu’elle ne trouve rien à redire sur cette conception affairiste de nos services publics?





15 octobre 2012


Le printemps des carrés rouges: l’autre révolution culturelle


Je l’ai déjà écrit, le conflit étudiant a servi de révélateur. Il a permis de montrer où se plaçaient certainEs; il a révélé le fond idéologique de plusieurs.

Il a aussi été l’occasion d’amitiés rompues, de familles déchirées.

Loin de trouver cela regrettable, il faut au contraire s’en réjouir. Savoir dans quel camp logent ses proches est une nécessité dans la vie. Mettre fin à l’insignifiante culture du «on va pas parler de ça, sinon on va se chicaner» est tout à fait vital. Parlons-en justement, chicanons-nous ou pas, mais ayons l’intelligence de dire clairement si on est du côté de la justice sociale ou de celui des privilèges.

Nous n’avons pas fini de mettre au jour les conséquences bénéfiques de cette grève et du mouvement social qui en a émergé. Cela déplaira à beaucoup de monde, notamment à qui a fait de l’hypocrisie et de l’abus sa profession.

L’on découvre maintenant (en fait comme l’a si bien dit une correspondante Facebook, «avant on le savait, mais maintenant on le sait») qu’il existe une culture de l’impunité et de la couverture systématique des bavures dans la police. Ne serait-il pas temps d’y mettre fin? Plus que jamais une enquête publique et indépendante sur les agissements policiers est nécessaire.

Le terme «carré rouge» est resté marqué. Il me souvient une rencontre de bonnes gens bien intentionnés qui se sentaient mal à l’aise d’utiliser les outils fournis pour se livrer à une petite expérience, car il s’agissait d’un carton bleu et d’un carton rouge. Une personne ayant émis le commentaire gêné: «ben, ça fait carré rouge pas mal», je m’empressai de répliquer vivement: «Vive les carrés rouges!» pour éviter qu’il y ait approbation d’un tel dénigrement.

Le rapport à la société, à l’autorité, à la démocratie, au gouvernement, évolue. Les nouvelles générations semblent moins psychorigides que les précédentes. Le printemps 2012 est le fruit de ce qui a été semé en 2001 et en 2005. Ce que ce récent printemps a semé éclora sous une forme que nous ne savons prévoir, mais il est à espérer qu’il nous éloignera de l’immonde «révolution culturelle» proposée par l’ex-ministre Bachand, qui n’était autre que la soumission la plus indigne aux diktats du capitalisme néolibéral. Gageons qu’il s’agisse d’une progression vers plus de parole et d’actions pour le peuple, vers plus de justice.

On n’y est pas encore, on n’y sera jamais à 100%; la démocratie n’est pas une destination, c’est un trajet, mais il vaut la peine de s’y engager.




8 octobre 2012


Revenu Québec: les contribuables aiment les responsables

Lettre ouverte au Ministre des Finances et de l’Économie, M. Nicolas Marceau


Monsieur le Ministre,

C’est une histoire banale. Un jour de juillet, on reçoit une enveloppe qui ne contient rien d’autre que ses feuillets de renseignements déjà fournis le 30 avril au ministère du Revenu ainsi qu’une photocopie de déclaration de revenus avec seulement quelques renseignements, inexacts par ailleurs, tapés à la machine.

On s’étonne. On appelle pour savoir ce qui se passe. Comme réponse, on obtient des énoncés vagues qui tous concordent sur un point: on n’a pas vos renseignements.

On se désole, mais on fait contre mauvaise fortune bon cœur et, le 1er août, on va, en personne cette fois, porter à nouveau aux bureaux de l’impôt tous les feuillets de renseignements ainsi qu’une nouvelle déclaration de revenus, consciencieusement recopiée du brouillon réalisé le 29 avril, et dont on joint même une photocopie.

Puis on reçoit une lettre disant qu’on n’a pas reçu la déclaration en question. Quand on appelle pour vérifier, on nous apprend que rien n’a été reçu le 1er août, même si on a une photocopie de la première page de la déclaration de revenus dûment marquée d’un timbre indiquant que les documents ont bien été reçus à la date en question.

Puis on reçoit un avis de cotisation fantaisiste, dont les données ne sont pas valides, parce que les renseignements transmis n’ont pas été utilisés.

On n’a pas tellement envie de faire parvenir une quatrième fois une copie d’une déclaration de revenus. On aimerait bien rencontrer quelqu’un qui a un poste d’autorité pour régulariser la situation, mais il n’est pas possible d’obtenir de rendez-vous avec une direction quelconque.

Revenu Québec parle de clientèle sur son site. On aimerait bien être traité en contribuable, pas en client. Même les clients, pourtant, réussissent à avoir un rendez-vous avec la directrice de leur succursale bancaire, mais les contribuables, ou plutôt les clients de Revenu Québec, n’ont pas ce privilège semble-t-il.

L’erreur est humaine. On ne cherche pas des fautifs ou des sanctions. On cherche juste à savoir s’il y a quelqu’un de responsable qui peut régler les imbroglios de façon humaine.

Plusieurs contribuables se reconnaîtront dans ces désagréments. Cette lettre concerne Revenu Québec, mais vous pouvez être certain que quantité d’autres «services» gouvernementaux souffrent de ce manque de rapports humains et de réponses personnalisées.

Est-ce donc si difficile de considérer les contribuables? Un client, ça rapporte; un contribuable, ça discute. Aura-t-on la chance de discuter?

Recevez, Monsieur le Ministre, mes salutations distinguées.

Francis Lagacé




1er octobre 2012


La force de la propagande



C’était un camarade de classe au secondaire. On est resté amis. On se voit une fois par année pour discuter et faire le point sur nos vies respectives.

Il a fait des études universitaires deux fois plutôt qu’une, il occupe une position assez importante et, j’imagine, bien rémunérée.

Ce n’est pas un réactionnaire, il est généralement bien informé et il réfléchit habituellement de manière très rationnelle et posée.

Mais pourquoi est-il convaincu que ce sont les étudiants qui ont provoqué de la violence dans les manifestations que nous avons connues le printemps dernier?

Au fil de la conversation, je lui explique tout ce que j’ai vu et à quel point la répression a été féroce et sans mesure.

Il finit par déclarer: «Il y a eu de la provocation des deux côtés.» Et surtout, il prétend que ce qu’il a vu à la télé est fidèle à la réalité, car moi qui étais dans les manifs, je ne pouvais avoir une vue d’ensemble. Je crois rêver.

J’ai beau expliquer, démontrer, opposer les reportages complets de CUTV aux clips en boucle des grands médias, décrire les tactiques peu subtiles des policiers qui sont très durs lorsque les manifestants sont peu nombreux et beaucoup plus polis lorsqu’il y a une très grande foule. Tout semble glisser comme sur du teflon.

Et à la fin de notre rencontre, il répète: «Les mouvements sociaux, c’est bien, mais c’est malheureux que ça conduise à la violence.»

Le dicton à raison: à force de répéter un mensonge, cela devient vrai pour celui à qui on le répète. Cela devient même indélogeable. Et si des personnes instruites et habituellement rationnelles comme mon ami en sont victimes, imaginez la tâche colossale que nous avons de détricoter cette propagande. Il nous faudra de la patience, et beaucoup d’outils de communication favorisant le regard critique.




24 septembre 2012


Le refus de la proportionnelle: la démocratie victime du pouvoir



À la suite du résultat serré des dernières élections législatives du Québec, j’ai entendu nombre de camarades qui se disent de gauche déclarer que la situation aurait été pire qu’elle n’est actuellement si nous avions un scrutin avec une composante proportionnelle, car c’est la droite, avec une coalition CAQ et PLQ, qui gouvernerait.

Cette remarque est fausse pour au moins trois raisons:

1. Parce que les électrices et électeurs ne votent pas de la même façon dans un sytème à composant proportionnelle puisqu’ils savent alors que leur vote n’est pas perdu et parce qu’ils ont deux votes, l’un pour la candidate ou le candidat de circonscription, l’autre pour le parti et la liste qu’ils préfèrent au niveau national;

2. Parce qu’il est toujours possible de prévoir que le chef de l’État (en l’état actuel, le Lieutenant-Gouverneur) appelle le parti qui a obtenu le plus de votes (dans le cas qui nous occupe, le Parti Québécois) à tenter de former un gouvernement, ce que le Parti Québécois aurait pu faire en allant chercher un ou deux ministres dans les partis d’opposition;

3. Aussi parce que la CAQ et le PLQ auraient pu prétendre à former une coalition gouvernementale seulement s’ils s’étaient coalisés avant le jour du scrutin. Or, la CAQ n’a cessé de traiter les membres du gouvernement du PLQ de corrompus. On peut difficilement prétendre qu’ils étaient coalisés.

Cette remarque est aussi, et c’est le plus gênant, totalement antidémocratique.

En effet, admettons pour fins d’hypothèse, en ne tenant pas compte des trois objections précédentes, que le pire se réalise et que la droite obtienne tout de même 60 % des voix, que les deux partis de droite se soient coalisés avant la date du scrutin et qu’ils forment le gouvernement. Eh bien, c’est le résultat du scrutin et c’est la volonté populaire.

Dire que c’est préférable de gouverner avec la minorité que de respecter le résultat des élections, c’est préférer le pouvoir à la démocratie. C’est préférer l’emporter à la loterie du scrutin territorial uninominal à un tour plutôt que de travailler à convaincre les électrices et électeurs de voter pour le bien commun. Et, à mon avis, il n’y a pas de quoi être fier.




17 septembre 2012


Considérations démocratiques


Les patrons et le grand capital nous considèrent comme des ressources humaines. Nous sommes donc sur le même pied que les ressources financières ou la machinerie. Nous sommes des instruments malléables susceptibles de gestion sans aucun état d’âme.

Certains politiques préfèrent gouverner majoritairement avec la minorité des voix plutôt que de convaincre la population de voter pour des programmes favorisant le bien commun, travail qu’ils devraient faire si nous disposions d’un scrutin proportionnel.

Certains politiques croient que la démocratie consiste à voter tous les quatre ans et que, le reste du temps, la population n’a qu’à prendre son mal en patience.

Certains politiques confondent représentation et direction. On serait élu pour dire aux autres quoi faire plutôt que pour les écouter.

Certains politiques croient que le mécontentement qui s’exprime dans la rue n’est pas légitime. Ce sont pourtant les mêmes qui croient qu’il ne faut pas contrarier la police quand elle défile dans les rues.

Le langage gestionnaire est en train de pervertir toutes les notions qui nous servent de repères, de sorte que nous glissons dans les ornières des manageurs. Ainsi l’administration, la gestion, le gouvernement, la conduite se fondent dans une «gouvernance» dont on nous impose les paramètres.

Ainsi même les élus syndicaux qui forment les comités exécutifs, bien nommés, car ils sont des exécutants liés à des mandats, sont subrepticement transformés en dirigeants syndicaux.

Ainsi la «saine gestion» fait consensus, alors même que personne ne nous a demandé notre avis sur ce que doit être la saine gestion.

CertainEs s’imaginent qu’après une élection, tout doit rentrer dans l’ordre, mais l’ordre de qui? Un gouvernement doit-il recevoir un chèque en blanc? N’a-t-il plus besoin de consulter? Les groupes sociaux devraient-ils se dissoudre?

Les APAQ, Assemblées populaires autonomes de quartier, semblent une forme de réponse à ces questions. Cela dit, toutes les formes d’organisation existantes, mouvements sociaux, partis politiques, syndicats, peuvent être revitalisées si elles sont investies par cette volonté démocratique.

Ce qui a fleuri au printemps fanera-t-il cet automne?




10 septembre 2012


Aînés et manifestations

Lettre ouverte à monsieur Jean-Claude Grondin, président du Réseau FADOQ


Vous avez publié un éditorial dans le numéro d’automne 2012 du magazine Virage de la FADOQ dans lequel vous mentionnez à juste titre que les élans de solidarité de la mobilisation étudiante «ont fait bouger les choses et remis bien des principes en question.»

Ce qui vient un peu gâcher la sauce, c’est lorsque dans le dernier paragraphe vous parlez d’augmenter le pouvoir d’influence du Réseau «sans manifestations ni violence».

En effet, quelles qu’aient été vos intentions en écrivant cela, il reste que la conjonction de ces deux mots crée un lien entre eux chez le lecteur, comme nous l’enseignent les notions théoriques de la linguistique, de la pragmatique, des communications et de la psychologie.

Tout récepteur de message tend à forger un lien entre deux éléments qui sont coordonnés. Ainsi le lecteur pourra inférer certaines des interprétations suivantes:

--les manifestations sont violentes;
--les manifestations conduisent à la violence;
--les personnes qui organisent des manifestations sont violentes;
--manifester est une forme de violence;
--il y a des violences à l’occasion des manifestations.

Ce n’est peut-être pas ce que vous vouliez dire, mais toutes ces représentations peuvent se former dans l’esprit de la lectrice ou du lecteur.

Et, pourtant, on sait à quel point les manifestations étudiantes ont été exemplaires en terme de non-violence. On sait à quel point les carrés rouges sont contre la violence. Ne sont-ce pas eux qui ont organisé une vigile à la suite du tragique décès d’un technicien lors de la soirée électorale du Parti Québécois au Métropolis?

Toutes les personnes qui ont assisté aux nombreuses manifestations qui ont marqué Montréal depuis le mois de février sont à même de constater que la violence a été le fait beaucoup plus de la police que de qui que ce soit d’autre.

Saviez-vous qu’il y a eu 135 manifestations nocturnes consécutives, dont la dernière s’est tenue le 5 septembre, et que la violence policière y a été importante, mais pas celle des manifestantes et manifestants?

Et, pendant que nous y sommes, pourquoi les aînés ne manifesteraient-ils pas? Qu’y a-t-il de mal à cela? Nous avons été nombreux à être des têtes blanches aux carrés rouges. Nous pouvons aussi manifester pour nos propres causes.

La manifestation est aussi une action pacifique et il ne faut pas la discréditer. Vous allez me répondre que ce n’est pas ce que vous vouliez faire, mais les mots sont là ainsi que le pouvoir évocateur de leur association.

Francis Lagacé, membre de la FADOQ

Cette lettre ouverte est distribuée dans ma liste de diffusion, affichée sur mon site web et diffusée sur Facebook et dans Twitter.





3 septembre 2012


Choix électoral



CAQ = couché

PLQ = à genoux

PQ = penché

QS = debout




27 août 2012


Ces politiciens qui veulent nous asservir



Se comporter de manière politicienne, c’est préférer les intrigues et son intérêt personnel plutôt que le bien du peuple que l’on est censé représenter.

Il est remarquable que dans l’actuelle campagne électorale certains prétendants au titre de premier ministre ne se gênent même pas pour s’afficher dans la catégorie de la politique politicienne.

En effet, que dit François Legault quand il dénonce les jeunes qui aiment «la belle vie»? Il nous promet que, s’il est élu, il nous fera souffrir et nous asservira à ses fins et à celles des oligarques qui le financent.

Le rôle d’un politique n’est-il pas d’assurer le bonheur de sa population? Toute l’idée du progrès n’est-elle pas de libérer l’humanité des maux qui l’affligent? Eh bien, non, Legault et sa clique nous promettent de nous rendre le plus malheureux possible, de nous faire suer sang et eau pour enrichir les membres du 1 %. Et il y a du monde qui va voter pour ça!

Autre exemple, c’est celui de l’ignoble Jean Charest qui ne cesse de répéter: «On n’était tout de même pas pour céder à la rue!» Non, mais quand même, un gouvernement qui écoute le peuple, ça n’a pas de bon sens!

En voilà un autre qui nous promet que, si on l’élit, il ne nous écoutera jamais et n’en fera qu’à sa tête. Et il y a des gens assez peu éveillés qui voteront pour ça!

Sommes-nous rendus si bas que nous acceptions de voter pour des gens qui nous promettent ouvertement de nous bafouer?



20 août 2012


Le Québec en marche


Vendredi soir, 17 août 2012, je sortais vers 21h30 du pavillon De Sève de l’UQAM où j’avais assisté à une plénière de l’Université populaire d’été des Nouveaux Cahiers du socialisme. Je discutais avec Alain Dugay du Syndicat des travailleuses et travailleurs des postes.

Nous entendîmes le bruit des casseroles et les slogans de la cent-seizième manifestation nocturne contre la hausse des droits de scolarité. Le groupe n’était pas très nombreux, mais dynamique et tout à fait pacifique. De nombreux policiers à bicyclette ont encerclé les manifestants, un groupe de l’escouade tactique au moins aussi nombreux que les manifestants les suivait et les a projetés brutalement sur le trottoir. Le caractère sauvage et profondément brutal de cette opération nous a sidérés.

Bien sûr aucun média traditionnel n’en a parlé ni n’en parlera. Cette violence policière se répète maintenant tous les soirs, mais puisqu’elle n’est pas rapportée par les canards, c’est comme si elle n’existait pas. La plupart des médias ne savent même pas qu’il y a une manifestation tous les soirs, parce que n’étant pas toujours très populeuse, elle n’est pas digne de leur intérêt. Si Gilbert Rozon manifestait, même tout seul, pour recevoir des fonds publics, vous pouvez être certains que des dizaines de caméras et de micros seraient pendus à ses lèvres gercées.

Hier, c’était le défilé de la Fierté gaie. Sait-on ce que signifie ce défilé? Sait-on ce qu’il commémore? Il commémore les émeutes du Stonewall Inn en juin 1969, trois jours pendant lesquels les policiers ont dû se réfugier à l’intérieur du bar parce que les drag queens en avaient marre de se faire agresser et arrêter inutilement. Les policiers se sont fait lancer des bouteilles, des cailloux, des chaussures et tout ce que vous voulez. Évidemment, les renforts sont venus et les clients du bar ainsi que les drags ont été arrêtés. Mais, l’année suivante, il y a eu une marche commémorative pour dire que les gais et lesbiennes n’ont pas honte, d’où la Fierté, et qu’ils et elles revendiquaient leurs droits. C’est cela que nous commémorons par le défilé de la Fierté, c’est-à-dire la désobéissance civile, même pas pacifique, grâce à laquelle nos droits ont pu évoluer, sans laquelle je ne serais jamais marié, sans laquelle le magnifique défilé festif de Montréal n’existerait même pas.

Et je pense aussi aux suffragettes, qui ont permis aux femmes de la planète d’avoir enfin l’égalité devant les urnes et qui ont dû utiliser leurs aiguilles à chapeau, qui ont dû fracasser certaines vitrines et déranger les belles réunions de ces messieurs.

Alors, quand on me dit qu’il ne faut pas être violents, je me demande pourquoi ne pas être violents signifie que les flics peuvent brutaliser les gens qui ont le droit de s’exprimer et je me rappelle que certainEs ont été obligéEs d’être légèrement violentEs pour faire avancer nos droits et qu’aujourd’hui ces personnes sont des héros, mais pas les flics qui les tabassaient.

Je me dis aussi que les tyrans qui commanditent les violences policières sont aujourd’hui au pouvoir, mais qu’ils iront bientôt dans les poubelles de l’Histoire.

Le Québec est en marche et plein de gens se sont éveillés. Des assemblées de quartier se tiennent un peu partout, les citoyenNEs ont compris que la démocratie, ce n’est pas élire un dictateur pour quatre ans. On y mettra du temps, mais les choses vont changer dans notre pays.

Et les vrais démocrates savent que les gens qui manifestent dans la rue ne sont pas la source du chaos. UnE vraiE démocrate ne dit pas qu’il faut faire taire la rue, elle ou il dit qu’il faut écouter et réfléchir avant d’agir. Les tyrans, eux, agitent leurs matraques et revendiquent le monopole de la violence.





6 août 2012


Détournement de la démocratie


Dans le duo philosophique de l’émission de radio Dessine-moi un dimanche de Radio-Canada le dimanche matin 5 août 2012, peu avant 10 h, Xavier Brouillette a signalé un problème extrêmement important du fonctionnement de la démocratie représentative actuelle. Ce problème, c’est le renversement du rôle des représentants élus qui se croient autorisés à nous donner des ordres.

En effet, alors que les personnes élues sont censées représenter les électeurs (et d’ailleurs tous les électeurs, pas juste les personnes qui leur ont accordé leur vote, contrairement à ce que racontent les Libéraux), et donc être à leur écoute et à leurs ordres pendant le durée de leur mandat, elles nous disent plutôt: «Vous nous avez élus, maintenant taisez-vous et obéissez pendant quatre ans. La démocratie reviendra dans quatre ans, et vous pourrez élire de nouveaux représentants à ce moment-là.»

Cette conception est un véritable détournement de démocratie qui transforme le représentant en dirigeant. C’est une façon de légitimer la dictature, une dictature que l’on élit pour quatre ans. Et c’est très clairement la façon de voir du Parti libéral.

Un candidat à une élection n’a pas à essayer de nous séduire pour dire qu’il est le meilleur afin qu’on l’élise et qu’il nous dirige par la suite. Il doit montrer que les orientations de son programme sont les plus bénéfiques pour la population et qu’il sera à l’écoute de cette dernière pendant toute la durée de son mandat.

Outre le fait incroyable que le nombre de sièges à l’Assemblée nationale ne représente absolument pas la volonté générale de la population, à cause des distorsions importantes que génère le scrutin majoritaire uninominal à un tour, les élus s’imaginent qu’ils sont là pour imposer des décisions parce que c’est leur rôle de diriger.

On a entendu le chef du Parti libéral à cet égard: «On ne se laissera pas intimider.» La pression populaire pour un dictateur, ça s’appelle de l’intimidation. Pour un vrai démocrate, ça s’appelle une voix qu’il faut écouter.

Un candidat doit être élu pour obéir à la population pendant quatre ans, et s’il n’aime pas ça, qu’il démissionne ou qu’il ne se représente pas aux prochaines élections.

Je ne suis pas partisan de la seule démocratie directe, je crois qu’il faut un équilibre entre démocratie représentative et démocratie directe. Mais, il est certain que les jeunes qui pratiquent uniquement la démocratie directe sont vraiment démocrates parce qu’ils sont à l’écoute de leurs assemblées et ne leur donnent pas d’ordre. À l’inverse les candidats qui limitent la démocratie à un vote une fois aux quatre ans pour nous dire que, le reste du temps, il faut s’écraser, sont des dictateurs déguisés.

Un parti vraiment démocrate proposerait qu’une fois ses représentants élus, il y ait de nombreuses consultations dont on prend en compte les résultats, qu’il y ait participation des groupes concernés à l’élaboration des politiques et qu’il y ait de nombreux lieux où la démocratie directe puisse s’exercer.

Dans les partis en lice pour ces élections, lequel est le plus près de cette conception? Lequel est le plus susceptible d’écouter sa base et la population? Lequel croit qu’on n’est pas élu pour donner des ordres et se faire appuyer par la matraque? Lequel accorde plus d’importance à la population qu’au chef?





30 juillet 2012


L’énigme Option nationale


Option nationale a été créée par Jean-Martin Aussant à la suite de sa défection du Parti québécois. Insatisfait du leadership de Pauline Marois, ce député estime que le Parti québécois ne parle pas assez d’indépendance.

Une première plate-forme a été rédigée par un groupe de personnes en 2011, puis adoptée par un congrès le 25 février 2012.

Quand on consulte le programme, on constate qu’il est assez à gauche et ressemble à celui de Québec Solidaire: gratuité scolaire, élections proportionnelles, programme de santé universel, Pharma-Québec, etc.

Était-il nécessaire de créer une autre formation politique si un parti offrait déjà un programme correspondant à ses principes?

Quand on consulte les statuts du parti, on constate à l’article 1.2 que le but d’Option nationale est de réaliser l’indépendance du Québec. C’est donc la raison d’être principale de ce parti essentiellement nationaliste au-delà de l’axe droite-gauche.

Le chef du parti parle d’ailleurs de «Canadiens-français» ainsi que de «communautés culturelles autres que la majorité francophone indigène» dans une entrevue publiée sur le blogue de Mathieu Bock-Côté le 13 juillet 2012.

Si on continue à lire les statuts, on constate à l’article 10 le rôle prépondérant du chef. La chefferie «contribue activement à la détermination [des] grandes orientations». C’est le chef qui décide de la convocation du congrès et des autres instances que sont la conférence nationale, le conseil national et le bureau national.

On constate donc que, ayant déterminé son programme d’en haut pour le faire approuver en congrès, ayant des statuts qui donnent un pouvoir très important au chef, Option nationale est un parti de type top-down par contraste avec Québec solidaire, qui a construit patiemment son programme selon le mode bottom-up.

Reléguer le débat gauche-droite au second plan ne risque-t-il pas de favoriser la droite? Peut-on raisonnablement penser qu’ayant fait l’indépendance avec la droite, elle nous laissera gouverner à gauche après? Qu’en sera-t-il des institutions qui seront alors créées dans un tel pays?

Dans les réseaux sociaux, on voit plusieurs jeunes se prononcer pour Option nationale. Sont-ce là les jeunes qui défilent dans les rues pour réclamer une démocratie plus participative? À la lecture de ce qui précède, ce serait étonnant et énigmatique.

Mais l’instantanéité du programme déjà tout prêt peut séduire. La relative simplicité des priorités aussi: on fait l’indépendance d’abord, on s’occupera du reste ensuite.

S’il est possible et souhaitable de dialoguer entre solidaires et optionnistes, il reste à reconnaître que le mode de fonctionnement des deux partis (top-down pour ON; bottom-up pour QS) et l’ordre des priorités (l’indépendance pour ON; la justice sociale pour QS) permettent de faire des choix éclairés.




23 juillet 2012


Ces entreprises qui gèrent notre vie commerciale


De la même façon qu’il existe des agences de cotation, sortes de firmes privées autoproclamées juges de la qualité du crédit des pays, il existe des entreprises privées à qui nous ne devons rien, qui ne nous connaissent ni d’Ève ni d’Adam, qui se donnent le droit de collecter de l’information sur nous, et de renseigner les banques et autres institutions financières sur la qualité de notre crédit.

Des entreprises qui sont des «références», mais au nom de qui, au nom de quoi? Même certains policiers recommandent à des personnes qui reçoivent des cartes de crédit non sollicitées de vérifier auprès de ce genre d’entreprises s’il y a des soldes à leur nom.

Mais appeler ce genre de compagnie pour leur donner toutes nos informations n’est-il pas le meilleur moyen de centraliser des données sur notre compte pour que n’importe qui puisse s’abreuver à cette source?

D’ailleurs, qu’est-ce qui me garantit que cette sorte d’entreprises a de bonnes informations? On me répondra que je peux les appeler pour vérifier. C’est ça, pour qu’elles remplissent leur banque de données avec mes coordonnées que je leur livrerais volontairement.

Mais si comme citoyens nous décidons justement de ne pas donner de renseignement à des entreprises qui n’ont aucun droit de collecter de l’information sans notre approbation? Nous n’avons pas envie de vérifier si leurs renseignements sont justes, nous ne voulons pas qu’elles en aient. Il y a déjà bien assez des banques et des autres institutions financières.

Pourquoi donc les États et les citoyens devraient-ils être soumis à des entreprises privées? On ne sait pas pourquoi, mais on sait que c’est le cas.

Et pour ces entreprises, il n’y a pas de vie hors la vie commerciale.




25 juin 2012


Les mensonges de Jean Charest


Le 7 juin 2012, le chef du Parti libéral du Québec, Jean Charest, s’est fendu d’une lettre de désinformation particulièrement mensongère dans le Monde.

Allons donc aux faits et démontons un à un ces mensonges grossiers. Le titre d’abord: «Une minorité boycotte les cours». Nous avons déjà démontré qu’appeler boycott une grève sous prétexte qu’elle n’est pas prévue au code du travail, c’est tout simplement considérer l’éducation comme un bien commercial et c’est faire fi du bon sens. On relira à ce sujet le billet intitulé Leçon de linguistique: une grève est une grève est une grève.

Ensuite, mentir par restriction mentale en insistant sur le fait qu’une minorité fait grève cache la vérité sur un autre fait, celui que la majorité des étudiantEs sont contre la hausse des droits de scolarité. On peut estimer cette proportion à 70% selon les votes pris dans les différentes associations étudidantes.

C’est aussi cacher un troisième fait, celui que la majorité de toutes les associations étudiantes ont fait grève le 22 mars 2012 et que, malgré cette formidable démonstration, la ministre d’alors, Line Beauchamp a déclaré que la décision était prise et que rien ne la ferait changer d’avis.

Quand le chef du Parti libéral parle d’étudiantes et d’étudiants qui emploient l’intimidation (les piquets de grève serrés) pour empêcher des étudiantEs d’aller à leurs cours, il oublie de mentionner que ces associations étudiantes ont pris un vote de grève majoritaire en assemblée générale et qu’il est normal de le faire respecter par tous les membres.

Il oublie aussi de mentionner que bon nombre d’étudiantEs et d’enseignantEs ont été intimidéEs par des injonctions qui obligent à donner des cours comme si la relation pédagogique était assujettissable à l’ordonnance de respecter un contrat de prestation de services semblable à ce qui se passe dans le commerce.

Le chef du parti libéral parle ensuite de «sous-financement» des universités. Cet argument a été démoli dès septembre 2011 par l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS). Éric Martin, l’un des chercheurs, l’explique dans une vidéo intitulée Mythe #1-Les universités sont sous-financées.

Et le chef du Parti libéral conclut qu’à cet égard, «tout le monde doit faire sa juste part : l’Etat, les institutions d’enseignement, le secteur privé et les étudiants.» Or, prétendre que les étudiantEs doivent faire leur juste part, c’est avoir décidé en lieu et place de la population que l’enseignement universitaire est un bien public-privé livré de façon individuelle pour lequel un utilisateur doit payer. Cette logique de l’utilisateur-payeur n’a jamais fait l’objet de débat social et n’a jamais été adoptée par l’ensemble de la population au sens où les arguments pour et contre n’ont jamais été discutés.

Pourtant, dans un état social, faire sa juste part signifie tout simplement payer ses impôts lorsqu’on gagne tel revenu. D’autres (les associations étudiantes, Québec Solidaire, l’IRIS entre autres) ont montré que s’il y avait des groupes qui ne faisaient pas leur juste part, ce sont bien les grands financiers, les bénéficiaires de paradis fiscaux, les minières et autres grandes entreprises. Prétendre que cette hausse des droits de scolarité constitue une façon de faire payer à chacun sa juste part est donc au mieux une fausseté, au pire un mensonge éhonté.

Au paragraphe suivant, le chef du Parti libéral parle de «dizaines d’années de débats». Il n’y a pas eu de dizaines d’années de débats, mais des dizaines d’années de consensus sur le fait que les droits de scolarité doivent être faibles.

Dans le même paragraphe, le rédacteur de la lettre parle d’une consultation menée en décembre 2010 sur cette question. Or, la pseudo-consultation du 6 décembre 2010 posait entre autres les deux questions suivantes : «Comment pouvons-nous diversifier et consolider les sources de financement des universités, sans hausser les impôts? Quels principes devraient guider la hausse des droits de scolarité?» [ Document d’appui à la réflexion présenté par le gouvernement du Québec pour la rencontre du 6 décembre 2010, page 20].

Autrement dit, la supposée consultation consistait à affirmer qu’on n’augmenterait pas les impôts et qu’on voulait savoir comment augmenter les droits de scolarité. Il n’y a donc jamais eu de débats pour savoir si on devait les augmenter. C’est donc un mensonge de plus.

La suite du paragraphe est assez effrontée: «Des consensus en sont ressortis.» Les partenaires de l’éducation ont quitté cette rencontre parce qu’il n’y avait aucun espace pour discuter. À moins de délirer, on se demande comment une personne peut appeler consensus le désaccord profond avec le gouvernement et les recteurs manifesté par tous les syndicats d’enseignantEs et toutes les associations étudiantes.

Le paragraphe suivant affirme sans aucune preuve que la position du gouvernement est «juste et équitable.» Les critiques qui précèdent nous permettent d’en douter.

La deuxième phrase de ce même paragraphe annonce le respect de «la capacité de payer des contribuables». Qu’il soit permis encore une fois d’en douter quand on sait que les paliers d’impôts favorisent les plus riches et que les impôts sur les profits des entreprises ont diminué de moitié dans les 20 dernières années, et cela sans parler de l’évitement dans les paradis fiscaux.

Ce même paragraphe se termine sur le voeu pieux que les droits de scolarité ne doivent pas être un frein à l’accessibilité aux études supérieures. C’est faire bon marché de l’impact social et psychologique de droits de scolarité élevés qui réduisent les aspirations des populations peu habituées à cet accès, notamment les familles à revenus modestes et celles habitant des régions très peu urbanisées. On rappellera que «les contraintes financières pèsent à plusieurs niveaux sur les familles à plus faible revenu et que, si les frais de scolarité ne sont pas la plus majeure de ces contraintes, ils viennent néanmoins s’insérer dans une longue suite de dissuasifs à la poursuite d’études postsecondaires pour les moins fortunés.» [Argumentaire du site Bloquons la hausse, page 14]

S’il est vrai que les droits de scolarité du Québec sont les plus bas des provinces canadiennes et sont plus bas qu’aux États-Unis, on se demande bien en quoi cela constitue un argument pour les rehausser quand on sait qu’ils sont nuls en Norvège, en Suède, au Danemark, en Finlande... Pourquoi se comparer à pire? Pourquoi pas se comparer à mieux? Le système de santé des États-Unis soigne très mal les pauvres, devrions-nous nous en inspirer?

La fin du paragraphe sur la hauteur des droits de scolarité est savoureuse d’imbécillité. Elle ne représente que 39 centimes d’euro par jour. N’importe quelle somme par jour n’a aucun sens si on ne se demande pas par rapport à quoi et pour quoi. Si cette hausse n’est pas utile ni nécessaire, qu’elle soit de 1 centime par jour ne la rendrait pas plus souhaitable.

Le chef des Libéraux du Québec parle ensuite de la bonification du programme de prêts et bourses décidée en mars dernier. Il est faux de prétendre que cette modification contrebalance la hausse des droits, car il s’agit d’une mesure particulière qui va s’adresser à des cas particuliers et donc qui ne s’intéresse pas à l’accessibilité de l’ensemble. Rappelons ce qui a été dit plus haut à propos de la réduction des aspirations. Rappelons aussi qu’une mesure individuelle ne corrige pas les effets systémiques.

Le plus horrible et le plus monstrueux des mensonges apparait toutefois dans le paragraphe suivant lorsque le chef libéral parle de l’infâme loi spéciale comme garantissant l’accès à l’éducation et protégeant le droit de manifester. Garantir l’accès à des salles de classe ne constitue en rien une garantie d’éducation. Instrumentaliser les enseignantEs contre la volonté des associations étudiantEs est une violation du droit de conscience. On rappellera la dénonciation vigoureuse qu’en ont faite près de 1200 artistes, intellectuelLEs et syndicalistes dans Contre l’infâme loi spéciale.

L’affirmation du paragraphe suivant concernant l’indépendance du système judiciaire est aussi fort inexacte. En effet, au Québec, les juges sont nommés par le parti au pouvoir. Le caractère impartial de ces nominations a tout lieu d’être remis en question.

Le dernier paragraphe assène une pétition de principe selon laquelle «le Québec est un état de droit». Pourtant l’ONU et Amnistie internationale s’inquiètent avec raison des atteintes portées par la loi spéciale aux droits et libertés garantis par les chartes québécoise et canadienne. Et il convient de se demander avec Christian Nadeau, comme il le fait dans l’article paru chez Alternatives si le Québec n’est pas plus un État de droite qu’un État de droit.

La remarque finale de cette lettre digne d’un petit potentat «C’est le Québec que je connais et celui que vous appréciez», nous retourne à la culpabilité judéo-chrétienne qui a longtemps caractérisé les Canadiens français chez qui le mal suprême était de causer la dispute. La phrase signifie en clair, on aime les Québécois mous et sans chamaille. C’est pourtant ce qui a marqué l’entrée des Québécois dans l’ère moderne, quand ils ont quitté l’appellation de Canadiens français, cette capacité à enfin affirmer les désaccords. Le Québec que Jean Charest aime est un Québec révolu qui a souffert sous le régime du gouvernement Duplessis, un gouvernement qui instrumentalisait l’Église et qui était férocement anti-social et anti-syndical. Le plaidoyer qu’il nous sert pour ce recul de 60 ans n’est en tout cas pas très convaincant.

Mais ce n’est pas tout: le patron des Libéraux en remet dans une vidéo parue sur YouTube. Il commence par y affirmer qu’être premier ministre n’est pas un concours de popularité, alors que lui et son équipe ne se basent que sur les sondages pour estimer s’ils ont la popularité nécessaire pour déclencher des élections.

Il déclare ensuite qu’il travaille dans l’intérêt de tous les Québécois, ce qui est assez étonnant quand on sait qu’il n’en a que pour les entrepreneurs du Plan Nord (cette vaste entreprise de braderie de nos ressources naturelles nordiques), qu’il rencontre volontiers les financiers et les investisseurs, mais qu’il ferme la porte au nez des associations étudiantes, tout en déclarant il est vrai qu’il est prêt à les rencontrer n’importe quand si elles sont d’accord pour dire comme lui.

Puis, il annonce qu’il est capable de prendre des décisions qui sont responsables. Refuser de régler un conflit alors qu’il dispose de tous les outils pour décréter un moratoire et appeler les États généraux de l’Université que le milieu réclame depuis des années, cela s’appelle pourtant une grande irresponsabilité. À moins qu’il n’ait voulu dire «coupables», car la loi spéciale est coupable de graves atteintes aux droits et libertés, car l’attitude intransigeante du gouvernement depuis le début du conflit étudiant est cause de profondes divisions au sein de la population.

Il continue en parlant de résister aux pressions: les pressions populaires oui, les pressions financières, jamais. Et il ajoute qu’il s’agit de bonnes décisions pour tout le monde, surtout pour les prochaines générations. On se demande où il va chercher que d’endetter les étudiants est meilleur pour l’avenir.

Il est remarquable que ce message a été parodié de mille et une façons et que chacune des parodies a été visionnées plus souvent que l’original. Ce n’est pas un hasard, ce chef libéral n’est lui-même qu’une parodie de premier ministre.




1er juin 2012


Contre l’infâme loi spéciale


Nous artistes, intellectuelles, intellectuels et syndicalistes, nous levons pour dénoncer la loi 78 qui attaque les libertés et droits fondamentaux garantis par les Chartes canadienne et québécoise.

Nous constatons notamment que la liberté d’expression est bafouée par les limites intolérables imposées aux manifestations dans le temps, le nombre et l’espace; que la liberté de conscience est violée par la création du délit d’opinion; que la liberté d’association est menacée par des mesures sans précédent contre le droit de s’organiser.

L’article 30 de cette loi, en stipulant que « quiconque aide ou amène une autre personne à commettre une infraction visée par la présente loi commet lui-même cette infraction », ouvre la porte à toutes sortes d’interprétations, jusqu’aux plus farfelues, qui en viennent, au final, à laisser l’application de ladite loi au jugement arbitraire des policiers ou des directions d’établissements d’enseignement.

Un enseignant qui propose la lecture des Misérables de Victor Hugo, où l’on voit le peuple se soulever contre un gouvernement injuste, et suscite ce faisant l’exaltation d’un de ses élèves qui, contaminé par Gavroche, décide de descendre dans la rue, devient-il un contrevenant en vertu de la loi 78 ? Quelqu’un qui offre de l’eau aux gens qui brandissent des pancartes par grande chaleur est-il hors-la-loi ? Le professeur qui décide de ne pas punir l’élève gréviste à qui l’on enseigne l’implication citoyenne depuis son entrée à la maternelle, est-il coupable d’une infraction ? Qui déterminera à partir de quel moment l’acte de liberté d’expression devient prohibé ?

Non seulement cet article de loi est-il remarquable par l’absurde impossibilité d’une rigoureuse mise en application sans faire appel au jugement personnel — et donc subjectif — du détenteur de l’autorité, mais aussi ouvre-t-il la porte à la dangereuse logique de la dénonciation, selon laquelle celui qui, effrayé par les menaces d’amendes et se sentant menacé par tel voisin ou collègue exerçant simplement sa liberté d’expression, portera plainte à la police.

Nous ne pouvons donc que condamner cette loi qui, en plus de brimer certains des droits humains fondamentaux, ouvre la porte à la délation politique, ce à quoi les citoyens libres d’un pays démocratique se doivent de s’opposer de toutes leurs forces.

Parce que la parole citoyenne nous est chère et parce que nous voulons continuer de la chérir. Parce que nous sommes mus par l’espoir d’une démocratie citoyenne, ouverte, perméable à la divergence d’opinion, à la différence et à la marginalité qui en font la richesse.
Nous croyons fermement que la loi 78, en l’occurrence en son article 16, est une grave entrave à la liberté d’expression citoyenne, brimant les droits de gens de toutes les allégeances, de tous les âges, de toutes les provenances. Parce que refuser à la parole d’être spontanée, c’est d’abord refuser la parole.

Nous, artistes et écrivains, croyons que l’expression des idées, des émotions, des points de vue, ne tolère aucune censure, aucun étouffement. Nous savons qu’empêcher la prise de parole, pendant huit heures comme pendant mille heures, en un lieu ou un autre, ou l’assujettir à la force physique, à l’intimidation et à la peur, sont des actes liberticides. Nous dénonçons la loi 78, éteignoir de consciences érigé en système juridique, bâillon légal destiné à étouffer la voix de la contestation et de la colère dans la gorge citoyenne. Nous refusons d’admettre, de cautionner le recours à des pratiques légales détournant les principes fondateurs de notre démocratie, comme la liberté d’expression. Nous savons que taire est totalitaire. Nous prenons la parole.

La loi 78 comporte plusieurs atteintes à la liberté académique des enseignants et notamment leur liberté de conscience et d’enseignement.

La loi réprime le droit de grève des étudiants en faisant des enseignants des agents de répression. Ceux-ci sont instrumentalisés dans la mesure où ils doivent contribuer à transformer la grève en boycott. Ainsi, la négation du droit de grève des étudiants n’a d’efficacité que si les enseignants mettent en échec les étudiants qui ne sont pas présents en classe à la reprise des cours, lorsque ceux-ci demeurent en posture de « boycott ». Comme les enseignants sont forcés d’enseigner, c’est donc par leur action que les étudiants subissent la contrainte de la loi 78.

Dans plusieurs conventions collectives, les libertés académiques de conscience et d’enseignement sont des libertés reconnues. Concrètement, cela veut dire que les professeurs sont les mieux à même de juger dans quelles conditions les cours peuvent être poursuivis. Les enseignants pourraient décider pour des raisons de liberté de conscience ou tout simplement de bon sens académique qu’il est inacceptable d’enseigner à 25% de la classe dans un contexte de conflit social. L’enseignant pourrait également décider qu’il est problématique d’enseigner à un groupe d’étudiants appartenant à une association qui aurait majoritairement voté en faveur de la grève. Il peut estimer que les tensions et conflits entre étudiants qui seraient engendrés par cette décision ne sont pas propices à un enseignement de qualité.

En somme, la liberté individuelle qui a été privilégiée dans les injonctions accordées aux étudiants qui voulaient reprendre leurs cours ne fait pas que porter atteinte à la démocratie au sein des associations étudiantes. Elle heurte aussi de plein fouet les libertés académiques de conscience et d’enseignement des enseignants.

D’autres dispositions dans la loi portent atteinte à la liberté de conscience et à la liberté académique des enseignants. Les étudiants jouissent d’une option fast track pour déclencher un recours collectif contre l’enseignant. La loi prévoit de surcroît que les syndicats et «associations de salariés» (sic) doivent tout mettre en oeuvre pour forcer les enseignants à donner leurs cours à la reprise. S’ils ne le font pas, ils sont passibles d’amendes extrêmement importantes. Ces deux dispositifs pervertissent l’accès au savoir et liquident le droit de grève étudiant. Chaque enseignant sera alors confronté au mois d’août à une décision individuelle extrêmement importante, peut-être la plus importante de sa vie d’enseignant: choisiront-ils d’être des agents de répression qui liquideront le droit de grève des étudiants ainsi que leur propre liberté académique ?

Nous, intellectuels et enseignants, nous levons contre une loi qui bafoue la liberté académique et la liberté de conscience.
La loi 78 attente gravement au droit d’association, surtout celui des étudiantes et étudiants en prévoyant des amendes excessivement lourdes et abusives à son article 26, ce qui risque de détruire toute association étudiante et tout syndicat qui aurait le malheur de ne pas dénoncer un de ses membres qui n’obéit pas à la loi.

En soumettant les syndicats et associations de salariées et de salariés à des amendes si démesurées dès que l’un de ses membres n’obéit pas aux articles 10 et 11, elle punit les syndicats d’enseignantes et enseignants, d’employées et employés de soutien, de techniciennes et de techniciens pour des faits qui, éventuellement, ne seraient pas de leur connaissance.

Elle prévoit même, chose totalement inusitée, à son article 19, que des membres d’une association étudiante soient exemptés de leur obligation de cotiser à leur association si celle-ci manifeste son opposition par des piquets de grève ou des levées de cours.

Nous, syndicalistes, pour ces raisons et pour d’autres encore, nous levons contre la loi 78 qui bafoue le droit d’association.

Nous, artistes, écrivaines, écrivains, intellectuelles, intellectuels, enseignantes et enseignants, syndicalistes, condamnons une loi abusive, liberticide et totalitaire.

Nous exigeons l’abrogation immédiate de cette loi.


Michel Seymour, philosophe
Christian Nadeau, philosophe
Hugo Latulippe, cinéaste
Dominic Champagne, metteur en scène
Éric Pineault, chercheur
Marie Blais, syndicaliste
Francis Lagacé, syndicaliste
Jean-François Caron, écrivain
Marie-Christine Bernard, écrivaine
Alain Deneault, chercheur
Guy Rocher, sociologue
Michel Duchesne, syndicaliste
Aldo Miguel Paolinelli, syndicaliste
Pascale Dufour, politologue
Raphaël Canet, sociologue
Camil Bouchard, professeur associé
Atïm Leon, syndicaliste
Martin Léon, auteur-compositeur-interprète
Francine Pelletier, journaliste et documentariste
Annie Roy, artiste interdisciplinaire
Pierre Allard, artiste interdisciplinaire
Alexis Martin, dramaturge
Louis-Philippe Blanchette, professeur au cégep
Alain Vadeboncoeur, médecin et enseignant
Patrick Duguay, coopérateur
Christian Vanasse, auteur et humoriste
Alexandre Leduc, syndicaliste
Laure Waridel, écosociologue
Julius H. Grey, avocat
Vincent Van Schendel, économiste
Yvon Rivard, écrivain
Damien Contandriopoulos, professeur
Pierre Popovic, professeur
Daniel Turp, constitutionnaliste
Yoshua Bengio, professeur titulaire
André Frappier, syndicaliste
Silvestra Marinello, professeure titulaire
Jean-Guy Loranger, économiste et professeur retraité
Jacques Cardinal, professeur
Andrée Lajoie, juriste
Marc-André Éthier, directeur de département
Normand Mousseau, physicien
Dominique Scarfone, médecin et psychanalyste
François Charbonneau, professeur retraité
Caroline Larue, professeure
Laurence McFalls, politologue
Sonia Gauthier, professeure
Jean-Guy Nadeau, théologien et professeur retraité
Manon Hébert, professeur
Reynald Bourque, professeur retraité
Jeanne Dancette, professeure associée
François Hébert, écrivain
Phaedra Royle, psycholinguiste
Ryoa Chung, professeure
Yves Langelier, professeur sous octroi retraité
Patrice Brodeur, professeur
Louis Dumont, professeur
Jacques Hamel, sociologue de la jeunesse
Louise I. Paradis, professeure
Anne Élaine Cliche, professeure et écrivaine
Luc Bonenfant, professeur
Jean Décarie, urbaniste retraité
Guylaine Le Dorze, professeure
Dominique Garand, professeur
Gisèle Lemoyne, professeure associée
Jean-Claude Guédon, professeur
Guy Bourgeault, professeur
Christine Tappolet, professeure
Isabelle Peretz, professeure
Daniel Weinstock, philosophe
James Cisneros, professeur
Mona-Josée Gagnon, professeure associée
Nadia El-Mabrouk, professeure
Jean-Claude Marsan, professeur émérite
Michel Lacroix, professeur de littérature
Martine Delvaux, professeure et écrivaine
Jean-Claude Germain, écrivain et historien
Tony Tremblay, écrivain
Sylvie-Catherine De Vailly, écrivaine
Danny Plourde, auteur et enseignant
Dominic Gagné, écrivain
Bertrand Laverdure, écrivain
Sabine Assuied, productrice artistique
Ivy (Ivan Bielinski), artiste, poète et slameur
Andrée-Anne Dupuis Bourret, artiste visuelle
Johanne Villeneuve, professeure
Jean-Simon Desrochers, écrivain
Gisèle Trudel,artiste et professeure
Jacynthe Carrier, artiste en arts visuels
André-Pierre Contandriopoulos, professeur titulaire
Marc-André Bernier, Professeur
Véronique Cnockaert, professeure
Nathalie Watteyne, professeure
Othmar Keel, professeur
Michèle Nevert, professeure et syndicaliste
Nathalie Coupal, actrice, musicienne
Denise Brassard, écrivaine et professeure
Geneviève Lafrance, professeure-chercheure
Richard A. Warren, professeur sous octroi
Paul L. Gendreau, professeur
Jean-Sébastien Fallu, professeur
Marie-Josèphe Pigeon, étudiante à la maîtrise et féministe
Normand Baillargeon, professeur
Olivier kemeid, auteur de théâtre et metteur en scène
Mathieu Arsenault, écrivain
Ianik Marcil, économiste
Jean Poupart, sociologue
Mélanie Demers, chorégraphe et danseuse
Bernard Émond, cinéaste
Geneviève Sicotte, professeure
André Breton, professeur
Pierre Lefebvre, rédacteur en chef de Liberté
Éric Martin, philosophe
Dominic Desroches, professeur
Omar Aktouf, professeur
Renée Béland, syndicaliste
Jean Portugais, professeur et syndicaliste
Éric Troncy, pharmacologue vétérinaire
Manon Perron, syndicaliste
Daniel-Jean Primeau, artiste sculpteur
Véronique De Sève, syndicaliste
Gaétan Châteauneuf, syndicaliste
Guillaume Martel Lasalle, éditeur
Lyse Turgeon, professeure
Gérald Larose, professeur invité
Yvon Gauthier, philosophe
Peter Dietsch, philosophe
Daniel Canty, auteur et réalisateur
Georges Leroux, philosophe
Mélanie Gagnon, professeure
Denise Boucher, poète
Max Roy, syndicaliste
Marion Vacheret, professeure
Philippe R. Richard, professeur
Louise Vandelac, professeure
Gilles Gagné, sociologue
Marianne Kempeneers, sociologue
Jean-François Chassay, professeur et auteur
Jacques Rouillard, professeur
Jacques Lanctôt, éditeur
Louis Gill, économiste et professeur à la retraite
Cécile Sabourin, économiste et professeure retraitée
Mélanie Dufour-Poirier, professeure
Mario Houde, professeur
Pierre Lebuis, professeur et syndicaliste
Pierre Mouterde, sociologue, essayiste
Bernard Élie, économiste
Michel Laporte, syndicaliste
Catherine Dorion, auteure, comédienne
Éric de Larochellière, éditeur
Benoît Coutu, chargé de cours
Jacques-Alexandre Mascotto, professeur associé
Gilles Bibeau, professeur
Sabrina Moisan, professeure
Marie-France Raynault, professeure
Béatrice Godard, professeure
Sarah Rocheville, professeure
Roxane Rimstead, professeure
Sylvie Hébert, professeure
Pascal Bastien, professeur
Chantal Doré, professeur
Marty Laforest, professeure
Frédérique Gardye, chargée de cours
Pierre Hébert, professeur
Hélène Pigot, professeure
Manon Brunet, professeure
Jean-Pierre Bonin, professeur
Diane Vincent, professeure
Guylaine Chevarie-Lessard, artiste visuelle
Fernand Turcotte, professeur émérite
François Bergeron, directeur de recherche
Serge Denis, politologue
Sylvie Morel, professeure
Anik Meunier, professeure-chercheure
Stéphanie Rousseau, professeure
Christine Piette, professeure émérite
Renée Cloutier, professeure émérite
Laurent Lepage, professeur
Patricia Godbout, professeure
Christine Palmiéri, artiste
Pierre Ouellet, professeur
Pierre Biron, professeur retraité
Michel Roche, professeur
Manon Niquette, professeur
Marie-Thérèse Chicha, professeure
Mélissa Grégoire, professeure
Sébastien Lormeau, avocat
Anthony Glinoer, professeur
Chantal Leclerc, professeure
Catherine Didelot, directrice de casting
Renaud Lapierre, ingénieur
Marie-Christine Lê-Huu, comédienne
Pénélope Daignault, professeure
Fred Pellerin, conteux
Caroline Lavoie, comédienne
Sylvie Robert, géographe
Serge Beauchemin, preneur de son
Benoit Archambault, musicien
René Richard Cyr, metteur en scène
Lucie Sauvé, professeure
Luc Myre, agent d’artistes
Samir Saul, professeur
Patricia Beaulieu, réalisatrice
Christian Simard, environnementaliste
Yann Perreau, artiste
Roc Lafortune, acteur
Daniel Valois, professeur
Marcelo Otero, professeur
Mitia Rioux-Beaulne, philosophe
Jacques Cherblanc, professeur
Linda Cardinal, professeur
Myreille Bédard, artiste
Alexandrine Agostini, actrice
Geneviève Baril-Gingras, professeure
Jacques Beauchemin, sociologue
Guy Paquette, professeur
Yvan Perrier, politologue
Lucie Bourassa, professeure
José Morais, professeur émérite
Cynthia E. Milton, professeure
Dominique Caouette, politologue
Marie Lacroix, professeur
Nancy Thede, professeure
André Gaudreault, professeur
Gérard Duhaime, professeur
Olivier Asselin, professeur
Luc Lemoine, directeur d’école retraité
Sébastien Robert, syndicaliste
Louise Séguin, chercheure
Denis LaRocque, comédien
Monique Brunel, enseignante
François Rocher, professeur
Victor Armony, sociologue
Viviana Fridman, sociologue
Claire Chamberland, professeur
Florence Piron, professeure
Jacques Moreau, professeur
Dominique Leydet, professeure
Sylvie Lacombe, sociologue
Dominic Arsenault, professeur
Geneviève Nootens, politologue
Élise Dubuc, Professeure
Louis Rousseau, professeur retraité
Olivier Clain, professeur
Pier-Luc Bilodeau, professeur
Andrée Fortin, professeure
Ginette Bouchard, secrétaire
Madeleine Pastinelli, professeure
Jacques Paquin, professeur
Marie France Labrecque, anthropologue
Jean-Léon Rondeau, comédien
Jean-Pierre Boyer, professeur
Hugh Burgoyne, professeur
Richard Bégin, professeur
André Ricard, écrivain
Johanne Daigle, professeure
Lorraine Auger, artiste
Solange Pronovost, avocate
Christian Sabourin, géographe
Hélène Robitaille, agente de comédiens
Jean-Claude Ravet, rédacteur en chef
Stephan Reichhold, directeur TCRI
Vincent Graton, acteur
Frédérick Guillaume Dufour, Sociologue.
Pierre Beaulne, économiste
Alain-G. Gagnon, politologue
Emilia Deffis, professeure
Julie Cantin-Béliveau, comédienne
Ariel Ifergan, comédien
André Daviault, professeur émérite
Denis Massé, artisan de la chanson
Christiane Kègle, professeure
Emil Grigorov, professeur
Alain Beaulieu, écrivain
Micheline Dumont, historienne
Daniel Lacoste, musicien
Daniel Malenfant, comédien
Andrea Levy, chercheuse
Maria De Koninck, sociologue
Sylvie Moreau, actrice
René Pothier, cinéaste
France Picard, professeure
Bob White, professeur
Diane Lamoureux, professeure
Catherine Martin, cinéaste
Mani Soleymanlou, acteur
Annie Ranger, comédienne
Marie Fradette, chargée de cours
Martin Dumas, avocat
Sylvie Potvin, comédienne
Nicolas Pellerin, chanteur
Pierre-Yves Cardinal-David, comédien
Jean Chatillon, compositeur
Geneviève Jodoin, musicienne
Steve Pilarezik, comédien
Richard Desjardins, artiste
Estelle Lebel, professeure
Christine Métayer, professeure
François Bernard Malo, professeur
Diane Gagné, professeure
Yves Martin, sociologue
Carole Yerochewski, syndicaliste
Sylvain L’Espérance, cinéaste
Gilles Labelle, professeur
Marie-Claude Dault, directrice de postproduction
Bernard Gagnon, professeur
Greg Nielsen, sociologue
Arash Abizadeh, professeur
Marie-Claude Loiselle, rédactrice en chef, 24 images
Ginette Noiseux, directrice de théâtre
Marie-Laurence Poirel, professeure
Marie-Thérèse Fortin, directrice de théâtre
Annie Pullen Sansfaçon, professeure
Diane Poitras, cinéaste
Robert Daudelin, critique de cinéma
Stéphane Lépine, chargé de cours
Germain Lacasse, professeur
Richard Bertrand, professeur
Lisa Dillon, professeure
Oscar E. Firbank, professeur
Louise Pepin, psychologue
Francine d’Ortun, professeure
Richard Séguin auteur-compositeur
Martin Frigon, cinéaste
Carminda Mac Lorin, Mouvement des Indignés
Aurèle Desjardins, monteur/infographiste
Jocelyn Desjardins, porte-parole NMQ
Simon Gauthier, artiste-conteur
François Parenteau, artiste
Mélanie Riel Brunet, agent d’artiste
Jonathan Morier, artiste
François Trudel, comédien
Émile Schneider Vanier, comédien
Guy Champagne, éditeur
Luc Langlois, professeur
Thomas De Koninck, philosophe
André Habib, professeur
Carlos Ferrand, cinéaste
Éric Lucas, professeur
Gilles Bélanger, auteur-compositeur
André Roy, écrivain
Celine Bellot, professeure
David Corriveau, acteur
Dominique Pétin, actrice
Geneviève Dunn, agente d’artistes
Andrée Mercier, professeure
Philippe Ducros,Directeur Espace Libre
Céline Bernier, comédienne
Alain Farah, professeur
Mario Bernard, professeur
David Valiquette, réalisateur
Simon Boudreault, metteur en scène
Isabel dos Santos, actrice
Maxime Desjardins, comédien
Dominique Perreault, comédienne
Erik Bordeleau, chargé de cours
Pierre Côté, médecin
Patrick Cloos, professeur
Roch Aubert, comédien
Fabiola Toupin, artiste
Isabel Richer, comédienne
Denyse Baillargeon, professeure
Richard St-Gelais, professeur
Pierre Therrien, animateur
Vincent Vallières, auteur-compositeur
Dominique Daigneault, syndicaliste
Jacques Pelletier, professeur associé, essayiste
Caroline Senneville, syndicaliste
Micheline Thibodeau, syndicaliste
Caroline Quesnel, syndicaliste
Sylvain Marois, syndicaliste
Jean Murdock, syndicaliste
Florence Thomas, syndicaliste
Frédérique Bernier, professeure
Michel Ducharme, syndicaliste
Jérôme Minière, auteur compositeur interprète
Marie-Pierre Normand, artiste visuel
Karim Larose, professeur
Paul Sabourin, professeur
Josée Lacourse, sociologue
Ginette Michaud, professeure
Gilles Lapointe, professeur
Robert Cadotte, auteur
Claude Vaillancourt, écrivain
Dominique Leduc, comédienne
Olga Ranzenhofer, musicienne
Louise de Beaumont, comédienne
Geneviève Rochette, comédienne
Marc Zaffran, médecin
Franck Le Coroller, documentariste
Francine Saillant, anthropologue
Marcel Pomerlo, comédien
Julien Bilodeau, Compositeur
Véronique Verhoeven, artiste
Marcos Ancelovici, sociologue
Francis Monty, écrivain
William J. Buxton, professeur
Catherine Hamann, comédienne
Alban Baudou, Professeur
Pierre Yves Lemieux, auteur
Thomas Collombat, professeur
Liviu Dospinescu, professeur
Lorraine Guay, attachée de recherche
Régine Kolinsky, directeur de Recherche FRS-FNRS
Maryse Rouy, écrivain
Michèle Venet, professeure
Sylvain Giroux, professeur
Martin Hébert, professeur
Patrick Baker, professeur
Geneviève Fournier, professeure
Hervé Philippe, professeur
Andrée Ferretti, écrivaine
Pierre-André Tremblay, socio-anthropologue
Jean Barbe, écrivain
Jean-François Lisée, auteur et blogueur
Simon Leduc, professeur
Pierrette Bouchard, Professeure émérite
Isabel Orellana, Professeure
Frédéric Deschenaux, sociologue
Nicole Laudouar, professeur
François Chassé, professeur
Frédéric Lesemann, professeur
Janine Hohl, professeure honoraire
Philippe Gajan, Critique de cinéma
Viva Paci, professeur
Mohsen El Gharbi, auteur
Gabriel Malenfant, musicien
Jean-Pierre Lord, travailleur social
Luc Lemoine, directeur retraité d’école primaire
Diane Lacombe, orthophoniste
Isabelle Malouin, professeure
Luc Martin, sociologue
Brigitte Auclair, professeure
Mathieu Saint-Jean, professeur
Sylvie Rheault, professeure
Josiane Myre, professeure
Nicolas Beaudoin, professeur
Colette St-Hilaire, professeure à la retraite
Jean Désy, écrivain
Catherine Leduc, Tricot machine
Matthieu Beaumont, Tricot machine
Ivan Carel, historien
Claude Paradis, professeur
Claire Aubin, sculptrice
Dominique Champagne, monteuse
Sylvie Taschereau, professeure
Mona Trudel, professeure
Martin Marier, professeur
Frédéric Pierre, comédien
Patricia Lamarre, professeure
Julien Villeneuve, professeur
Emilie Sarah Caravecchia, professeure
Patrick C. Pilote, professeur
Murielle Chapuis, professeure
Anne-Marie Bélanger, professeure
Michel-M Campbell, professeur honoraire
Paul Leduc Browne, dir. dép. sciences sociales
Louise Provencher, professeure
Antoine Gautier, professeur
Donald Fyson, professeur
Sophie Dupéré, professeure
Laurence Guillaumie, professionnelle de recherche
Yves Michaud, ancien député
Serge Bergeron, professeur
Denys Delâge, professeur émérite
Thierry Nootens, professeur
Lucie Gélineau, chercheure
Hélène Nazon, professeure
Christine Loignon, professeure
Michel O’Neill, professeur associé
Aline Charles, professeure
David Robert, artiste
Sacha Calixte, présidente SEECL
Kathleen Boucher, psychologue
Sylvie Laliberté, professeure
Ariane Caron-Lacoste, assistante à l’édition
Manuel Foglia, cinéaste
Henri Lamoureux, écrivain
Nicole Côté, sculpteure-céramiste
Marie Charlebois, comédienne
Robert Laplante , directeur IREC
Andrée Yanacopoulo, médecin, sociologue, éditrice
Thérèse Hamel, professeure
Claude Maire, professeur retraité
Michel Despland professeur retraité
Ian Lagarde, réalisateur
André Lacroix, professeur
Robin Aubert, cinéaste
France Théoret, écrivaine
Alain Horic, éditeur littéraire
Martin Gallié, professeur
Sandrine Ricci, chargée de cours
Guy Marchand, écrivain
Ghislaine Julien, syndicaliste
Mathieu Teasdale, professeur
A. Hadi Qaderi, professeur
Manon Boulianne, professeure
Jean-Philippe Beaulieu, professeur
Dujka Smoje, professeure
Thérèse St-Gelais, professeure
Doris Lapierre, cinéaste
Jacques Dufresne, Encyclopédie de l’Agora
Raymond Bock, écrivain
David Robert, artiste
Stéphanie Demers, professeure
Jean Bonin, professeur
Jean-Marc Côté, professeur
Pierre Crépô, photographe
Louise Langevin, professeure
Paul Carle, professeur
Allison Marchildon, professeure
Thomas Wien, professeur
Sylvie Béland, professeur
Marie-Ève Laverdure, comédienne
David Beaupré, professeur
Marc-Antoine Larche, comédien
Pierre Rainville, professeur
Anne-Marie Miller, professeure
Mario Cholette, écrivain
Isabelle Billaud, professeure
Liette Bergeron, professeure
Bruno Lalonde, Libraire
Isabelle Rivard, professeure
Manon-Ann Blanchard, enseignante
Cédric Lamathe, professeur
Sylvie Tremblay, professeure
Johanne Blanchette, professeure
Frédéric Thibaud, professeur
Jean-Pierre Lorange, professeur
Isabelle Pontbrillant, professeure
Sylviane Dion, professeure
Joan Sénéchal, professeur
Ginette Lessard, professeure
Jean-François Marçal, professeur
Farine Vachon, professeure
Cindy Baril, professeure
France Désaulniers, syndicaliste
Jean Bonin, professeur
Michel Milot, professeur
Geneviève Perreault, professeure
Isabelle Tanguay, professeure
Jacques Audet, professeure
Céline Demers, professeure
Nadia Gosselin, écrivain
Nathalie Prud’homme, professeure
Charles Gill, professeur
Paul Dumais, professeur
Thibaud de la Marnierre, professeur
Margie Bertrand, professeure
Chantal Poirier, professeure
Isabelle Larrivée, professeure
Alain Bouchard, artiste
Michèle St-Denis, professeure
Luc Vaillancourt, professeur
Étienne Côté, professeur
Marie Wright, professeure
Sylvie Hamel, professeure
Vanessa Pelland, professeure
Jean-François Tessier, professeur
Benoit Tellier, professeur
Isabelle Baez, écrivaine
Martin Godon, professeur
Martine Nachbaur, professeure
Christian Goyette, professeur
Sarah Baillargeon, professeure
Nancy Costigan, professeure
Frédérique Bernier, professeure
Nicolas Dickner, écrivain
Jean-Martin Casséus, professeur
Patrick Poulin, professeur
Mercedes Font, professeure
Louis Horvath, écrivain
Anne-Marie Claret, professeure
Christian Bilodeau, écrivain
Stéphane Thellen, professeur
Patrick Finlay, professeur
Guillaume Bard, professeur
Marc-André Lacelle, professeur
Geneviève Tringali, professeure
Annie Legendre, professeure
Pierre-David Gendron-Bouchard, professeur
Lucie Dubois, professeure
Émilie Cantin, professeure
Gilles Vigneault, professeur
André Vincent, professeur
Julie Bellavance, professeure
Sylvie Bernard, écrivaine
Amélie Chanez, professeure
Yves-Marie Abraham, professeur
Isabelle Mahy, professeure
Claudia Ferri, Actrice
Normand Séguin, historien
Francine Dufort, professeure retraitée
Geneviève Dumas, professeure
Dominic Philie, comédien
Nathalie Gascon, comédienne
Emmanuel Poirel, professeur
Frances Fortier, professeure retraitée
Bernard Charles, politologue
Judith Émery-Bruneau, Professeure
Benoit Trottier, médecin
Joseph Branco, artiste
Marie Côté, artiste
Véronique Besançon, conseillère pédagogique
Gaële Gidrol-Mistral, professeure
François Dugré, professeur
Julie Boucher, enseignante
Yves Vaillancourt, écrivain
Simon Paradis, coordonnateur l’aire libre
Michèle Clément, chercheure
Mathieu Cournoyer, Malajube
Alexandre Chartrand, peintre
Any Guay, professeur
Stéphane Crête, acteur
Ségolène Roederer, dg, Québec Cinéma
Yanick Noiseux, professeur
Luc Picard, acteur
Céline Saint-Pierre, sociologue
Pierre Luc Houde, comédien
Anouk Lebrun, designer
Louise Larivière, gestionnaire
Jean L’Italien, comédien
Réjane Blary, professeure retraitée
Vivian Labrie, chercheure
Pierre-Yves Bernard, scénariste
Kim Doré, éditrice
François Guérard, professeur
Bobby Beshro, comédien
Bruno Ramirez, professeur
Stéphane Bernard, professeur
Louis-David Morasse, acteur
Alain Tremblay, professeur
Daniel Boucher, auteur-compositeur
Geneviève Simard, scénariste
Marie-Andrée Beaudet, professeure
Marise Bachand, professeure
Jason Cantoro, Artiste visuel
Monique Audet, Économiste
Anick Lemay, comédienne
André Duhamel, professeur
Diane Parent, professeure
Robert Comeau, historien
François Dumont, professeur
Lucia Ferretti, professeure
Louise Bouchard, professeure
Martine D’Amours, sociologue
Hélène Girard, monteuse
Niels Schneider, acteur
Patrick Coppens, poète-peintre
Julie Le Breton, comédienne
Yvan Rousseau, professeur
Denis Trudel, comédien
Stéphane Cantin, professeur
René Derouin, artiste
Yolande Brouillard, artiste peintre
Roberpierre Monnier, architecte
Pierre Beaudet, professeur
Annick Thérien, peintre
Marie-Josée Marleau, poète
Anne E. Calvès, professeure
André Baril, professeur
Jean-Claude St-Amant, chercheur
Emmanuelle Bédard, Professeure
Hervé Fischer, écrivain
Sara-Nadine Lanouette, professeur
Karl Desmeules, professeur
Steve McKay, professeur
Caroline L. Mineau, professeure
Laurence Olivier, professeure
Andrée Gendreau, muséologue retraitée
Michèle St-Denis, professeure
Jean Larivière, professeur
Pascal Deschênes, professeur
Steve Déry, professeur
David Mandel, professeur
Richard Ryan, élu municipal
Lise Dobson, professeure
Emmanuel Bouchard, professeur
Sylvianne Rivest-Beauséjour, actrice
Soufïa Bensaïd, artiste
Martin Petitclerc, professeur
Annie Demers Caron, professeure
Frédéric N. Brière, chargé de cours
Sylvie Frechette, olympienne
Claudine Raymond, comédienne
Jean-Claude St-Onge, professeur retraité
Luc-Alain Giraldeau, vice-doyen recherche
Abby Lippman, professeure
Gilles Voyer, professeur
Anne Laperrière, professeure retraitée
Flavia Garcia, professeure
Rodolphe De Koninck, géographe
Guylaine Martel, professeure
Léa Clermont-Dion, photographe
Barbara Thériault, professeur
Didier Prioul, professeur
Monique Richard, comédienne
Catherine Gadouas, compositrice
Julie Guimond, productrice
Carole David, écrivaine
René Lapierre, professeur
Linda Paquette, professeure
Viviane Pacal, comédienne
Louiselle Lévesque, journaliste retraitée
Paul Tana, cinéaste
Evelyne de la Chenelière, dramaturge
Frédéric Laugrand, professeur
Élisabeth Nardout-Lafarge, professeure
Martin Pâquet, professeur
Philippe Dubé, professeur
Sylvie Poirier, professeure
Gérard Beaudet, professeur
Céline Lafontaine, professeure
Marie-Pascale Huglo, professeure
Jean Michaud, anthropologue
Andrea Oberhuber, professeure
David Buyle, comédien
Thierry Rodon, professeur
André C. Drainville, professeur
Luc Lavoie, informaticien
Muriel Gomez-Perez, professeure
Raphaëlle Prince, professeure
René Lavigueur, médecin
Paul Drouin, artiste
Christophe Reutenauer, mathématicien
Clarisse Dehont, professeure
Danielle Palardy Roger, musicienne
Gilles Parent, professeur
Karine Villeneuve, professeure
Farès Ben Osman, professeur
Josette Brun, professeure
Jean-François Plano, professeur
Claudine Jouny, professeure
Élise Paradis, professionnelle en pédagogie
Claude-Émilie Marec, éditrice
Jean Tardif, ingénieur, SNC-Lavalin
Céline Faucher, chanteuse
Louise Bienvenue, professeure
Audrey Ghali-Lachapelle, professeure
Huguette Dagenais, professeure émérite
Marie-Claire Blais, écrivaine
Eve Gadouas, comédienne
Diane Gendron, professeure
Sébastien Ricard, Loco-Locass
Luc Leclerc, syndicaliste
Patrick Rondeau, syndicaliste
Katia Canciani, écrivaine
Marc-André Pilon, enseignant et auteur
Pierre Saint-Germain, syndicaliste
Ghislaine Raymond, syndicaliste retraitée
Martine-Emmanuelle Lapointe, professeure
Lucie Mayer, artiste lyrique
Louis Horvath, poète
Judith Poirier, conteuse
Astrid Lagounaris, artiste
Nathalie Moliavko-Visotzky , directrice photo
Julie Simard-Maltais, professeure
Valérie Desgroseilliers, chargée de cours
Amaya Clunes, professeure retraitée
Valérie Amiraux, professeure
Tammy Verge, comédienne
Michel Campeau, photographe
Sonja Mazerolle, professeure
Corinne de Vailly, écrivaine
Martine Tremblay, professeure
François Drolet, poète
Mel Cotnoir, auteure-compositeure
Colette Brin, professeure
Ariel Laforge, linguiste
Anne Mill, recherchiste
Patrick Drouin, professeur
Rachel Sarrasin, professeure
Hélène Makdissi, professeure
Martin Duckworth, cinéaste
Barbara Locher, orthopédagogue
Alain Chagnon, photographe
Valérie Carreau, enseignante
Mauricio Angulo, technicien en environnement
Rawi Hage, auteur
Yacov Rabkin, professeur
Véronique Dupuis, professeure
Ginette Dubreuil, professeure
Stéphane Tellen, professeur
Sébastien Cordeau, professeur
Véronique Leblanc, professeure
Margie Bertrand, professeure
Marilène Gill, professeure
François-Olivier Chené, professeur
Louis-Alexandre Berthelot, professeur
Claude Baillargeon, professeur
Jean-Marc Guillemette, professeur
Paul-André Bouchard, professeur
Daphné Lajoie, professeure
Jacques Gagnon, professeur
Dominique Valade, professeure
Yves Sabourin, syndicaliste
Laval Rioux, chargé de cours
Judith Bouchard, professeure
Julie-Anne Risler, professeur
Yves De Repentigny, syndicaliste
Yves Hallée, syndicaliste et chercheur
Claire St-Jacques, professeure
Stéphanie Kemp, professeur
Nadine Trudeau, professeure
Jeanne Pinsonneault, professeure
Ianick Gentes, syndicaliste
Claudine Jouny, professeure
Line Riendeau, syndicaliste
Anne-Marie Claret, professeure
Michel Robert, professeur
Dominique Barot, syndicaliste
Luc Vandal, syndicaliste
Marie-Ève Laurin, professeure
Michel A. Paquette, professeur
John Gilbert, professeur
Any Guay, professeure
Charles Guilbert, professeur
Marie-Claude Couturier, professeure
Michèle St-Denis, professeure
Audrey Lamy, professeure
Naïla Sinave, professeure
Dominique Dubé, professeure
Rosanne Saint-Jacques, professeure
Philip Wickham, professeur
Myrella Bergeron-Prévost, professeure
Marie-Andrée Fortier, professeure
Jean-Martin Fréchette, professeur
Isabelle Bourget, professeure
Mercedes Font, professeure
Alexandre Piché, professeur
Anne-Elisa Mamprin, professeure
Catherine Guindon, professeure
Annie Charbonneau, professeure
Céline Picard, professeur
Isabelle Dubuc, professeure retraitée
Philippe Maugueret, professeur
Juan C.Aguirré, professeur
Rachel Benjamin, professeur
François Rochon, professeur
Paule Chouinard, professeure
Stéphane Fauteux, syndicaliste
Denise Noël, Psychanalyste
Jacques Tardif, artiste
Michel Lalonde, sociologue
Monique Lévesque, psychanalyste
Denis Barrette, avocat
Marie-Ève Mathieu, professeure
Monique Panaccio, psychanalyste
Sophie Bourgeois, comédienne
Michel Peterson, psychanalyste
Eugène Kritchevski, professeur
Dario Perinetti, professeur
Francine Sinclair, directrice sciences de l’éducation
Geneviève Lessard, professeure
Louise Briand, présidente SPUQO
Guy Bellemare, professeur
Annie Devault, professeure
Stéphane Quinn, psychanalyste
Sylvain Lemay, professeur
Jean-Martin Johanns, organisateur de Nous?
Myriam Michaud, chargée de cours
Jacques Languirand, communicateur
Annie-Ève Collin, professeur
Francine Vachon, professeure retraitée
Véronique Fournier, professeure
Benoit Côté, professeur
Robert Pelletier, psychanalyste
Martin Laberge, professeur
Claude Bovet, philosophe
Philippe de Grosbois, professeur
Simon Marion, musicien
Patrice Joly, professeure
Michel Levesque, poète
Chantal Beaudry, chargée de cours
Flavie Achard, syndicaliste
Madeleine Ferland, syndicaliste
Stéphanie Lemétais, travailleuse culturelle
Jacques Audet, professeur
Guillaume Dostie, professeur
Claire Tremblay, syndicaliste
David Arango, compositeur
Christine Girard, professeure
Françoise Côté, musicienne
Michel Tétreault, professeur
Nathalie Ouellet, professeure
Luc Girouard, professeur, graphiste
Christopher Pitchon, professeur
Jacques Pasquet, écrivain-conteur
Marcel Lambert, professeur
Jean Carroll, professeur
Marie-Josée Gaudreau, professeure
Katia Stockman, professeure
Daniel Hogue, sculpteur
Joan Smelkinson, professeure
Pierre de Guise, professeur
Denis Kosseim, professeur
Samuel Girard Tremblay, professeur
Marie-France Bujold, professeure
Jean-François Bourgeault, professeur
Anne Buisson, professeure
Brigitte Brodeur, professeure
Liette Lavoie, professeure
Louise Mailloux, professeure
Olfa Latiri, professeure
Pierre-Luc Vallée, professeur
Dominic Courtois, professeur
Dominic Ménard-Bilodeau, professeur
Roch Plamondon, professeur
Dominique Trudel, responsable de stage
Vincent Brault, professeur
Isabelle Larouche, auteure
Nancy Larocque, professeure
Hermel CYR, professeur
Henriette Hains, professeure
Chantal Martin, syndicaliste
Christian Frenette, Professeur
Christiane Cheyney, artiste et professeure
Lyne Dessureault, professeure
Fabien Jetté, technicien en documentation
Yves Paquette, professeur
Jean-Félix Chénier, professeur
Éric Bouchard, professeur
Geneviève Deslandes, professeure
Gilles Parent, professeur
Marie-Josée Ross, professeure
Marlène Boudreault, professeure
Isabelle Kaliaguine, professeure
Renaud Harvey, professeur
Patrick C. Pilotte, professeur
Marc-André Valiquette, professeur
Philippe Alarie, professeur
Frédéric Poisson, syndicaliste
Éric Joseph TREMBLAY, architecte
Nicole Gaboury, professeure
Dominique Bulliard, professeure
Tania Charest, professeure
Brigitte Caron, professeure
Pascal Adam, professeur
Liette Labrosse, professeure
François Tremblay, professeur
Guillaume Lebel, professeur
Pierre A. Paquette, professeur
Alain Joyal, professeur
Marc Rochette, écrivain
Marie-Ève Charron, professeure
Gildas Haméon, professeur
François Régimbal, sociologue
Joëlle Morosoli, professeure
Étienne Michaud, professeur
Stéphane Boucher, professeur
Ève Beauregard, professeur
Line Valois, professeur
Marco Jean, professeur
Jean-Philippe Fortin, professeur
Maya Gobeil, professeure
Claude Landry, professeur
Anik Boudreau, professeure
Emmanuel Loeub, professeur
Julie Bouchard, professeure
Farid Ferrani, professeur
Jacques-Olivier Moffatt, professeur
Caroline Morris, professeure
Louise Lachapelle, professeure
Nina Admo, professeure et chercheure
Anne Marie Miller, professeure
Nadine Walsh, conteuse
Botz Rasili, artiste
Sarah Martinez, professeure
Marie Josée Lévesque, professeure
Elsa Beaulieu Bastien, anthropologue
Karine Collette, professeure
Nicole Bourbonnais, professeure retraitée
Line Vaillancourt, professeure
Daniel Puskas, psychanalyste
Hélène Vézina, professeure
Christiane Bergeron-Leclerc, professeure
Jean-Thomas Courchesne, professeur
Jean-François Giroux, professeur
Jean-Pierre Lavoie, professeur associé, chercheur
Jean-Marc Tourigny, chargé de cours
Jacques Berger, chargé de cours
Marielle Bourret artiste peintre
Sandrine Ricci, chargée de cours
Johanne Paquin, politologue
Denis Duhalde, chargé de cours
Chantale Lagacé, sociologue
Nicole Jeanneau, chargée de cours
Jacques Samson, documentariste
Beau Zuercher, chargé de cours
Gaétanne Cormier, professeur
Véronique Beaulieu-Audy, professeure
Chantal Poirier, professeure
Stéphane Lévesque, chargé de cours
Dominique Major, professeure et art-thérapeute
Chantal Bertrand, Chargée de cours
Virginie Doucet, professeure
Benoît Lacoursière, professeur
Christian Nolet, professeur
Stéphane Landry, professeur
Jan Frans RICARD, professeur
Marie-Josée Morin, professeure
Réal Leblanc, chargé de cours
Anne-Lise Polo, chargée de cours
Zeycan Yegin, chargé de cours
Annie Baillargeon Fortin, chargée de cours
François Besré, chargé de cours
Aude Weber-Houde, chargée de cours
Jean-Émile Verdier, chargé de cours
Rébecca Beauvais, chargée de cours
David Guillemette, chargé de cours
France Boisvert, professeure et écrivaine
Richard Trudel, professeur
Vincent LeBlanc, professeur
Ghislaine Grand, professeur
Camille Dubuc, professeur
Danielle Casara, syndicaliste
David Lachance, professeur
André Hamel, compositeur
Julie-Andrée Rostan, professeur
Javier Valdés, artiste
Josée Defoy, professeure
Suzie Sicotte, professeure
Sonia Paço-Rocchia, compositrice
Sylvie Prévost, professeure
David Pilon, professeur
Dahlia Kerba, professeure
Vagharshak Toroussian, professeur
Marie-Eve Bérubé, professeure
Philippe Rousseau, technicien en documentation
Nova Doyon, professeure
Johanne Blanchette, professeure
Caroline Barriault, professeure
Johanne Massé, professeure
François Robillard, professeur
Claude Tremblay, professeur
Marjorie Dallaire, professeure
Sylvie Paquet, professeure
Chantal Lévesque, professeure
Biz, Loco Locass
Chafik, Loco Locass
Laurence Bherer, professeure
Lucie Côté, professeure
Jonathan Hope, chargé de cours
Pascal Léveillé, professeur
Godefroy Desrosiers-Lauzon, chargé de cours, chercheur
Raymonde Bourque, chargée de cours
Daniel Perreault, professeur
Lise Nantel, chargée de cours
Philippe Gagnon, chargé de cours
Marc-André Fournier, chargé de cours
Mélanie Alexandra Daher, professeure
Brigitte de Souza, professeure
Hassan Younes, chargé de cours
Eva Monteiro, chargée de cours
Marie-Andrée Morache, chargée de cours
Khalid M’Seffar, chargé de cours, avocat
Alexandre Lahaie, professeur
Violaine Levasseur, chargée de cours
Marie Odile Cormier, professeure
Jennifer Parent, chargée de cours
Viviane Boucher, chargée de cours
Hugues Bonenfant, professeur
Daniel Roussin, professeur
Jawaher Chourou, chargée de cours
Pascale Noizet, chargée de cours
Adriana de Oliveira, chargée de cours
Catherine Lefrançois, chargée de cours
Sem Jean, chargé de cours
Émilie Lemieux, professeure
Caroline Hayeur, photographe, chargée de cours
Shirley Lebel, chargée de cours
Jean Sébastien, professeur
Sébastien Lamarre, poète
Stéphanie Boutin,professeure
Guylaine Fontaine, professeure
Vincent Fortier, professeur
Geneviève Messier, chargée de cours
Paule Baillargeon, artiste
Abdelwahed Mekki-Berrada, professeur
André Poupart, juriste
Anick Beaulieu, professeure
Anne Bérubé, professeure
Anne Dupuis, professeure
Anne Latendresse, professeure
Anne Trudel, comédienne
Anne-Gaëlle Habib, soutien à l’apprentissage
Annick Desmarais, auteure
Bernard Roy, professeur
Brigitte Haentjens, metteure en scène
Bruno Bouchard, artiste
Carol Vachon, consultant en nutrition
Catherine Caron, Rédactrice en chef adjointe, Relations
Christiane Ndiaye, professeur
Danielle Fournier, poète
David Koussens, professeur
Denis Jeffrey, professeur
Dominique Bourque, professeur
Ellen Corin, professeure
Emmanuelle Jimenez, dramaturge
Eric Shragge, professeur
Estelle Carde, professeure
Florence Vinit, professeure
Francine Noël, écrivaine
Francisco Villanueva, professeur
François Béland, co-directeur, Solidage
Gilbert Boulay, artisan du miso
Guy Bourbonnais, professeur
Heidi Wyssbrod, naturothérapeute
Jean Foster, professeur retraité
Jean-Marc Fontan, sociologue
Jean-Pascal Larin, professeur
Julie Lebeau, artiste peintre
Karine Lacroix-Pelletier, professeure
Larry Blais, président GDNM
Lina St-Pierre, femme d’affaire
Lise Castonguay, comédienne
Louis LeVasseur, professeur
Lynda Champagne, professeure
Marie-Chantal Renaud, comédienne
Martin Jalbert, professeur
Mary Ellen Davis, cinéaste
Mary Hayes, artiste
Maud Reid, professeure
Maxime Ouellet, politologue
Mélanie Doyon, professeure
Michel Allard, professeur associé
Muriel Porret, enseignante
Nellie Hogikyan, chercheure
Nicolas Vonarx, professeur
Normand Brunet, chargé de cours
Normand Daneau, comédien
Paul Eid, sociologue
Paul-André Lapointe, professeur
‪Pierre Édouard Morin, entrepreneur
Rachad Antonius, sociologue
Raymond Massé, professeur
Richard Duchaine, professeur
Robert Laliberté, éditeur
Ronald Larocque, conteur
Sandrine Turcotte, professeure
Sébastien Tanguay, professeur
Sirma Bilge, professeure
Suzanne Foisy, professeure
Vincent Bibeau, professeur
Yvan Comeau, professeur
Yves Lenoir, professeur
Molly Alexander, syndicaliste
Guylaine Séguin, professeure
Line Maurel, conseillère en communication retraitée
Michel Baril, professeur retraité
Hélène Papageorges, artiste
Marjorie Desbiens, professeure
Estelle Nolin, professeure
Robert Fortin, professeur
David Gagnon, professeur
Rémy Laprise, Professeur
Christian Caouette, syndicaliste
Karine Vachon, professeure
Élyse Simard, artiste
Nancy-Lorraine Leblond, professeure
Hugo Fleury, artiste
Alexandre Boivin, professeur
Pierre-Luc Bouchard, politologue
Geneviève Pedneault, professeure
Cédric Nadon, étudiant maîtrise
Louise Gavard, chargée de cours
Hélène Galouchko, maître de langue
Véronique Lapointe, scientifique, chargée de cours
Louise Michaud, professeure
Isabelle Grandjean, professeure et écrivaine
François Doyon, professeur
Kathryn Casault, maquilleuse au cinéma
Catherine Tardif, chorégraphe
Francis Dupuis-Déri, professeur
Yvann Thibaudeau, monteur
Stéphane Vachon, professeur
Guylaine Duval, professeure et directrice de programme
Anne Martine Parent, professeure
Marjolaine Béland, chercheure et artiste médiatique
Geneviève Bergeron, chargée de cours
Marie-France Giraudon, artiste
Marie-Renée Charest,
chargée de cours
Frédéric Plamondon, professeur
Josée Chevalier, professeure
Claire Côté, musicienne
Isabelle Mathieu, chargée de cours
Alain Lalonde, compositeur, chargé de cours
Jean-Marc Piotte, philosophe, politologue
Astrid Brousselle, professeure
Pierre McDuff, agent de recherche
Marie-Thérèse Dujardin, psychologue
Isabelle Cochelin, professeure associée
Raôul Duguay, artiste et philosophe
Bertrand Guibord, syndicaliste
Isabelle Daigneault, Psychologue et professeure
Julie Côté, artiste
Nicolas Boulerice, musicien
Geneviève Nadeau, gérante d’artistes
Lydia Anfossi, professeure




28 mai 2012


La crise sociale révèle l’inadéquation des médias traditionnels


Mercredi 23 mai, je tweetais que les médias traditionnels, totalement dépassés, ne parlaient pas des casseroles qui avaient cours depuis déjà quelques jours. Deux personnes de RDI se sont empressées de me répondre que leur média en avait traité.

J’étais bien content de m’être trompé pour un cas, mais c’était bien sûr l’exception qui confirme la règle. La nouvelle s’est alors répandu comme une traînée de poudre et les autres médias s’y sont mis de sorte que le soir même tous les médias traditionnels en parlaient. Le rôle du média est pourtant d’être à l’affut, or on constate que les médias traditionnels sont souvent très en retard sur des phénomènes déjà massifs.

Je tweetais la même journée que les médias traditionnels, beaucoup trop pipoles, ne s’occupait pas de la grève de la faim de Marik Audet. Et là, aucune réplique d’aucun média, parce qu’en effet si on n’est pas une vedette, on n’a pas droit à l’intérêt des machines publicitaires que sont tous les médias traditionnels.

En fait, le problème des médias traditionnels n’est pas qu’ils soient partiaux. Ils le sont tous depuis toujours, mais ils devraient au moins le dire.

Feue Lisette Morin, journaliste émérite à Rimouski avant d’être correspondante au Devoir, m’a enseigné il y a plus de 30 ans mes premiers rudiments du journalisme. Elle m’a appris que non seulement l’objectivité journalistique était une illusion qui berçait les naïfs, mais qu’un journaliste était d’autant plus crédible qu’on savait dans quel camp il loge. Et elle était bien campée à gauche.

L’important est de respecter les genres: dans la nouvelle, on ressort ce qui est significatif et nouveau, ce qui apporte du neuf (pas du sensationnel); dans le reportage, on est factuel (pas sensationnel); dans l’enquête, on suit la filière remontant des effets aux causes, etc.

Or, la crise sociale actuelle a révélé à une part de plus en plus grande de la population l’incompétence des médias traditionnels à traiter et à comprendre ce qui se passe: ignorance de ce qu’est la démocratie directe, méconnaissance totale de la structure clignotante des réseaux de mobilisation sans leader, confusion entre symptômes (la hausse des droits) et causes (la marchandisation de l’éducation), incapacité à penser les choix de société (humanisme contre commerce), multiplication des erreurs d’interprétation (quelqu’un a déclaré que les casseroles étaient contre le conflit étudiant), recours à des enquêtes sans valeur scientifique appelées abusivement et répétitivement sondages, etc.

Le problème des médias traditionnels et qui ne fait que constater leur déclassement total, outre le fait qu’ils taisent leur idéologie, c’est qu’ils sont partiels.

Ils s’accrochent à un champ de vision très restreint et sont convaincus que toute la réalité est là. Les caméras qui filment une manif vont se concentrer sur un épiphénomène négligeant le mouvement d’ensemble, puis vont le rediffuser en boucle pendant des heures et des heures de sorte que l’on fera croire au public que dans ce détail choisi pour son caractère éclatant réside l’essence d’un événement qui est souvent complètement autre.

Les nouveaux médias sont souples, multiformes et accessibles soit en temps voulu, soit en temps réel. Quand CUTV montre une manifestation, elle la filme avant, pendant et après de sorte que toute l’expérience est disponible. Elle pourra sélectionner des faits saillants en nombreuses capsules qui sont visionnables selon le choix de la personne qui y a accès. L’efficacité de cette méthode est telle que la police est extrêmement violente envers ce qui est pourtant un média, et que les médias traditionnels n’en font absolument pas mention alors qu’ils devraient se lever pour défendre la liberté de presse. Mais, le clivage entre les vieux médias et les nouveaux est déjà consommé.

Twitter apporte une multiplicité telle de regards sur les événements que l’esprit critique sera capable de rassembler les morceaux et de faire un tri pour retrouver une compréhension globale de la réalité.

Bien sûr, cela demande une capacité de distance critique et une capacité d’analyse, qui était nécessaire de toute façon avec les médias traditionnels, mais qu’on avait semble-t-il oubliée.

Enfin, les médias de gauche comme Presse-toi à gauche et MediaCo-op offrent des analyses critiques qui permettent de comprendre la réalité dans ses significations, dans ses causes et dans son impact sur la population.

Bien s’informer a toujours exigé un travail du citoyen, mais encore faut-il que les sources permettent d’avoir accès à une véritable transmission des réalités.




27 mai 2012


Marie-Antoinette Bombardier


La récente chronique de Denise «Marie-Antoinette» Bombardier est une désopilante pièce d’anthologie qui fera s’esclaffer les générations à venir de Québécois aussi sûrement que le Tartuffe de Molière dans les siècles derniers.

Dans une tirade éplorée, la passionaria de l’oligarchie capitaliste se désole que la «rue ait gagné». Comment? Qu’ouis-je? Les manants et les gueux prennent le pas sur la noblesse? C’est inadmissible!

La castafiore des exploiteurs patentés déplore que la rue «ait internationalisé un conflit mineur». Non, mais, pourquoi s’énerver pour une broutille comme un choix de société entre considérer l’éducation comme une marchandise ou comme un service public.

La diva de la flicaille craint que dorénavant «tout gouvernement pourra ultimement être mis en échec par des groupes d’opposants décrétant inique et injuste une loi ou une politique ministérielle». C’est vrai, ça, le peuple se soulève toujours pour des riens comme lorsqu’il crève de faim ou qu’on le prive de ses droits fondamentaux.

Pour des générations à venir, Marie-Antoinette Bombardier sera exécutée sous la guillotine du ridicule qu’elle aura elle-même échaffaudée.




24 mai 2012


Demande urgente pour la santé publique du Québec


À l’institut national de la Santé publique: info@inspq.qc.ca

Mesdames et Messieurs,

Comme il est impossible de trouver une adresse électronique pour la Direction générale de la Santé publique du Québec, je passe par votre canal pour faire ma demande.

C’est une question capitale pour la santé de tous et chacun des Québécois.

Depuis le début de la grève étudiante, Jean Charest se plaît à mettre de l’huile sur le feu. À mesure que le conflit s’envenime, il est visible dans tous les médias où on l’aperçoit qu’il prend une mine de plus en plus réjouie.

Un chef de gouvernement normal n’agirait pas ainsi. Aucune personne sensée n’agirait ainsi.

Je crois que cette personne, qui a le titre de premier ministre du Québec, devrait subir d’urgence une évaluation psychiatrique, car elle met en danger la santé phsysique et mentale des Québécois.

Recevez, Mesdame, Messieurs, mes salutations distinguées.

Francis Lagacé
3217, av. Laurier Est
Montréal H1Y 1Z9





21 mai 2012



Le ministère de la Justice m’a montré sa matraque


Lundi dernier, j’écrivais une lettre ouverte au ministre de la Justice Lettre ouverte à monsieur Jean-Marc Fournier.

J’ai bien sûr reçu une réponse standard qui, si l’on excepte la partie accusé de réception et les formules de politesse, ne contient que ceci: «Nous avons pris bonne note des éléments contenus dans votre correspondance et à cet égard, soyez assuré qu’ils bonifieront la réflexion du ministre dans ce dossier.»

Je suis tenté de croire qu’en effet le ministre a bel et bien tenu compte des arguments et qu’il reconnaît implicitement:

1. que d’après les propres critères libéraux, le gouvernement du parti libéral n’a pas la légitimité pour gouverner;

2. que seule la matraque justifie qu’on doive lui obéir et qu’il faut donc créer un délit d’opinion, ce que fait la loi 78.

La loi 78 en obligeant tous les participants à une manifestation à prendre parti pour les exigences de la police rend coupables tous ceux qui ne se rangent pas de son côté.

Le ministre Fournier a lui-même pris la peine de dire que ce n’était pas «une loi matraque». Cela signifie, quand on sait que ce gouvernement pratique la novlangue en disant qu’il consulte quand il ne consulte pas (la question de consultation du 6 décembre 2010 contenait déjà la réponse: «il faut augmenter les droits de scolarité»), qu’il négocie quand il ne négocie pas (le gouvernement s’est dit prêt à discuter de tout sauf de la hausse des droits de scolarité, donc du seul sujet sur lequel il fallait négocier), donc quand on comprend son usage de la langue, on voit là que c’est un véritable aveu qu’il s’agit d’une loi matraque, dont le seul but est de faire obéir la population parce qu’il n’y a pas d’argument raisonnable pour considérer ce gouvernement comme respectable.

Francis Lagacé
3217, av. Laurier Est
Montréal H1Y 1Z9




14 mai 2012


Lettre ouverte à Monsieur Jean-Marc Fournier


Monsieur Fournier,

Il paraît que vous êtes ministre de la Justice, mais à l’aune des discours que vous et les vôtres tenez depuis quelques mois, je n’en suis plus très sûr.

J’aimerais d’abord que vous réfléchissiez avec moi à partir de cet exemple:

Quand, dans une classe, un professeur est contesté à cause de ses exigences, il a beau prétendre que dans toutes les autres classes ça va bien et qu’il ne changera pas ses méthodes pour satisfaire à une minorité, s’il ne fait rien pour améliorer la situation, sa classe restera chaotique.

Dans l’histoire de la pédagogie, cette situation n’est pas si rare et, chaque fois, ceux qui connaissent des professeurs et ceux qui connaissent la pédagogie savent que la solution consiste à s’asseoir avec les membres de sa classe et à discuter avec eux de ce qui ne va pas pour déterminer ensemble les nouvelles règles de fonctionnement. Non seulement cette solution fonctionne, mais elle renforce la respectabilité du professeur et restaure entièrement son autorité sans entacher en rien sa dignité. En effet, l’autorité abusive se détruit d’elle-même, alors que l’autorité compréhensive se solidifie, car elle est mutuellement consentie.

Mais, pour cela, il faut accepter de faire passer son sens des responsabilités avant son petit orgueil personnel, ce qui demande la maturité intellectuelle et psychologique essentielle à l’exercice de l’autorité.

L’autorité pour être respectée se doit d’être respectable, et cela va au-delà des règles mécaniques du droit et des rapports hiérarchiques. Il y a par ailleurs un problème majeur à avaliser des injonctions qui ne sont pas respectables au sens propre du terme, c’est-à-dire qu’il est impossible de les respecter, comme l’expliquait clairement un professeur du collège Montmorency, monsieur Olivier Ménard, dans une lettre parue dans le Devoir des samedi et dimanche 12 et 13 mai 2012 en page B4. Ces injonctions ne tiennent pas compte de la réalité pédagogique et de l’impossibilité matérielle de faire le suivi de la matière pour des personnes qui apparaissent dans le cours alors que d’autres y étaient la fois précédente, où peut-on commencer ou recommencer?, comment peut-on finir?

Mais il y a autre chose, j’aimerais que vous m’expliquiez votre concept de démocratie à géométrie variable. Je ne comprends pas comment les principes démocratiques s’appliquent selon qu’ils vous plaisent ou non. Par exemple, les étudiantes et étudiants ont tenu des assemblées dûment convoquées et ont pris des décisions dûment proposées et discutées avant de les adopter dans des votes pris à la majorité absolue: 50% plus un. Ces votes engagent leur corps constitué et la seule option démocratique est de les respecter.

Quels arguments pouvez-vous opposer à cela? Il est absurde de chercher dans le droit du travail l’encadrement réglementaire de la grève des étudiantes et étudiants. Tout le monde sait que ce n’est pas un conflit de travail, c’est un conflit étudiant. Le cadre réglementaire du droit du travail n’y est pas approprié pas plus que le droit commercial n’est approprié à la régulation des rapports au sein d’une famille. Soumettre au calcul juridique strict des questions sociales, c’est rapetisser la société à un ensemble d’échanges économiques et comme le disait Michel David dans la même édition citée plus haut du Devoir en page B3 «se décharger de ses responsabilités sur les tribunaux». C’est surtout mépriser profondément l’exercice démocratique auxquels se sont livrés les associations étudiantes.

Pourquoi la démocratie étudiante serait-elle invalide et la démocratie électorale du Québec valide? Expliquez-moi ça, Monsieur Fournier!

Si on applique votre propre raisonnement à votre gouvernement et qu’on réduit l’exercice électoral à des relations de satisfaction individuelle, rien ne justifie plus que votre gouvernement soit le seul à prendre des décisions politiques. Je rappelle que, dans le corps qui les représente, les décisions étudiantes ont été prises à la majorité absolue: 50% plus un.

Vous me répondrez que ceux qui ont voté contre la grève ont des droits. Alors que faites-vous des droits de ceux qui ont voté contre votre parti au Québec? Comment se fait-il que toutes les personnes qui ont voté contre le Parti libéral n’aient pas voix au chapitre dans l’administration du Québec? Savez-vous bien que plus de gens ont voté pour d’autres partis que pour le Parti libéral? En suivant votre propre raisonnement, nous devrions nous liguer pour réclamer une injonction afin de faire dégommer votre gouvernement.

Vous me direz que tous les membres des associations étudiantes n’étaient pas présents lors des assemblées générales. D’abord vous présumez que les absents auraient voté contre et, encore une fois, vous appliquez une logique de démocratie à géométrie variable, car savez-vous bien qu’il y a plus de gens qui se sont abstenus lors des dernières élections que d’électrices et électeurs qui ont voté pour votre propre parti.

Vous me direz que la gestion d’une province est autre chose que la gestion étudiante dans les cégeps et universités. On est bien d’accord, les décisions étudiantes concernent les étudiantes et étudiants et c’est donc à eux de les prendre. Et puisque la gestion d’une province est plus grande, les règles démocratiques qui s’y appliquent devraient être encore plus sévères, pas moins. Comment se fait-il que vous puissiez gouverner ainsi?

Non, Monsieur Fournier, j’ai beau retourner vos arguments dans tous les sens, ils m’amènent à conclure que vous n’avez ni l’autorité ni la légitimité pour gouverner. J’aimerais que vous m’expliquiez avec des arguments raisonnables pourquoi les citoyennes et citoyens du Québec devraient vous écouter et vous croire.

Parce que vous avez été élu? D’après votre propre gouvernement, ceux qui n’ont pas voté pour vous ne sont pas concernés. Parce que vous avez le pouvoir de commander la police? Cela s’appelle l’argument du plus fort, c’est ce qui justifie les juntes, qui tôt ou tard finissent comme l’on sait.

Peut-être devriez-vous m’arrêter de manière préventive pour avoir tenu ces propos, et ainsi créer le délit d’opinion; c’est le seul élément qui manque à votre appareil répressif. Mais peut-être devriez-vous vous arrêter vous-même, car ce sont vos propres arguments qui m’ont conduit à parler comme je le fais.

J’aimerais en tout cas que vous me répondiez, car en l’état actuel des choses, je ne vois guère que la matraque pour soutenir votre gouvernement; pourtant la justice, c’est autre chose que les tribunaux et la police.




12 mai 2012


Un vrai sondage


Voici une vraie question de sondage à adresser à la population du Québec:

Vous avez payé par vos impôts 200 millions de dollars à UN entrepreneur muni d’une fortune de plusieurs centaines de millions de dollars et à la tête d’un empire médiatique important et disposant de multiples échappatoires fiscales, tout cela pour qu’il puisse construire un amphithéâtre dont la propriété sera privée et dont les activités serviront au sport professionnel.

Accepteriez-vous de faire le même effort pour permettre non pas à une personne mais à des CENTAINES DE MILLIERS de jeunes qui sont l’avenir de votre société d’avoir accès aux études supérieures?




7 mai 2012


Leçon de linguistique: une grève est une grève est une grève


Que l’on soit pour ou contre la grève étudiante, il convient d’appeler les choses par leur nom, aussi une petite leçon est-elle ici appropriée.

Voyons donc l’origine du mot. Les ouvriers journaliers de Paris se réunissaient place de Grève où ils attendaient de trouver du travail, de sorte que le premier sens de être en grève au début du XIXe siècle a été «chercher du travail» comme nous l’apprend le Petit Robert historique de la langue française.

Par la suite, des expressions comme mettre un patron en grève ont signifié le refus du travail d’un certain patron. Il a fallu ensuite peu de temps pour que le mot prenne le sens de «cessation collective des activités». Au cours du XXe siècle, le mot a été appliqué à toute décision de cesser des activités. De sorte qu’on a parlé très normalement de grève des étudiants et même de grève des prisonniers.

Historiquement, toutes les grandes grèves étudiantes du Québec ont été appelées grève comme il se doit par les différents acteurs et commentateurs des événements. Le boycott, plus proprement appelé boycottage, consiste pour sa part à refuser les biens ou les services d’un fournisseur. On voit ici le choix idéologique de ceux qui préfèrent ce terme à grève: ils refusent les décisions collectives et estiment que les cours sont un service commercial.

Pour enfoncer le clou et montrer que la grève n’est pas le boycott, on pourra constater que lorsqu’il n’y a pas grève, il est possible pour un individu de boycotter un ou des cours, un professeur, un département, une université, etc.

L’étroitesse d’esprit de certains qui cherchent le droit de grève des étudiantEs dans le code du travail n’y change rien. Le droit de grève étudiante n’y figurera jamais puisque qu’il ne s’agit pas de relations de travail. Cela ne signifie pas pour autant que les associations étudiantes n’ont pas le droit de prendre des décisions collectives pour faire valoir leurs revendications.

À ce propos, il serait de bonne justice qu’un parti politique progressiste mette à son programme l’adoption d’une loi reconnaissant les droits collectifs des étudiantEs et le respect qui est dû aux choix que font leurs assemblées générales. Je quitte ici la linguistique pour le domaine politique.

Mais l’idéologie joue souvent dans les choix linguistiques, c’est pourquoi la sociolinguistique nous en apprend beaucoup sur le fait que la langue et le vocabulaire n’ont rien de neutre.

Que s’est-il donc passé pour que, tout à coup, on se mette à marteler que la grève étudiante n’en est pas une? Qu’y a-t-il de différent avec 2005? En fait, la tendance à la marchandisation était déjà très forte en 2005, mais la propagande n’avait pas encore fait ce pas qu’elle attendait juste de franchir. Les mots ayant une valeur symbolique forte, les tenants d’une vision mercantile de l’éducation ramènent la grève à un choix individuel de refuser le service qui leur est offert. En fait, si les étudiantEs boycottaient, ils refuseraient surtout de payer leurs droits d’inscription ou refuseraient une université ou un département en particulier.

Ces retournements de sens sont typiques des autorités totalitaires qui, ne pouvant changer la réalité, en changent les appellations. On a ainsi des lucides, dont le sens d’origine est «raisonnement clair», puis «personne dont le raisonnement est clair, qui voit clair», alors qu’il s’agit plutôt de personnes aveuglées par le néolibéralisme.

Quoi qu’il en soit, pour revenir à la grève étudiante, il convient de se rappeler que d’utiliser le nom normal qui a du sens dans le contexte, c’est-à-dire grève ne signifie pas nécessairement qu’on y soit favorable, mais dès lors qu’on emploie le terme boycott, qu’on soit commentateur ou journaliste, c’est qu’on prend parti contre la grève et qu’on veut ramener l’action collective à un choix individuel et commercial.

Francis Lagacé, M.A. Linguistique, Ph. D. Lettres




30 avril 2012



Fable politique

(toute ressemblance avec la réalité ne saurait être que fortuite)


Il était une fois un pays très lointain dont la devise était J’m’en souviens pu.

Dans cet étrange pays, il y avait des dirigeants accrochés au pouvoir pour continuer à faire des affaires d’or en recevant des enveloppes bien garnies et en bradant le patrimoine à de gentils investisseurs subventionnés grâce aux deniers de la population.

Dans ce drôle de pays, le premier sinistre était un clown frisé qui faisait des numéros de stand-up comique. Ce clown était convaincu que son rôle était de prendre l’argent des pauvres pour le donner aux riches afin qu’ils puissent exploiter les ressources naturelles et s’en aller avec dans d’autres pays.

Dans ce pays curieux, de jeunes contestataires s’imaginaient que les impôts devaient servir à rendre des services publics plutôt qu’à permettre aux riches de devenir plus riches et aux présidents des usines à diplômes de se promener en limousine. Ces jeunes-là ne comprenaient rien à la nouvelle religion d’État: la marchandisation.

Dans ce pays bizarre, la ministre de l’ignorance nationale augmentait les prix d’entrée dans les usines à diplômes pour faire plaisir au premier sinistre et au ministre de l’adoration du commerce. Ce dernier avait besoin des profits pour faire des cadeaux aux gentils investisseurs qui, eux-mêmes, avaient besoin de ces cadeaux pour développer les lointaines contrées nordiques dont ils convoitaient les richesses.

Dans ce pays biscornu, les bourgmestres des plus grandes cités étaient de grands défenseurs de la liberté de commerce. Ils trouvaient bien gênants les jeunes malpropres qui dérangeaient la business.

Dans ce pays saugrenu, il y avait un service de police, composé d’agents de la paix économique, dont la tâche était de servir la religion de la marchandisation. Ils faisaient le ménage en ramassant les jeunes incroyants de façon musclée, en les poussant à coups de bâton, quitte à les faire saigner un peu. Qu’est-ce que quelques gouttes de sang, quand il s’agit de préserver les belles vitrines des temples de la nouvelle religion!

Dans ce pays singulier, le ministère de la propagande répétait sans cesse à la population qu’il ne faut pas salir les belles vitrines et aux agents de la paix économique qu’il faut frapper toujours plus fort sur les vilains qui manifestent contre la religion. Les agents de la paix économique étaient tellement occupés à frapper sur les incroyants qu’ils n’avaient pas toujours le temps d’arrêter ceux qui salissaient les belles vitrines.

Dans cet insolite pays, il y avait aussi des faiseurs d’image qui multipliaient par cent et par mille les photos des belles vitrines salies. Parfois, il se glissait dans le lot une photo d’une incroyante ou d’une passante ramassée de façon musclée.

Dans ce pays plutôt louche, pour détourner la population des incroyants, le ministre de l’insécurité publique leur a inventé un ennemi. Il a choisi pour ce faire un représentant d’une classe à part et l’a présenté comme un chef cruel et sanguinaire. «Méfiez-vous de ce monstre, hurlait-il à tue-tête. Sauvez-vous, il va tous nous battre.» Le ministre de l’insécurité publique avait très peur de ce dangereux jeune homme, petit et frêle.

Dans ce pays baroque, si on se plaignait de la taxe sur la chaleur, trop élevée, le ministre de l’adoration du commerce répondait: «Je vous ai entendus. Je vais l’augmenter encore pour le peuple, mais je vais la dimininuer pour les usines.»

Dans ce pays farfelu, les jeunes incroyants pensaient que la démocratie consistait à faire des assemblées où les gens débattent en étant informés et où ils prennent des décisions majoritaires. L’Assemblée des sinistres, à l’aide d’agents spéciaux, s’est chargée de leur montrer que la démocratie, c’est obéir au dictateur pendant quatre ou cinq ans, surtout que le dictateur est un gentil clown frisé, et en attendant, il faut marcher droit et rentrer dans l’usine en silence sinon les juges vont imposer des taxes spéciales.

Dans ce pays tourmenté, il n’y avait pas de négociation possible entre les incroyants et l’Assemblée des sinistres. En effet, la devise de l’Assemblée des sinistres et des ministres du culte du commerce était: «Crois ou meurs.»

Dans ce pays inquiétant, la ministre de l’ignorance nationale disait aux incroyants de parader sans faire de bruit, car les parades sans bruit ne la dérangeaient pas du tout. Seul le bruit la dérangeait, mais il était interdit d’en faire en sa présence.

La ministre de l’ignorance nationale criait pourtant très fort et exigeait des incroyants qu’ils dénoncent les salisseurs de vitrine. De son côté, elle n’avait que des félicitations pour les agents de la paix économique.

Dans ce pays spécial, quand les élections approchaient, on tournait les caméras sur les vilains incroyants et, surtout sur les vitrines salies, pour montrer qu’on a encore besoin du gentil clown frisé pour officier aux grand-messes de la religion.

Dans ce pays indéfinissable, il y avait de jeunes incroyants qui refusaient de sacrifier au dieu commerce et qui rêvaient d’une société où le chacun pour soi serait remplacé par le chacun pour les autres.

Dans ce pays incertain, des jeunes savaient mieux que leurs aînés ce qu’était l’éducation.




22 avril 2012


J’imagine


«J’imagine
Un peuple dynamite et pourtant sans défense
Tout en lui ne serait qu’amour et transparence
J’imagine
Un hiver tout de neige et fleurissant quand même
Pour des femmes chansons, pour des hommes poèmes

Et la grande liberté au poing la rose
Et la grande liberté la rose au poing
Et la grande liberté la rose au poing»

Henri Gougaud




19 avril 2012


Contre la violence


Puisque Madame Beauchamp estime qu’on ne peut pas négocier avec un groupe qui ne condamne pas la violence, je ne vois pas comment les étudiantes et étudiants pourraient négocier avec elle qui organise la violence tous les jours depuis des mois contre les étudiants.




16 avril 2012


Tous les médias, tous les journalistes sont idéologiques


Je me rappelle Lise Bissonnette s’écriant au début des années 90 que les idéologies étaient disparues et qu’on ne les regretterait pas. Sans doute avait-elle adhéré à la thèse de la Fin de l’histoire de Fukuyama et croyait-elle que le capitalisme triomphant n’était pas une idéologie. Or, nous entrions au contraire dans l’ère de l’idéologie omniprésente.

Il convient de rappeler ce qu’écrivait Althusser en 1970 dans son article «Idéologie et appareils idéologiques d’État (Notes pour une recherche)», paru dans la revue La Pensée numéro 151 à la page 32:

«C’est un des effets de l’idéologie que la dénégation pratique du caractère idéologique de l’idéologie, par l’idéologie: l’idéologie ne dit jamais "je suis idéologique".»

Quand les présentateurs se permettent des commentaires, quand les reporters orientent leur discours, tous pratiquent l’idéologie. Les médias ont leur propre choix politique et laissent plus ou moins de liberté à leurs employés, souvent beaucoup moins qu’il n’y paraît.

Un bref séjour parisien m’a fourni des exemples d’Outre-Atlantique pour parler de ce problème présent partout. On se retrouve en terrain connu quand on entend les journalistes et les présentateurs minimiser systématiquement les foules qui appuient les options de gauche ou encore répéter de la même façon sur toutes les chaînes radio ou télé: «Mélenchon attaque toujours les mêmes cibles, soit les riches et les grandes entreprises», comme si les partisans de l’austérité ne radotaient pas toujours les mêmes âneries à propos de la dette. Mais, ça, aucun grand média, aucun journaliste ne le rappelle.

Il était assez affligeant d’entendre une intervieweuse qui interrogeait le candidat Nicolas Sarkozy à France Info pour un entretien de 10 minutes bien comptées, car chaque candidat aura droit de par la loi à exactement ces 10 minutes d’interview, d’entendre donc cette journaliste prendre deux bonnes minutes pour s’attarder complaisamment avec le président à rabâcher un fait divers dans lequel un policier a été tué par un cambrioleur qui a foncé sur lui avec sa voiture. Et le président et la gentille animatrice ont ensemble dénoncé le «malfrat». Voilà une façon de plaider pour la rigide politique sécuritaire du président, qui était pourtant là à titre de candidat.

Petit détour anecdotique:

Puisqu’on parle de la politique et des pratiques sécuritaires, le mercredi 11 avril, j’étais assis dans une petite place, là où la rue Bréa vient rejoindre la rue Vavin pour y manger un bout de pain en attendant d’aller au cinéma. Devant moi, était assis sur un banc, les pieds sur le siège, les fesses sur le dossier, un jeune Maghrébin qui mangeait son sandwich.

Arrivent trois policiers à vélo, qui interrogent le jeune, le fouillent systématiquement, vident toutes ses poches, inspectent tous ses papiers, son passeport, font de très nombreux appels pour vérifier toutes sortes d’information. Un grand déploiement fortement humiliant pour un jeune qui, visiblement, n’était pas armé ni en train de commettre un délit grave.

Pendant ce temps une bande de jeunes filles de bon genre se précipitent sur mon banc en piaillant. Rien que de normal, à cet âge, les filles piaillent et les garçons grognent, on est tous passés par là, et certaines montent les deux pieds sur le banc, mais les policiers ne les voient ni ne les entendent, et on ne saurait les en blâmer, mais pourquoi ont-ils si bien vu le jeune Maghrébin?

Fin de l’anecdote du beau pays sécuritaire, qui n’est pas sans nous rappeler un certain grand pays de plus en plus conservateur dans sa gouvernance en tout cas.

Un film intitulé Les nouveaux chiens de garde joue dans les salles parisiennes actuellement. Inspiré par l’œuvre de Paul Nizan, il montre comment les grands groupes médiatiques et les hommes politiques sont de la même classe et partagent les mêmes intérêts. Plusieurs d’ailleurs se fréquentent sans gêne au restaurant le Siècle où se rencontre tous les derniers mercredis du mois le gratin des hommes de pouvoir, et de quelques femmes.

«Curieusement», ce film n’est précédé d’absolument aucune publicité.

Comme le dit Henri Maler, fondateur d’Acrimed (allez voir ce site acrimed.org), il convient de «rendre sensible la nécessité, voire l’urgence de transformations en profondeur et d’une appropriation démocratique des médias et, dans ce but, faire ou refaire de la question des médias la question démocratique et donc politique qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être.»

En attendant, il y a les médias et les journalistes qui sont idéologiques et ne le savent pas, ceux-là illustrent très bien la double ignorance dont parlait Socrate: «Ils ne savent pas qu’ils ne savent pas.» Ce qui ne les empêche pas de servir des maîtres qui nous sont adverses.

Il y a ceux qui sont idéologiques et qui ne le disent pas, ce sont les hypocrites qui manipulent sciemment l’information et ils sont loin d’être si rares.

Et, finalement, il y a ceux qui sont idéologiques et qui le savent, et il importe de savoir le camp qu’ils ont choisi: celui du peuple ou celui des exploiteurs.

Inutile de dire que je n’ai envoyé ce texte à aucun média.




2 avril 2012


Les partisans de la hausse n’ont plus d’argument


Ils n’ont plus d’argument; ils ne savent plus quoi dire. Une fois qu’on leur a expliqué que ce n’est pas une question d’argent puisque le gouvernement possède déjà cet argent, qu’il peut même en avoir davantage en rééchelonnant les impôts au bénéfice même de la classe moyenne, en imposant les plus riches et les très grandes entreprises, ils ne savent plus quoi dire.

Une fois qu’on leur a fait comprendre que ce n’est pas une question de manque de financement des universités, mais bien de mauvaise gestion et de malfinancement, ils ne savent plus quoi dire.

Il ne leur reste que le mantra: «il faut que les étudiants fassent leur part», un sophisme ridicule comme si la part des étudiants n’était pas d’étudier, comme s’ils ne faisaient pas déjà leur part en travaillant eux aussi, comme si la juste part ne devait pas se faire en payant des impôts en proportion de ses moyens quand on travaille, ils ne savent plus quoi dire.

Leur seule position est idéologique et consiste à croire que l’éducation est une marchandise qu’on doit s’acheter plutôt qu’un bien commun qui doit servir au public. Et comme ils ne veulent pas l’avouer, alors ils ne savent plus quoi dire et répètent n’importe quoi.

Comme l’inénarrable ministre de l’édulcoration qui a trouvé le tour vendredi dernier de mélanger péronisme, quiproquo et confusion mentale dans cette expression digne d’un sottisier «c’est le syndrome du pas-dans-ma-cour, les étudiants veulent refiler leur facture à d’autres». Quand on sait que le syndrome du pas-dans-ma-cour s’applique à des personnes qui refusent de voir un établissement dans leur voisinage et que le refilage de facture s’applique à ceux qui ont fait une dépense, mais ne veulent en faire les frais, alors qu’ici il s’agit d’appliquer socialement des frais sociaux, donc il s’agit plutôt de s’approprier normalement et sainement la facture, on ne peut que constater l’indigence argumentative de la ministre, sans s’étendre sur son indigence intellectuelle qui nous fait douter de ses compétences à exercer son poste.

Comme le clownesque premier sinistre qui ne trouve rien d’autre à dire que la décision était déjà prise depuis longtemps (ce qui prouve que c’est une position idéologique), qu’il y a eu beaucoup de consultations (alors qu’il n’y a eu de consultations qu’entre partisans de la hausse et que sur les moyens de l’imposer) et que c’est une décision d’avenir (expression qui ne veut rien dire ou alors qui veut dire qu’il n’y a d’avenir que pour ce qui se vend). Peut-on trouver plus inepte perroquet du dogme mercantile?

Les étudiantes et étudiants ont raison de maintenir la pression, ils sont à quelques pas de la victoire, et nous nous devons de les appuyer personnellement, dans nos organisations et par des gestes concrets. Les étudiants font comme nous face à des dirigeants qui s’imaginent que la démocratie se résume à élire un dictateur tous les quatre ans. Ces dirigeants ont tort. S’ils ne veulent pas le comprendre, leur démission serait bienvenue.




30 mars 2012


Ce que les recteurs ne nous disent pas


Dans le présent débat sur la hausse des droits de scolarités annoncée par le gouvernement, il y a des réalités importantes qui sont occultées par les recteurs d’Université.

Par exemple, le fait que ce qui compte, ce ne sont pas les éventuelles aides financières qui pourraient aider certaines personnes à défrayer les hausses de droits, mais plutôt l’accessibilité à tout le monde, qui permet de s’assurer que, par des frais bas, toutes les personnes qui sont aptes puissent avoir accès aux études universitaires sans se demander si leur situation familiale entrera dans les conditions complexes d’admissibilité à des programmes d’aide.

Par exemple, le fait que de faire appel à des organismes philanthropiques comme le suggèrent les recteurs ouvre la voie à une sélection pour des raisons qui n’ont rien à voir avec les qualités académiques des personnes qui se feront aider.

Par exemple, le fait qu’une mesure de justice sociale comme les impôts est beaucoup plus facile à pratiquer et à administrer et qu’elle évite les ségrégations de toute nature.

Par exemple, le fait que des dépenses somptuaires dans les immobilisations et dans la concurrence à outrance entre les universités détournent des fonds qui pourraient aller à l’enseignement sans qu’on n’ait le moindrement besoin d’augmenter les droits de scolarité.

Par exemple le fait que les droits de scolarité sont accompagnés de toutes sortes de frais afférents qui sont automatiquement facturés aux étudiants et dont ils peuvent, seulement pour certains, se retirer en faisant une démarche administrative.

Par exemple, le fait que si les recteurs étaient attachés à l’accessibilité, ils plaideraient pour des études sans frais plutôt que de faire appel à tout un chacun pour faire la charité par des dons de toutes sortes, car la charité glorifie celui qui donne, mais humilie les personnes qui en sont l’objet, alors que la justice sociale ne crée ni héros ni victime et permet à tout un chacun de faire sa part en travaillant, tout simplement.

Ce que les recteurs ne nous disent pas non plus, c’est que, quand le gouvernement a prétendu consulter les acteurs du monde universitaire le 6 décembre 2010, il s’est consulté tout seul avec les recteurs parce que personne ne voulait d’une fausse consultation où la réponse était écrite dans la question qui était posée : «Quels sont les meilleurs moyens de faire augmenter les droits de scolarité?»

Ce que les recteurs ne nous disent pas, c’est qu’ils veulent continuer le jeu de la concurrence entre eux pour s’arracher des étudiants qu’ils considèrent comme une clientèle plutôt que comme une population qu’il faut servir. Et cela, ça nécessite du cash qu’ils veulent aller chercher dans la poche du client, justement.

Ce que les recteurs ne nous disent pas fait en sorte que le portrait qu’ils nous renvoient de la situation universitaire est très déformé.





25 mars 2012


Le point sur la lutte étudiante


Le combat qui oppose les organisations étudiantes et le gouvernement actuel du Québec est une confrontation entre deux visions contradictoires de la société.

Si l’on croit à l’utilité sociale d’un gouvernement, ce sont les étudiants qui ont raison. En effet, si l’éducation est un investissement que la société fait dans sa jeunesse pour un avenir meilleur, cette société se doit de rendre l’éducation universitaire accessible à toutes les personnes qui en ont les capacités intellectuelles.

Si, au contraire, on croit que l’éducation est un investissement personnel, une marchandise que l’on s’achète, il n’est alors pas nécessaire de financer collectivement l’éducation au-delà du secondaire. Et même, si l’on conçoit l’éducation comme une façon de préparer les jeunes à servir les entreprises, on devrait demander aux entreprises de financer les écoles. C’est ce qu’on commence à faire quand on fait intervenir des fondations privées dans les cursus.

Une telle conception mercantile de l’éducation correspond à une vision tronquée de la société vue comme une collection d’individus plutôt que comme une collectivité pouvant se donner des objectifs communs pour le plus grand bien de tous et de chacun.

Que reste-t-il à faire maintenant que les positions sont bien campées de part et d’autre? Que va-t-il se passer maintenant que la ministre de l’éducation, madame Line Beauchamp, a balayé du revers de la main la force de la plus grande manifestation jamais tenue à Montréal?

Il y a quelque chose de plutôt étrange à entendre la ministre se plaindre des actions dérangeantes que tiennent certains groupes d’étudiants quand du même souffle elle leur enjoint de tenir des manifestations pacifiques dont elle assure qu’elles n’auront absolument aucun effet sur elle.

Il y a quelque chose de plutôt révélateur à entendre la ministre dire que la manifestation ne saurait avoir d’impact sur elle puisqu’elle ne regroupe que les syndiqués (la fameuse classe moyenne), les étudiants, les enseignants, les jeunes, les artistes... Il est à noter que de nombreux petits entrepreneurs (surtout artistiques il est vrai) ont fermé leur boutique ce jour-là pour accompagner les étudiants. Qui manquait-il donc à cette manifestation? Les banquiers, financiers et autres grands dirigeants d’entreprise! C’est sans doute ceux-là qu’elle veut voir, entendre et surtout écouter.

N’est-il pas révélateur, répétons-le, que madame Beauchamp attache plus d’importance à un groupe de personnes qui ne suffirait pas à remplir le square Saint-Louis plutôt qu’aux centaines de milliers de personnes qui ont envahi les rues de Montréal le jeudi 22 mars 2012?

N’est-il pas révélateur, oui il convient de le répéter, que madame Beauchamp soit ainsi au service du grand capital plutôt que de la société?

N’est-il pas révélateur, nous ne nous lasserons pas de le répéter, d’entendre la ministre dire que la hausse des droits de scolarité est nécessaire parce que sinon ce seront les travailleurs de la classe moyenne qui en feront les frais alors que justement cette hausse sera absorbée par les étudiantes et étudiants filles et fils de la classe moyenne?

N’est-il pas révélateur, qu’on ose nous reprocher de le répéter!, d’entendre la ministre opposer les étudiants et les travailleurs de la classe moyenne alors que justement ils sont dans le même bateau, surtout quand elle déclare qu’ils payent les études des jeunes, ce que tout le monde sait déjà, oubliant par là que ce sont aussi elles et eux qui payent son salaire, sa limousine et son chauffeur?

Les étudiantes et étudiants, les travailleuses et travailleurs de la classe moyenne sont dans la même situation, confrontés à un gouvernement qui sert les intérêts des plus riches et des grandes entreprises en se servant des impôts prélevés sur la classe moyenne pour subventionner ceux-là grassement tout en les exonérant de fiscalité. Ce gouvernement refuse d’exiger des recteurs des universités une gestion qui favoriserait leur mission primordiale d’enseignement. Ce gouvernement refuse de prendre des mesures simples et efficaces, toutes beaucoup moins coûteuses que le pharaonique Plan Nord, pour financer l’accès à l’université de toutes les personnes qui y sont aptes. Cela se fait au détriment des familles défavorisées, dont les aspirations seront révisées à la baisse. Cela se fait au détriment des familles de classe moyenne.

Il faut appeler les choses par leur nom: c’est une lutte de classe et les travailleuses et travailleurs ont tout intérêt à appuyer le mouvement étudiant.

Si la ministre dit clairement qu’elle ne veut pas reculer et que les manifestations pacifiques n’ont pas d’effet sur elle, que reste-t-il aux étudiantes et étudiants sinon des actions dérangeantes? Qui pourrait les en blâmer?





19 mars 2012


Taxes et impôts: la grande confusion


En anglais, les taxes et les impôts sont désignés par un seul mot: taxes. De sorte que lorsque les anglophones se plaignent de payer trop de taxes, ils se plaignent à la fois des impôts sur le revenu et des différentes taxes à la consommation ainsi que de toutes les autres taxes qu’on peut avoir à payer, comme la taxe sur la santé. Pour les distinguer, il faut donc apporter un spécifique et parler par exemple d’income tax, l’impôt sur le revenu.

Souvent, cette confusion est importée en français, au Québec, ce qui fait bien l’affaire des grandes entreprises qui appellent les citoyens à leur aide ou qui prétendent venir à l’aide des citoyens en prétendant qu’au Québec «on est les plus taxés d’Amérique».

Or la différence est loin d’être anodine, car s’il est vrai que la taxe de vente est plus élevée au Québec, les impôts sont moins élevés pour les grandes entreprises et les déductions fiscales très généreuses.

Il est donc important de faire la différence entre les diverses sortes de taxes et les divers impôts. D’autant qu’une taxe à la consommation de biens essentiels affecte beaucoup plus une personne qui gagne 15 000 $ par année qu’une autre qui en gagne 125 000 $.

À l’inverse, l’impôt sur le revenu, s’il est bien pratiqué, s’il est progressif, affectera davantage les contribuables qui ont les moyens de payer et les entreprises qui font de gros profits, ce qui est beaucoup plus équitable.

Il est bien certain que personne n’aime payer de taxes ni d’impôts. Si on fait un sondage pour demander à la population: «voulez-vous payer plus d’impôts?», l’immense majorité dira non. Si on demande à la population: «voulez-vous payer moins d’impôts?», l’immense majorité dira oui.

Toutefois, si il y a 20 ans, quand on a commencé à réduire les impôts et à entrer dans la logique de l’utilisateur payeur, on avait posé la question de manière plus précise avec les conséquences que la réponse impliquait, voici comment il aurait fallu la formuler: «Voulez-vous payer moins d’impôts et, en conséquence, avoir moins de services gouvernementaux, devoir payer pour obtenir certains services autrefois offerts universellement et laisser le privé entrer dans les hôpitaux et les écoles?» La réponse aurait sans doute été comme en Norvège il y a quelques années: «Non, on préfère payer des impôts pour continuer à offrir de bons services à tous.»

La diminution des impôts pour les plus riches a eu comme conséquence que toutes sortes de tarifs et de taxes spéciales apparaissent. Par exemple, la fameuse taxe santé qui obligera l’an prochain même les bas revenus à payer 200 $ par année. Une telle somme n’a pas le même impact sur le budget de la mère de famille qui gagne 25 000 $ par année que sur celui du banquier qui gagne 300 000 $ avant ses primes et divers cadeaux en actions.

Hier, dimanche 18 mars 2012, on faisait état à la télévision de TVA d’un sondage dans lequel on avait demandé aux citoyens québécois s’ils étaient prêts à payer plus d’impôts pour éviter la hausse des droits de scolarité. La réponse a été sans surprise: Non!

Le problème de ce sondage est qu’il pose une question qui n’a aucun rapport avec la situation actuelle ni avec ce que les étudiantes et étudiants proposent.

La question que les étudiantes et étudiants nous posent est la suivante: «Voulez-vous que les impôts sur le revenu soient mieux répartis de sorte que la majorité de la population en paye moins, que les plus hauts revenus et les grandes entreprises payent leur juste part et que les droits de scolarité soient gelés ou même réduits?» L’immense majorité répondra Oui! à cette question.

Il est même possible de rendre complètement gratuite la scolarité universitaire en réaffectant vers l’enseignement les fonds versés aux universités plutôt que vers les partenariats avec des entreprises privées ou en établissant une vraie fiscalité progressive qui permet à chacun de faire sa juste part et non qui impose aux plus vulnérables un fardeau proportionnellement plus lourd qu’aux mieux nantis.

Quand on pose les bonnes questions, on a des réponses beaucoup plus intéressantes!




12 mars 2012


Pour que chacun prenne ses responsabilités


On me dit que chacun doit faire sa part et qu’il faut se responsabiliser. Le grand courant à la mode est de demander à chacun de payer pour les services qu’il reçoit.

Alors, je veux bien. Imaginons ensemble un système qui permettrait de s’assurer que tout un chacun fasse sa contribution à la société. Prenons les droits de scolarité qui permettraient de financer le réseau de l’éducation.

Laissons de côté pour l’instant, les enfants du primaire et du secondaire. On pourrait demander aux cégépiennes, cégépiens et universitaires de payer leurs droits de scolarité. Pour que ce soit plus facile à réaliser, on pourrait leur demander de payer après quand ils gagneront de l’argent.

Par exemple, la personne qui étudie en médecine pourra payer plus parce qu’elle gagne plus. Par contre, si la personne qui a étudié en médecine se retrouve pour une raison quelconque à travailler dans un autre domaine où elle gagne moins, ce ne serait pas juste de lui faire payer plus. Il faudrait trouver un mécanisme qui permette d’ajuster la somme qu’elle paye aux revenus qu’elle gagne.

De même pour la personne qui a étudié en littérature, ses frais de scolarité à payer après seront beaucoup moindres parce qu’on sait qu’elle gagnera peu, mais si par chance elle travaille dans un domaine où elle fait beaucoup d’argent ou si, ce qui est plus rare, elle devient célèbre et très bien rémunérée, ce serait tout de même plus juste qu’elle paye une plus grande part. Encore une fois, un mécanisme qui ajusterait les sommes versées à l’importance des revenus gagnés serait plus approprié.

Ne trouvez-vous pas que ce système serait fonctionnel? Puisque ça fonctionne si bien pour les études, on pourrait appliquer le même système pour les soins de santé. Et comme on ne sait pas quand on a besoin des soins de santé, on pourrait demander à toutes les personnes qui travaillent de payer d’avance une petite somme afin de ne pas se retrouver devant des dépenses trop importantes le jour où elles auront besoin de se faire soigner.

Ainsi, la personne qui est malade ou blessée pourra recevoir des soins parce qu’elle a commencé à payer et pourra continuer à payer après, soit pour compléter les frais soit pour continuer à garnir sa réserve pour une prochaine fois. Pour s’assurer que ces contributions soient équitables envers tous, là encore on pourrait ajuster la cotisation aux revenus gagnés. De la même façon, tout le monde contribuera pour assurer les soins des enfants, car après tout, ce n’est pas aux enfants à payer pour leurs soins de santé.

C’est ce qui me permet de revenir à l’éducation des jeunes du préscolaire, du primaire et du secondaire. On pourrait demander aux parents de payer un petit peu dès qu’ils travaillent et tout au long de leur vie, comme ça, ça éviterait que ça coûte trop cher d’un coup. Et puis, comme on ne peut savoir d’avance qui sera parent ni combien de temps il le sera, on pourrait faire contribuer tout le monde à proportion de ses revenus. Après tout, les enfants sont ceux de tout le monde. Ne dit-on pas qu’il faut tout un village pour éduquer un enfant.

Et puisque ce système semble bien fonctionner et nous paraît très juste, on pourrait l’appliquer aux routes et à tous les services dont on a besoin. Ça assurerait une contribution équitable de tous et chacun au bien-être de tous et chacun sans étouffer les personnes qui gagnent peu. Voilà une belle solution qui permettrait de régler le problème des droits de scolarité et des frais médicaux. On devrait l’appliquer, non?

Mais, attendez, ce système existe déjà! Ça s’appelle la fiscalité progressive.




5 mars 2012



L’équilibre journalistique et les discours dominants


Je me rappelle un journaliste qui me disait: «Mon travail ne consiste pas à juger les déclarations, mais à rapporter les arguments de chaque côté.»

Une telle conception est juste dans un monde équilibré où l’accès à l’information est égal pour tous. Notons toutefois que le travail d’objectivité du journaliste n’exige pas de lui qu’il porte des jugements, mais qu’il confronte les déclarations à la véracité des faits.

En effet, le simple rapport des déclarations ne peut que renforcer les discours de ceux qui ont les moyens de les répéter sans cesse et la force de les imposer.

Dans les débats sur la justice sociale, quand l’un des camps prétend que les impôts sont trop élevés au Québec, on peut le rapporter sans le juger. Quand ce même camp prétend qu’ils ont augmenté, on peut vérifier que les impôts des entreprises ont en fait diminué de moitié dans les dernières décennies et que les échelons d’impôts des particuliers ayant été réduits, certaines couches de salariés plus nantis en paient moins alors que certains couches moyennes en paient plus.

Faire ce genre de vérifications objectives permet au destinataire de l’information de mieux connaître la réalité et donc au travail journalistique d’accomplir pleinement son rôle d’éclairage des citoyens.

Les chroniques, les émissions de personnalités où l’objectif est la confrontation flamboyante ne s’attardent pas à la critique de fond et entretiennent dans le public une confusion entre l’information et le divertissement. Mettre sur le même pied les discours des uns et des autres sans les mesurer à l’épreuve des faits ne peut que renforcer les préjugés de part et d’autre sans faire avancer le débat public.

La confrontation avec la réalité est nécessaire pour éviter que des porte-paroles répètent ad nauseam des contre-vérités, car il existe une technique de propagande qui consiste à répondre la même chose qu’on vient tout juste de déclarer pour répondre à l’objection qui y est présentée.

J’en veux pour preuve deux répliques données à des arguments avancés la semaine dernière à propos des «étudiants socialement responsables». On a argué qu’on ne sait pas comment ces porte-paroles ont été élus. La réponse fournie est qu’ils ont été élus par un petit groupe et que maintenant que ce petit groupe est devenu plus grand, on refera des élections pour que plus de monde y participe.

C’est passer à côté de la question véritable: les élus des associations étudiantes sont les représentants légitimes des étudiantes et étudiants puisqu’ils ont été choisis dans les instances chargées de représenter les étudiantes et les étudiants. Tout groupe qui se constitue n’a pas le même caractère représentatif au motif que les décisions de son association ne lui plaisent pas.

Le deuxième exemple concerne le fait paradoxal de s’appeler «socialement responsables» quand on renvoie chacun à lui-même. La réponse qui a été faite est de dire qu’il est socialement responsable que chacun fasse sa part, donc on a répété exactement la même chose: on renvoie chacun à lui-même pour défrayer ses droits de scolarité. La meilleure façon que chacun fasse sa part est pourtant de passer par la fiscalité progressive qui fait en sorte que chacun contribue selon ses moyens quand il en a les moyens aux services offerts par la collectivité.

Derrière les discours qui sont répétés sans être critiqués au sens noble du terme, c’est-à-dire passés au crible de l’analyse et de la vérification, il y a les mécanismes de maintien et de reproduction du pouvoir par ceux qui dominent.




27 février 2012


Opposants à la grève étudiante: marketing d’étiquette


Le journalisme prévoit une couverture équilibrée. C’est-à-dire que, dans les reportages, on fait valoir les tenants des diverses options, même celles qui n’ont pas la faveur populaire.

Quand ce principe est bien respecté, c’est un avantage démocratique important, car les opinions qui sont les plus diffusées peuvent l’être parce que ceux qui la promeuvent ont plus de moyens financers ou plus de relais chez les élus.

Cet équilibre favorise donc le débat, la confrontation des idées et l’évolution de la pensée dans la société.

C’est tout de même un art délicat que de rapporter les points de vue divergents en faisant valoir les arguments de part et d’autre en évitant de glisser dans la partialité, de porter l’éclairage sur tel aspect moins solide de l’un, mais pas de l’autre, de s’attarder aux traits de personnalités des porteparoles, à leur apparence, à des caractéristiques du discours qui ne sont pas liées à l’argumentation, etc.

Cet équilibre ne signifie pas non plus qu’on doive laisser entendre que toutes les opinions ont le même poids et que leur provenance est neutre. Quand une tendance est promue par un lobby financier et une autre par un mouvement collectif, les intérêts de classe peuvent être montrés dans l’analyse.

Cela nous amène à scruter d’un peu plus près le groupe d’étudiants qui se sont désignés sous l’appellation «d’étudiants socialement responsables». Ce groupe d’individus a des porteparoles dont on ne sait comment ils ont été élus. Cela mérite d’être souligné. En face, le mouvement étudiant organisé relève d’associations étudiantes dont les structures sont connues et démocratiques. Cela aussi mérite d’être souligné.

L’appellation «étudiants socialement responsables» a de quoi laisser songeur, car elle semble la récupération d’un concept que chacun trouve louable à des fins qui ne vont pas tout à fait dans le sens qu’on attendrait. En effet, être socialement responsable, c’est prévoir le rôle de la société, s’engager pour que les structures sociales fonctionnent pour le bien de l’ensemble. Il est un peu paradoxal de s’appeler «socialement responsable» quand on veut renvoyer chaque individu à lui-même.

On trouve un phénomène semblable dans l’emploi du terme «développement durable» par le gouvernement québécois pour décrire le plan Nord, sans qu’il y ait de véritables pratiques de développement durable. En effet, protéger une partie du territoire, c’est très bien, mais ce n’est pas du développement durable. Le développement durable consisterait, par exemple, à remettre en l’état les territoires exploités, à limiter l’impact environnemental de l’exploitation en faisant appel à des procédés moins polluants, etc.

Il en est de même lorsque des entreprises affichent des logos qui parlent d’écologie sur leurs produits, sans que ces logos ne soient la preuve d’approbation par des organisations écologiques ou réglementaires.

On assiste donc dans tous ces cas à un marketing d’étiquette qui consiste à s’accoler une appellation bien vue sans avoir nécessairement une pratique appropriée.

Finalement, le fait qu’un groupe se livre à du marketing d’étiquette justifie-t-il que ses porteparoles autoproclamés soient traités comme s’ils représentaient un mouvement populaire? Analyser et rapporter leurs idées est une chose nécessaire; montrer l’origine et la nature de leurs appuis en est une autre que les médias incluent dans l’équilibre journalistique.




20 février 2012


Pauvreté: le collectif individuel


Les Journées de la persévérance scolaire qui viennent de se terminer m’ont frappé par le paradoxe qu’elles illustrent. S’il est fort bon que tout le monde s’entende pour encourager les jeunes à continuer leur scolarité, s’il est très louable de les inciter à raccrocher s’ils ont abandonné en cours de route, il y a quelque chose d’inconséquent à prétendre s’unir dans un effort collectif pour favoriser la réussite scolaire tout en ne ciblant que les individus alors que tout le monde s’accorde pour dire que l’un des prédicteurs les plus sûrs du décrochage est la pauvreté.

Si la pauvreté est liée au décrochage, comment peut-on prétendre la réduire en rendant les jeunes responsables de leur condition? Comment peut-on influer sur la persévérance si aucune mesure sociale n’accompagne nos bonnes intentions? Tout se passe comme si on traitait la pauvreté comme une tare individuelle.

Or, ce sont certaines conditions sociales qui conduisent à la pauvreté. C’est la répartition de la richesse ainsi que l’accession à une éducation gratuite et de qualité qui conduiront les jeunes à vouloir, et à pouvoir surtout, mener leurs études à terme.

J’ai eu une démonstration flagrante de ce paradoxe lors d’une activité tenue dans le cadre de ces journées de la persévérance scolaire. J’étais entouré de personnes de condition favorisée qui dans un même souffle voulait faire persévérer les jeunes tout en voulant les convaincre de payer des frais de scolarité plus élevés.

J’ai eu beau expliquer à mes interlocuteurs que la hausse des frais réduirait les aspirations des classes moins favorisées et que, s’il est vrai que les facultés continueraient à recruter malgré des frais plus élevés, elles seraient toutefois peuplées de filles et de fils de bonne famille et non de jeunes provenant de tous les milieux, cela ne les a pas fait broncher.

Si une réflexion générale ne les touche pas, je me suis dit qu’un exemple personnel pourrait peut-être les convaincre. Je me suis alors pris comme exemple: faisant partie de la première génération de diplômés universitaires dans mon milieu d’origine, ce qui aurait été impossible sans des frais très bas et un bon programme de prêts et bourses, j’estime que les générations subséquentes du même milieu devraient aussi y avoir droit. Je n’ai eu pour toute réponse qu’un haussement d’épaules. Preuve, s’il en était besoin, qu’on ne cherche pas à améliorer le sort des classes défavorisées, on veut seulement sauver les bons pauvres, certains qui sont dociles et chanteront nos louanges, et tant pis pour les autres!

Cette absence totale de vision systémique, cette perception étriquée de la réalité sociale ne laisse de m’ébaubir.

La lutte à la pauvreté ne se fait pourtant pas par des interventions individuelles ni par des campagnes de charité. Ce qu’il y faut, c’est la justice sociale, ce qui signifie une fiscalité progressive dans laquelle les entreprises et les hauts revenus contribuent à la mesure de leurs moyens.

Là-dessus mon opinion converge avec celle de Robert Cadotte dans son livre Lettre aux enseignantEs (voir note 1), dont Louis Cornellier (voir note 2) a bien résumé le message le plus important: «...la nécessité d’en finir avec le paradigme médical-individuel pour expliquer le décrochage scolaire et l’urgence de renouer avec une perspective sociologique critique dans ce débat.»

Tant que la lutte au décrochage se limitera à des encouragements individuels, elle ne fera que culpabiliser ceux qui n’ont pas pu persévérer. Tant que la lutte à la pauvreté ne fera pas l’objet de mesures sociales visant la répartition de la richesse collective, elle ne sera qu’une campagne de charité permettant aux bons riches de se faire du capital politique sur le dos des bons pauvres manipulés qu’on exhibera comme autant de trophées à la gloire de la générosité des plus favorisés dans une société qui restera injuste et inégalitaire.

Note 1: Lettre aux enseignantEs, Robert Cadotte, Ville Mont-Royal, M éditeur, 2012, 288p.

Note 2: «La réforme Cadotte de l’école», Louis Cornellier, Le Devoir, samedi 18 et dimanche 19 février 2012, p. F6.




13 février 2012


Songements d’un promeneur sans fil



Je me rappelle l’époque où une entreprise de téléphonie nous vendait le téléphone cellulaire comme une forme de liberté. En effet, on n’était plus obligé de rester près du téléphone fixe pour attendre un appel, on pouvait se trouver à la pêche et recevoir les nouvelles qu’on attendait.

De mon côté, j’écrivais : «Autrefois, les esclaves se promenaient avec un boulet; aujourd’hui, ils se baladent avec un téléphone.» (C’est la pensée du premier juillet dans mon recueil 365 Chrysanthèmes +1)

Ce téléphone si utile est tout de même un fil invisible à la patte, surtout depuis qu’il fait semblant d’être intelligent et qu’il relaie le courrier électronique et toutes les commandes qu’on peut recevoir du bureau et des autres personnes ou organismes avec lesquels on fait affaire.

Les gens qui me fréquentent le savent : mon téléphone mobile est toujours silencieux, je vérifie au besoin s’il y a des messages importants et je le mets en mode vibration si j’attends un appel. Quant au téléphone domestique, je ne réponds à ses invites qu’à mon gré.

La plupart des gens ont appris à gérer leur téléphone de façon à ce qu’il ne soit pas trop envahissant. C’est tout de même amusant : quand les téléphones cellulaires sont apparus, les personnes qui en avaient se sentaient drôlement importantes, alors qu’en fait une personne «importante» (ou puissante dirons-nous) n’a pas à répondre elle-même pas plus qu’elle ne fait elle-même son ménage.

Mais il n’y a pas que le téléphone, l’ordinateur aussi est devenu une sorte de boulet ou plutôt une drogue dont on ne peut plus se passer. Il n’y a qu’à voir les désagréments que nous cause une panne. Au lieu de se sentir plus léger, on se trouve en état de manque et, il est bien vrai, notre vie devient diablement plus compliquée si on doit se trouver un jour ou deux sans ce précieux outil.

Il m’arrive parfois de prendre congé de courrier électronique. En général, une journée de fin de semaine. Pendant les vacances aussi, je me tiens loin des appareils électroniques. Mais samedi dernier, j’ai essayé de ne pas utiliser l’ordinateur du tout ni pour le web, ni pour les recherches, ni pour le courrier électronique, ni pour aucune autre activité, que ce soit la musique, les photos, la lecture, l’écriture, le rangement, etc. C’est qu’on en fait des choses avec ce bidule!

J’y suis parvenu sans trop de mal ne manquant pas de courses à faire ni de bons livres qui m’attendent, certains depuis des années, car je les accumule plus vite que je ne puis les parcourir.

Cependant, cela m’a aussi permis de réfléchir à cette frénésie de l’actualité qui nous amène à considérer comme inintéressant un sujet parce qu’il était à la une de la veille.

Disposer de la rapidité, avoir accès à quantité de sources d’information, pouvoir communiquer avec des gens de partout dans le monde, pourquoi tout cela nous empêche-t-il de prendre notre temps? Tout cela reste compatible avec la possibilité de traiter d’un sujet peu importe qu’il soit dans l’air ou pas. Après tout, les vrais grands sujets, l’amour, la paix, la justice, la vie, la santé, la mort, le souverain bien, l’éducation des enfants, ces sujets restent les mêmes. Ont-ils besoin d’attendre le retour de la mode ou de s’effacer quand la mode est passée?

Prendre son temps a permis par exemple à mon ami Sergio de Rosemont d’écrire un très beau texte pour répondre aux propos déréglés du sénateur Boisvenu. Sa réflexion s’est développée sans la pression de la publication immédiate. La superficialité des manchettes ne fait que nous éloigner de ces nécessaires songements comme aurait dit Montaigne, lui qui s’était retiré loin de la presse, c’est-à-dire la foule.

Tout comme les décideurs économiques qui ne pensent qu’en fonction des résultats trimestriels, les acteurs de la société sont sans cesse bousculés pour réagir au plus vite. Cela fait de la plus grande part de notre agitation un processus réactif plutôt qu’une activité constructive consciente et structurée.

Personne n’est plus en faveur du progrès des communications que moi. Et ces progrès peuvent beaucoup pour nous libérer. Je crois que, pour s’en rappeler les moyens, il est utile parfois de débrancher.




6 février 2012


Le côté noir de la force



Il importe de s’arrêter après coup pour réfléchir aux réactions qu’ont suscitées les paroles prononcées par le sénateur Boisvenu la semaine dernière, car elles révèlent des aspects inquiétants de notre société.

Rappelons ce que le sénateur a suggéré: les assassins devraient disposer d’une corde dans leur cellule afin de décider eux-mêmes de leur sort.

Ses excuses qui n’en sont pas l’ont enfoncé davantage, car il a voulu préciser qu’il ne s’adressait qu’aux cas irrécupérables, qu’il n’aurait pas dû parler de corde, mais laisser une variété de moyens; il a même ajouté que des centaines de citoyens lui avaient écrit pour l’appuyer.

Du côté du gouvernement, aucun blâme officiel, mais plutôt une tolérance plus que bienveillante.

Dans la population, ils ont été nombreux à adhérer à une partie de l’argumentaire voulant que les condamnés coûtent cher à la société. Parmi mes correspondants Facebook, certains ont trouvé le moyen de dire qu’ils n’étaient pas animés par l’esprit de vengeance, mais bien par un désir rationnel de rendre les condamnés utiles à la société, car ils ne sont pas productifs pendant leur incarcération. Et d’évoquer des solutions qui ne sont pas bien loin de ce qu’on a déjà appelé les travaux forcés.

Il y a de quoi frémir quand on entend parler de rationaliser les coûts d’une personne humaine. Cette pente glissante qui veut attribuer une valeur économique à l’être humain, certains économistes l’ont déjà prise. Leurs calculs favorisent étrangement les riches et les puissants pour fustiger les pauvres, les malades et les vieux pour ne pas dire les vieux malades et pauvres, car les bien nantis sont vite rangés parmi les productifs.

Il y a bien une société au vingtième siècle qui a proposé de rationaliser les dépenses liés aux improductifs: ainsi on a voulu éliminer les malades mentaux, les handicapés, puis ce furent les Roms, les Juifs, les homosexuels, les communistes... Il n’y a pas de frontière entre les droits humains. Quand on commence à se demander si un type de personnes coûte cher, on entre dans le chiffre et on quitte l’humanité.

Les personnes qui cherchent des arguments rationnels pour éliminer les indésirables en trouveront toujours. Et elles verseront dans le côté sombre de la force. On commence par se demander si les condamnés pour certains types de crime ne devraient pas être exécutés, puis on se dit que les vieillards débiles sont encombrants, que les itinérants nuisent au commerce, que les handicapés ne sont pas assez productifs et, finalement, que les défenseurs des droits humains sont des empêcheurs de tourner en rond.

Voilà où finit par se retrouver une population qui cède à l’obsession de la mesure, à la volonté de soumettre l’humain à des principes économiques.

De ces deux maux, aucun n’est le moindre:
ceux qui rêvent de vengeance et souhaitent la mort des criminels ne se rendant pas compte qu’ils ne font pas mieux que les assassins;
ceux qui calculent froidement comment réduire l’improductivité de leurs semblables et qui réduisent l’humain à un chiffre.





2 février 2012

Boisvenu aurait dû réfléchir; il n’a pas sa place à Ottawa



Les propos du sénateur Boisvenu au sujet de chaque assassin qui devrait disposer d’une corde dans sa cellule afin de décider de sa vie tombent fort mal quelques jours avant la semaine de prévention du suicide.

Il a beau s’excuser, et même pas tout à fait, il aurait dû réfléchir avant de parler, pas après. Cela remet en question l’aura dont on couvre une malheureuse personne qui a connu un drame dans sa famille. On ne devient pas expert d’un sujet parce qu’on a subi un malheur.

C’est une preuve de plus que le sénat non élu n’est pas une institution appropriée.

Ce sénateur conservateur, nommé par le premier ministre Harper, est une preuve de plus qu’on ne devrait pas laisser un parti gouverner seul quand il n’a pas reçu la majorité des voix de la population. Vivement le scrutin proportionnel!





26 janvier 2012


Ils sont à l’aise dans leur mépris

par Sergio de Rosemont et Francis Lagacé


Eh oui, ils se sentent tellement à l’aise dans leurs préjugés.

Comme ils se sentent en sécurité dans leurs châteaux érigés à coup de stéréotypes.

Pourtant, la peur en est le ciment. Et ce ciment tôt ou tard dégouline

Ils se croient tellement heureux dans leur xénophobie routinière. Ils s’y baignent et ne voient plus qu’elle fait partie d’eux.

Ils élèvent et présentent fièrement leurs préjugés religieux comme on élève et présente glorieusement un bouclier.

Mais ils n’ont pas conscience que ce qu’ils considèrent comme leur bouclier est en fait leur boulet !

Ils carburent aux préjugés et au mépris sociaux empoisonnant cette société, qu’ils ne trouvent pas assez cruelle.

Ils usent d’insultes et de mépris racistes ou religieux comme d’un évangile de haine, croyant démontrer leur courage, mais seule leur lâcheté se dévoile!

Ils vomissent leurs préjugés sexuels et homophobes se croyant détenteurs d’une vérité infuse et suprême, alors qu’ils ne sont que dépositaires d’une absolue ignorance. qu’on pourrait croire par moment

Ha oui ils croient faire évoluer cette société alors qu’ils n’y apportent que régression sociale. Sous prétexte d’évolution, ils démolissent les bases de la société, l’empoisonnant, la gangrenant.

Ils disent vouloir soigner et sauver notre société alors qu’en fait ils l’empoisonnent à petit feu.

Il est vrai, que lorsqu’on reste cloîtré dans le château du mépris et des stéréotypes, qu’on perd de vue les réalités sociales qu’on dit vouloir prendre en charge ! le paysage pourtant voisin.

Mais qui sont donc ces disciples du mépris, du préjugé et de la xénophobie ?

Diriez-vous...

Ils peuvent revêtir n’importe quel rôle ou rang social. toutes sortes d’habits.

Ils sont les maîtres qui entraînent leurs valets, les esclaves qui subissent leurs maîtres.

L’idéologie ne se regarde jamais dans le miroir.
 
Ils peuvent être politiciens, décideurs dans cette société, comme ils peuvent n’être que de simples citoyens.

Oui n’importe qui naviguant sur les eaux troubles de l’ignorance peut devenir un Roi, un Prince, un Valet ou un Esclave du Mépris !





22 janvier 2012


Le scrutin majoritaire en procès



Accusé de créer des distorsions entre la volonté populaire et le résultat obtenu, de ne pas être équitable entre les régions, de faire fi d’un nombre important de votes, de décourager la participation électorale, le scrutin majoritaire devra se défendre.

Dans un procès présidé par nul autre que Gérald Larose, le mode de scrutin actuel aura comme avocat de la défense Lorraine Guay et subira les attaques du procureur Jean-Pierre Charbonneau.

Venez entendre les plaidoyers respectifs, car c’est vous, la population, qui êtes le jury dans cette affaire.
Ce procès est une initiative du Mouvement pour une démocratie nouvelle.

Voici les coordonnées :
Mercredi 15 février 2012
18 h 30
Bar Île Noire
1649, rue Saint-Denis (entre Maisonneuve et Ontario)
Montréal (métro Berri-UQAM)




16 janvier 2012


L’aristéraphobie a de beaux jours devant elle



J’avais écrit un premier billet sur le mépris des gauchers le 24 décembre 2009 (Aristéraphobie).

Mes récentes vacances en Europe m’ont fait tomber sur un article paru le vendredi 30 décembre 2011 dans le quotidien Le Soir de Bruxelles en page 24. La nouvelle s’intitule «Les gauchers davantage sujets à l’épilepsie?»

On y rapporte les propos d’un savant psychiatre de l’hôpital de la Charité à l’Université de Berlin. Il prend bien soin de rappeler qu’«Être gaucher est un phénomène naturel», mais il signale que «les gauchers semblent être plus sujets que d’autres à certaines maladies comme l’épilepsie, la schizophrénie et l’autisme.»

Finalement, la ou le journaliste, qui signe C.D.B., reformule certaines paroles du savant qui «suggèrent que l’activité diminuée de l’hémisphère cérébral gauche par rapport à l’hémisphèree droit peut mener à la dépression tandis que le contraire rendrait l’apparition de manies plus fréquentes.»

Eh bien, la voilà, la réponse! Les droitiers ont des manies, dont celle de ne pas comprendre le monde dans lequel ils vivent et de s’imaginer que les gauchers ont des défauts intrinsèques.

C’est bien sûr que les gauchers sont un problème pour les droitiers. A-t-on pensé que les droitiers étaient un problème pour les gauchers?

À lire la réflexion de certains savants, et de certains journalistes, car la nouvelle aurait pu être rapportée sous un autre angle, on se demande vraiment s’ils sont capables de comprendre que l’environnement, la façon dont la société est construite et leur façon de penser impérialiste conduisent nécessairement les minoritaires dans certaines voies qu’ils qualifieront de «déviantes».

J’avais signalé dans mon billet de 2009 le parallèle avec la façon dont on traitait en général les homosexuels. On retrouve la même condescendance et la même incapacité à se penser dans un système dominant qui se manifestent chez les Blancs quand ils analysent les Noirs, les hétérosexuels quand ils analysent les homosexuels et les droitiers quand ils analysent les gauchers.

De la même façon qu’il importe, quand quelqu’un se prononce sur les réalités sociales, de savoir si ce quelqu’un est riche, blanc, mâle, hétérosexuel ou catholique, il importe aussi de savoir s’il est droitier, car il semble bien que le fait d’être droitier induit des raisonnements biaisés.

Et vive l’aristéraphilie!




23 décembre 2011


Justice et Paix



Je prends congé de billets pour quelques semaines. Je serai de retour vers la mi-janvier.
Souhaitons-nous Justice et Paix pour 2012, mais surtout, travaillons-y!




19 décembre 2011


Les moyens de la guerre pourraient-ils servir à la paix?



En cette période des Fêtes, il est courant d’appeler à la paix. John & Yoko avaient lancé leur Happy Xmas/War is over en 1971. Et n’y a-t-il pas habituellement une trève pour le jour de Noël?

On apprend ces jours-ci que les derniers soldats états-uniens quittent l’Irak après presque dix ans d’invasion pour éliminer des armes de destruction massive qui n’existaient pas. Résultat: près de 4500 morts chez les États-uniens, mais plus de 100 000 morts chez les Irakiens, qui n’en demandaient pas tant.

Et toute cette opération fondée sur un mensonge éhonté (les fameuses «armes de destruction massives») aura coûté près de 800 milliards de dollars.

Voilà un pays qui n’a pas les moyens de s’offrir un système de santé pour prendre soin de tout le monde, mais pour porter la guerre, il n’a eu aucun mal à casser son petit cochon.

Bien sûr que la question posée dès mon titre a sa réponse claire et évidente. Ce qui est renversant, c’est qu’on soit encore si peu nombreux à en être convaincus, qu’ils soient encore majoritaires à croire que l’industrie de la mort est préférable à la santé et à la paix.

Assez tristement, Happy Xmas/War is over a été relégué au même rôle décoratif que les belles intentions chrétiennes d’amour universel qu’on entend dans les cantiques. Méditons ça devant notre réveillon.




12 décembre 2011


Comment les banques dépouillent les pauvres


Mon billet d’aujourd’hui se contentera de faire un hyperlien avec un article de Jacques Attali qui s’intitule «Comme j’aimerais avoir tort». Cliquez sur ce lien, lisez cet article.

Des solutions? Au Québec, ça pourrait passer par un appui à Québec Solidaire. Voyez leurs propositions pour réduire les inégalités.

Et arrêtez de me dire que Québec Solidaire n’a pas de chance de former le gouvernement. Tu parles d’une façon de raisonner! C’est parce que vous ne votez pas pour eux qu’ils n’ont pas de chance d’être élus. Si vous votez pour eux, ils seront élus.




5 décembre 2011


La charité n’est pas la justice


Le mois de décembre au Québec se signale entre autres par le retour des grandes guignolées, ces événements médiatiques où l’on fait appel à la charité du public pour combler des besoins qui existent à l’année longue.

Certains ont dénoncé le véritable show médiatique que constitue la surenchère de la charité, cela s’accompagnant souvent d’une pipolisation des âmes charitables. En effet, ce sont des vedettes qui attirent les dons et c’est le désir des les fréquenter, elles ou quelque chose qui leur est lié, qui est mis en avant pour susciter les contributions.

Plusieurs se sont sentis offusqués qu’on vienne remettre en cause leurs bonnes intentions, après tout ils ne veulent faire que le bien. Mais, personne n’est contre le bien, le problème n’est pas là. On aimerait plutôt que des solutions plus collectives et plus durables soient mises en place pour contrer la pauvreté qui n’est pas qu’un phénomène saisonnier.

Là où il s’agit d’une très grave injustice, c’est que l’on s’en remette uniquement à la bonne volonté des individus pour soulager la pauvreté alors que ce devrait être l’une des missions d’un État bien compris. Sinon, c’est s’exposer à l’arbitraire (on choisit ses pauvres, comme dans la chanson de Brel) et au caractère plus ou moins «sexy» ou tendance des causes (le cancer du colon est-il plus vendeur que le cancer de la prostate?).

J’ai saisi distraitement une conversation tenue très tôt le dimanche matin du 4 décembre 2011 à l’émission radiophonique de Radio-Canada Dessine-moi un dimanche entre Normand Baillargeon, Xavier Brouillette et l’animateur Franco Nuovo. Il y était question de l’opposition entre la liberté et l’obligation de contribuer pour soulager la pauvreté.

Grosso modo on opposait deux philosophies, celle voulant que, par la liberté absolue des individus, on laisse les gens choisir s’ils donnent ou pas aux pauvres, ce qui risque d’en laisser plusieurs sur le pavé et celle voulant que, par la volonté collective, on impose les revenus afin de répartir les richesses, ce qui devrait permettre d’atteindre une certaine égalité. Mais, je crois que c’est monsieur Brouillette qui l’affirmait, la question qui se pose est dans quelle mesure respecte-t-on la liberté quand on impose ainsi tout le monde et il continuait en disant que la guignolée était aussi quelque chose devant quoi on se sentait obligé, donc qui exerçait peut-être une pression indue, mais seulement morale.

Tout le monde avait l’air d’acquiescer. Peut-être ai-je raté quelque chose dans la suite qui aura corrigé le tir, mais on aurait dû immédiatement relever deux sophismes dans ces énoncés.

Le premier et le plus simple est que, si la guignolée exerce une pression morale ou sociale, elle n’exerce pas une pression juridique, elle n’entre donc pas dans la catégorie des choses imposées à tous par l’État et va au contraire dans le sens de ceux qui revendiquent la liberté de chacun de choisir s’il donne ou pas. Elle n’est donc pas une solution collective.

Le second est plus complexe. On peut se demander si c’est une atteinte à la liberté que de lever des impôts sur chacun pour répartir la richesse entre tous. C’est ce caractère obligatoire qui semble s’opposer à la liberté. Mais, si on se rend compte que, dans la société, il existe de très grandes inégalités de sorte que certains sont très riches au détriment d’autres qui en souffrent, on constate alors que la liberté des uns n’est pas celle des autres, et qu’une liberté sans égalité n’est qu’illusion. Ce sont là des réflexions qui ont été tenues depuis Jean-Jacques Rousseau.

Et c’est tout de même un penseur de droite, Henri Lacordaire, il faut le rappeler, qui nous a donné cette belle maxime: «Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime, c’est la loi qui affranchit.» En effet, c’est la loi, qui en imposant une certaine égalité, assure une meilleure liberté de tous en évitant que la liberté des plus forts leur permette d’opprimer les autres.

Les mesures sociales sont la meilleure façon d’assurer une répartition de la richesse qui permet une meilleure égalité et donc une meilleure liberté, car ces deux éléments doivent être en équilibre. Si chacun paie des impôts en proportion de ses moyens, il contribue à une société plus équitable.

Il ne faudrait pas oublier qu’à l’origine la propriété n’est rien d’autre que l’appropriation, par celui qui en avait la force, des biens qui étaient accessibles à tous. C’est ce qu’a voulu démontrer le bon Jean-Jacques dans son Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes.

Nous n’avons pas les moyens de remonter le temps pour défaire ces inégalités. Nous avons la possibilité d’assurer une meilleure égalité, et donc une liberté qui se fait dans la justice, par des moyens collectifs.

Faire la charité, c’est bien; faire la justice, c’est mieux.





28 novembre 2011


Pourquoi croyons-nous encore à la croissance?


L’un des problèmes des sondages de préférence, souvent abusivement appelés sondages d’opinion, c’est qu’ils nous posent des questions que nous ne nous posons pas ou pas de la façon dont on nous les pose.

Ainsi, nous apprenons en une du Devoir des 26 et 27 novembre 2011 que 81% des Québécois s’inquiètent pour l’économie et qu’ils sont majoritaires à estimer que le gouvernement n’en fait pas assez pour stimuler la croissance.

Si on me dit que l’économie, c’est ce qui rend heureux, et que la croissance va faire en sorte que l’économie va se porter mieux, c’est certain que je vais être pour la croissance.

Par contre, si on m’explique que la croissance, c’est logiquement impossible à maintenir, que c’est ce qui va rendre la planète exsangue et qu’il n’est pas nécessaire de croître économiquement au-delà de la croissance de la population, je songerai peut-être à des façons différentes de satisfaire aux besoins de base et de fournir des emplois.

Peut-être alors serais-je plus enclin à me tourner vers l’éco-socialisme plutôt que vers la théorie de la croissance, laquelle ne peut que conduire à des crises de plus en plus fréquentes, de plus en plus graves.

Mais si les sondages ne nous posent des questions que sur des mesures économiques traditionnelles, comment pouvons-nous manifester notre préférence pour des solutions alternatives?




21 novembre 2011


Boisvenu: malheur engendre autre malheur


Il est désolant d’entendre le discours du sénateur Boisvenu, dont la préoccupation pour les victimes de crime le fait pencher davantage du côté de la répression que du côté de la prévention.

Le gouvernement conservateur a bien sûr compris qu’il avait un avantage émotif à utiliser ce porte-parole auto-proclamé spécialiste en matière de crime. C’est un peu comme si je me prétendais spécialiste des agresseurs sexuels parce que j’ai été victime d’agressions sexuelles pendant une bonne partie de mon enfance.

Or, si je peux me prononcer en la matière, c’est parce qu’ensuite j’ai étudié la question, parce que j’ai beaucoup lu sur la personnalité des agresseurs, sur le contexte de la commission des crimes et sur les indices permettant de reconnaître ces personnalités.

Il faut transcender ses sentiments personnels et travailler à la prévention. Ce n’est pas en punissant plus de personnes, en brimant davantage la liberté de la majorité des gens que l’on préviendra les crimes. C’est avant qu’il faut agir, pas après.

Encore une fois, la lutte à la pauvreté, des mesures sociales plus humaines, une éducation appropriée, plus et encore plus d’éducation et une meilleure compréhension des causes, pas seulement médicales, mais aussi sociales de la criminalité, nous aideront à la prévenir.

On ne soigne pas son malheur en en causant d’autres.




14 novembre 2011


D’autres choix économiques


On ne cesse de nous dire qu’on n’a pas le choix et qu’il faut écouter les diktats des grandes banques et du FMI.

Il existe pourtant des modèles économiques différents. On rappelera pour mémoire que la social-démocratie fonctionnait bien jusqu’à ce qu’on décide de la démanteler parce qu’elle ne permettait pas aux prédateurs économiques de tout rafler.

Le modèle norvégien propose une autre façon de faire les choses. Ce modèle, qui n’est pas parfait, comme le montrent les critiques d’Harvey Mead, offre des pistes fort intéressantes, et c’est de cela que traitera Idar Helle du mouvement Attac Norvège lors d’une «conférence» au Centre Saint-Pierre le mardi 15 novembre 2011 à 19 h.

Il vaut la peine de s’en instruire.




7 novembre 2011


Arts et culture à la rescousse


L’art et la culture sont ce qui fait de nous des êtres humains, autre chose que des organismes qui ingèrent, digèrent, se reproduisent, se reposent et disparaissent.

Contre le capitalisme qui remplace dans l’imaginaire collectif toute aspiration à la beauté, la bonté, l’être ensemble, les œuvres et les créations humaines nous parlent de ce que nous sommes et de ce que nous pouvons être.

J’en veux pour preuve deux récents films documentaires qui, tout documentaires qu’ils soient, sont pleinement des œuvres culturelles.

République: un abécédaire populaire de Hugo Latulippe nous invite à réfléchir avec de nombreux penseurs et acteurs québécois aux façons de refaire ce vivre ensemble que la consommation à outrance émiette.

Gilles Gagné, professeur à l’Université Laval, énonce clairement les trois tâches qui nous attendent: sortir du pétrole, sortir de la croissance et sortir du capitalisme, tout en nous rappelant fort justement, ce qui déplaira aux thésaurisateurs, que «pour créer de la richesse, il faut la distribuer.» Cette parole sage est tout le contraire de ce que nous enfoncent dans le crâne ceux qui veulent détruire la planète parce qu’ils ont la possibilité de danser à l’abri dans leur bunker.

Courez voir ce film qui fait le plus grand bien. La maison de production d’Hugo Latulippe porte un nom symbolique fort: Esperamos films.

Trou Story de Richard Desjardins est l’histoire vraie des mines et des minières qui laissent exsangue notre territoire avec la bénédiction des gouvernements. Le film de Desjardins nous montre le plan Nord avant le plan Nord. La répétition de ce qui nous attend, la démission de certains devant le cash et la détermination d’autres qui ont choisi la résistance.

S’il ne fallait retenir qu’une image, je prendrais celle de la cruelle ironie dont ont été frappés les soldats canadiens recrutés à Sudbury, tués par des balles enveloppées dans des douilles fabriquées du nickel qu’ils ont extrait de leur mine locale.

Les luttes des mineurs mériteraient de faire l’objet d’épopée. Ce genre littéraire n’étant plus de mode, le septième art leur aura au moins rendu hommage.

Mais le présent est là, pas nécessairement plus rose, car nous ne sommes toujours pas collectivement propriétaires de nos richesses naturelles qui sont bradées aux grands chevaliers de l’industrie. Il y a urgence à nationaliser notre bien à tous pour éviter qu’il soit exploité n’importe comment. L’un de ces grands chevaliers résumait bien comment «notre» gouvernement québécois se comporte: «Il ne fait pas de trouble.» Ça, ça me trouble.

Deux films essentiels dans le même week-end! Ça fait du bien et ça incite à l’action!




31 octobre 2011


Questions pour les possédants


Vous trouvez inquiétant que les jeunes indignés n’aient pas de leader désigné. Vous craignez qu’ils ne se jettent dans les bras d’un fanatique qui les conduirait à la baguette.

Serait-ce que vous avez quelqu’un à suggérer?

Vous n’arrivez donc pas à penser autrement?

Savez-vous que les jeunes indignés ne veulent plus de leader charismatique? Savez-vous qu’ils veulent que les décisions fassent l’objet de discussions réelles et ressortent de la volonté générale au bénéfice de l’ensemble et non de quelques-uns?

Leur allergie aux autocrates est plutôt bon signe, non?

Vous dites craindre que leurs manifestations ne sombrent dans la violence.

Avez-vous vu quelqu’un d’armé chez eux? Leurs discours attaquent votre manque de responsabilité sociale. Est-ce donc que vous voulez les faire taire par la violence?

Qui déclenchera la violence sinon vous?

Vous croyez que ces anticapitalistes n’ont rien à proposer et vous leur conseillez donc de rentrer chez eux.

Savez-vous qu’ils en ont assez de vos formules toutes faites? Savez-vous que c’est justement cela qui est novateur chez eux que de proposer de construire les solutions ensemble et non d’asséner la vérité révélée?

L’apparent apolitisme du mouvement est très politique: il s’agit de ne pas se livrer à des recettes décidées d’en haut pour se donner le temps de déterminer des processus qui émergent de la confrontation des idées, des processus, pas des procédés.

Chers possédants, quelles formes de récupération êtes-vous en train de préparer?




24 octobre 2011


Commissions scolaires et gouvernement sans allure


Lors des journées interrégionales sur la persévérance scolaire, tenue à Québec les 19 et 20 octobre 2011, il y a eu un atelier sur les enjeux politiques de la persévérance. Il s’est dégagé un consensus de cet atelier selon lequel les structures n’avaient pas à être changées.

Madame Line Beauchamp, ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport a assisté à l’ouverture de ce colloque et à sa clôture en compagnie du premier ministre Jean Charest.

Elle s’est bien gardée de dire quoi que ce soit à propos de ses intentions et a fait l’annonce de coupures draconiennes aux commissions scolaires jeudi soir après que les participants au colloque soient rentrés chez eux.

Cette annonce a pris tout le monde par surprise.

Heureusement, les militants libéraux ne sont pas si bêtes et ils ont compris que cette réforme n’avait pas de sens. Lors du congrès libéral de la fin de semaine, ils ont renvoyé la ministre à ses devoirs, c’est le cas de le dire. On voit bien que les dirigeants libéraux sont déconnectés de la population et même de leur base. Ils ont fait leur temps.

On comprend mal l’argumentaire de Mme Beauchamp qui prétend vouloir maintenir les commissions scolaires tout en leur coupant les ailes. Mais, ce n’est pas la première fois que le gouvernement libéral parle la novlangue.

Le plus étonnant est cet extrait, entendu à la radio de Radio-Canada, dans lequel un défenseur des intentions de madame Beauchamp affirmait que son projet n’était pas quelque chose qui était apparu comme ça brusquement jeudi soir, alors que justement, c’est quelque chose qui est apparu sans aucune préparation d’aucune sorte pour les principaux intéressés. On aurait dit un enfant de trois ans qui court dans la cuisine pour vous prévenir qu’il n’a pas cassé le vase de fleurs du salon, ce qui signifie ce que tout le monde sait: «Je viens de casser le vase de fleurs du salon.»

Certains prétendent que cette nouvelle volte-face du gouvernement Charest, à laquelle s’ajoute une autre plus tardive concernant les pouvoirs de la Commission d’enquête de la juge Charbonneau, donnera des munitions à M. François Legault et à ses partisans.

Un projet qui n’a pas d’allure soumis par la ministre Beauchamp n’a pas plus d’allure quand il est défendu par M. Legault.




17 octobre 2011


Paradoxes du travail et engagement des jeunes


On nous avait promis la civilisation des loisirs pour l’an 2000. C’est plutôt la civilisation de l’esclavage pour qui a un job et du désœuvrement pour qui n’en a pas.

On nous avait annoncé que les machines simplifieraient notre travail, nous débarrasseraient des tâches lourdes et peu gratifiantes de sorte que les emplois occuperaient moins de notre temps et seraient de plus en plus épanouissants. C’est plutôt le règne des horaires éclatés et imprévisibles, des tâches sans signification dans une société malade de la gestion. (Lire à ce sujet: La société malade de la gestion: Idéologie gestionnaire, pouvoir managérial et harcèlement social, Vincent de Gaulejac, Points, Seuil, 2009 [2005])

Les grands esprits promeuvent, depuis le siècle des Lumières, le droit au bonheur pour l’être humain, la liberté et l’émancipation de l’individu, l’affranchissement des chaînes qui empêchent la personne de réaliser son potentiel. Or, la société de consommation asservit les êtres en les réduisant au statut de consommateurs et de clients, et les soumet aux diktats des banques émettrices de crédit.

Alors, peut-on en vouloir aux jeunes, devant des prédictions qui ne se réalisent pas, devant les contradictions de l’évolution de la société, de ne pas s’investir à fond dans le travail, de chercher à réaliser leur bonheur personnel tout de suite, de préférer la libre disposition de leur temps aux responsabilités gestionnaires et aux honneurs, de ne pas faire confiance aux leaders et d’afficher une certaine indifférence aux autorités autoproclamées?

N’avons-nous pas récolté ce que nous avons semé? Le temps n’est-il pas venu de refonder la société sur des valeurs humaines?




11 octobre 2011


Quelques poussées d’urticaire


Je commence ce billet en vous rappelant tout de suite l’importance de signer la pétition pour une commission d’enquête publique sur la collusion et la corruption dans l’industrie de la construction et dans le financement des partis politiques: Pétition.

Les raisons d’avoir de l’urticaire sont très nombreuses, mais ce qui a le don de me retourner, ce sont les contresens volontaires ou dus à l’ignorance crasse. J’en propose ici trois exemples.

a) Quand on a appris la semaine dernière que le député de Rosemont-La Petite-Patrie, Alexandre Boulerice, donnait son appui à Brian Topp, il s’est trouvé une journaliste, je ne la nommerai pas, pour annoncer toute fière que c’était parce que M. Topp représentait bien les valeurs néolibérales défendues par Jack Layton. Et l’animateur d’opiner du bonnet sans corriger. Quand les expressions veulent dire le contraire de ce qu’elles veulent dire dans la bouche même de qui est censé nous informer, il n’y a pas à s’étonner que la confusion règne.

b) L’imbuvable Maxime-Olivier Moutier s’est au moins fait rappeler par Guy A. Lepage qu’il devait sa célébrité à son rôle de victime dont il accuse maintenant les autres d’abuser. Mais, le pire, c’est quand un prétentieux pareil, le Moutier en question, se permet d’affirmer que les grands scientifiques sont croyants, ce qui est faux et archi-faux. Il y a des limites à invoquer les savants pour leur faire dire ce qu’ils ne disent pas.

Au passage, j’aimerais bien qu’on arrête de citer Einstein à tort et à travers et qu’on cesse de lui faire dire des choses qu’il n’a jamais dites.

c) La mort de Steve Jobs a lancé pléthore de commentaires sur ces petits appareils qui gèrent nos vies plutôt que de nous servir. Ce qui m’embête, c’est le qualificatif d’intelligents qu’on leur accole. Plus un appareil est intelligent, plus il se comporte en imbécile refusant de faire ce qu’on lui demande parce qu’il a mieux à nous proposer.

N’avez-vous pas eu l’occasion de lutter avec votre Ipad qui s’obstine à écrire un mot que vous ne voulez pas parce que son dictionnaire ignore ce que vous savez?

Même les automobiles se permettent de décider que ce n’est pas le temps de freiner, ou à l’inverse d’accélerer, parce que son logiciel a déterminé que ce n’était pas approprié. Il doit sûrement y avoir plus d’accidents causés par cette «intelligence» qu’il n’y en a d’évités.

Mais le pire, ce sont les machines qui parlent. Vous appelez une entreprise, vous devez dire le nom de la personne ou du service auquel vous vous adressez. Il faut épeler le nom, dire «oui», «non», jamais «peut-être», confirmer ou pas, et si vous toussez ou vous dérhumez pendant que vous parlez, la machine ne comprendra rien et vous fera reprendre le tout. Quelle perte de temps! N’est-il pas plus simple de taper le numéro de poste à 5 chiffres de la personne ou du service?

Qu’ai-je à faire d’une commande vocale pour mon ordinateur alors que d’écrire au clavier est dix fois plus rapide?

On n’a pas de temps à perdre à entendre une machine nous faire un résumé oral d’une situation alors qu’on pourrait afficher à l’écran un tableau synthétique!

Sous prétexte de faire plus vite, on voit dans les sites d’information de nombreuses vidéos qui prennent trois ou quatre minutes, alors qu’un bon texte de reportage bien ramassé prend 30 secondes à lire. L’écriture a été inventée pour faire plus vite et pour épargner la mémoire. Retourner à la lecture orale des textes n’est un progrès que pour les aveugles.

Bien sûr, faire un bon reportage demande du travail au reporter, qui doit être rémunéré. On n’a rien sans peine. Bien sûr, je ne m’objecte pas aux vidéos qui font voir sur le vif certains événements frappants, mais je préfère voir en 30 secondes le coup de circuit gagnant et lire le résultat du match (9 à 7) que de devoir me taper toute la neuvième manche!

Faire plus long parce qu’on voulait faire plus court est un bien triste contresens.






21 septembre 2011

La répression conduit à plus de violence


Le gouvernement conservateur fait encore fausse route, mais il aime bien flatter démagogiquement la population en jouant les gros bras.

Les projets de loi qui seront adoptés ne feront pas diminuer la violence et les crimes. Au contraire, ils les feront augmenter. Croyez-vous qu’il y ait moins de meurtres dans les pays où l’on pratique la peine de mort? Non.

Toutes les études montrent que la répression ne fait pas diminuer le crime. Elle fait plaisir aux partisans de l’intervention musclée, c’est tout!

Savez-vous quelle est la meilleure façon d’éviter la récidive? C’est d’éviter qu’il y ait une première fois. Et cela se fait par la prévention.

Au lieu de mettre de l’argent dans la répression et la construction de prison, il faut consacrer ces sommes à la recherche et à la prévention.

Autre élément qui va dans la même veine: j’ai été atterré de constater qu’il existait une page Facebook: «Si tu touches à un de mes enfants, j’te pète la yeule!»

Qu’est-ce que vous croyez que ça va changer? D’abord, cela satisfait votre instinct de vengeance et votre sadisme, mais cela n’empêchera pas un seul enfant de se faire agresser. Je ne serais d’ailleurs pas surpris que des pédophiles fassent partie d’un pareil groupe. Il n’y a pas de meilleure cachette. Surtout quand on sait que la majorité des cas d’agression sexuelle sont commis par des proches. Se donner un faux sentiment de sécurité en affichant des idées violentes ne permet pas de détecter les agresseurs.

Que ce soit dans ce domaine ou dans quelque autre crime, jamais la sévérité de la peine n’a empêché qui que ce soit de commettre un crime parce que la pensée de la sanction n’effleure pas l’esprit de celui qui commet l’acte criminel.

Mieux informer la population, donner des ressources aux personnes susceptibles d’être agressées, améliorer le sort des plus démunis, investir dans la recherche et la prévention, voilà ce qui rendra la société plus humaine et moins violente.

Mais insister sur la vengeance, contraindre les plus démunis, augmenter la répression alors que les crimes violents diminuent, voilà qui risque de les faire augmenter. Quel gâchis!






12 septembre 2011

Quelques questions pour les chevaliers de la finance et de l’industrie


Pour alimenter la propagande anti-syndicale, certains vont jusqu’à inventer des sondages qui demandent si les syndicats ne devraient pas dévoiler leurs états financiers. On oublie en posant cette question, que les livres des syndicats sont clairs, ouverts et présentés régulièrement à leurs membres.

Une autre question fort étonnante concerne la présentation des relevés des recettes et dépenses pendant les campagnes de syndicalisation. Tout le monde est pour la vertu, mais on voit mal comment les représentants syndicaux devraient faire des états financiers en dehors des périodes prévues et se promener avec de gros cahiers qui présentent les recettes et les dépenses, mais aussi toutes les décisions d’instance qui les autorisent, parce qu’il ne faut pas oublier que tous les engagements financiers des syndicats sont autorisés par les instances où leurs membres prennent des décisions. S’il faut traîner tous les procès-verbaux de toutes les instances syndicales chaque fois qu’on contacte un éventuel futur membre, ça devient compliqué.

Maintenant, si on jouait à ça avec nos grands financiers et industriels? Si avant toute mise à pied, non pas massive, mais individuelle, on leur demandait de prouver financièrement qu’elle est obligatoire et qu’on n’a pas les ressources pécuniaires pour garder cette personne?

Si avant toute coupe dans les heures travaillées, non pas générale, mais individuelle, comme cela se fait régulièrement dans le commerce, on demandait de sortir tous les chiffres de la compagnie pour montrer que les revenus sont répartis équitablement entre tous les employés et tous les administrateurs?

Si, avant de justifier des mises à pied par la volonté de rémunérer les actionnaires, on défalquait de la somme à transmettre la part du risque due à la dévaluation des actions en bourse puisqu’elle n’a rien à voir avec la productivité des employés, mais tout au contraire avec les rumeurs et les caprices des gourous qui alimentent ces rumeurs? Et si on versait la différence aux employés?

Avant de hurler au loup, les chevaliers de la finance et de l’industrie ferait bien de se regarder dans le miroir.




29 août 2011


Les paradoxes de la technologie


C’est devenu un cliché de constater que plus on va vite, moins on a de temps. Tout ça grâce à la technologie.

De la même façon, la robotisation des tâches devait conduire à la réduction de la semaine de travail, alors qu’au contraire elle s’allonge jusqu’à 80 heures pour ceux qui veulent garder leur job et que, pour plein d’autres, il n’y a que des miettes.

Une autre grande déception avec la facilité des communications partout dans le monde, c’est la réduction nombriliste des intérêts à ce qui entoure sa ville, son quartier, sa maison, sa petite chambre.

Le caractère absolument désolant de la petitesse des préoccupations de certains, exposée sur Facebook, où rien ne transcende la couleur des crottes de bébé et le nouveau motif des rideaux de la cuisine en est une preuve éclatante.

Et le désintérêt des grands médias pour les sujets autres que les chiens écrasés en est une autre.

Le bon vieux rêve de remplacer les professeurs par quelque chose de plus convivial est aussi une erreur qui se bute le nez sur le mur de la réalité.

Les élèves qui se passent de profs parce qu’ils ont un ordinateur sont les mêmes qui étaient capables de s’en passer parce qu’ils avaient des livres et sont les mêmes qui étaient capables de s’en passer parce qu’ils étaient capables d’observer la nature.

Ceux qui ne savent pas chercher, observer, apprendre par eux-mêmes ne le savent pas plus même avec les meilleurs logiciels. Ils ont toujours besoin de maîtres. Malheureusement, on oblige les maîtres à les divertir en plus, mais ça, c’est une autre histoire.

Reste que, malgré ses paradoxes, la technologie est pleine d’un potentiel extraordinaire qui porte ses fruits. Il faut juste être conscient que les humains restent des humains.






22 août 2011

Politique québécoise: la fausse concurrence


Dans les grandes années de la vente automobile, les trois principaux constructeurs, Ford, Chrysler et General Motors utilisaient à fond une technique pour garder leur part de marché. Chacune des grandes marques déclinait une même gamme de produits sous des noms différents.

Si on prend, par exemple, General Motors, elle présentait toute la gamme des produits sous différents modèles regroupés sous la marque Chevrolet (la marque de référence), la même gamme de produits avec la même variété de modèles regroupés sous la marque Pontiac (considérée comme un peu plus sportive) et la même encore sous la marque Buick (considérée comme un peu plus luxueuse).

Cette technique s’appelle la diversification de l’offre ou fausse concurrence. Elle permet de donner au client l’illusion d’aller voir ailleurs tout en restant dans la même famille. Elle permet de prétendre à une plus grande variété de choix alors qu’il s’agit surtout de changement d’étiquettes.

La même technique s’est appliquée bien sûr aux dentifrices, aux tablettes de chocolat, aux lessives et à tout ce qui se vend dans les supermarchés.

C’est ce qui est en train de se passer avec les diverses saveurs plus ou moins nationalistes issues du Parti Québécois. Les grands bourgeois ont tout intérêt à ce que l’on magasine à l’intérieur d’une même mouvance capitaliste, que les querelles d’étiquette et de plus ou moins grande allégeance à une option plus ou moins séparatiste occultent la possibilité de faire un vrai choix, lequel consisterait à quitter le giron capitaliste pour s’occuper des vrais problèmes socio-économiques et populaires. Pour moi, je ne vois aucune différence entre Marois (Chevrolet), Curzi (Pontiac) et Legault (Buick).

Les bonnes vieilles techniques du marketing sont recyclables, elles, au moins.





14 août 2011

Le réalisme économique


Le réalisme économique est nécessairement social et politique. Le réalisme économique, ça veut dire qu’il faut arrêter de croire ce sophisme qui prétend à la croissance illimitée sur une planète dont la matière est par définition finie.

Le réalisme économique, ça veut dire qu’il faut comprendre que l’environnement ne sera plus viable pour les humains si nous continuons de la même façon à le polluer.

Le réalisme économique, c’est comprendre que le capitalisme conduit à terme à l’extinction de l’espèce humaine.

Le réalisme économique, c’est se rendre compte avant qu’il soit trop tard que quelques très riches ne pourront pas contraindre indéfiniment les masses appauvries à accepter la misère dans laquelle elles sont confinées.

Le réalisme économique, c’est arrêter de dire au peuple que la violence contre la propriété est plus grave que la violence contre les humains.

Le réalisme économique, c’est écouter les peuples qui se réveillent et leur faciliter la prise de pouvoir pour qu’elle se fasse avec le moins de heurts possible, pour éviter qu’elle se fasse dans une violence extrême.

Les grands de ce monde savent tout ça; ils espèrent juste que ça passe, mais ça ne passera pas. Les médias sont à leur service: ils préfèrent nous distraire ou pointer le doigt sur les «méchants» qui ne respectent pas la propriété des très riches.





8 août 2011

Les banquiers et financiers sont tellement rigolos!


C’est fou ce qu’on peut s’amuser quand il s’agit d’écouter les dires des grands bonzes de la finance! Leurs conseils, exigences et diktats sont une source perpétuelle de joie de vivre. Leur rationalité à toute épreuve n’a d’égale que leur bonhomie et leur désir de voir tout le monde heureux.

Leurs hauts faits sont pour moi source de ravissants souvenirs.

Je me rappelle l’époque du premier référendum québécois. Le discours économique des maîtres de la finance allait à peu près comme ceci: «Vous savez, le désir d’indépendance, c’est bien beau, mais c’est une affaire subjective et, nous, on ne se base que sur des réalités objectives. Il faut être sérieux et ne pas menacer la stabilité économique.

Vous risquez de vous retrouver avec un dollar à 75 ¢, ce qui serait une véritable catastrophe. Et le chômage risque d’augmenter parce que les investisseurs voudront s’en aller.»

Dans les années 90, les grands vizirs financiers trouvaient qu’il n’y avait pas assez de chômage. Parce que l’économie doit considérer que le plein emploi, c’est avoir 10 % de chômage. Alors, on estimait que c’était mauvais pour l’économie et que ça causait une pression indue quand le chômage était inférieur à 10 %. Et bien sûr, on récompensait les entrepreneurs qui «rationalisaient» en mettant des employés à pied. «Rationaliser», c’est un mot très amusant qui veut dire «s’organiser pour s’en mettre plein les poches le temps qu’on peut».

Au deuxième référendum, en 1995, on nous a tenu un discours à peu près comme celui-ci: «Vous savez, c’est bien beau de prendre des décisions logiques qui vous avantageraient économiquement ou politiquement, mais il faut tenir compte des réactions humaines. Les investisseurs sont des gens qui ont des sentiments et ils pourraient vous en vouloir, décider de partir parce qu’ils n’ont plus confiance. C’est très subjectif, le monde économique.»

Dans les années 2000, le dollar était à 75 ¢, et c’était donc une bonne chose! Il ne fallait surtout pas qu’il monte parce que ça aurait nui à nos exportations!

Il y a eu les Hedge Funds dans lesquels tout le monde a investi. Ça s’est effondré et on s’est juré de ne plus s’y faire prendre. Que font les entreprises et les princes de l’argent? Ils investissent dans les Hedge Funds.

Après, il y a eu les papiers commerciaux. On a encouragé les gens à s’endetter pour payer des maisons bien au-delà de leurs moyens et les spéculateurs pariaient sur la capacité ou non de régler leurs dettes de pauvres bougres qui se faisaient arnaquer. D’un côté de la bouche, nos prêtres de la finance nous serinaient que c’était bon pour nous et pour l’économie. De l’autre côté, ils nous disaient que nous étions des «sans desseins», qui essaient de vivre au-dessus de leurs moyens.

Effondrement de la bulle financière, on nous plonge dans la pire crise depuis les années 30. On nous jure qu’on ne le fera plus. Que font-ils encore les grands experts, les ayatollahs du fric? Eh bien, ils ont recommencé à émettre des papiers commerciaux.

Et qu’on fait les États? Ils ont pris l’argent du peuple pour rembourser les dettes des banquiers inconséquents qui se versaient des primes astronomiques quand ils faisaient des profits sur le dos des petits épargnants et des populations. On s’est tout de même dit qu’à l’avenir, on ne permettrait plus de pareils excès. Non, les banquiers ont juste recommencer à se verser des primes mirobolantes et jouent à mettre des milliers d’employés dehors parce les profits sont seulement exceptionnellement élevés plutôt que très exceptionnellement élevés.

Les agences de cotation des États sont états-uniennes. Ça tombe bien, non? L’euro est la monnaie la plus forte du monde, mais la zone euro est en danger parce que quelques pays ont des dettes très élevées. Que faudrait-il faire? Eh bien, faire payer les États, c’est-à-dire les populations, pour sles folies des banquiers. C’est formidable la finance! Si vous êtes un financier irresponsable, c’est le peuple qui va payer pour vous.

Et ces gens-là sont menaçants en plus. N’ont-ils pas dit aux Islandais: «Si vous refusez les conditions de la communauté internationale [voyez comme ils parlent en notre nom, ces grands bonzes], vous deviendrez le Cuba du Nord.» La réponse du président islandais a été fort sage: «Si on vous écoute, on deviendra l’Haïti du Nord.»

La finance, c’est comme une religion: ce sont les grands prêtres qui en profitent et quoi que les fidèles fassent, ils ont toujours tort.



1er août 2011

Quand les Français refusent de parler français


Me voici de retour de vacances et mon habituel séjour parisien m’a fait remarquer l’un de ces petits détails qui font partie de l’évolution des habitudes linguistiques.

On se moque gentiment de la manie des Français de choisir des mots anglais lorsque des équivalents sont pourtant disponibles: duty free plutôt que hors taxes, ferry plutôt que traversier, voucher plutôt que coupon ou bon d’échange et ainsi de suite.

Ces derniers temps, le mot à la mode pour désigner les magasins à bas prix ou à rabais, c’est le discount, qu’ils prononcent «disscounnte».

Ce ne sont là pas des choses très graves, car une langue reste elle-même malgré les nombreux emprunts lexicaux si elle garde sa syntaxe et sa prononciation. L’anglais en est un bon exemple, car plus de la moitié de son vocabulaire vient du français du XIe siècle sans que sa prononciation, sa grammaire et sa syntaxe n’en aient été affectés.

Ce qui m’inquiète, c’est quand les Français ne savent plus prononcer le français. Déjà, il y a quelques décennies, j’avais dû corriger un interlocuteur qui s’obstinait à prononcer 25 cents de la façon suivante: «vintcincenntse». Je lui avais fait remarquer qu’on ne prononce pas les s finaux dans les mots français, sauf pour faire les liaisons. Il m’avait répliqué que le mot cent n’était pas français. Eh bien, si, c’est un mot du français, pas un mot français hexagonal, mais un mot français du Canada et du Québec. Il est donc passé au français et respecte la règle des pluriels français.

Un autre défaut de prononciation est apparu récemment avec l’introduction de la monnaie européenne, l’euro. Si les Français disent normalement «l’euro» en faisant l’élision comme il se doit, en revanche ils hésitent et ne font la plupart du temps pas la liaison quand le mot est précédé d’un déterminant avec consonne. Ainsi, ils disent 100 euros comme «sans-heuro» au lieu de prononcer «centeuro». De même, 10 euros devrait être prononcé «dizeuro», mais ils disent «diss-heuro», comme s’il y avait un h aspiré devant le mot. (Pour les personnes qui s’y connaissent, la description phonétique de cette prononciation erronée devrait s’écrire [dis’øro])

Alors, soit le français est en train d’évoluer vers une prononciaton où les liaisons deviendront de moins en moins obligatoires, soit le mot euro est tellement perçu comme un mot de langue étrangère qu’on n’arrive pas à l’intégrer, ce qui serait un peu étonnant puisqu’on le fait bien avec tous les autres mots, surtout que euro n’est pas de formation étrangère.

Enfin, pour trancher, il faudra qu’on s’en reparle dans une centaine d’années. ;)





30 juin 2011

Bonnes vacances!


En tout cas, j’espère que vous en aurez bientôt. Tout le monde en mérite; elles sont essentielles à la santé. Plutôt que de faire comme les Européens du Nord qui, envieux des vacances des Français, prétendent qu’ils en ont trop, constatons donc que c’est nous qui n’en avons pas assez.

On se reparle quelque part au début du mois d’août.






27 juin 2011

Lutte pour les droits: ça ne fait que commencer!


1. Les postes

C’est du jamais vu! Postes Canada est une société de la couronne. Autrement dit, elle relève de l’État. Elle met ses employés à la rue en décrétant un lock-out et le gouvernement s’empresse de voter une loi spéciale pour obliger ces mêmes employés, dûment exclus de leurs lieux de travail par des gens qui relèvent de lui, à rentrer au travail.

C’est tout de même formidable de voir que l’on punit les travailleuses et les travailleurs pour le comportement de leur patron! Et ça fait à peine un mois que ce gouvernement est élu. Les quatre prochaines années seront longues et risquent de coûter cher aux travailleuses et travailleurs canadiens.

2. Les arrestations massives au G20: un an déjà

Il y a déjà un an, ce même gouvernement conservateur, alors minoritaire, bafouait le droit élémentaire à la liberté d’expression, à la liberté de manifester, en arrêtant près de 1000 personnes sous le prétexte de complot.

On se rappelle que beaucoup de ces personnes, des jeunes souvent, ont été arrêtées en pleine nuit alors qu’elles dormaient dans un dortoir improvisé et que leur seule intention était d’aller manifester, ce qui est leur droit le plus strict, contre la tenue du G20, où les grands de ce monde décident à notre place de l’avenir économique de l’humanité.

L’immense majorité de ces personnes n’ont jamais vraiment su pourquoi elles étaient arrêtées, n’ont jamais eu d’acte d’accusation, et pourtant ont été privées du droit normal à connaître les motifs de leur arrestation et à faire appel à un avocat.

J’ai vu sur place le profilage social: on arrête des gens qui n’ont pas le chic de s’habiller en costume, qui ont les cheveux colorés ou qui se vêtent de t-shirts noirs.

J’ai vu sur place la cavalerie charger la foule à Queen’s Park.

J’ai vu des milliers de policiers bottés, armés, casqués, qui servaient à intimider la foule.

Aujourd’hui à 16 h 30, devant Radio-Canada à Montréal, nous manifesterons en ce triste anniversaire contre la violation des droits civiques.

Quand on sait ce qu’a pu faire ce gouvernement quand il était minoritaire, on ne peut que frémir en pensant à ce qui vient maitenant qu’il est majoritaire à la Chambre des communes. Les défenseurs des droits doivent s’organiser, réseauter et faire tout ce qui est possible pour résister. La lutte pour les droits ne fait que commencer.





20 juin 2011

Vive la jeunesse, mais pas n’importe laquelle!


Quand des jeunes ou se disant tels viennent nous dire qu’ils valorisent la performance, on se demande bien au profit de quel exploiteur ils se font les porte-voix. Je me rappelle avoir assisté à un colloque où l’on nous posait la question suivante: «Que faire pour rendre l’école plus performante?»

Ma réponse n’avait pas tardé. Qu’est-ce qu’un école performante? Qu’est-ce que ça veut dire et au profit de qui? Et ensuite est-ce bien le rôle d’une école d’être performante?

Avant de se laisser berner par des concepts foireux, qui paraissent faire consensus, il faut toujours se demander dans quelle galère on veut nous embarquer.

Je ne suis pas de ceux qui râlent contre les jeunes. Les jeunes ont souvent beaucoup de cœur au ventre, de l’énergie et de l’idéalisme. Je crois bien que la majorité de mes correspondants Facebook sont des jeunes: des jeunes militants, des jeunes socialistes, des jeunes anarchistes, des jeunes pour la défense des droits, des jeunes pour le respect de l’environnement...

Mais quand certains usurpent la parole de la jeunesse en prétendant parler au nom d’eux tous alors qu’ils se font plutôt l’écho de leurs pères bourgeois aux doigts crochus qui aimeraient bien s’accaparer la richesse collective pour en déposséder la population, devant cette dégénérescence d’idée qui nous présente la vieille recette du paternalisme comme une solution de rechange au syndicalisme, alors me revient en tête ce coup de gueule du défunt camarade Ferrat et je chante avec lui: «Pauvres petits c...»

Écoutez bien les paroles de cette chanson écrite il y aura bientôt 45 ans. Elles sont aujourd’hui très actuelles, notamment l’invitation finale à ceux dont le «moi [les] chagrine plus que de raison» d’aller se trouver une place en usine pour se remettre les idées d’aplomb.





13 juin 2011

Ancienneté et compétence


Le groupe Génération d’idées a lancé, le 8 juin 2011, son manifeste, appelé Mémoire sommet 2010, rédigé à la suite justement d’un sommet tenu du 26 au 28 novembre 2010.

Certains font grand cas d’une proposition qui se lit comme suit : «Mettre de l’avant auprès des syndicats qu’ils tiennent compte des compétences et de la performance en plus de l’ancienneté.» (p. 66 du Mémoire)

Dans le Devoir du 9 juin 2011, on rapporte en page A-8 que Générations d’idées souhaite «une réforme en profondeur du rôle des syndicats dans la fonction publique, en supprimant entre autres la sécurité d’emploi et en mettant "la compétence au cœur du système plutôt que le principe de l’ancienneté".»

On voit mal sur quelles bases de telles affirmations reposent, comme si les syndicats ne se préoccupaient pas de la qualité du travail et comme si l’ancienneté et l’expérience étaient un frein à l’exécution correcte des tâches.

Analysons la situation.

Les auteurs du mémoire reconnaissent eux-mêmes que la question n’a pas assez été développée au sein de leur groupe.

Au-delà de cette remarque, il importe de constater que l’amalgame entre ancienneté et incompétence s’est répandu dans le discours populaire à partir sans doute de quelques cas individuels, mais y a-t-il eu vérification sérieuse de cette impression quant à l’ensemble du personnel syndiqué en général et de la fonction publique en particulier?

Allons plutôt voir les exigences réelles du travail. Dans toutes les conventions collectives, il est prévu qu’un employé peut être renvoyé pour juste cause. Une personne qui ne fait pas son travail ou le fait systématiquement mal risque toujours le renvoi. La différence est que, lorsqu’elle est syndiquée, les processus de renvoi et de recours sont généralement mieux balisés dans une convention collective que dans la Loi des normes du travail. On pourrait donc présumer que l’ancienneté est un gage de compétence, car une personne ne peut être maintenue dans son poste si elle est incompétente, contrairement à ce que d’aucuns prétendent.

À quoi sert la sécurité d’emploi dans la fonction publique? Elle a été instaurée pour éviter que les fonctionnaires soient soumis à l’arbitraire patronal, au chantage politique et aux pots-de-vin. Avant la sécurité d’emploi, les fonctionnaires pouvaient être virés selon les humeurs des ministres et sous-ministres. Ils l’étaient régulièrement dès qu’on changeait de parti au pouvoir. C’était le règne de l’arbitraire et du patronage, la porte ouverte à tous les chantages. Croit-on que la population serait mieux servie si on en revenait à cette situation?

Les fonctionnaires sont embauchés à la suite de concours. Ils doivent démontrer leur compétence. C’est pour cela qu’ils sont choisis. Cette compétence peut être maintenue par des programmes de formation adéquats. Les syndicats croient en la compétence, c’est pourquoi ils revendiquent la formation continue dans tous les secteurs.

Venons-en à la fameuse performance. Tous les syndicats sont d’accord pour des améliorations qui permettent de faire mieux le travail et plus efficacement. Ils contribuent en général aux mesures qui permettent d’atteindre ces objectifs. Mais, il convient de reconnaître que la performance ne doit pas signifier qu’on expédie le travail au détriment de la qualité ou du service offert à la population. De cela aussi les syndicats se préoccupent.

Mais au-delà des questions de formation et de compétence, l’expérience est aussi un bien précieux qui rend les travailleuses et travailleurs plus performants et plus efficaces. Que le dynamisme de la jeunesse ait sa place, personne n’est contre. Que l’équilibre apporté par l’expérience enrichisse ce dynamisme, on ne saurait être contre non plus.

L’un des problèmes souvent rencontrés dans la plupart des secteurs actuellement n’est pas tellement le manque de compétence, mais plutôt le manque de transmission des savoir-faire et des savoir-être parce que trop d’anciens partent à la retraite sans avoir pu effectuer pendant une période de transition appropriée le transfert des connaissances et des habiletés.

Si on assure ce passage des savoirs et si l’on prévoit des sorties du travail graduelles pour les personnes épuisées plutôt que de vouloir les forcer à travailler le plus longtemps possible comme c’est la mode dans trop de pays qui veulent repousser l’âge de la retraite, chacun trouvera sa place et des travailleuses et travailleurs fiers de leur tâche rendront de meilleurs services à la population.

Nous croyons donc avoir montré que, non seulement l’ancienneté et la compétence ne sont pas contradictoires, mais qu’elles font plutôt bon ménage.






6 juin 2011

L’amphithéâtre de la déchéance


Une fois de plus, le gouvernement québécois formé par le Parti libéral du Québec s’apprête à déshonorer l’Assemblée nationale. Mais, cette fois, non seulement le Parti québécois en est-il complice, mais il en est même l’initiateur. Ce parti qui aimait bien jouer les purs est devenu une caricature désolante.

En effet, l’adoption d’une loi spéciale soustrayant l’entente entre Québécor et la ville de Québec à la révision judiciaire constitue un dangereux précédent dont les répercussions sont incalculables. Si on avalise des ententes qui ne respectent pas les règles, à quoi servent donc les règles?

Qu’est-ce qui empêchera dorénavant le gouvernement de se soustraire aux exigences démocratiques? Il y a là quelque chose d’absolument anormal.

Heureusement qu’un homme comme Amir Khadir sait se tenir debout. Il est question que quelques membres du Parti québécois se dissocient de la manœuvre inquiétante de leur formation politique. Si c’est bien le cas, ils méritent d’en être félicités.

Le mépris des règles démocratiques n’est pas pour encourager les jeunes à voter. Notre Assemblée nationale aurait pourtant bien besoin de leur appui et de leur engagement pour des causes plus nobles que d’absoudre d’avance les éventuels errements de certains capitalistes.





30 mai 2011

Nécessité du scrutin proportionnel


Je me rappelle, c’était à la fin des années 70. J’avais rempli mon cahier de consultation sur le mode de scrutin et de représentation préparé par le nouveau gouvernement du Québec, celui du Parti québécois. Ma faveur était allée vers une représentation proportionnelle régionale modérée.

Le projet de réforme électorale n’est jamais devenu projet de loi. Après les élections de 1981, bien qu’il y ait eu un ministre responsable de la réforme électorale, bien qu’il y ait eu une nouvelle consultation, bien qu’il y ait eu rédaction d’un projet de loi, le tout a été renvoyé aux calendes grecques.

Les années 1944, 1966 et 1998 sont des exemples frappant de situation où le gouvernement du Québec a été formé par un parti qui avait obtenu moins de vote que celui qui allait former l’opposition officielle. Malgré ces exemples historiques, malgré des États généraux sur la réforme des institutions démocratiques en 2002-2003, malgré le dépôt d’un avant-projet de loi par le gouvernement du Parti libéral en 2005 et une consultation sur la réforme du mode de scrutin par la Commission spéciale sur la Loi électorale, qui déposait son rapport en 2006, malgré un rapport du Directeur général des élections du Québec déposé en 2007 sur les modalités du scrutin mixte compensatoire, aucune loi n’a encore été adoptée pour modifier la façon dont les élus sont choisis à l’Assemblée nationale.

Nous nous retrouvons dans une situation où le vote de chacun n’a pas le même poids selon le lieu de résidence et où la volonté populaire n’est pas bien représentée.

C’est cette absurdité que le Mouvement Démocratie Nouvelle (MDN) veut dénoncer par la manifestation qu’il tiendra mardi 31 mai 2011 à midi à la place Émilie-Gamelin à Montréal. Des solutions existent, il suffirait de volonté politique pour adopter un mode de scrutin qui mettrait fin aux distortions qu’impose le scrutin uninominal à un tour.





23 mai 2011

Que faut-il aux Québécois?


En cette Fête nationale des Patriotes, je ne peux m’empêcher de penser à tous ces peuples qui luttent pour la démocratie, qui se battent pour préserver leurs droits, qui contestent la dictature de la pensée unique néolibérale.

Les exemples sont nombreux dans l’Afrique du Nord. Il y a aussi la Grèce, victime des financiers qui décident pour les Grecs de ce qui est bon pour eux. Il y a les Espagnols, qui en ont marre de se faire dire qu’il faut se serrer la ceinture quand ils voient qu’on récompense les comportements inconséquents des banquiers, mais qu’on punit sévèrement les travailleuses, travailleurs et chômeurs.

Plus près de nous, il y a tous ces courageux militants du Wisconsin qui se sont levés contre des lois iniques. Même s’ils n’ont toujours pas gagné sur le plan juridique, leur combat continue et servira tôt ou tard à construire une société meilleure.

Mais, nous, au Québec, qu’attendons-nous? Préférons-nous hurler avec les loups et bêler avec les moutons? Serons-nous encore longtemps «Polis, gentils, ravis, soumis, endormis, aplatis» comme dans la chanson de Pauline Julien?

Que nous faut-il pour nous reprendre en main? N’avons-nous pas besoin de plus de démocratie? Sommes-nous satisfaits de nous faire dire comment penser par des entrepreneurs qui n’ont aucune préoccupation pour la santé et la justice? Sommes-nous satisfaits d’un gouvernement qui paie pour livrer nos services au privé? Sommes-nous heureux d’un développement sauvage qui n’a cure de l’environnement? Sommes-nous contents que le vote ne représente pas la volonté populaire?

Oui, il y en a des raisons...





16 mai 2011

Le printemps canadien


Samedi dernier, 14 mai 2011, des centaines de Canadiens ont manifesté dans une dizaine de villes pour réclamer un mode de scrutin qui tiendrait mieux compte de la volonté populaire.

Il n’est pas normal qu’avec 40% des voix, le parti conservateur se retrouve avec 100% du pouvoir.

Ce mouvement est né spontanément par la réaction d’étudiants de McGill et de Concordia, choqués par le caractère désuet du système électoral.

Une action comme celle-ci devrait se répéter régulièrement. Elle prendra de l’ampleur et gagnera la faveur de tous ceux qui réfléchissent. C’est exactement ainsi qu’est né le printemps arabe.

Les mouvements de masse que l’Afrique du Nord a connus ne se sont pas créés du jour au lendemain. Ils se sont produits à la suite de plusieurs manifestations, d’abord petites et locales, qui se sont propagées chez les étudiants, chez les travailleurs d’usine. Ils se sont préparés pendant des mois et, si on était observateurs, on pouvait le voir venir. Je recevais régulièrement des nouvelles de groupes d’étudiants et de travailleurs tunisiens qui annonçaient se qui se passait. Je n’osais trop y croire, mais cela s’est produit.

Il faut donc oser y croire et oser le faire. Qui sait, peut-être le Canada saura-t-il s’inspirer de nos camarades nord-africains, peut-être sommes-nous à l’aube d’un printemps canadien. Il faut l’espérer, mais surtout agir en ce sens.

Bravo à tous ces jeunes qui nous ouvrent la voie!





9 mai 2011

Améliorer le sort de chacun


Il n’y a pas de gens trop riches, il n’y a que des gens pas assez nantis.

Il n’y a pas de gens trop intelligents, il n’y a que des gens pas assez instruits.

Il n’y a pas de gens trop forts, il n’y a que des gens pas assez solides.

Mais c’est le devoir des riches de comprendre et d’aider pour que tous soient mieux nantis, des intelligents de comprendre et d’aider pour que tous deviennent instruits, des forts de comprendre et d’aider pour que tous aient de la solidité.

Et cela se fait par des mesures sociales. Rappelons la pensée de Benjamin Franklin: «Tout le bien qu’un particulier peut accomplir ne vaudra jamais celui que peut réaliser une collectivité qui s’en donne la peine.»





2 mai 2011

La défaite de la démocratie


À l’heure où j’écris, 23h09, heure du Québec, nous savons que le gouvernement canadien sera conservateur et majoritaire.

Avant de traiter les Canadiens d’imbéciles, rappelez-vous que 60% d’entre eux ont voté pour des partis de gauche ou de centre-gauche.

Le Canada, grâce au régime uninominal à un tour, sera gouverné par un gouvernement qui s’appuie sur 40% des électeurs qui se sont déplacés pour voter. Je n’ai pas pu trouver la proportion des électeurs qui ont effectivement voté.

La vague orange aura aussi, malheureusement, favorisé des conservateurs qui se sont faufilés entre les libéraux et les néodémocrates en Ontario et des conservateurs qui se sont faufilés entre les bloquistes et les néodémocrates au Québec.

L’absence de proportionnelle au Canada permet de constater une fois de plus la défaite de la démocratie, car un parti dur et insensible gouvernera comme si la majorité de la population voulait de lui, alors que c’est exactement l’inverse.

J’ai au moins une consolation: le député le plus conservateur de tous les conservateurs du pays, André Arthur, aura été battu par une candidate néodémocrate.

Mais, notre démocratie est menacée par un gouvernement qui bafoue les droits des femmes, qui bafoue la liberté d’expression, qui considère la dissidence comme un délit et qui promet d’abolir le financement démocratique des partis politiques fédéraux. Des jours noirs s’annoncent, c’est pourquoi je porterai le deuil demain.





1 mai 2011

Participation au vote


Les commentateurs annoncent une participation record aux élections fédérales de demain. En effet, le taux de participation au vote par anticipation a augmenté de 34% par rapport aux élections de 2008.

Je suis loin de partager cet enthousiasme. Les personnes qui votent par anticipation sont, outre celles qui ne seront pas au pays ce jour-là ou qui travailleront aux heures d’ouverture des bureaux de scrutin, celles qui ne veulent pas avoir à y penser le jour même.

Or, plus il y a de monde qui ne veut pas avoir à y penser, plus ça veut dire qu’il y a des gens pour qui c’est un pensum, et qui donc ne feront pas d’efforts le jour même.

J’espère vraiment me tromper. Je souhaite de tout cœur que les jeunes seront nombreux à aller voter.

Le gouvernement actuel s’attaque carrément à la démocratie. S’il fallait qu’il devienne majoritaire à la Chambre des communes, nous vivrions de bien mauvais jours.

Aux urnes, citoyens!





26 avril 2011

Manque de psychologie


Dans son édition de fin de semaine dernière, Le Devoir constatait que «La bataille de Québec n’a pas lieu». On parle ici du financement du fameux amphithéâtre de Québec, auquel le gouvernement conservateur n’a pas participé.

Le maire Labeaume promettait que les citoyens de la région en tiendraient rigueur aux conservateurs et tous mes amis se réjouissaient à l’avance de voir l’influence des conservateurs se réduire dans la région de la capitale nationale.

Le Devoir avance que le maire Labeaume a perdu de l’influence auprès des milieux fédéraux et certains analystes estiment que l’absence d’anicroches pour les conservateurs dans leur campagne dans la région de Québec est l’une des grandes surprises de cette campagne électorale.

Je prêchais dans le désert quand je disais à mes camarades qu’il n’y avait rien à espérer de cette histoire et qu’elle ne changerait absolument rien aux goûts conservateurs de nos amis citoyens de la région de Québec. Au contraire, cela ne ferait que renforcer les conservateurs, ce qui est sur le point de se réaliser.

C’est en effet bien mal connaître la psychologie des électeurs de la droite dure que de croire qu’ils seront offusqués qu’un gouvernement ne participe pas au montage financier d’un équipement sportif d’envergure. Les électeurs conservateurs sont des adeptes du tout au privé. À partir du moment où l’opération peut se faire avec des fonds privés, ils sont au contraire ravis et il ne faut pas croire un seul instant que la question de l’amphithéâtre pouvait les détourner le moindrement du parti conservateur.

Plutôt que de parler d’un non-débat, on devrait s’inquiéter de la récente proposition de Stephen Harper de créer un bureau sur la liberté de religion. Les religions interfèrent déjà suffisamment dans la vie publique sans qu’on ait besoin d’un bureau qui s’assure de leur liberté. Non, seulement les grandes religions reconnues ne manqueront pas de gagner en arrogance, mais les religions sectaires n’hésiteront pas à s’engouffrer dans cette porte ouverte sur l’ingérence dans la vie des collectivités.

Il convient de rappeler que la liberté de croyance est une chose: chaque individu a le droit de croire aux fantômes qui lui plaisent, mais il ne peut obliger personne à faire de même, et il doit respecter les lois du vivre ensemble. La liberté de religion, elle, n’est pas une liberté comme les autres, car elle est aussi la liberté d’opprimer. Quand on lit que les conservateurs ont l’intention de créer des programmes pour appuyer la liberté de religion partout dans le monde, on ne peut que frémir.





18 avril 2011

La pipolisation aplatit tout


Le débat des chefs fédéraux du 13 avril dernier a été l’occasion d’illustrer une fois de plus l’aplatissement jusqu’à la vacuité informative par le traitement pipole des nouvelles.

Une dame, Muguette Paillé, a posé une question fort pertinente aux aspirants premiers ministres. En substance, elle demandait ce qu’ils feraient pour les personnes dans la cinquantaine qui se retrouvent au chômage et pour qui il n’y a pas grand-chose sur le marché du travail.

Les médias se sont emparés de l’affaire et le nom de madame Paillé était sur toutes les lèvres le lendemain matin.

Hélas, le traitement de la question est vite devenu un fait divers pipole. La vedette d’un jour a été invitée sur toutes les tribunes et la question sociale importante qu’elle posait est devenue une question individuelle.

À l’émission de Christiane Charette, on l’entendait même répondre à cette dernière, qui l’invitait à faire un suivi de sa situation personnelle, qu’elle espérait bien que les choses bougeraient, qu’elle trouverait du travail et que toutes les offres qu’on lui faisait n’étaient pas des paroles en l’air.

On ne peut lui en vouloir: la dame est dans une situation difficile et elle espère s’en sortir. Mais la question de départ était que fait-on, socialement, pour les personnes d’un certain âge qui perdent leur emploi? C’est un problème social qui mérite une réponse systémique et non une intervention individuelle.

Qui, dans les médias, a cherché à aller plus loin? Personne. On se contente de surfer sur la saveur du jour. Lorsque la dame aura trouvé un job, l’affaire sera classée et elle pourra retourner dans l’anonymat.

Pourtant, non, justement, l’affaire ne sera pas du tout classée et la question reste entière: comment prend-on en compte le déclassement de nombreuses personnes dans la cinquantaine qui se retrouvent devant rien? Il faut tenir compte de leur santé, de leur passé, du milieu où elles évoluent, etc.

On a encore une fois raté une belle occasion de réfléchir ensemble à des solutions collectives pour des problèmes collectifs.





11 avril 2011

La nonchalance face à la droite dure


L’un des mythes les plus délétères dans le cadre des élections, mythe savamment entretenu par les esprits conservateurs, qui trouve un terrain d’autant plus fertile qu’il s’adresse à ceux qui méprisent le politique, c’est que la droite dure n’est pas si dure que ça.

On entendra: «Mais oui, Harper courtise les chrétiens intégristes, mais il n’osera pas tenir ses promesses à leur égard. Il n’est pas si terrible que ça.»

Je l’ai déjà dit ailleurs, les partis de droite dure réalisent toujours leurs vilaines promesses. Les bonnes, c’est moins sûr. Les gens qui votent pour eux sont ceux qui jettent tous les politiques dans le même sac en disant qu’ils sont tous pourris. Ils nous disent que jamais les politiques ne réalisent leurs promesses. Donc, pourquoi pas voter pour les conservateurs? Réflexion absurde qui conclut de voter pour ceux dont on aime les promesses sous prétexte qu’ils ne les accompliront pas ou d’inciter ceux qui n’aiment pas leurs promesses à voter pour eux sous prétexte qu’ils ne les réaliseront pas.

La chronique de Patrick Lagacé du vendredi 8 avril dans La Presse, intitulée «Le Professeur», fait partie de ce genre de discours qui consiste à endormir le client en lui disant que les conservateurs sont au fond de bon diables et qu’ils ne seront jamais si terribles qu’ils le laissent entendre.

Pourtant, la feuille de route des conservateurs est assez éloquente: mépris de la démocratie, obsession du contrôle, dérive sécuritaire, asphyxie de tout ce qui concerne les droits des minorités autres que chrétiennes intégristes, insensibilité totale à la culture (sauf pour la musique des Beatles qui a bercé son enfance, mais on peut douter qu’il se serait bien entendu avec John Lennon), politique belliqueuse, etc. Tout ça, en étant minoritaire. Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour savoir que la majorité lui permettrait une arrogance inouïe.

Que Harper et ses fidèles soient de gentils garçons dans leur salon, je n’en doute point. Mais qu’on nous fasse croire que la droite dure se ramollit quand elle est élue, c’est nous prendre pour des poires.





4 avril 2011

Le vote libidinal


Pendant les élections fédérales de 2008, j’ai écrit une lettre ouverte à ma marraine dans laquelle je m’inquiétais, arguments à l’appui, du fait qu’en votant pour les conservateurs, elle votait contre les valeurs qu’elle prétendait défendre.

Or, non seulement elle a répondu par le silence le plus dense, silence qui dure, mais elle a tout de même voté conservateur.

Je me suis alors demandé comment il se fait que l’on puisse à ce point voter contre les intérêts collectifs et même contre ses propres valeurs. Comme se fait-il que les gens de la ville de Québec, par exemple, ville qui vit de la fonction publique, votent pour des candidats qui promettent de réduire la fonction publique et donc de nuire à l’économie régionale, de mettre à la porte les parents et amis de ceux-là qui votent pour eux.

Comment se fait-il par exemple que des gens votent pour un animateur de radio qui les insulte chaque matin? Qui prend leurs louanges mais leur crache dessus à la moindre critique?

Il semble bien que les électeurs ne votent pas avec leur raison, ni avec leur cœur ni avec leur instinct, mais plutôt par une sorte d’investissement libidinal, qui satisfait leur désir de puissance. Il s’opérerait ainsi un transfert, parfois masochiste, envers un personnage ultra-puissant auquel ils s’identifient et qui leur permet de réaliser à travers lui un fantasme de la puissance à laquelle ils n’ont pas accès. «Lui, c’est un fort, lui il va faire le ménage, lui il ne se laisse pas faire. Je vais voter pour quelqu’un qui ne se laisse pas marcher sur les pieds.» Ainsi, l’électeur se venge de son impuissance en vivant par procuration la puissance d’un autre.

Cette médiation subconsciente constitue un véritable cercle vicieux, car le personnage élu ne fait qu’empirer l’impuissance de l’électeur par ses décisions réductrices, par son absence de considération pour les besoins véritables de son électeur, ce qui accentue le désir de compensation de ce dernier par investissement dans la puissance de l’autre.

Une question reste : «Suffit-il d’exposer ce mécanisme pour que la victime en prenne conscience et décide de s’en sortir?»

Et sinon, comment procède-t-on pour changer ce rapport au pouvoir en véritable investissement démocratique?





28 mars 2011

Débat démocratique et liberté d’expression


La liberté d’expression est une chose extrêmement précieuse. Que chacun puisse dire ce qu’il pense dans un débat est esssentiel à l’évolution démocratique.

Il en est toutefois certains qui, sous le prétexte qu’ils ont le droit de tout dire, voudraient qu’on ne les contredise jamais.

D’abord, le droit de tout dire est limité par le respect des lois et de la réputation des personnes.

Outre cela, s’il est vrai qu’il faut encourager les personnes qui n’ont pas l’habitude de s’exprimer publiquement à le faire plus souvent, s’il est vrai qu’il faut accueillir l’expression des opinions divergentes, il n’en est pas moins vrai qu’il faut aussi répondre chaque fois que ces opinions contiennent des références erronées. Le débat ne s’arrête pas après qu’on se soit exprimé, au contraire il commence.

Cela se passe aussi dans la vie personnelle. Il m’est arrivé quelques fois de me faire dire par des proches: «Mais pourquoi tu détruis toute mon argumentation? Tu m’avais dit que tu voulais que je m’exprime.»

Mais bien sûr que je voulais que tu t’exprimes, mon cher. Et je le veux encore. C’est la meilleure façon de faire avancer le débat. Il faut que tu dises ce que tu penses, mais si tu dis que la terre est plate, il faut t’attendre à ce que je te prouve qu’elle est ronde.

Tu pourras ensuite me répliquer sur les raisons qui t’ont faire croire telle ou telle chose, et on pourra ensemble convenir des explications, ce qui relancera la discussion.

Non seulement, il faut inciter les gens à s’exprimer et leur dire de ne pas se décourager si leurs idées sont contredites par d’autres, mais il faut aussi leur faire comprendre que ces réponses à leur intervention sont nécessaires à la liberté d’expression.

Si j’invitais mes adversaires à s’exprimer et que je ne les corrigeais pas lorsqu’ils affirment des faussetés, non seulement je commettrais une bêtise contre la justesse de l’argumentation, mais je nierais cette même liberté d’expression que je veux défendre, car le droit de réplique est la condition de la liberté d’expression.

L’acceptation de l’expression des autres implique non seulement le droit, mais le devoir de corriger les faits erronés, sinon ce serait leur manquer de respect. Cela est d’autant plus vrai lorsque la discussion est publique. C’est faire injure à l’auditoire que de ne pas lui fournir les faits justes quand on les connaît.

Les seuls adversaires qui ne méritent pas d’être corrigés (je parle de leurs propos, pas de leur personne) sont ceux que l’on méprise. «Mais oui, il a dit une fausseté, mais il n’est pas assez intelligent pour comprendre la correction que je dois faire, donc je le laisse aller.»

Mais oui, exprime-toi, et attends-toi à ce que je te réponde, mais relance-moi, et le débat pourra avoir lieu.





21 mars 2011

Pourquoi la hausse des frais de scolarité est une fausse bonne idée


L’éducation n’est pas un privilège ni un objet de consommation. C’est un droit. Cette seule considération devrait suffire à en faire pour nous un service universel et gratuit.

D’accord, vous diront les néolibéraux, mais comment finance-t-on le tout? Ils vous répéteront que l’éducation coûte cher, qu’on n’en a plus les moyens et qu’on n’a pas le choix de faire payer les étudiants, qui, de toute façon, investissent ainsi dans leur avenir.

Répondons point par point à ces arguments.

1. L’éducation coûte cher
Qu’est-ce que coûter cher? Occuper une part importante du budget? Oui, et alors? L’éducation n’est-elle pas une chose importante? Coûter cher pour qui? Pour le gouvernement? Pour les étudiants? Le gouvernement, c’est nous tous, si nous trouvons ensemble les moyens de financer notre système d’éducation, c’est sûrement mieux que si nous faisons reposer le fardeau seulement sur ceux qui s’inscrivent dans les universités. Et cela m’amène au deuxième point.

2. On n’en a plus les moyens
Mais si nous n’avons pas les moyens collectivement, comment les individus en auraient-ils les moyens? Cela voudrait dire que l’éducation serait alors réservée à celles et ceux qui peuvent payer, donc les riches. Certes, il y aurait encore des étudiants dans les facultés, mais la mixité sociale y serait moindre. Ce serait surtout l’élite économique qui s’y retrouverait. Or, il devrait nous paraître juste que l’éducation soit accessible à toutes les personnes qui sont intellectuellement capables de pousser des études aussi loin qu’elles le désirent.

Les jeunes des classes moins aisées qui feraient l’effort de s’inscrire tout de même seraient obligés de travailler davantage, ce qui conduit à plus de décrochage sans compter les problèmes familiaux ou de santé.

Pourquoi avons-nous les moyens de baisser les impôts des entreprises? Pourquoi avons-nous les moyens d’exempter d’impôts les activités minières? Pourquoi avons-nous les moyens de tolérer l’évitement fiscal?

3. On n’a pas le choix de faire payer les étudiants
Mais, si, nous avons le choix. On nous serine sans cesse que les impôts sont trop élevés alors qu’ils ne cessent de baisser depuis des années. Nous avons, enfin quand je dis nous je devrais dire le gouvernement a, fait le choix d’être la province la plus accueillante pour les entreprises. Cela ne les rend pas plus reconnaissantes et cela nous empêche de favoriser nos priorités. Nous avons donc le choix et des ressources pour ce faire.

Rappelons que Québec Solidaire a proposé toute une série de mesures qui permettrait de dégager des ressources équivalant à 5 milliards de dollars. Cela en faisant preuve d’un peu de courage politique. Mais, ça, c’est une question de choix.

4. Les étudiants investissent dans leur avenir
Voilà une façon un peu curieuse de voir l’éducation si l’on entend par là que l’objectif est de devenir financièrement riche. Veut-on que les étudiants se concentrent comme autrefois au Québec sur les seules professions libérales?

Si l’on entend au contraire que l’éducation est une forme d’investissement sur soi pour devenir un être meilleur et de soi pour jouer un rôle dans la société, alors c’est un argument de plus pour que l’éducation soit accessible, universelle et gratuite.

Nous en avons les moyens, nous en avons le choix, permettons aux jeunes de faire les études qu’ils veulent plutôt que de réserver l’éducation aux plus fortunés.

On attribue à Derek Bok, ancien président de l’Université Harvard, la citation suivante: «Si vous trouvez que l’éducation coûte cher, essayez l’ignorance.» Le résultat est collectif, le coût doit être collectif.





14 mars 2011

Japon: notre naïveté et notre bêtise


L’important séisme qui a frappé le Japon cause des problèmes aux centrales nucléaires dont est parsemé ce pays.

Les experts n’ont pas tardé à nous chanter leurs berceuses pour nous endormir: les radiations ne se rendront pas dans tel ou tel pays, et surtout pas chez nous, sinon en quantités infinitésimales. Ça ne vous rappelle rien?

N’a-t-on pas commencé dans les premières heures de la connaissance du cataclysme par dire qu’il n’y avait qu’une trentaine de morts?

À chaque accident nucléaire ne commence-t-on pas par dire qu’il n’y a aucun danger pour la population en général?

Rassurez-vous, on vous parlera du danger quand il sera trop tard.

Les agences de cotation boursière étudient maintenant la situation afin de décoter le Japon. Peu importe ce qui se passe dans un pays, les affaires doivent suivre leur cours. Il y a du monde qui doit faire son profit.

C’est bête et indécent. On ne peut que citer le regretté camarade Chartrand: «Le capitalisme est amoral, asocial et apatride.»





7 mars 2011

Les maîtres du monde et la Lybie


Le monde est complexe et les révolutions qui se passent dans le nord de l’Afrique sont le fait de populations que nous connaissons mal par désintérêt peut-être, mais surtout par ignorance et par manque d’information, après tout quand le pétrole est livré ponctuellement, on ne s’inquiète pas, d’où des décennies sans chercher à comprendre ce qui se passe là-bas.

Les violences en Libye, causées par un dirigeant qui préfère tuer ses congénères que de prendre une retraite précipitée dans un home pour dictateurs périmés, inciteront tôt ou tard des puissances internationales à intervenir.

Le risque est grand que ces puissances internationales se sentent le «devoir» de remettre les rênes à l’un quelconque des opposants au régime actuel en prétendant que c’est le meilleur représentant de la population, oubliant que des courants divers traversent le soulèvement populaire, car il est tellement facile de séparer le monde en bons et méchants, les bons de notre côté et les méchants, ceux qui ne font plus notre affaire.

Or, la population a plus besoin d’outils pour représenter sa diversité et donner cours à son expression que d’un nouveau souverain à la solde de l’Occident, toujours en sursis tant que les intérêts pétroliers ne subiront pas de nouveaux soubresauts.

Le chemin est long vers la liberté, et ce n’est pas dans l’intérêt des maîtres du monde de faciliter le voyage.





28 février 2011

Les médias et la mort


Les médias

Nous sommes à une époque où les grands médias généralistes, disposant de tous les moyens technologiques, devraient pouvoir nous informer de tout ce qui se passe d’important dans le monde.

Or, il n’est plus possible d’être au courant des choses importantes pour l’évolution de la société sans partir soi-même à la chasse aux nouvelles. Les médias spécialisés sont légion, et chacun ne se tient informé que de ce qui constitue son petit dada: musique gore, collection d’étiquettes de bouteille de bière, nouvelles teintures des cheveux des chanteuses country, etc.

Quant aux grands médias, après une nouvelle internationale, ils descendent vite aux pipoles et aux faits divers. Faites l’exercice de compter combien vous avez de nouvelles de chacun des continents. Ce matin dans un grand bulletin de radio, je n’ai entendu aucune nouvelle provenant de l’Asie, ni de l’Europe, ni de l’Océanie, ni de l’Amérique du Sud.

Il semble même qu’il soit trop difficile de faire le suivi des événements d’Afrique du Nord et du Proche-Orient. On suit la Tunisie, puis on passe à l’Égypte la semaine suivante, puis à la Libye, en laissant les autres derrière comme s’ils n’existaient plus.

Et parfois, même, il est assez remarquable que des sujets sociaux d’importance en Amérique du Nord, soient passés sous silence. J’ai fait l’expérience de chercher des informations sur les ripostes syndicales aux attaques menées notamment au Wisconsin, et je puis dire que, même dans le Net, les infos en français ne sont pas si nombreuses.

Nous sommes sous un régime boulimique d’information, qui ressemble au régime alimentaire: beaucoup de gras, mais peu de protéine et peu de vitamines. Certains appliquent bêtement un principe élémentaire de communication sans tenir compte de l’impact de la redondance. Pour ceux-là, une personne qui reçoit mille messages est 100 fois plus informée qu’une personne qui reçoit 10 messages. Il y a tout de même un petit hic: la personne qui reçoit 10 messages différents est 10 fois mieux informée que celle qui reçoit 1000 fois le même message et, surtout, elle est 1000 fois moins déformée.

Bien que la technologie rende facile la consommation d’infos, elle nous oblige tout de même à être très actif et très critique dans la recherche d’information. Tant que les médias fonctionneront sous le régime capitaliste, ils nous fourniront une information grasse et sucrée sans diversité et contenant peu d’éléments nutritifs.

La mort

La mort est la seule justice dans le monde: tous y passeront qu’ils soient grands ou petits, bons ou mauvais, riches ou pauvres. Même les plus prétentieux, même les plus paranoïaques, même les mieux planqués devront se dissoudre dans le grand bouillon universel.

Un fait divers de l’actualité m’a fait penser à la mort des bourreaux et des monstres. Il ne faut souhaiter la mort de personne, il ne faut précipiter la mort de personne, sauf en cas de légitime défense, mais lorsqu’un être véritablement monstrueux décède, qui peut s’en chagriner? Peut-on se désoler de la disparition d’Hitler, de Pol Pot, de T. R. et de D. A. ?






21 février 2011

Pourquoi le racisme est-il mauvais?


La Cour suprême vient d’émettre un jugement dans une affaire qui opposait entre autres André Arthur, l’animateur de radio bien connu, et un appelant en recours collectif qui regroupait des chauffeurs de taxis d’origines maghrébine et haïtienne.

Les conclusions majoritaires de ce jugement sont que les propos outranciers de l’animateur, à l’effet que les chauffeurs de taxi arabes et haïtiens sont incompétents et qu’ils achètent leurs examens, sont de nature générale et qu’ils n’affectent donc pas chacun des chauffeurs en particulier. On ajoute de plus que les citoyens ordinaires n’auraient donc pas apporté foi à de pareils propos pour les appliquer à un chauffeur en particulier.

Les propos de la juge dissidente Abella me paraissent plus réalistes. En effet, si des propos racistes sont tenus à l’égard de tout un groupe, ils s’appliquent a fortiori à chacun d’entre eux. Que le citoyen ordinaire soit d’accord ou pas n’est pas le critère de décision. Le critère est de savoir si le citoyen ordinaire comprend que les paroles prononcées visent chacun des membres du groupe visé. Et il est bien clair que oui. Si quelqu’un prétend que tous les chauffeurs haïtiens achètent leurs examens, même si je crois que c’est faux, je sais que celui qui a proféré ces paroles vise tous et chacun d’entre eux et s’attaque à leur réputation.

Devrait-on comprendre au contraire qu’un jour si André Arthur déclare que tous les membres du système juridique sont des morons, même si n’importe qui sait très bien que c’est une grossièreté éminemment fausse, on ne pourra pas l’accuser de diffamation sous prétexte que le groupe est trop général? Après tout, il y a des juges, des avocats, des greffiers, des noirs, des blancs, des femmes, des hommes, des gens des villes et des campagnes dans ce groupe. Et il ne se serait adressé à aucun d’eux en particulier.

Le jugement majoritaire tel qu’il est formulé semble dire que le racisme est mal pour des raisons morales et non pas parce qu’il affecte tous les individus d’une communauté.

Or, le propre du discours raciste est justement de tenir des propos grossièrement généralisés de sorte que n’importe quel individu appartenant à ce groupe, aussi hétéroclite soit-il justement, est visé à cause de la généralisation outrancière.

Si le discours raciste n’affecte personne, alors pourquoi le condamner? Généraliser, ce n’est pas se diriger contre personne, c’est au contraire s’adresser à tous et chacun. Le jugement majoritaire qui vient d’être émis me paraît ouvrir la porte à des dérives langagières peu acceptables en démocratie.





13 février 2011

L’Assemblée nationale prend-elle l’habitude des motions infâmes?


Comme si on n’avait rien appris de l’affaire Michaud, les trois partis néolibéraux de l’Assemblée nationale en ont remis en se précipitant dans une nouvelle tentative de condamnation sans même savoir de quoi il retourne.

On se rappellera que l’Assemblée nationale s’était permis, en décembre 2000, de condamner unanimement Yves Michaud sans l’avoir entendu, sans même connaître la teneur réelle de ses propos comme cela est bien raconté dans le livre L’affaire Michaud: chronique d’une exécution parlementaire, Gaston Deschênes, Septentrion, 2010. Une action aussi irréfléchie entache la réputation de l’institution démocratique qui doit représenter la population.

Et voilà que l’Assemblée a failli se discréditer une nouvelle fois en condamnant une campagne de boycottage de produits israéliens, processus tout à fait démocratique et parfaitement légal faisons-le remarquer. Cette campagne est menée par le comité BDS (boycott, désinvestissement, sanction) formé de citoyens québécois qui répondent à l’appel de la société civile palestinienne afin qu’Israël mette fin à la politique discriminatoire qu’il maintient contre la population palestinienne, politique assimilable à l’apartheid comme l’a souvent déclaré Mgr Desmond Tutu lors de nombreuses interventions publiques.

La motion prend prétexte de la liberté d’entreprise pour soutenir le commerçant propriétaire de la boutique Le marcheur devant laquelle se tient un piquet d’information incitant les clients à boycotter une des marques de chaussure vendues dans ce magasin, soit la marque israélienne Beautifeel.

Une campagne de boycottage est un moyen de pression économique, qui a été utilisé avec succès contre l’apartheid en Afrique du Sud. Il n’y a aucune raison de passer une motion à l’Assemblée nationale pour condamner une initiative citoyenne. Heureusement, comme la motion était sans préavis, il fallait l’unanimité des députés pour pouvoir en discuter, ce que les proposeurs n’ont pas obtenu grâce au refus d’Amir Khadir.

Ce qui est le plus outrageant dans cette motion, c’est qu’elle place au-dessus de tout la «liberté de commerce». On voit bien là quelles sont les priorités des néolibéraux. La vie et les malheurs de centaine de milliers de Palestiniens sont pour eux beaucoup moins importants que la libre entreprise et le commerce.

Pourtant, la liberté de commerce inclut aussi la liberté de boycotter des produits. C’était recommandable à l’époque où il fallait faire pression sur l’Afrique du Sud, et ce l’est aujourd’hui où il faut faire pression sur Israël.





7 février 2011

La sécurité de qui?


C’est la moitié du thème du Forum organisé par la Commission populaire à l’Université Concordia pendant le week-end du 4 au 6 février 2011. Parce que la réponse à la question était «Notre sécurité!»

La sécurité de la population est très importante, mais comment se fait-il que les mesures sécuritaires gouvernementales menacent-elles à ce point la sécurité des individus?

Au cours de ce Forum, il a été possible de faire le tour des enjeux principaux que recouvre ce concept de sécurité et comment il conduit à des dérives comme la criminalisation de la dissidence et de la différence.

Voici quelques exemples : Les autochtones ont, dans l’histoire, vu leurs enfants enlevés pour être placés dans des pensionnats de blancs.

Dans les années 50 et 60, les gais ont été suspectés d’être de possibles victimes de chantage de la part des espions soviétiques et ont été fichés pour ça. En fait, le seul chantage qu’ils ont subi a été celui des agents canadiens qui voulaient les faire travailler pour eux.

Dans les années 70, la GRC a posé des bombes, brûlé des granges, émis de faux communiqués, encouragé la population à la violence, tout ça pour justifier son appareil de lutte contre un FLQ, qui était exsangue.

Et c’est à la suite des enquêtes (Keable et MacDonald) qui montraient les dérives de la GRC, qu’une loi des années 80 a créé le Service canadien de renseignement et de sécurité (SCRS).

Aujourd’hui, le SCRS envoie des agents poser des questions aux colocataires, amis et cotravailleurs de personnes qu’ils suspectent d’être des menaces à la sécurité. Et les raisons de la suspicion sont aussi sérieuses que de se trouver dans un véhicule immatriculé au Québec et de porter un t-shirt noir pendant la tenue du G20 à Toronto.

Il existe un tel marché lié à la déportation qu’on sous-traite l’envoi dans des pays étrangers d’environ 13 000 personnes par année. L’Agence des services frontaliers du Canada veut faire accélérer le processus de déportation de sorte que les gens soient déportés avant même qu’ils aient eu l’occasion d’avoir recours au processus d’appel.

Dernier exemple entre tant d’autres, car on pourrait en énumérer pendant des heures et des heures, les fameuses listes de sécurité qui peuvent vous priver de votre droit de voyager et vous faire emprisonner pendant des années sans savoir pourquoi. Les raisons pour être inscrits sur ces listes sont secrètes, les procès sont secrets et les preuves sont secrètes. Or, s’il y a un principe élémentaire dans la justice, c’est bien que l’on sache de quoi on est accusé pour pouvoir se défendre.

Et pendant que nous discutions des dérives sécuritaires du gouvernement canadien, que faisait le premier ministre Harper? Il rencontrait le président de la super-puissance voisine pour assurer une gestion commune harmonieuse des frontières. Dans la véritable novelangue qu’il maîtrise fort bien, le chef conservateur déclarait: «Il s’agit de l’utilisation de notre souveraineté pour le bénéfice de tous les Canadiens.» Entendez: «Il s’agit de l’abandon de notre souveraineté pour complaire aux États-Unis.»

Si l’on parle d’harmoniser les procédures aux frontières pour faciliter la circulation, c’est encore une fois un bel exemple de novelangue. En effet, avec qui les Canadiens harmoniseront-ils leurs procédures? Avec les États-uniens qui sont encore plus tâtillons qu’eux et qui sont friands de fouille pour toutes sortes de raison. Alors, ça ne va pas faciliter la circulation, mais plutôt la ralentir énormément.

Une anecdocte personnelle pour illustrer les procédés de nos voisins. En 2007, je traversais la frontière entre Edmunston au Nouveau-Brunswick et Madawaska aux États-Unis, où se tenait une fête en l’honneur des familles Lagacé-Lagassé. J’ai été retenu une heure par le douanier états-unien qui a fait toutes sortes de recherche dans ses bases de données. Vous savez quoi? Il trouvait que j’allais trop souvent en Europe! (Deux fois par année)

Ce sont les mesures de sécurité favorisées par le gouvernement canadien qui menacent la sécurité des résidents du pays. Et il est très clair que certains groupes racisés sont ciblés et montré à la suspicion publique. Profilage racial, social, économique, voilà à quoi mènent ces mesures, que les participants au Forum vont contrer en préparant des campagnes pour mieux documenter l’histoire du peuple, dévoiler les activités du SCRS, combattre les certificats de sécurité et faire abolir les listes noires.

Le Forum s’est terminé par un souper de solidarité pour Mohamed Harkat, victime d’un certificat de sécurité, qui n’a pas été autorisé à y participer lui-même parce que les autorités lui ont interdit de se trouver en la présence de personne qui «approuvent le terrorisme». Voilà comment sont considérés les militants pour le respect des droits de la population.





31 janvier 2011

Si la vie ne vaut rien, rien ne vaut la vie


C’est la semaine de la prévention du suicide. Impossible de ne pas penser à toutes les personnes que j’ai connues qui ont commis ce geste irréparable.

On se demande toujours ce qu’il faut faire, ce qu’il faut dire, comment convaincre nos proches de ne pas se supprimer. Heureusement, il y a de plus en plus de ressources, des réseaux d’entraide et même le numéro 1 866 APPELLE, où l’on peut recevoir des conseils.

On dit aussi qu’il faut beaucoup en parler. On fait souvent référence aux dommages que le suicide cause dans l’entourage de la personne qui a commis ce geste.

Je suis un peu mal à l’aise devant cet argument, car pour les adolescents, il me semble que le suicide pourrait être vu comme une façon de punir les parents ou l’entourage. Aussi je préfère parler de la perte que l’individu se cause à lui-même.

La vie est paradoxale et on n’obtient pas ce que l’on veut en se détruisant, sauf l’arrêt de la souffrance. Il y a pourtant bien d’autres façons de mettre fin à la douleur, car des personnes peuvent aider, il y a des lieux où dire son mal-être et où se reconstruire.

Dans tous les cas, le suicide est un échec; il suffirait de peu de chose pour relancer le désespéré sur le chemin de la clarté. Ce qu’il faut se rappeler, c’est que mettre fin à sa vie, c’est se priver soi-même de la merveilleuse aventure de la découverte des autres et du monde.

C’est aussi priver la société de l’apport qu’on peut lui offrir par ses talents. Chacun contribue en déposant sa petite brique dans l’édifice social, et même les gestes les plus anodins et les plus anonymes ont leur valeur. Ne doutez pas que la nounou d’Einstein a eu son importance dans la vie.

Et ce boulanger qui vous tend son pain avec le sourire, cette chauffeuse d’autobus qui vous a attendu alors que vous arriviez sur le coin de la rue, tout dans la vie a des conséquences incalculables.

Faites-vous le cadeau de la vie et partagez avec nous les sourires et les clins d’œil qui réchauffent le cœur.

Il n’y a rien d’autre que la vie, et il vaut la peine de l’explorer jusqu’au bout.






24 janvier 2011

Les temps durs


Lorsqu’il fait froid comme aujourd’hui, on annonce un maximum de -21 et il fait -27 au moment où j’écris, on se dit que les Nord-Américains devraient bénéficier d’une clause «grand froid» selon laquelle on peut prendre congé ces jours-là. On a bien assez de lutter contre toutes sortes de conditions adverses, pourquoi s’obstiner en plus contre la nature qui nous dit «Restez donc près du poêle aujourd’hui!»

Les temps sont durs dans le monde du travail aussi. Ça fait deux ans aujourd’hui que le patron du Journal le plus fermé d’Amérique a mis ses employés sur le trottoir pour les forcer à accepter l’inacceptable. Et tout cela dure parce qu’il est possible de franchir virtuellement le piquet grâce à Internet.

En effet, le texte de la loi anti-briseurs de grève parle de personnes qui entrent dans les lieux de travail pour exécuter la tâche des employés. Mais on sait bien que le travail journalistique aujourd’hui peut s’exécuter à partir de n’importe quel lieu et que les textes et les images voyagent électroniquement. Ne pas adapter le texte pour tenir compte de la réalité technologique n’est-il pas une forme d’hypocrisie?

En tout cas, ce soir, nous braverons le froid, puisqu’il n’y a pas de clause «grand froid», et nous exprimerons notre solidarité envers les employés, qui ne demandent pas mieux qu’une entente raisonnable, et non pas des conditions imposées.

En terminant, j’aimerais me réjouir de l’initiative des femmes qui ont organisé un «allaite-in» dans un centre commercial du centre-ville de Montréal pour protester contre la décision absurde de demander à une femme de quitter les lieux sous prétexte qu’allaiter en public pouvait choquer la clientèle.

Qui cela peut-il bien choquer? Quel ignorant ou quel ahuri peut-il être dérangé par le fait qu’une femme nourrisse normalement son enfant? On cherche en vain une justification à une réaction si étrange. Allaiter son enfant n’est ni déplacé, ni dégoûtant, ni choquant.





17 janvier 2011

Demande-moi de l’aide, et j’en abuserai


J’ai été stupéfait et horrifié de voir comment le gouvernement conservateur a interprété le besoin d’aide en Haïti.

Il s’est employé à développer la sécurité: construction de prisons et formation en sécurité. L’aide canadienne officielle s’est concentrée sur la sécurité! Pas la sécurité alimentaire, pas la sécurité des bâtiments, non la sécurité au sens G20 de Toronto!

Ce qui me stupéfait encore davantage, c’est l’indifférence dans laquelle la population canadienne a reçu cette information. Non seulement le Canada ne fournit pas l’aide véritable dont les Haïtiens ont besoin, mais il se sert de leur pays comme laboratoire pour ses propres fins. Et nous laissons passer ça comme si de rien n’était!

Un malheur n’arrivant jamais seul, après le premier anniversaire du tremblement de terre en Haïti, voilà que Jean-Claude Duvalier (Bébé Doc) retourne dans sa terre natale. Il déclare être venu pour «aider». Décidément, l’aide a le dos large. Il pourrait commencer par rembourser tout ce qu’il a volé au peuple.

Souhaitons que les autorités le jugeront pour ses exactions contre la population haïtienne. Vingt-cinq ans d’exil ne devraient pas suffire à faire oublier les tontons macoutes.





10 janvier 2011

Restants de dinde capitalistes


Lors d’un congrès régional de la région Montréal-Centre du Parti québécois du tout début des années 1990, Jacques Parizeau lui-même mettait les militants en garde contre l’idôlatrie de l’économie, contre ce qu’il appelait très justement «l’économie religion».

Force est de reconnaître qu’il n’a pas été entendu et que non seulement son parti, mais une part de plus en plus grande de la population adhère sur le modèle de la foi à des principes économiques sans fondement.

L’une de ces lubies veut que les impôts ne soient pas une bonne chose. Pourquoi les impôts ne sont-ils pas une bonne chose? Ils permettent de répartir équitablement la richesse, ils assurent que chacun paie sa part selon ses revenus (s’ils sont bien constitués), ils assurent que tous contribuent au bien, à l’éducation et à la santé de l’ensemble de la population et les personnes pauvres en sont exemptées. Malgré tous ces bienfaits, non, le croyant s’est fait dire par le grand-prêtre que les impôts ne sont pas bons, donc il faut moins d’impôts.

Les dogmes de l’économie religion sont toujours les mêmes et ils reviennent régulièrement malgré leur absurdité. Peut-être votre beau-frère vous a-t-il ressorti pendant les Fêtes (d’où le lien avec mon titre) cette vieille couleuvre que je n’avais pas vue depuis longtemps: Imaginez-vous donc que ce serait les riches qui feraient vivre les pauvres!

Inutile de vous obstiner contre le croyant, votre opinion, pas plus que le bon sens et la logique, n’aura aucun effet sur lui. Le riche achète du pain, va chez le nettoyeur, achète des places au théâtre, donc c’est lui qui fait vivre votre tante qui est boulangère, votre voisin qui est nettoyeur et votre cousine qui est ouvreuse.

Ce sont plutôt les millions de clients qui achètent tous les jours dans le supermarché les «cossins» bien emballés de monsieur chose qui le rendent millionnaire, mais le croyant n’en a cure, il s’imagine que les quelques riches achètent tout le pain du monde, monopolisent tous les nettoyeurs, remplissent tous les théâtres et lisent tous les livres de l’Union des poètes.

La force de l’idéologie, c’est de faire adhérer à des choses absurdes et de conduire les gens à agir contre leur propre intérêt, et celui de l’ensemble de la population, au profit d’une classe donnée. Plus que de lutter contre l’absurdité du raisonnement, car la croyance rend acceptable l’aberration, il faut faire voir à qui le crime profite.

À qui ça sert de s’imaginer que les riches sont le moteur de la société? Ça sert aux riches parce que, pendant ce temps-là, les pauvres se tiennent tranquilles et ne réclament pas de réforme sociale. Il faut montrer où sont les intérêts. Et, là, votre beau-frère pourra choisir son camp. Peut-être continuera-t-il à croire que les riches font vivre les pauvres parce que ça fait son affaire et qu’il est de leur côté, mais au moins les choses seront claires.

Plus qu’une lutte d’arguments, ce que nous vivons, c’est une véritable lutte des classes.





25 décembre 2010

Temps des Fêtes


De quoi parlez-vous autour de la dinde de Noël ou de la Saint-Sylvestre?

De la droite dure qui n’en finit plus de nous lessiver le cerveau avec les malheurs des pauvres riches?

Ils ne perdent rien pour attendre, mais pour le moment c’est eux qui ont le gros bout du bâton.

En tout cas, passez de belles Fêtes quand même. N’abusez pas trop. Soyez sages, mais pas trop.

On se reparle le 10 janvier 2011.

Souhaitons-nous paix, santé et solidarité!






20 décembre 2010

Pourquoi je suis athée


En cette période de célébration du solstice, plusieurs se sentent des élans religieux qui alourdissent inutilement la sauce. Aussi je me permets de rappeler ici pourquoi on est athée, en citant ce texte trouvé dans un site dont je ne retrace plus l’origine, mais on verra de semblables déclarations chez les humanistes, les brights, les athées en action, etc.

«Je ne suis pas athée parce que c’est à la mode, ou qu’on opprime les gens au nom d’un dieu quelque part dans le monde, ou encore parce que je vois une contradiction entre l’existence d’un dieu omniscient, omnipuissant et bienveillant, et l’existence du mal. Ni non plus parce que la science réfute l’idée de Dieu.

Je suis athée en raison d’une simple constatation: Le fardeau de la preuve repose sur le croyant.

Si vous postulez l’existence de quelque chose, vous devez suivre la méthode scientifique dans la défense de son existence.

En attendant, je n’ai pas besoin de votre hypothèse.»





13 décembre 2010

Frais de scolarité: pourquoi ils ne servent pas la justice


Nous subissons actuellement un matraquage idéologique et médiatique en faveur de la hausse des frais de scolarité qui repose sur la prémisse fallacieuse qu’il faut les hausser par ce qu’ils sont élevés ailleurs.

Vite, haussons les frais de scolarité! S’ils sont plus élevés ailleurs, les étudiants vont se dépêcher de s’inscrire dans les autres provinces.

Vite, haussons les frais de scolarité! S’ils sont plus élevés ici, les étudiants continueront de s’inscrire. Ce n’est pas grave si ce sont les filles et les fils de bonne famille qui remplaceront les filles et les fils de travailleuses et travailleurs dans les Facultés.

Vite, haussons les frais de scolarité parce qu’il faut bien que quelqu’un paye pour cela. Et c’est bien mieux si ce sont les individus qui paient plutôt que toute la collectivité. Après tout, les études, ça profite seulement à des individus.

En effet, on forme des médecins pour qu’ils aient de bons salaires, pas pour soigner des gens; on forme des ingénieurs pour qu’ils soient acceuillis dans des clubs de golf, pas pour construire des édifices ou des routes. Et, surtout, on ne devrait pas former des philosophes, des géographes ou des travailleuses sociales. Ce ne sont pas des gens qui gagnent beaucoup d’argent! Et les écrivains, ça ne vaut même pas la peine d’en parler.

Vite, haussons les frais de scolarité! Comme ça, les universités pourront utiliser plus de fonds pour les immobilisations!

Vite, haussons les frais de scolarité parce que la formation universitaire, ça devrait appartenir seulement à ceux qui ont les moyens de se la payer!

Vite, haussons les frais de scolarité parce que les entreprises pourront aider celles et ceux qui se préparent à combler uniquement leurs besoins spécifiques.

Vite, haussons les frais de scolarité parce que ça éloignera les parasites qui traînent dans les universités en pensant qu’elles contribuent au développement de la pensée critique et à la création d’un monde différent.

Vite, haussons les frais de scolarité parce que la société n’a pas à payer pour des individus et que les individus n’ont rien à faire de la société. D’ailleurs, la société existe-t-elle?

Vite, haussons les frais de scolarité parce que c’est injuste et que, si on est plus injuste ailleurs qu’au Québec, eh bien, il faut les rattraper!





5 décembre 2010

Vous êtes cordialement invités

par

Les Écrits francs s. a.

www.lesecritsfrancs.com

514-723-0415
et

Francis Lagacé
au lancement de


365 Chrysanthèmes (+ 1)
(recueil de pensées)


à l’occasion d’un
LIVRES ET BRIOCHES



Voici comment ça marche. Vous passez nous voir le dimanche 12 décembre 2010 quand ça vous convient entre 11 h et 14 h. Il y aura fruits, muffins, jus et autres provisions de bouche.

Pour l’occasion, les personnes qui nous rendront visite participeront au tirage, au choix, d’une bouteille de champagne ou d’un dîner au restaurant en compagnie de l’auteur.




AU PLAISIR DE VOUS RECEVOIR!
3217, av. Laurier Est (angle Saint-Michel)
514-723-0415
Métro Saint-Michel (bus 67, direction sud)
Métro Joliette (bus 67, direction nord)

CONTINUEZ À LIRE : IL Y A UN SPÉCIAL POUR VOUS


Avant le spécial, voici quelques exemples de pensées que l’on trouve dans le recueil:


Ne faites pas de sermon en descendant l’escalier de votre observatoire; vous pourriez manquer une marche.

Si je ne dis jamais de mensonge, il peut m’arriver d’habiller la vérité... histoire d’éviter que la vérité toute nue attrape la sinusite ou les hémorroïdes.

La vie, c’est pas mal. Enfin, c’est difficile de comparer avec autre chose.


Il y en a, comme ça, une pour chaque jour de l’année. En commençant par le 1er mai, fête des travailleuses et travailleurs.

Oui, le spécial: les personnes qui viendront au lancement le 12 décembre et qui achèteront un exemplaire de 365 Chrysanthèmes (+1) au prix de 15 $ auront droit gratis à un autre titre du même auteur (voir le catalogue sur www.lesecritsfrancs.com) ou à une réduction de 5 $ sur le titre d’un autre auteur.

Pour les personnes qui ne peuvent venir au lancement, mais qui voudraient profiter du spécial, il leur suffira de passer la commande par courriel au francis.lagace@gmail.com. Toutes les commandes reçues avant 10 heures le 12 décembre permettront de bénéficier du spécial. Vous recevrez vos livres par la poste avec des frais d’envoi de seulement 5,50 $ (soit le coût des billets d’aller et de retour en autobus si vous étiez venus nous voir), ce qui est moins que les frais d’envoi normaux de 3 $ par livre.

De l’intérêt de commander par courriel: Mode de commande facile, il vous suffit d’indiquer dans le courriel le ou les titres qui vous intéressent. Vous n’avez même pas besoin de remplir le bon de commande postal. On vous expédie par la poste le ou les livres choisis avec la facture, qu’il vous suffit alors de régler par chèque. Pas mal, non?

Alors, on vous voit le 12 décembre ou on entend parler de vous par courriel?

Au plaisir !





29 novembre 2010

Pédophilie: la grande noirceur


Le 6 décembre 2009, je publiais dans ma page Facebook la question suivante: « Cas d’école: Vous découvrez que quelqu’un de votre famille est pédophile. Vous l’avez vu poser des gestes sans aucune équivoque sur des enfants si jeunes qu’ils ne disposent pas encore de la parole. Mais comme vous êtes seul témoin, votre parole n’a aucune valeur. Vous n’êtes qu’un socialiste athée, alors que le bourreau est une sainte personne qui va à la messe tous les dimanches. Que pouvez-vous faire?»

À part une qui parlait de violence, les réponses obtenues à ce problème scolaire font état des recours normaux dont dispose toute personne témoin d’une pareille situation. Cependant, une lettre reçue de l’un de mes correspondants rappelle qu’il existe parfois des contextes sociaux plus étouffants que d’autres.

Après de longues discussions et avec l’accord de celui que nous appellerons ici Olivier (les noms ont été changés), je publie cette lettre qui m’est arrivée assez lontemps après l’exposition du cas d’école. Je l’ai légèrement éditée.

«Francis, j’ai attendu longtemps avant de vous écrire. J’ai été troublé par votre cas d’école, car j’ai l’impression qu’il a été écrit exprès pour moi. Je me suis complètement reconnu dans votre description.

Il y a plus ou moins 10 ans, j’ai surpris mon père avec dans la bouche le sexe de mon neveu qui n’avait alors que 10 mois. C’est un geste sans aucune équivoque. Mais, j’ai été tellement sonné que je n’osais pas y croire. J’ai commencé par douter de ce que j’avais vu.

Quand je l’ai confronté, il a nié complètement et m’a dit que j’inventais des histoires. J’avais beau dire que j’avais bien vu ce que j’avais vu, il m’a dit qu’il n’avait rien fait de cela et que je fabulais.

Quand j’en ai parlé à ma mère, elle a dit en riant: "Voyons donc! Ton père est beaucoup trop innoncent pour faire des affaires de même!"

J’ai donc décidé d’en parler à ma sœur Violaine (c’est la mère de David, mon neveu), qui m’a dit que je fabulais comme d’habitude, que j’avais toujours été un révolté et que je cherchais à faire du tort à un saint homme, doux et bon, qui va à la messe tous les dimanches et qui s’offre si gentiment des fois pour garder les enfants. Elle a ajouté que cela ne la surprenait pas parce que, résidant à Montréal, j’étais devenu méchant et méprisant envers les gens de la campagne et surtout envers les chrétiens.

J’ai proposé qu’on appelle la police, qu’il ne fallait pas laisser passer quelque chose comme ça. Elle a répliqué qu’elle n’accepterait pas qu’on lance de fausses accusations contre son père, que peut-être j’avais comploté cette histoire avec mon autre sœur Mélanie, celle qui habite aussi Montréal, mais que tout le reste de la famille témoignerait contre moi.

J’ai insisté et elle m’a finalement déclaré: "Même si c’était vrai, c’est pas si grave. Il se souviendra pas de ça, quand il sera grand. Je vais parler à papa, puis tu vas voir, ça se peut pas qu’il ait fait ça."

J’ai écrit à ce sujet à la DPJ de la région, mais on m’a répondu: "Devant des versions contradictoires, si vous êtes seul contre tout le monde, et le peu de faits à rapporter, et le nombre important de cas à résoudre, il est peu probable que l’on puisse faire quoi que ce soit."

Je ne vois plus personne de ma région. Ma mère est morte peu longtemps après les événements. Ma sœur Mélanie, après que je lui aie raconté les faits, m’a avoué avoir été victime de mon père pendant son enfance, mais qu’elle n’avait jamais osé en parler. Elle suit des traitements. J’ai appris que les autres de la famille la traitaient de folle en disant que c’est moi qui lui avais mis ça dans la tête. Des fois, il n’y a rien à faire.

Excusez-moi de cette lettre bien négative, mais ça m’a fait du bien d’en parler.»

Ce témoignage méritait, je crois, d’être publié parce qu’il illustre mon sentiment qu’on sous-estime beaucoup le rôle des familles dans les histoires de pédophilie. Les structures sociales qui se veulent cohésives résistent beaucoup aux attaques qui viennent nier leur unité. La tendance naturelle n’est pas à protéger l’agressé, mais à sauver à tout prix la structure. C’est ce qu’on a observé quand un membre de l’Église était accusé.

Socialement, ce sont ceux qui dénoncent les pédophiles qui subissent l’opprobre du coupable. En effet, ce sont eux qui brisent la fausse harmonie des familles, des clans, des organisations, des églises. Il n’est que de voir le traitement ignominieux que l’on a réservé à Nathalie Simard lorsqu’elle a enfin franchi le douloureux cap de l’aveu. Ce sont les victimes que l’on tourne en dérision souvent. On en veut aux victimes de détruire une image réconfortante et la rage que l’on tourne contre eux est proportionnelle à l’attachement que l’on a envers cette image.





22 novembre 2010

Les incongruités royales canadiennes


Henri III de Navarre est devenu Henri IV de France puisque, selon la citation célèbre, «Paris vaut bien une messe». Mais sait-on qu’Élizabeth II d’Angleterre est en fait Élizabeth première du Canada?

Jusqu’en 1982, année du rapatriement de la Constitution, c’est le titre de reine d’Angleterre qui assurait à Élizabeth son titre de reine du Canada. Bien que pays indépendant depuis le statut de Westminster en 1931, le Canada était resté attaché, de son plein gré, à la couronne britannique et n’avait pas rapatrié l’Acte de l’Amérique du Nord Britannique, qui lui servait de constitution. Le Dominion canadien était donc devenu un pays indépendant, mais toujours soumis à la Grande Bretagne pour ce qui est de sa loi constitutionnelle.

Ainsi le roi Georges V, alors souverain de Grande Bretagne et empereur des Indes, était toujours le roi du Canada.

Ce qui a changé en 1982, c’est l’appropriation de la Constitution canadienne par le Canada et l’adoption d’une formule d’amendement qui éliminait le recours au parlement anglais. Le Canada se constituait donc lui-même, avec la nouvelle Loi constitutionnelle, en monarchie constitutionnelle, en royaume sous la souveraineté d’Élizabeth II d’Angleterre, qui de ce fait devenait Élizabeth I du Canada.

Sur les pièces de monnaie, on voit toujours Élizabeth II par la grâce de Dieu, reine, mais depuis les changements apportés par le gouvernement Trudeau en 1982, nous devrions y trouver Élizabeth I par la grâce de Dieu, reine. C’est le moment de rappeler au passage que la constitution canadienne se légitime par la suprématie de Dieu et du droit. Foin du peuple et des incroyants!

Et si Charles vient à régner, il sera Charles III d’Angleterre et Charles I du Canada, mais qui s’en soucie? Combien de Canadiens savent que leur pays est un royaume et que leur régime est celui d’une monarchie?






15 novembre 2010

À quoi sert l’État?


Il y a ceux qui croient que l’État sert uniquement à construire les routes et à assurer la sécurité du territoire. Pour ceux-là, il y aura toujours trop d’État.

Mais l’État est le meilleur outil collectif pour répartir la richesse, pour assurer l’équilibre entre les forces sociales, pour assurer l’accès de tous aux soins de santé, à l’éducation, pour assurer la justice sociale et éviter de laisser les démunis aux bons soins de la charité qui choisit les bons pauvres et laisse crever les autres.

Toutefois, quand on parle de la taille de l’État, pour certains, cela signifie la lourdeur de l’appareil bureaucratique. Il n’est donc pas sûr que ceux qui veulent réduire la taille de l’État veuillent en réalité moins d’État, mais plutôt qu’il soit plus efficace. Reste à savoir si on est conscient qu’il faut un certain nombre de fonctionnaires pour accomplir justement les fonctions de l’État. Que l’appareil semble lourd, cela relève souvent du sentiment plus que de l’analyse de la situation.

En tout cas, je prendrais avec un grain de sel le sondage publié dans Le Devoir de la fin de semaine des 13 et 14 novembre, compte tenu de la nuance exprimée plus haut et compte tenu que ce n’est pas la majorité qui parle de réduire la taille de l’État (44% ce n’est pas encore la moitié).

L’article qui annonce les résultats du sondage nous dit qu’il y avait autant de mesures de gauche que de mesures de droite proposées dans le questionnaire. À l’analyse, je n’en retrouve pourtant que trois qui soient vraiment à gauche, soit augmenter le budget dédié à l’éducation, augmenter le budget des transports collectifs et augmenter les dépenses des programmes sociaux quitte à augmenter les impôts.

Les autres propositions sont soit carrément à droite, soit contiennent des présupposés de droite. En effet, quand on propose «Réduire le recours à la sous-traitance du secteur privé par l’État», on ne parle pas de mesure de gauche, là, on ne fait que nuancer une mesure de droite. Cette proposition contient le présupposé qu’il faut recourir dans une plus ou moins grande mesure à la sous-traitance. Une proposition de gauche aurait été «Éliminer le recours à la sous-traitance du secteur privé par l’État».

La même analyse s’applique aux propositions qui parlent de réduire la latitude des entreprises privées dans l’exploitation des ressources naturelles et de limiter la place du privé en santé.

Voilà qui démontre encore une fois les limites des sondages sur les questions complexes, où l’opinion est rarement distinguée du sentiment et où les présupposés ne sont pas explicités.





10 novembre 2010

Proportionnelle: plus de 30 ans de retard


Il est assez désolant de constater que l’Assemblée nationale du Québec ne comporte toujours pas de volet proportionnel alors qu’études après études, commissions après commissions, tous les résultats raisonnables convergent vers cette nécessité.

Tant le Parti libéral, que le Parti Québécois l’ont promis à tour de rôle pour se faire élire et ont préféré ne pas toucher à la carte électorale au moment où elle les favorisait.

L’ADQ et Québec Solidaire n’ont jamais été au pouvoir, mais ils sont bien entendu en faveur d’une représentation qui comporte une proportionnalité puisqu’elle permet à des formations plus petites d’être mieux représentées. On ne saurait être contre la prise en compte de la diversité des courants politiques.

Et voilà que le gouvernement du Québec veut, par son projet de loi 132, suspendre les pouvoirs du Directeur général des élections de redécouper la carte électorale. Le prétexte, cette fois-ci, est de conserver certaines circonscriptions dans les régions moins peuplées.

Il existe pourtant des solutions à cette situation, qui ont été maintes fois évoquées. Une forme de proportionnelle qui tient compte d’une modération régionale permet de maintenir le poids des régions tout en respectant la valeur du vote de chaque électeur.

Le Mouvement pour une démocratie nouvelle s’est fait le défenseur de telles solutions et de nombreux groupes y ont apporté leur soutien. Ne serait-il pas temps que le gouvernement fasse enfin preuve de bon sens et de réalisme pour favoriser la démocratie avant la partisanerie?





2 novembre 2010

Sentiments palestiniens


On n’a pas tellement envie d’être objectif quand on rentre de Palestine et que l’on constate la différence si flagrante entre l’accueil chaleureux et généreux des Palestiniens et la froideur arrogante de l’occupant même quand on rencontre banalement ce dernier sur son terrain.

On se dit que le dérangement causé par trois ou quatre vérifications à des check-points quand on y est en visiteur n’est rien en comparaison de l’usure que doit représenter ces contrôles répétés jour après jour, plusieurs fois par jour, sur le chemin de son propre travail. Et quelle frustration ne doit-on pas ressentir quand on se fait dire de rebrousser chemin sans aucune raison.

On se demande pourquoi une personne à la peau foncée et au nom indien ou arabe est par définition plus dangereuse qu’un blanc au nom occidental. Et on s’indigne de constater que celui-là est obligé de décliner les noms de ses parents et grands-parents pour se voir autoriser à visiter la Palestine.

On est frappé par le profilage qu’exercent de jeunes militaires à peine sortis de l’enfance, à peine capables de porter la mitraillette chargée à bloc qu’ils traînent en bandoulière, lorsque à la porte de Damas à l’entrée de Jérusalem, ils arrêtent les jeunes qui ont l’air arabe et se plaisent à leur demander leurs cartes et papiers qu’ils semblent feuilleter avec dégoût.

On ne comprend pas comment des colons s’autorisent à cueillir les olives d’un voisin palestinien pour se les approprier.

On est frappé de stupeur quand on voit se mur de 730 kilomètres qui sépare des familles, des amis, des champs, des travailleurs de leur emploi, des élèves de leur école.

On se félicite de son sang-froid quand on s’est réveillé dans un autocar avec le canon d’une mitraillette sous le nez et qu’on n’a pas bronché, quand on sait qu’un cri aurait pu énerver le doigt sur la gâchette du soldat entré dans le véhicule pour nous contrôler alors qu’on s’était endormi inopinément.

On frémit devant les posters énormes qu’arborent les murs de l’aéroport de Tel-Aviv, invitant les Israéliens et autres à coloniser la Palestine pour récupérer cette «terre perdue», pour assurer le «futur de la nation».

Mais on rentre au pays avec dans la tête des images d’un pays superbe, aux collines plantées d’oliviers, aux troupeaux de vaches et de moutons paisibles, aux villes paradoxales où se côtoient chantiers nouveaux et secteurs désolés par la démolition.

Mais on rentre au pays avec dans le cœur ces regards bons et pénétrants, ces mains chaleureuses, ces sourires francs, ces repas partagés, ces salutations cordiales, ces discussions passionnées avec un peuple généreux et fier, qui a bien raison d’affirmer: «Nous ne sommes pas meilleurs que les autres peuples, mais aucun peuple n’est meilleur que nous.»





25 octobre 2010

Boudeurs de démocratie: victimes consentantes?


Je les appelle des «boudeurs de démocratie». Ces personnes qui disent refuser de voter parce qu’elles considèrent que tous les politiques sont véreux.

Ces personnes entonnent avec les animateurs de la radio poubelle les hymnes libertariens où il est question de moins d’État et de plus de liberté personnelle. Ces personnes n’accordent leur confiance qu’à des partisans de droite dure et, quand elles votent, ce sont pour des porte-parole qu’elles admirent pour leur franc-parler, entendez par là, leur langage peu respectueux envers les démunis et les bénéficiaires des lois sociales.

Sous prétexte que tous les politiques sont des pourris, les boudeurs de démocratie donnent leur confiance sans réserve à des candidats farfelus, électrons libres et autres aberrations politiques qui ne sont là que pour leur gloriole personnelle et qui n’ont rien à cirer du bien-être de la population. Ils sont prêts à appuyer des partisans de coupes sombres dans les services de l’État et gobent sans s’en rendre compte un discours contradictoire qui prétend qu’on paie trop d’impôts. Or, les impôts ne cessent de diminuer, et c’est bien pour cela que l’État peine à trouver les moyens d’accomplir sa mission sociale, bien qu’il ne se gêne pas pour aider l’entreprise avec l’argent des contribuables.

Les boudeurs de démocratie que, dans le récent numéro d’À Babord, on a appelés les «cols rouges» (numéro d’octobre-novembre 2010, sous la plume de Maxime Ouellet) appuient finalement ceux qui leur veulent le plus de mal, sous prétexte que tous les politiciens sont pareils. Les pages Facebook des boudeurs de démocratie sont très éloquentes. Dans la même page, on trouve sous la rubrique Opinion politique l’expression suivante «Ce sont tous des crosseurs» et un peu plus bas leur admiration pour un hérault de la droite pétri d’ambition individuelle.

Les boudeurs de démocratie n’ont-ils donc que ce qu’ils méritent? Il serait facile d’ironiser et de les condamner en bloc pour leur manque de clairvoyance. Mais il convient surtout de constater qu’ils sont l’illustration de l’implacable aliénation produite par l’idéologie néolibérale. L’idéologie de la liberté individuelle et d’entreprise, qui nie la responsabilité sociale et fait perdre de vue les conséquences de l’abandon de chacun à son sort, dont l’appauvrissement des plus pauvres, l’enrichissement des plus riches, la déperdition de l’équilibre écologique et le kidnapping des ressources sociales par les partisans du tout à l’économie.

L’aliénation si bien décrite par les marxistes est un phénomène prégnant dans notre société dominée par l’idéologie capitaliste, et les boudeurs de démocratie en sont l’illustration la plus flagrante et la plus triste. Notre travail ne doit pas se limiter à essayer d’influencer leur comportement; nous devons contribuer à la prise de conscience.

L’aliénation n’est ni de la méchanceté ni de la bêtise, mais le résultat d’un long processus, et elle est très difficile à détisser dans ce monde où seul ce qui a une valeur marchande existe et où le comportement consommateur donne l’illusion de la liberté.





19 octobre 2010

Altres pensaments


Je pensais bien aujourd’hui trouver dans l’actualité suffisamment de munitions pour me faire un billet sur un sujet neuf.

En fait, je suis toujours consterné par l’affligeante propension des médias à rebrasser le même et le pareil.

Surtout, je suis franchement dégoûté de voir la disproportion effarante accordée à la canonisation du «frotteux» de l’Oratoire face aux revendications légitimes des femmes qui ont été portées pendant cette belle manifestation dans les rues de Rimouski.

Et voilà en plus que je tombe sur Patrick Lagacé, dans le site de Cyberpresse, qui croit naïvement, comme le font les croyants, que l’appui sur des explications rationnelles est une croyance. Les croyants sont forts. Ils ont réussi à faire croire que l’athéisme est une croyance.

La position scientifique n’est pas une croyance. C’est le refus de se déterminer quand il n’existe pas de preuve. C’est un comportement logique. Un comportement logique n’est pas une croyance. Ça consiste à dire: «Je ne crois rien. Je vérifie.» Quand on a vérifié, on peut dire : «Je sais» ou on peut dire : «Je ne sais pas.» Ne pas savoir, ce n’est pas croire non plus.

En tant qu’athée, je sais qu’il n’y a pas de dieu pour la simple et bonne raison que l’hypothèse dieu est inutile. Elle ne sert à expliquer aucun phénomène. L’effet placebo joue déjà fort bien ce rôle.

L’esprit scientifique ne croit pas qu’il y a une explication naturelle à toute chose. Il sait qu’il n’y a rien d’autre que la nature. En effet, si autre chose existait, eh bien c’est autre chose existerait et il serait encore la nature. Quand Dieu descendra de son OVNI rutilant pour venir me dire qu’il existe, j’ajusterai mes théories pour l’y inclure, c’est tout. Il sera tout aussi étudiable que tout le reste. Mais, à votre place, je ne parierais pas sur l’éventualité de cet événement. Vous allez gagner un million de fois le gros lot du 6/49 avant!

Finalement, je reviens à mes impressions barcelonaises, qui me font tant de bien.

Plusieurs tourniquets du métro barcelonais ont visiblement été conçus par un ou des gauchers. On doit y passer la carte à main gauche et entrer à leur droite. Les tourniquets conçus par et pour les droitiers, comme c’est le cas à Montréal, obligent à passer la carte sur le côté droit et à entrer à gauche du boîtier.

Toujours soucieuse de bien respecter le public, la société des transports barcelonais a fait coller des flèches sur les tourniquets pour indiquer où l’on doit passer et a même ajouté cette phrase d’excuses: «Pardon pour les inconvénients».

Eh bien, moi j’aurais aimé qu’on ne présente pas d’excuses. C’est très agréable d’avoir des tourniquets qui me conviennent. C’est une excellente chose que les droitiers se plient de temps à autres à des façons de faire auxquelles ils ne sont pas habitués.

Merci encore, Barcelone!





12 octobre 2010

Pensaments barcelonesos


Au retour de mon trop bref séjour à Barcelone, je me dis que Montréal aurait beaucoup à apprendre de cette ville si conviviale. Certes, nous n’avons pas son ancienneté ni la richesse de son architecture.

Tout y est splendeur. Je n’ai jamais vu une ville si accueillante pour les visiteurs. Tout y est indiqué d’une façon claire et pratique. Partout on trouve des flèches indiquant aux piétons les points d’intérêt à proximité. L’aménagement même des lieux en facilite l’accès.

Les transports en commun sont remarquables: rapides, fréquents, efficaces et d’un confort inimaginable. Que ce soit en train, en métro, en tramway, en autobus ou en funiculaire, l’on sait toujours à quelle station on se trouve, quel est le chemin parcouru et vers quelle station on se dirige sans même avoir à le demander ni à attendre les messages audios fort clairs et faciles à comprendre, qu’ils soient en catalan ou en espagnol.

La ville fait des efforts de propreté et facilite les comportements civiques en multipliant les poubelles et les bacs à recyclages, bien placés et bien identifiés, même sur les plages. Des affiches humoristiques incitent les usagers à se servir des poubelles. Exemple: «La marche sur le sable est bonne pour la santé; rendez-vous donc à la prochaine poubelle.» ou encore: «Essayez la poubelle-thérapie: vous y videz tous vos déchets, et vous vous sentez tellement mieux après.»

Si tant d’efforts sont déployés pour accueillir et bien servir le visiteur, je me dis que le touriste pourrait à son tour faire une petite part pour montrer son intérêt envers les citoyens et le pays qu’il visite. Vous trouverez toujours quelqu’un qui pourra vous parler en espagnol, en français ou en anglais, mais pourquoi pas apprendre quelques mots de catalan?

Peu importe le pays que je visite, si je dois y séjourner une semaine ou plus, j’essaie en général d’apprendre trois mots de la langue locale, lesquels permettent d’entrer contact. Je dis trois mots, mais il s’agit de six expressions de base: «Bonjour» «Pardon» «Je cherche...» «S’il vous plaît» «Merci» «Au revoir». Le vocabulaire des nécessités vient compléter ces expressions: les toilettes, le pain, l’autobus, le jardin untel, etc.

Ce n’est presque rien, et cela montre que vous avez un minimum d’intérêt pour les gens qui vous reçoivent. Cela a en général l’effet de bien les disposer au premier abord à votre égard.

La crise et les mouvements sociaux

En Espagne comme ailleurs, les gouvernements subissent des pressions de la part du capital pour amoindrir les bénéfices des travailleurs et augmenter ceux des entreprises. En réaction aux mesures proposées par le gouvernement pourtant socialiste (diminution des pensions, réduction des jours d’indemnités...) les syndicats ont appelé à une journée de grève sociale le mercredi 29 septembre dernier.

En Catalogne, on a appelé cette journée, la vaga general (grève générale). Étant sur place, mon conjoint et moi y avons bien sûr participé en refusant de faire quelque transaction commerciale que ce soit et en ne faisant appel à aucun service qu’il soit municipal, étatique ou autre.

Il y a eu trois manifestations à Barcelone: la première à midi regroupait des dizaines de milliers d’étudiants et jeunes. La deuxième un peu toute la journée regroupait quelques dizaines d’anarchistes. La troisième le soir (18 h, mais c’est l’après-midi pour les Catalans) regroupait toutes les précédentes et, d’après les syndicats, a réuni 400 000 travailleuses et travailleurs.

La police en a profité pour investir les locaux désaffectés de la Banque de crédit espagnole, qui était squattée par de jeunes anarchistes, ce qui a causé des heurts. Et, naturellement, le lendemain, la couverture médiatique était aussi affligeante que chez nous insistant sur quelques voitures brûlées et quelques vitrines cassées, minimisant l’importance des commerces qui n’ont pas ouvert leurs portes (à vue de nez près de 80%) et ne disant à peu près rien des revendications des travailleurs.

Le gouvernement, hélas, a dit qu’il maintenait le cap. Quand on sait que les autres partis sont plus à droite, ce n’est pas très encourageant.

Les propos anti-syndicaux des anarchistes m’ont laissé perplexe. Qui, sinon les syndicats, pourra revendiquer les droits démocratiques? Je suis toujours mal à l’aise devant la prétention à instaurer un monde sans démocratie représentative. Le capitalisme n’est pas lié à la démocratie ni même au commerce. La démocratie existait avant le capitalisme, le commerce aussi.

Certains des graffitis étaient fort amusants: «Si vous voulez un cancer, entrez ici» devant un magasin de communications électroniques; «Plus de mode, moins de cervelle» sur la vitrine d’une boutique de produits de beauté.

D’autres étaient plutôt inquiétants: «Tourists go home» dans le centre et sur les plages ou «Go back to China» sur les commerces des centres touristiques.

Le cas du racisme est entendu. Il n’a sa place nulle part.

Pour ce qui est du tourisme, s’y objecter, c’est s’opposer à la libre circulation des personnes, un droit pourtant fondamental. Plutôt que d’accuser le tourisme, n’est-il pas préférable de faire la promotion d’un tourisme responsable?

Heureusement, de tels graffitis étaient l’exception. La majorité dénonçaient l’hypocrisie des gouvernants et des financiers, qui nous imposent leur crise et veulent ensuite nous la faire payer.

Merci, Barcelone, pour m’avoir permis ces quelques réflexions.

Fins aviat!





20 septembre 2010

Illusions déçues


La révolution n’a eu lieu qu’en chanson

Dans son émission radio du samedi matin 18 septembre 2010, Samedi et rien d’autre, Joël Le Bigot a évoqué les années 60 et 70 à l’occasion du 40e anniversaire des événements d’octobre, qui, comme on le sait, ont commencé en septembre 70.

Il a fait jouer quelques chansons de l’époque. Nous rêvions beaucoup en ce temps-là. Stéphane Venne écrivait de belles chansons qui représentaient ces rêves. C’est le début d’un temps nouveau, croyions-nous avec la voix dynamique de Renée Claude.

Une autre chanson, chantée par Isabelle Pierre, Les enfants de l’avenir, contenait ces paroles, que nous espérions prophétiques: «Les enfants de l’avenir se feront des jardins dans le ciel».

Hélas, nous n’avons pas tenu nos promesses, et les enfants d’aujourd’hui doivent plutôt nager dans les sables bitumineux. Quel gâchis!

L’industrie de la mort

On a appris, dans les nouvelles, que des militaires états-uniens, lors de leur mission en Afghanistan, se sont amusés à tuer et torturer des civils.

Tout le monde est scandalisé et écœuré. C’est normal. Mais pourquoi donc êtes-vous étonnés? Moi, je ne le suis pas du tout.

Quand on envoie des jeunes, qui ne savent rien de la vie, dans un pays qu’ils ne connaissent pas en leur disant qu’ils ont le droit de tuer, on ne manque pas de leur bourrer le crâne de propagande qui déshumanise l’ennemi et «toute sa race», comme on disait autrefois. On justifie le meurtre et on ne se prive pas de considérer l’ennemi comme un sous-humain. C’est ce que les va-t’en-guerre font de toute éternité.

Je suis fermement convaincu que toutes les armées de tous les pays du monde, lorsqu’elles font la guerre, trouvent en leurs rangs des personnes susceptibles de tels dérapages. L’industrie de la mort ne peut pas exister autrement. Quand on justifie le meurtre, on le rend acceptable et bon.

C’est absolument désolant, mais aucunement étonnant. Vous comprenez maintenant pourquoi je suis antimilitariste.


Vacances: Je prendrai de courtes vacances dans les deux prochaines semaines. Le billet sera de retour dans la semaine du 10 octobre.




13 septembre 2010


Amateurisme


N’est-ce pas un manque de jugement manifeste, cette décision d’accorder des funérailles nationales au défunt ministre Claude Béchard?

Certes, ce dernier se démarquait de ses collègues, étant l’un des rares ministres dont la population a su retenir le nom. Mais outre cela, il ne faut pas confondre personnalité et importance historique du service public.

Attribuer un tel honneur sur la base de l’estime personnelle du premier ministre, c’est dévaloriser les gestes étatiques.





7 septembre 2010

Vérité et intentions humaines


Certains disent la vérité pour faire plaisir;
certains disent la vérité par méchanceté;
d’autres disent la vérité parce que c’est la vérité.

À tous ceux-là, on peut trouver une justification bonne, mauvaise ou morale.


Certains cachent la vérité pour faire plaisir;
certains cachent la vérité par méchanceté;
d’autres cachent la vérité parce que c’est la vérité.

Aux deux premiers, on peut trouver une justification bonne ou mauvaise.

Mais aux derniers, on ne saurait trouver de justification.






30 août 2010

Gaz de schiste: comment dire oui et non en même temps


D’un côté le gouvernement annonce qu’il y aura des consultations du Bureau d’audience publique sur l’environnement (BAPE); de l’autre il précise qu’il n’y aura pas de moratoire sur l’exploitation de ces gaz. Aussi bien dire que les consultations ne serviront à rien puisque rien n’arrêtera le développement.

D’un côté, on nous dit que ces consultations aideront à rédiger la loi sur les hydrocarbures, mais de l’autre on nous dit que c’est une formidable opportunité d’exploiter du gaz naturel québécois. On nous dit même que le choix est fait de créer des emplois avec cela. Autrement dit, la loi arrivera trop tard parce que le mal sera déjà fait: l’exploitation aura commencé et sera bien avancée.

On veut même mettre en ligne un site web qui «démystifiera ce qu’est le gaz de schiste». Donc, la décision est déjà prise de considérer cette exploitation gazière comme très bonne. Il reste juste à éclairer le bon peuple par de la propagande.

La santé, l’environnement, l’avenir de la planète: que sont ces billevesées devant le sacro-saint développement économique?





23 août 2010

Fourberies


Même décantée, l’actualité ne cesse de faire enrager. Deux déclarations de la semaine dernière me serviront ici d’exemples.

1. Ironie cardinalice

Quand le cardinal Marc Ouellet de Québec s’excuse d’avoir fait de la peine à des gens, la raison qu’il donne est «que le discours de la vérité n’est pas toujours bienvenu». Eh bien, des excuses comme ça, on s’en passerait.

En clair, ça veut dire qu’il s’excuse d’avoir raison. Plus fourbe que ça, tu meurs.

Le petit détail oublié là-dedans, c’est que s’il y a une institution qui a des problèmes avec la vérité, c’est bien l’Église.

À qui a-t-il fallu 300 ans avant de reconnaître que la terre n’est pas au centre du cosmos? Le discours de la vérité n’a jamais été bienvenu dans l’Église qui ne s’est pas gênée pour brûler ceux qui ne pensaient pas comme elle.

Et qui est encore incapable d’accepter une vérité simple comme le fait que l’homosexualité est normale.

Et qui est encore incapable de reconnaître qu’elle a protégé des pédophiles?

Et qui est toujours incapable de dire à ses fidèles que la prière n’a aucun effet?

Marc Ouellet aurait dû préciser sa phrase: «Le discours de la vérité ne me plaît pas.» Voilà ce qu’il aurait dû dire.

2. La folie automobile

Le ministère des Transports a reconnu qu’il y a eu des morts à cause de la nouvelle réglementation permettant le virage à droite aux feux rouges. Pis encore, il a reconnu que cela était prévisible parce qu’on avait étudié ce qui se faisait ailleurs.

Alors, tous les beaux discours qui consistaient à dire que «partout dans le monde», ça se faisait sans avoir aucun effet négatif, étaient des mensonges. D’abord, tout le monde savait que «partout dans le monde» signifiait aux États-Unis et au Canada, aussi bien dire à peu près nulle part au monde.

Mais puisque les experts savaient que cette nouvelle réglementation causerait un certain nombre de morts de plus, aussi peu nombreux soient-ils, il fallait refuser de la mettre en vigueur. Chaque mort causée par l’automobile est une mort de trop.

Mais non, on a préféré faire plaisir à quelque lobby en mal de satisfaire la volonté d’épargner deux secondes aux arrêts obligatoires. Et qui sont les victimes? Les piétons et les cyclistes, ces vilains adeptes d’un transport propre.

Mais, qui aujourd’hui se révolte contre la fourberie? Elle est si bien banalisée.






16 août 2010

Réflexions québécoises


J’arrive de Québec où j’assistais au colloque biennal de la Coalition of contingent academic labor (COCAL), sorte de coalition des chargés de cours de l’Amérique du Nord (Canada, Québec, États-Unis, Mexique), organisé cette année à l’Université Laval par le Syndicat des chargées et chargés de cours de l’Université Laval (SCCCUL-Fneeq-CSN).

Quelques faits du séjour ont suscité les réflexions suivantes:

1. Si peu utile télé

Chaque fois que je reste dans un hôtel, j’en profite pour pitonner la télé et voir ce qu’on y présente. Sur 40 chaînes, j’ai trouvé trois ou quatre types de contenus déclinés en dizaine de variations à peine différentes les unes des autres.

Et ce qui frappe dans ces contenus, c’est le caractère franchement affligeant de banalité et d’indigence intellectuelle.

Même les chaînes d’information continue préfèrent le bavardage et la superficialité «pipolisante» aux faits et à l’analyse.

Une autre occasion de confirmer que l’abandon du câble par notre ménage, il y a une quinzaine d’années, a été une très sage décision, économie à la fois de sous et de temps.

2. L’entrée dans le monde adulte

On peut concevoir que d’atteindre 18 ans soit une occasion de fêter pour un jeune. Cet âge confère des droits et des libertés qui font entrer le jeune dans le monde adulte. Il est donc compréhensible qu’on ait envie de célébrer ça avec des amis ou la famille si on s’entend bien avec elle.

J’ai toutefois été confronté à un étrange phénomène lorsque j’ai rencontré un gars qui invitait de parfaits inconnus à venir le joindre dans sa petite ville de la région de Québec pour célébrer cet événement. Il s’adressait à tous ceux qu’il rencontrait et leur offrait de leur payer à boire, même à moi, qui visiblement à cause de mon âge et de mon habillement n’avais que peu de rapport avec l’idée qu’un jeune de 18 ans doit se faire d’un copain de sortie.

Est-ce ainsi que les jeunes des petites villes soulignent ce passage? Je préfère croire que c’est un cas isolé. Mais, là encore, ne faut-il pas être malheureux chez soi pour avoir ainsi besoin de souligner publiquement, avec éclat et auprès de personnes qui nous sont étrangères, cette entrée dans le monde adulte?

J’en suis resté perplexe... et inquiet pour ce jeune homme.

3. La lutte des classes

Je termine en parlant tout de même du colloque. Il fait bon constater que l’ensemble des participants sont tombés d’accord que les luttes contre la discrimination, particulièrement celle basée sur le type d’emploi, relèvent d’un phénomène plus large, soit celui de la domination capitaliste.

Il était particulièrement rafraîchissant d’entendre les jeunes de l’ASSÉ (Association pour une solidarité syndicale étudiante) affirmer haut et fort que ce qui nous oppose aux gouvernants et à ceux qui les financent et nous appauvrissent, c’est notre différence de classe. Nous ne pourrons pas nous entendre avec eux, ces dirigeants, car leurs intérêts de classe sont contre les nôtres. C’est pourquoi nous sommes d’accord, enseignants, étudiants, syndicalistes, pour que notre lutte ne se limite pas aux conditions de travail, mais se porte aussi sur le plan politique.





9 août 2010


Réflexions françaises


De retour d’un bref séjour à Paris, j’ai rapporté comme d’habitude plein d’idées pour alimenter ma réflexion. Je me contenterai ici de deux sujets.

1. Devant l’innommable

Pendant que j’étais là, j’apprends à la radio et à la télé qu’on a découvert huit cadavres de bébés assassinés à leur naissance par leur mère. La dame était de forte taille et ses grossesses passaient inaperçues. Elle a accouché à la maison et s’est débarrassé chaque fois du bébé en l’étouffant. Le mari dit qu’il ne s’est aperçu de rien. Mais comment fait-on pour accoucher à la maison, en secret de son mari, huit fois? De plus, les cadavres ont été enterrés superficiellement pour certains et la majorité étaient dans des sacs de plastique quelque part dans le garage.

Le tout s’est produit dans un petit village. La réaction des habitants donne à réfléchir. Le premier réflexe a été de dire: «J’espère qu’on ne fera pas une mauvaise réputation à notre commune à cause de ça.» On s’inquiète de ce que les méchants de la ville vont penser des gentils villageois.

La deuxième réaction générale a été: «Il ne faut pas juger ces gens-là. C’est terrible, mais rien ne laissait deviner ce qui se passait. C’était des gens très aimables.»

Je veux bien qu’on ne juge pas la pauvre dame. Sans doute était-elle fort malade. Il reste que de ne rien voir pendant toutes ces années et que de blanchir le monsieur si rapidement, c’est tout un mouvement de solidarité campagnarde, non?

En tout cas, c’est vrai qu’à la campagne, les gens ont peu tendance à se dénoncer les uns les autres. Chacun aurait trop à y perdre.

2. Les critères varient selon qu’on est hétéro ou homo

Je suis allé voir un charmant petit film argentin, dont le titre est Plan B. Il s’agit d’un jeune homme jaloux de voir son ex sortir avec un autre. Il décide secrètement de devenir copain avec ce nouvel ami de sa blonde dans l’espoir de trouver une façon de l’écarter d’elle.

Il obtient ce qu’il veut. Le gars s’éloigne et la fille n’en fait pas grand cas. Mais, notre héros est pris à son propre jeu, car il tombe amoureux du gars.

J’avais lu la critique dans Le Monde. Le chroniqueur disait qu’on pouvait éviter le film. Son principal défaut, d’après notre critique, étant que le réalisateur s’attarde trop aux corps des protagonistes masculins.

C’est assez piquant sous la plume d’un chroniqueur français, quand on sait que si le réalisateur s’était attardé aux corps des actrices, il en aurait fait une qualité. Comme quoi les critères esthétiques peuvent ne pas relever vraiment de l’esthétisme, mais de l’hétérosexisme.





19 juillet 2010

Réunion de famille


--Dans ma famille, tout le monde s’entend bien. Il suffit seulement dans nos réunions que personne ne parle de sexe, de politique ni de religion, dit l’un.

--L’autre répond: C’est bien la preuve que personne ne s’entend et que vos réunions de famille ne sont que des rencontres d’hypocrites. Si vous ne pouvez pas parler des deux sujets les plus passionnants, le sexe et la politique, si vous ne pouvez pas parler du sujet qui divise les gens, la religion, à quoi bon vous imposer la corvée de fréquenter des gens qui ne vous respectent même pas.

--L’un reprend: Mais, parce que c’est la famille!

--C’est vraiment très convaincant, réplique l’autre.

vacances:
Je prends des vacances et à mon retour je ne serai peut-être pas prêt à écrire un billet. Le prochain devrait apparaître le 9 août.




12 juillet 2010

Dangereux amalgames


Dans un billet publié sur son blogue du Journal de Québec, hébergé par Canoë, et que l’on peut lire à l’adresse suivante Le G20 syndical, Éric Duhaime fait des affirmations fort étonnantes sans aucune démonstration de quelque sorte.

Ça commence par un amalgame qui ne peut relever que de la mauvaise foi à moins qu’il s’agisse d’ignorance crasse. Lisez plutôt: «[D]emandez-vous qui a payé pour que ces activistes foutent le trouble dans la ville-reine» [...] «Les différentes centrales syndicales ont dépêché et financé, dans la métropole ontarienne, des milliers de personnes pour aller protester...»

À un petit paragraphe de distance, ces deux bouts de phrases opèrent une association entre la casse et les manifestants syndicaux. Or, il est clair que les quelque 40 personnes qui se sont livrées à de la casse (et qui ne sont pas du nombre des 900 personnes arrêtées sans raison) ne faisaient pas partie des dizaines de milliers de manifestants pacifiques. Cela est visible sur les témoignages vidéo. Alors, pourquoi faire ce lien sinon pour associer injustement violence et syndicalisme?

On apprend un peu plus loin, une chose proprement ahurissante: «Les études démontrent qu’un taux de syndicalisation plus élevé donne plus de chômage, une croissance économique plus faible et moins d’investissements privés.» De quelles études s’agit-il? Aucune référence, ce qui ne peut nous surprendre, car elles n’existent pas. Ce ne sont pas des études qui disent ce qu’affirme monsieur Duhaime, mais bien les préjugés antisyndicaux.

Si on veut en apprendre un peu sur la situation dans les pays où le taux de syndicalisation est élevé, on peut se fier à des données colligées par le Programme des Nations-Unies pour le développement, l’Institut Supérieur du travail ou même l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), tous organismes qui n’ont pas nécessairement de préjugés favorables aux syndicats.

Que nous apprennent ces organismes? Que le pays ayant le plus haut indice de développement humain est le troisième au monde pour son taux de syndicalisation. Que les dix pays ayant le plus haut indice de développement humain ont des syndicats forts. Que les quatre pays ayant le plus haut taux de syndicalisation sont la Suède, la Finlande, le Danemark et la Norvège. Tous des pays enviés pour leur qualité de vie et le caractère pacifique de leur société.

Si on analyse les données de l’OCDE, on voit que les pays où la discrimination est moindre envers les femmes sont aussi des pays où il y a un bon taux de syndicalisation. D’après l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), huit des pays possédant un haut taux de syndicalisation ont un système de santé qui répond le mieux aux attentes de la population.

Par ailleurs, les 15 pays ayant le plus haut taux de syndicalisation ont un chômage modéré (entre 3 et 8 %). D’après les statistiques européennes, six des pays à haut taux de syndicalisation possèdent les plus hauts salaires minimum.

On constate donc le contraire de ce qu’affirmait monsieur Duhaime.

Puis vient une autre affirmation qui se base sur les obligations juridiques: «Légalement, n’importe quelle entreprise cotée en bourse doit faire preuve de plus de transparence financière que les syndicats.»

Les syndicats ne sont pas cotés en bourse (heureusement), mais ils n’ont pas besoin de ces exigences juridiques pour être très transparents. Les budgets des organisations syndicales sont adoptés dans les instances. Leurs rapports financiers sont scrutés par les membres et sont disponibles pour tout membre qui veut les étudier. Chaque dépense est inscrite à un poste précis et les orientations adoptées en congrès ou en assemblée générale sont respectées. Les membres savent très bien ce que les organisations syndicales font avec les sommes dont elles disposent. Quand on étudie les états financiers, on voit très clairement que la plus grosse part des dépenses va à l’appui aux luttes syndicales, à la négociation, au règlement des conventions collectives et des conflits de travail. Les syndicats reçoivent l’aide dont ils ont besoin et assurent la solidarité entre eux.

Mais ce qui n’était qu’amalgame se mue en fausseté flagrante dans la phrase suivante: «Vous ne saurez donc jamais combien vous avez versé en cotisations syndicales pour financer les saccages du G-20.» Il s’agit au mieux d’un mensonge éhonté et au pire d’un libelle. En effet, il n’y a aucun lien entre les manifestations syndicales et la casse causée par quelques personnes que n’ont pas pu arrêter les 20 000 policiers qui ont envahi Toronto, peut-être trop occupés à arrêter des itinérants, des jeunes qui dorment dans un gymnase ou des manifestants assis par terre qui chantent Give peace a chance.

Et la finale est grandiose: «[...]un pourcentage non négligeable de votre argent est parti manifester contre vos intérêts.»

C’est un pourcentage infime comme on peut le vérifier dans les États financiers, mais les intérêts des travailleurs seraient tout à coup devenus les intérêts des grands financiers de ce monde? La justice sociale, l’environnement, la santé, le respect des droits ne sont donc pas les intérêts des travailleurs?

Je ne peux concevoir qu’une personne normalement douée puisse faire des affirmations aussi grossières sans avoir comme objectif de créer de dangereux amalgames.




5 juillet 2010

Brève analyse linguistique du communiqué de Résistance internationaliste


Le 2 juillet au matin, lendemain d’une série de manifestations visant à dénoncer la répression policière au G-20 tenu à Toronto, on annonce dans les médias un attentat contre un bureau de recrutement de l’armée canadienne à Trois-Rivières.

L’attentat est revendiqué par Résistance internationaliste par l’entremise d’un communiqué dont on peut retrouver le texte sur la page suivante: Résistance internationaliste.

Je présente ici une brève analyse des caractéristiques linguistiques et textuelles de ce communiqué.

Composé de cinq longs paragraphes, le texte obéit à un rythme binaire reposant sur le principe structurel de la concession-opposition. On affirme un fait et on le complète par un élément qui permet de renchérir ou d’opposer.

Exemple de renchérissement: affirmation: «subir les dangers de l’exportation gazière ne suffit pas»; renchérissement: «il faudrait qu’on aille sécuriser un trajet de pipeline en territoire afghan».

Exemple d’opposition: affirmation: «Les apôtres des "valeurs démocratiques" [...] Nos soldats...»; opposition: «les soldats d’une armée qui donne la torture[...] les mêmes qui, hier, ont écrasé le peuple métis...»

Le premier paragraphe, bien que respectant la structure concession-opposition, est le seul qui parle des gestes du groupe auteur avant d’y opposer les torts reprochés à son adversaire.

Tous les autres paragraphes sont dénonciateurs et font usage de l’énumération.

L’ordre des éléments présentés ne paraît pas correspondre à une gradation des arguments.

On peut rapprocher ce type de communiqué de ceux du Front de libération du Québec par les dénonciations qu’il contient et par le ton impérieux.

On peut l’éloigner par les différences suivantes:

--peu d’articulation entre les différents paragraphes;
--insistance presque exclusive sur la dénonciation, peu de présence des actions à entreprendre ou à venir;
--aucun appel à l’appui populaire et aucune référence aux destinataires du texte;
--énumération des contenus, mais pas de répétition des introductions argumentaires (par exemple dans le Manifeste de 1970, l’expression Oui, il y en a des raisons servait de leitmotiv et de point d’appui aux arguments);
--énumération des contenus, mais peu de développement argumentatif.

En comparaison avec les communiqués émis par les groupes contestataires d’aujourd’hui, on constate que, si les paragraphes sont longs, la rhétorique y est différente. En effet, les communiqués que l’on peut lire aujourd’hui contiennent des énumérations, mais pas sous forme de structure concession-opposition. Les paragraphes contiennent aussi des développements argumentatifs et sont ordonnés vers une conclusion, qui indique le plan d’action après avoir fait la démonstration des raisons.

Les communiqués écrits par les groupes actuels sont aussi plus fluides.

Bref, le communiqué de Résistance internationaliste se caractérise par une rhétorique datée, peu soucieuse de son destinataire et par un amoncellement d’arguments non ordonnés et peu articulés entre eux.




30 juin 2010

L’éditorialiste est nu


Dans son éditorial du mercredi 30 juin 2010, Mario Roy dit que les manifestants altermondialistes n’ont rien à proposer. Il associe d’ailleurs directement les quelques casseurs aux milliers de manifestants puisque, dit-il, «peu de groupes de pression condamnent de façon claire les actes de banditisme qui vont immanquablement se produire.»

Est-il possible qu’un journaliste qui se prononce sur les altermondialistes ne sache pas que ces derniers ont un discours très articulé avec des propositions très claires et très nombreuses?

Au nombre de celles-ci:

1. Abolir le G20 et tenir les discussions qui impliquent l’ensemble des pays du monde dans le lieu qui est conçu à cette fin, les Nations-Unies;
2. Instaurer la démocratie participative et favoriser la représentation proportionnelle;
3. Assurer que les exploitations de ressources naturelles soient compensées par une remise en l’état des lieux saccagés;
4. Faire de l’eau un bien commun à l’humanité et assurer qu’elle soit garantie par les Droits de l’homme;
5. Taxer les industries minières en proportion de leurs profits;
etc. etc. Toutes choses très faciles à faire, mais très difficiles à accepter par les dirigeants de ce monde qui obéissent plus facilement aux diktats du capital qu’à la volonté démocratique.

Mais, avant de clore cette liste partielle, citons une sixième mesure parmi encore des dizaines d’autres, la taxation des transactions financières. Non seulement possible et nécessaire, mais vraiment peu coûteuse bien qu’elle rapporterait des milliards.

Est-il possible qu’un journaliste qui veut se prononcer sur les manifestants anti-G20 ne connaisse rien de tout cela? Qu’il ignore qui sont Naomi Klein, Vandana Shiva, Amy Goodman, Pablo Solon, etc. Et s’il ne sait pas qui sont ces personnes, pourquoi ne fait-il pas l’effort de les connaître et de venir entendre leurs discours comme je l’ai fait le vendredi soir 25 juin au Massey Hall de Toronto?

On ne parle pas ici de la connaissance du citoyen lambda, mais bien du b-a ba que doit posséder un journaliste pour discuter de ce sujet.

Est-il possible qu’un journaliste qui veut se prononcer sur les manifestants antiG20 ne sache pas faire la différence entre quelques casseurs qui s’ébrouaient librement sous les regards des caméras et des milliers de manifestants pacifiques dont plusieurs ont été arrêtés sans motifs?

Est-il possible qu’un journaliste qui veut se prononcer sur les manifestants antiG20 trouve normal qu’un itinérant qui n’a rien à voir avec les casseurs se fasse fouiller par huit policiers comme j’ai eu l’occasion de le voir à Toronto?

Est-il possible qu’un journaliste qui veut se prononcer sur les manifestants antiG20 ne sache pas que la liberté d’expression inclut le droit de manifester? Est-il possible que ce même journaliste ignore que la Charte canadienne des droits et libertés interdit les arrestations arbitraires et les détentions avec privation des premières nécessités?

Ne pas savoir toutes ces choses paraît hautement improbable.




28 juin 2010

Manifs anti-G20: vue de l’intérieur


C’était couru, on le savait en partant, des dizaines de milliers de manifestants marchent pacifiquement dans les rues, envoient des messages pour un monde plus juste, basé sur l’humain et non sur la finance, où les travailleuses et les travailleurs sont respectés, mais que voit-on dans les rapports médiatiques? La douzaine de vitrines cassées, les deux autos brûlées et quelques arrestations parmi les quelque 600 effectuées.

Le message principal qui aurait dû ressortir de ces journées et que ce n’est pas en se réunissant dans un club sélect qu’on fait progresser la situation des humains, mais en participant au forum conçu pour ça: les Nations-Unies où tous les pays sont représentés.

Ce n’est pas non plus en créant un État policier qu’on fait progresser la société, mais en favorisant la démocratie participative, de même qu’en respectant la volonté populaire par le biais d’une proportionnalité dans la représentation.

Est-ce que les arrestations nombreuses ont pour but de donner une justification au déploiement insensé de forces policières? Je crois qu’en deux jours et demi passés à Toronto, j’ai vu plus de flics que dans toute ma vie.

Voir des contingents de policiers armés, bottés et casqués défiler dans les rues n’a pas du tout l’effet rassurant que prétendaient donner à cela les hôtes du sommet.

Samedi 26 juin, en rentrant de la manifestation qui est partie de Queen’s Park pour y revenir, j’ai remarqué sur Carlton Street un cordon de policier en armes qui se dressait devant la banque Scotia juste en face du magasin Winners. Devant eux quelques autres policiers et policières, des chefs?, pointaient du doigt l’édifice d’en face vers je ne sais quoi, car on n’y voyait personne.

Ayant entendu dire qu’il y avait du brasse-camarade à Queen’s Park, je reviens de mon hôtel et retourne à Queen’s Park par Carlton Street. Les policiers sont toujours en ligne devant la banque Scotia, mais les vitrines du magasin Winners, en face, avaient été fracassées. Peut-on me faire croire que ce groupe dont les fers de lance pointaient devant eux n’ont rien pu faire? Ou alors, ils n’étaient là que pour la banque?

À Queen’s Park, il restait tout au plus deux cents personnes qui se trouvaient en face à face avec autant de policiers. Ces derniers dont plusieurs étaient à cheval ont chargé par trois fois. La foule se serait-elle dispersée si les policiers s’étaient contentés de faire des cordons dans les environs? Il y avait déjà des policiers à vélo qui bloquaient tout accès au carrefour qui se trouve devant Queen’s Park, et on n’a vu personne s’en prendre ni au Parlement, ni aux maisons ou édifices avoisinants.

Il est étrange aussi d’apprendre qu’une voiture de police s’est retrouvée abandonnée dans une rue en plein milieu du parcours de la manifestation. Alors que les policiers se déplaçaient en groupe nombreux et compact (souvent 50 personnes dans une formation qui ressemble à celle de la tortue pratiquée chez les anciens Romains), ou par petits bataillons à vélo, de même qu’on les a vus dans des vans banalisés qui se promènent deux ou trois à la suite, et alors que le parcours est bien encadré, comment se fait-il qu’une voiture de police traverse le service de sécurité pour se retrouver seule au milieu de la rue?

Il est très troublant aussi de voir un itinérant se faire arrêter et fouiller dans la rue alors qu’il n’y a aucune raison de s’en inquiéter. Très troublant de voir une jeune femme se faire ramasser et emmener par un groupe de policiers alors qu’autour tout était calme. Est-ce un déli de cheveux colorés?

Finalement, comme je l’avais prévu, le fait que je sois sorti vêtu d’un costume veston cravate m’a attiré les sourires et les good morning des policiers.

Clôturer ainsi une ville n’a rien pour plaire à ses habitants. Se réunir ainsi dans le «pathetic 20», comme le disait Vandana Shiva, ne fait pas progresser le monde. Espérons que jamais Montréal n’acceptera de recevoir ce délire de chefs politiques, qui se rient des préoccupations de leurs populations.




21 juin 2010

École et liberté religieuse


J’avoue avoir un peu de mal à comprendre la décision du juge Dugré de la Cour supérieure dans l’affaire Loyola High School contre le Ministère de l’Éducation.

Il semblerait que le fait d’exiger que le cours Éthique et Culture religieuse soit donnée dans une perspective laïque soit contraire à la liberté de religion. Cela me semble douteux pour deux raisons:

1. On parle ici d’une école et non d’un individu. Or, la liberté religieuse est une liberté individuelle. Que l’école doive suivre le programme du Ministère ne me paraît pas brimer la liberté de religion ni des élèves ni des parents. L’interprétation des faits religieux leur reste, mais la présentation doit en être neutre, ce qui est le rôle d’un État, à moins que ce dernier ne privilégie une religion aux dépens des autres.

2. La deuxième raison est liée à la première. C’est le Ministère qui a la responsabilité des programmes. Son rôle n’est pas de décider si une religion est bonne, ou si elle est meilleure qu’une autre. Présenter les faits religieux sans prendre parti permet d’éviter de donner son aval à une interprétation plutôt qu’à une autre. Une école, qu’elle soit catholique, luthérienne, musulmane ou juive, ne devrait pas pouvoir déclarer que le Ministère lui donne raison dans son interprétation des faits religieux. D’autant que cette interprétation relève des personnes.

Il y a un autre élément troublant dans le texte du jugement, mais celui-là est lié au préambule de la Constitution du Canada. Le juge écrit: «La société démocratique canadienne est fondée sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit, lesquels bénéficient d’une protection constitutionnelle.» Si la Constitution du Canada reconnaît la suprématie de Dieu, elle donne un avantage à tous les croyants sur les athées, faisant de ces derniers des citoyens de seconde zone. Cette faille inhérente à la Constitution canadienne devait tôt ou tard apparaître, et elle n’a pas fini de nous créer de mauvaises surprises.

Finalement, ce qui est le plus inquiétant, c’est la citation suivante: «[L]’obligation imposée à Loyola d’enseigner la matière obligatoire ÉCR de façon laïque revêt un caractère totalitaire qui équivaut, essentiellement, à l’ordre donné à Galilée par l’Inquisition de renier la cosmologie de Copernic.»

Ici, on renverse totalement le sens de l’histoire, et l’argument est proprement fallacieux. En effet, dans le cas de Galilée, l’Église lui interdisait de se baser sur les faits pour l’obliger à se conformer à la croyance. Dans le cas de Loyola High School contre le Ministère de l’Éducation, l’État demande à l’école de ne pas privilégier la croyance dans la présentation des faits. Il ne faudrait pas tordre la réalité en comparant l’injustice du passé à la demande au présent de ne pas favoriser sa croyance au détriment des faits.




14 juin 2010

Médias: Ne pas se tromper de cible


On entend souvent parler, dans les régions autres que Montréal, de la «Montréalisation» des informations. On entend par là que les informations, toutes produites dans la région montréalaise, ne tiennent pas compte des enjeux des autres régions.

La plainte est légitime dans la mesure où en effet il ne se produit à peu près plus d’informations locales : les salles de nouvelles en région sont souvent dégarnies, les affectations sont faméliques et les enquêtes sur le terrain des différentes régions sont rarissimes.

Constater un fait n’est toutefois pas s’attaquer à sa cause. Aussi le terme «montréalisation» est-il fort trompeur. Il faudrait plutôt parler de concentration de la presse entre les mains de quelques grands joueurs (privés et d’État), qui se soucient comme d’une guigne de refléter les différentes réalités locales. Pour couper dans les dépenses, on concentre les activités dans le centre économique, c’est-à-dire Montréal, mais ce n’est pas nécessairement par la volonté des Montréalais.

De la même manière qu’on peut parler de la «pipolisation» des nouvelles, il ne faut pas en accuser les «pipoles» même s’ils en profitent. Il faut plutôt y voir la facilité et le moindre coût de traitement. C’est beaucoup plus facile pour les grands groupes de traiter des vedettes et de leurs petits bobos que de faire des enquêtes sur les enjeux environnementaux des décisions capitalistes. Les vedettes sont faciles à trouver et elles s’offrent facilement en pâture au cirque médiatique.

De même, c’est la volonté de faire des économies et de faire les profits maximaux qui dépeuple les salles de nouvelles des radios, des télés et les bureaux régionaux des journaux. Les Montréalais eux-mêmes se plaignent du fait que les nouvelles sont réduites à trois ou quatre sujets, lesquels ne traitent pas des enjeux citoyens dans les différents quartiers.

L’accent sur la «montréalisation» oriente la lunette sur la conséquence et non sur la cause du problème. Cela attise inutilement les tensions entre la métropole et les autres régions. C’est ainsi qu’on aliment malheureusement des préjugés de part et d’autre et qu’on laisse les coupables s’en tirer à peu de frais.




7 juin 2010

Quand on ne sait pas de quoi l’on parle


J’ai lu récemment dans une lettre aux lecteurs d’un journal quotidien, l’affirmation suivante: «Il ne faut pas reprocher au cardinal Ouellet ses déclarations sur l’avortement puisqu’il base ses affirmations sur la bible.»

Il y a de quoi être perplexe, car j’ai souvent lu la bible et y ai trouvé quantité de prescriptions sur toutes sortes de sujets, mais je n’y ai jamais rien vu sur l’avortement.

Je pourrais vous faire de longues démonstrations, mais il suffit de réfléchir une ou deux minutes pour comprendre les deux choses suivantes:

1. Il n’y a rien dans la bible sur l’avortement. Si vous trouvez quelque chose sur le sujet dans la bible, faites-le-moi savoir, ça enrichira ma connaissance, mais ça ne me fera pas changer d’avis sur le droit des femmes de choisir d’avoir ou non des enfants.

2. La bible est pleine de prescriptions très précises sur quantité de sujets, notamment sur la façon d’égorger les moutons, de faire des sacrifices, de traiter ses esclaves, de choisir ses épouses, de déféquer, de choisir ses aliments, etc. Comment faites-vous pour choisir les choses qui sont obligatoires et celles qui ne le sont pas? Après tout, il y est interdit de manger du porc ou des fruits de mer. Je ne connais pas beaucoup de chrétiens qui s’en privent. Il y est interdit de porter des vêtements faits de deux fibres. Je ne connais pas beaucoup de chrétiens qui s’en privent. On y interdit de tuer, mais on donne toutes sortes de raisons pour lapider les gens. Ce n’est pas bon de tuer, mais c’est permis et de manière fort cruelle.

Se baser sur la bible pour quoi que ce soit, c’est faire preuve d’ignorance ou d’aveuglement.








29 mai 2010

Aide pour une famille homoparentale


Cette semaine, je reprends enfin mes billets après la tourmente de la grève et la fébrilité du 34e congrès du Conseil central du Montréal métropolitain de la CSN.

Et pour commencer cette nouvelle série, je donne la parole à l’Association des familles homoparentales:


Chers amis,

Grâce à votre incroyable générosité, nous avons pu rassembler un peu plus de 3000 $ en seulement quelques semaines pour la petite Alexa (5 ans) et ses deux mères.

Comme vous le savez peut-être, Cristal a quitté le Mexique avec sa fille après que la cour mexicaine a menacé de lui retirer la garde d’Alexa simplement parce qu’elle vivait avec une femme. Plus d’un an et demi plus tard, le père d’Alexa est venu au Québec pour essayer de convaincre le juge que la relation de Cristal avec sa compagne Sheila pourrait nuire au développement d’Alexa et influencer son orientation sexuelle.

Après 5 jours en cour, le procès s’est terminé vendredi 7 mai sur une impression positive. Le juge a semblé compréhensif vis-à-vis de la famille et vis-à-vis du fait que leurs droits comme lesbiennes avaient été bafoués au Mexique. Le juge rendra sa décision fin mai.

Pendant ce temps, nous avons utilisé l’argent que vous avez donné pour payer les frais d’avocat et un des experts appelé à témoigner.

Sachez aussi qu’une organisation appelée LEGIT a déjà couvert 11 000$ de frais juridiques. En tant que lobby et groupe de soutien, LEGIT fournit des informations sur l’immigration et soutient les personnes LGBT tout en travaillant pour que prennent fin les discriminations dans les lois sur l’immigration.

Malheureusement, il reste des dépenses à couvrir et beaucoup d’autres vont venir s’ajouter.

Bien que l’on puisse gagner cette cause, il y a encore de nombreuses étapes à franchir avant que Sheila, Cristal et Alexa puissent obtenir leur résidence permanente au Canada, car maintenant elles attendent une décision concernant leur statut comme réfugiées.

Actuellement nous avons encore besoin de rassembler 3000 $ : 900 $ de frais juridiques qui sont encore dus, 750 $ pour une facture Telus pour une vidéoconférence avec un avocat du Mexique, 2000-3000 $ pour des frais d’avocats au Mexique, où ils continuent à travailler pour arrêter l’extradition de Cristal (elle est toujours accusée d’avoir kidnappé sa fille), pour des photocopies, etc.

Donc nous vous demandons encore une fois de retourner vos poches. Nous vous implorons d’utiliser tous vos contacts, votre énergie, vos réseaux et vos pouvoirs de persuasion pour nous aider à soutenir cette famille. Si vous pouvez donner quelque chose, même si ce n’est qu’un peu, vous aiderez ces deux femmes dans leur combat pour trouver un endroit sûr et accueillant pour leur famille.

les chèques doivent être adressés à la Coalition des Familles Homoparentales, et accompagnés d’une note indiquant que c’est pour Alexa. Les contributions peuvent être envoyées au 2401 Coursol, Montreal (QC), H3J 1C8.

Nous avons aussi créé un compte PayPal pour que vous puissiez payer directement de votre ordinateur. Voici le lien:
familles homoparentales

Au nom d’Alexa, une petite fille qui ne veut qu’une vie normale avec Mamà et Mamà Coco, merci.

Mona Greenbaum, directrice,
Gary Sutherland, coprésident
Joanne Blais, coprésidente
Coalition des familles homoparentales





19 avril 2010

SCCCUM : Nous avons eu raison de faire grève


Parce qu’entre le point de départ et le point d’arrivée, il y a un progrès notable.

La position de l’employeur :

Lorsque nous avons entamé la grève, ce que l’employeur avait mis sur la table, c’était son offre globale du 8 février, dans laquelle il n’était pas fait mention des salaires. En fait, il proposait seulement 2% pour toutes les questions financières.

Il y avait une fin de non-recevoir totale et absolue sur la question de la taille des groupes-cours. On nous avait déclaré que jamais on ne parlerait de telles clauses dans la convention.

La direction voulait prolonger la probation de trois à six cours. Elle permettait à un membre du comité d’évaluation de faire partie du comité d’appel.

L’employeur avait retiré toute limite au nombre de cours donnés par des professeurs retraités.

Sur le statut d’emploi, on se contentait de dire qu’une personne qui travaille quatre jours est en double emploi, ce qui ne signifie rien à notre époque alors que l’on peut faire beaucoup d’heures sur quelques jours ou très peu d’heures sur de nombreux jours.

La direction voulait couper de moitié la prime de départ à la retraite.

Il était question de retirer la moitié de son ancienneté à un chargé de cours qui se désiste d’un contrat signé et de le jeter s’il se désistait une deuxième fois.

L’employeur parlait de pouvoir annuler un cours sans pénalité jusqu’à deux semaines avant son début.

Les accompagnateurs et coachs étaient menacés de se retrouver devant l’arbitraire patronal pour ce qui est de l’attribution. La direction voulait que les autres clauses de la convention collective ne s’appliquent pas à eux.

Le comité de santé et sécurité n’avait même pas l’obligation de se réunir.

À la suite de la grève :

Nous avons gagné une meilleure définition du statut de double emploi basée sur l’approche réaliste des heures travaillées.

L’accès général au départ à la retraite a été facilité avec maintien de la prime à la moyenne des cinq meilleures années dans les dix dernières années.

Le renvoi pour désistement n’est pas passé.

La possibilité d’annuler un cours sans paiement forfaitaire a été écartée.

Un membre du comité d’évaluation ne pourra plus faire partie du comité d’appel.

La limite à la réserve des cours des professeurs retraités, cadres, professionnels et stagiaires postdoctoraux a été maintenue à 4 %.

Le salaire sera augmenté de 6,55%, un pour cent de moins que notre demande de rattrapage. Il sera bonifié par les paramètres gouvernementaux, soit un minimum total de 10,05%. Là-dessus, il y aura rétroactivité de 3,8% à janvier 2010.

Le comité de santé sécurité se réunira dans les 10 jours à la demande de l’une des parties.

Il y aura un comité décisionnel sur l’attribution d’aide d’auxiliaire d’enseignement. Nous participerons à l’élaboration des politiques à cet égard et nous pourrons établir des seuils et des balises pour décider de l’aide à accorder.

Il y a aussi des gains de nature symbolique dont les effets se feront sentir au cours des années. Nous avons gagné une meilleure cohésion de nos membres et un renforcement de la base. La direction a perdu de sa crédibilité, et nos membres savent maintenant qui ils doivent croire.

Par ailleurs, la couverture nationale du conflit a fait en sorte que les chargés de cours existent maintenant dans l’imaginaire du public. La prochaine étape consistera à mieux faire connaître nos conditions d’exercices ainsi que notre réalité complexe et diversifiée.

Pour toutes ces bonnes raisons, oui, nous avons vu juste en faisant grève.





14 avril 2010

Pédophilie et obscurantisme


Le cardinal Tarcisio Bertone, secrétaire d’État du Vatican, aurait déclaré: «Nombre de psychologues et de psychiatres ont démontré qu’il n’y a pas de relation entre célibat et pédophilie, mais beaucoup d’autres ont démontré, et m’ont dit récemment qu’il y a une relation entre homosexualité et pédophilie.»

Pareille ignorance est inconcevable chez un homme de si haut rang. Il faut donc plutôt supposer qu’il s’agit de désinformation.

Par ailleurs, il y a tout lieu de croire que la structure de l’Église catholique favorise la pédophilie, car comme je l’écrivais dans un autre billet le 20 juillet 2008:

«L’Église catholique est une institution patriarcale et hiérarchique qui valorise l’autorité et la suprématie mâle. Or, l’agression sexuelle, et plus spécialement la pédophilie, avant d’être une activité sexuelle est d’abord et surtout un abus de pouvoir. Des êtres narcissiques utilisent les enfants comme objets pour nourrir leur illusion d’un ego pur et éternellement jeune. Toute structure hiérarchique rigide qui voue un culte à l’autorité arbitraire favorise ces abus.»

Les études sur la personnalité des pédophiles vont toutes dans le même sens depuis des décennies. Ce sont des personnes narcissiques. Ce sont des personnes qui abusent du pouvoir. Elles s’attaquent en général aux enfants des deux sexes et se spécialisent lorsque le contexte le favorise.

La revue Enfance majuscule a fait un excellent numéro sur le sujet en 1997.

L’acharnement de l’Église catholique à défendre l’institution plutôt que les enfants est une autre façon de justifier les abus de pouvoir, donc la pédophilie, tout en prétendant s’attaquer à l’homosexualité.

Dans les petits villages arriérés, on traite de malades les gens qui dénoncent les pédophiles, dans l’Église catholique, on retourne l’accusation contre les homosexuels. C’est un stratagème qui marche depuis des siècles, et des siècles, amen!




22 mars 2010

Une leçon de démocratie


Nous étions plus de 400 dans cet amphithéâtre de l’UQAM (nous n’avions pas le droit de nous réunir à l’Université de Montréal parce que nous sommes en grève), nous, membres du Syndicat des chargées et chargés de cours de l’Université de Montréal en ce jeudi 18 mars 2010.

Nous avons étudié de façon rigoureuse le projet soumis par l’employeur en comparant les clauses de la proposition avec ce qui existe dans l’actuelle convention.

L’Assemblée a pu débattre en long et en large des mérites et des défauts de ce texte. Et le rejet fut massif: 84 % contre.

La discussion s’est ensuite portée sur l’opportunité de continuer la grève. Là encore, le verdict après débat est on ne peut plus clair: 77 % en faveur.

Que doit-on en conclure? Que l’information factuelle permet de défaire la désinformation et les rumeurs. Qu’une Assemblée dûment constituée est toujours plus sage que l’agitation soulevée par des personnes qui ne représentent qu’elles-mêmes.

Qu’il y ait 100 personnes ou 500 personnes, les travaux légitimes des Assemblées ont la même valeur parce que les instances sont respectées, parce que les convocations se font dans l’ordre et dans le respect des statuts et règlements et parce que l’information est donnée de façon rigoureuse. En effet, la diversité des provenances et des points de vue est toujours présente peu importe le nombre de participants.

Voyons maintenant quels sont les prêcheurs qui prétendent connaître mieux que nous une démocratie qu’ils ne pratiquent pas : les administrateurs de l’Université sont cooptés dans des cénacles restreints alors qu’ils dirigent une communauté de plus de 60 000 personnes. Ce sont là les personnes qui mettent en doute nos processus démocratiques.

En soumettant une offre «globale et finale», l’Université de Montréal a voulu tester la détermination des membres du Syndicat des chargées et chargés de cours de l’Université de Montréal. Elle espérait que la désinformation complaisamment amplifiée par certains aurait raison de l’analyse rigoureuse des faits. Elle s’est fait servir une belle leçon de démocratie.




15 mars 2010

Le vrai visage du Parti Québécois


Le Parti Québécois a toujours été une coalition de diverses tendances, dont une aile droite assez conservatrice. Les premières années de ce parti ont permis à son aile gauche de s’exprimer parce que c’était surtout les militants du Rassemblement pour l’indépendance nationale (RIN), qui, entrant un à un au PQ, étaient les plus actifs et les mieux rompus à la réflexion démocratique.

Mais à mesure que ce fonds s’épuise, c’est l’aile nationaliste de droite qui prend le dessus. Et le chat sort du sac quand on entend les dirigeants du parti se vanter de vouloir chercher des votes du côté de l’Action démocratique du Québec (ADQ).

Certes, il y a des électeurs confus ou mal informés qui ont voté pour l’ADQ et il faut les récupérer en leur expliquant le véritable sens antisocial, antisolidaire, individualiste et capitaliste sauvage des idées adéquistes. Par contre, il n’est pas question d’adhérer à des parties de programme adéquiste pour lui disputer son électorat.

Quand on entend les dirigeants dire qu’il faut créer la richesse avant de la distribuer, c’est le triomphe de l’idéologie néolibérale, de la théorie de la croissance indéfinie et de l’illusion, car c’est bien une illusion de s’imaginer que plus les riches sont riches, moins les pauvres sont pauvres. Les trente dernières années qui ont vu le triomphe de l’école de Chicago ont bien montré que les riches sont de moins en moins nombreux, de plus en plus riches et arrogants, et que cela se fait au détriment de la majorité.

Le collectif des syndicalistes et progressistes pour un Québec libre (SPQ libre) n’est plus bienvenu en tant que groupe dans le PQ, mais c’était la chronique d’une mort annoncée. Les trois principaux partis représentés à l’Assemblée nationale sont bien campés dans le champ droit.

En terminant le billet de cette semaine, j’ai une pensée pour le camarade Jean Ferrat, qui nous a longtemps charmés de ses belles chansons.




8 mars 2010

Qui a peur des conservateurs?


Le bulletin du gouvernement conservateur en matière de droits fondamentaux est celui du plus mauvais élève.

Ça commence avec le refus de rapatrier Omar Kadr, cet enfant soldat interné à Guantanamo, au mépris de la Charte des droits et libertés du Canada.

Ça continue avec les coupes dans les comités de condition féminine et la réduction de subventions à ce titre.

Puis, il y a Adil Charkaoui qu’on interne sans qu’il sache pourquoi, qu’on oblige à porter un bracelet de sécurité, et qu’on finit par libérer de son certificat de sécurité sans jamais lui dire de quoi on l’accusait.

Et il y a Droits et Démocratie, cet organisme qui doit faire la promotion des droits, où l’on se débarrasse d’un président un peu trop critique, où l’on nomme un nouveau président qui appuie la peine de mort et s’oppose aux droits des gais et lesbiennes.

Je finis ma liste, mais elle pourrait s’étirer, par ce récent guide destiné aux immigrants afin de leur faire connaître les valeurs canadiennes et dans lequel aucune mention des droits des gais et lesbiennes n’apparaît.

Pourquoi avoir peur des conservateurs?

On attribue au pasteur Niemöller l’énoncé suivant:

D’abord ils sont venus chercher les Juifs;
Je me suis tu parce que je n’étais pas juif.
Puis, ils sont venus chercher les communistes;
Je n’ai pas parlé parce que je n’étais pas communiste;
Ensuite, ils sont venus chercher les syndicalistes;
Je n’ai rien dit parce que je n’étais pas syndicaliste.
Enfin, ils sont venus me chercher;
Il n’y avait plus personne pour me défendre.




24 février 2010

Éducation: La lucidité méprisante


Il est affligeant de voir encore les mêmes partisans de l’économisme à tout crin, lequel économisme nous a conduits aux crises que l’on sait, prêcher des recettes qui consistent à faire payer les étudiants pour des décennies de gestion néolibérale dans le domaine de l’éducation.

Vrai qu’il faut refinancer l’Université. Mais il y a des choix sociaux historiques qui sont ceux du Québec et qu’il faut respecter. L’un de ces choix est de rendre l’éducation accessible au plus grand nombre.

Alors que le gouvernement fédéral doit 800 millions de dollars en transfert au Québec, alors qu’il existe des façons pour le gouvernement du Québec de trouver 5 milliards de revenus supplémentaires sans augmenter les tarifs (voir à ce sujet le site courage politique, mis sur pied par Québec Solidaire), pourquoi proposer une fois de plus une hausse des frais de scolarité?

Je ne saurais passer sous silence l’affirmation hautement méprisante de l’ancien recteur de l’Université de Montréal, Robert Lacroix. «Il y a des programmes où 50 % des cours sont donnés par des chargés de cours. On n’a pas ça à UBC.» Je me souviens d’un recteur qui nous disait que les chargés de cours faisaient partie de la solution et non du problème. J’ajouterai qu’il y a des programmes où 100% des cours sont donnés par des chargés de cours et que ces programmes de la Faculté de l’éducation permanente sont excellents et y forment des étudiants solides.

Je ne crois pas, par exemple, que les Marc Laurendeau, les Jean-Claude Leclerc et les Karl Parent qui enseignent en Information et Journalisme aient quoi que ce soit à envier aux autres enseignants. Il en est de même pour des spécialistes de l’enseignement des langues qui donnent des cours à l’École de français, ou des spécialistes en sciences humaines qui offrent des cours en histoire ou en sociologie.

Sait-on que ce sont les exigences de qualification qui font foi de la capacité d’enseigner? Ces exigences sont la garantie de la qualité de l’enseignement.

Par ailleurs, les universités utilisent le prétexte des déficits pour vouloir augmenter les frais de scolarité. Pourtant, d’où viennent principalement les déficits de l’Université de Montréal, pour ne parler que de celle-là? Ils ne viennent pas du fonds de fonctionnement où se trouvent les revenus des frais de scolarité; ils viennent plutôt du fonds des immobilisations où se trouvent les grands projets de construction.

On investit dans le béton et on veut faire payer les étudiants. On embauche des chargés de cours qualifiés pour enseigner et on se plaint qu’il y en a trop?

Oui, les chargés de cours donnent 50% des cours de premier cycle (excepté en médecine), mais ils ne coûtent même pas 5% du budget salarial.

Le but d’une université n’est pas de faire de l’argent, mais de créer et diffuser le savoir.

La lucidité qu’on nous propose est celle du mépris: mépris des choix sociaux du Québec, mépris des étudiants, mépris des chargés de cours et mépris de la population que l’on trompe.





21 février 2010

Laïcité 2


Cette semaine, je vous renvoie à la lettre de Mohamed Lotfi, parue sur le site du Devoir d’aujourd’hui 21 février 2010. Il l’a aussi publié sur sa page Facebook.

Il apporte des éléments fort intéressants dans le débat. Suivez ce lien:

Une partie de ping-pong qui nous lasse




15 février 2010

Crimes sexuels et pouvoir


Une affaire récente dans l’armée canadienne a été le prétexte d’une question à savoir si on devait avoir ou non confiance en elle.

En effet, qu’un colonel à l’excellente réputation ait pu se hisser dans la hiérarchie sans soulever de soupçon en inquiète plus d’un.

Pourtant, cela ne devrait pas nous étonner qu’il soit possible de commettre ce genre de crime quand on est haut gradé. Il suffit de se rappeler que les abus sexuels sont surtout des abus de pouvoir.

Une structure autoritaire et hiérarchisée, que ce soit l’Église catholique ou l’armée, favorise l’exercice d’un pouvoir sans discussion et il arrive qu’une personne se sente alors autorisée à disposer du corps des autres comme s’il lui appartenait.

Le remède à cela dans la société civile, c’est l’équilibre démocratique des forces, où en principe personne n’est autocrate. Ce qui n’empêche pas, bien sûr, des individus déséquilibrés de sévir, mais disons que la tentation y est moins grande, car il n’y a pas cette illusion de l’impunité.

Mais, dans les organisations autoritaires, il y a peu de balises qui puissent aider à détecter ces dérapages avant qu’ils ne se produisent.




8 février 2010

Laïcité


Dans les temps à venir, le Québec ne pourra faire l’économie d’un débat de société sur la laïcité. Toutes les composantes de la société doivent se poser des questions à ce sujet et nous devons trouver des solutions qui tiennent compte de l’équilibre à établir entre la liberté individuelle et les droits collectifs et sociaux.

La gauche ne peut se retirer du débat, car comme l’affirme la journaliste et essayiste française Caroline Fourest, ce serait précipiter la population dans les bras des populistes de droite, voire d’extrême droite.

On trouve encore des crucifix dans certaines caisses populaires et sur les murs de nombreuses chambres d’hôpital. Certains conseils municipaux se font une gloire de dire une prière chrétienne avant leurs travaux. On ne peut prétendre que la société québécoise soit complètement laïque.

Sans présumer des réponses collectives que nous nous donnerons, il faut accepter de prendre le temps d’étudier ces questions, de distinguer les lieux publics, les fonctions liées à l’État, les motifs de sécurité, la liberté de conscience, les relations interpersonnelles, la place de la religion dans l’éducation, etc.

Accepter que cela prendra du temps, se donner résolument les outils de réfléchir sereinement et d’approfondir les enjeux, ce sont là des défis qui nous attendent.

En terminant sur un autre thème, je rappelle le blitz de signatures de la pétition contre l’imposition des indemnités de revenu, suivez ce lien: pétition.




1er février 2010

La grève si nécessaire, mais pas nécessairement la grève


Aujourd’hui, je fais écho à l’Assemblée générale du Syndicat des chargées et chargés de cours de l’Université de Montréal (SCCCUM-FNEEQ-CSN) tenue hier. Le texte qui suit reprend l’essentiel des informations colligées pour la préparation d’un document d’information appelé Info-Négo.

Vote de grève
L’Assemblée générale a donné le mandat à l’exécutif de déclencher des moyens de pression gradués au besoin pouvant aller jusqu’à la grève générale illimitée à exercer au moment jugé opportun par un vote de 71 %.

Blocage de l’Université
Réunis en Assemblée générale spéciale, les membres du syndicat ont été à même de constater que l’Université refuse les principales demandes dûment adoptées et déposées, notamment sur la taille des groupes-cours, un enjeu majeur pour eux. De même sur les salaires, l’Université ne veut rien proposer avant le mois de mars, quand le budget sera verrouillé.

Sur les autres questions, il s’agit de reculs qui sont proposés:
--prime de départ à la retraite, on accepte de diminuer le pointage requis pour les chargées de cours, mais pas pour les superviseurs de stage, et en plus on veut couper la moitié de la prime;
--sur l’accès au travail, on refuse notre demande et on propose de pénaliser les désistements;
--sur la lettre d’entente concernant les accompagnateurs et coachs, l’Université refuse de les considérer comme des chargés de cours et veut laisser l’arbitraire prévaloir;
--quant aux programme d’intégration et de perfectionnement, l’Université veut récupérer les surplus et plafonner les dépenses de fonctionnement des Comités locaux d’intégration pédagogique.

Conciliation
Il a été question de la conciliation. Les membres ont compris que, pour donner une chance à la conciliation, afin qu’elle ait les effets voulus, il faut que l’employeur sente des moyens de pression. En effet, le conciliateur ne peut forcer une partie à avancer dans la négociation. Le conciliateur rapproche les parties pour qu’elles se parlent. Seuls les moyens de pression peuvent forcer l’employeur à revoir ses positions.

Ce n’est pas la grève demain
Détenir le mandat de grève ne signifie pas l’exercer tout de suite. Les membres du comité de négo évalueront la situation et l’évolution des discussions en conciliation. Ils feront les recommandations nécessaires à l’exécutif qui prendra la décision d’exercer ou non des moyens de pression, et qui en avisera les membres, bien sûr, afin de leur permettre de comprendre le déroulement des événements, leurs droits et leurs responsabilités dans le cadre d’un conflit de travail.





24 janvier 2010

Peine de mort


Dans le Devoir d’hier, à la une, on apprend que, d’après un sondage Angus Reid, 62% des Canadiens et 69% des Québécois (!) approuveraient la peine de mort pour les meurtriers.

Comment expliquer ce recul de la pensée progressiste à cet égard? Est-ce que c’est un effet secondaire de l’individualisme effréné? Est-ce une conséquence de la tendance à vouloir trouver des solutions faciles dans un monde où tout est complexe?

Quoi qu’il en soit, on ne peut que se désoler du sentiment populaire envers une réponse au crime, qui constitue elle-même un crime. Pourtant, il n’y a pas moins de meurtres dans les pays qui appliquent la peine de mort.

Par ailleurs, comment l’État peut-il convaincre ses citoyens qu’il n’est pas acceptable de tuer s’il se permet lui-même de le faire?

L’argument d’éviter la récidive n’est pas très convaincant dans la mesure où les meurtriers récidivistes ne sont pas la majorité. Les meurtriers et leurs victimes sont en général des gens qui se connaissent fort bien, habituellement de la même famille.

La prévention ne consiste donc pas à éviter la récidive, mais à éviter la première fois: contrôle des armes à feu, éducation, formation aux solutions non violentes des conflits, réduction des inégalités, promotion de la santé mentale, etc.

Visiblement, notre société se durcit. La vengeance peut satisfaire nos instincts, mais elle ne constitue pas une solution.

Autre sujet

Je m’en voudrais de ne pas signaler le triste anniversaire du début du lock-out des 253 employés de l’information et de bureau du Journal de Montréal. Il y a un spectacle de solidarité ce soir au bar La Tulipe, rue Papineau, angle Mont-Royal.

Lisez le journal Rue Frontenac.



18 janvier 2010

Mes trois séismes


Voilà ce qui arrive quand on promet avec trop d’enthousiasme: je voulais être de retour avec un billet dès le 16 janvier, mais plus de 600 courriels à rattraper plus tard, je me suis rendu à l’évidence que je n’y arriverais pas.

Au retour de mes vacances des Fêtes, trois séismes m’attendaient: un vrai physique, un intellectuel et un émotif.

Haïti

Le vrai tremblement de terre qui a frappé Haïti ne peut laisser personne indifférent. Il fait bon de voir les mouvements de solidarité qui se développent.

Mais pourquoi faut-il que les interprétations délirantes de quelques preachers en mal de visibilité viennent ajouter au désastre? Même si dieu existait, il n’aurait pas grand-chose à voir avec le cours de la nature. Arrêtons de perdre notre temps à prêter des intentions au mouvement des plaques tectoniques et concentrons-nous sur l’aide aux victimes.


Homophobie

Séisme intellectuel quand j’apprends le contenu d’une lettre publiée dans le Soleil de Québec du 9 janvier 2010 par quatre anciens professeurs de philosophie dont les noms ne valent pas d’être rappelés tellement ils méritent d’être oubliés.

Ces quatre personnes s’en prennent à la politique québécoise de lutte contre l’homophobie et se permettent d’affirmer haut et fort la supériorité de l’hétérosexualité. Je n’aurai pas la politesse de Laurent McCutcheon qui dans sa réplique leur donne le droit de penser ce qu’ils veulent.

Il est fort désolant que des êtres supposément intelligents puissent tenir publiquement un discours aussi absurde consistant à dire que si la majorité des gens sont hétérosexuels, c’est parce que cette orientation est supérieure aux autres. Et quand la majorité des gens croyaient que la terre était plate, c’était une idée supérieure, je suppose?

Ces quatre individus sont la preuve éclatante du besoin essentiel que constitue le plan de lutte contre l’homophobie. Et non, je ne crois pas qu’en 2010 on ait le droit de croire que l’hétérosexualité est supérieure à l’homosexualité. Savez-vous bien que même si 100 % des êtres humains étaient homosexuels, l’avenir de l’espèce ne serait nullement en danger parce que tout le monde connaît les mécanismes de la reproduction.

Non, on n’a pas le droit de procéder à un négationnisme incroyable pour refuser la normalité de l’homosexualité. Non, on n’a pas le droit en 2010 de dire que les droitiers sont supérieurs aux gauchers. Non, on n’a pas le droit en 2010 de dire que la terre est plate.

Un grand homme

J’ai aussi appris le décès de l’écrivain Bruno Roy. Je ne le connaissais pas personnellement bien que je l’aie rencontré à quelques reprises. C’est un homme remarquable qui a reconstruit sa vie après avoir été victime de la Grande Noirceur. En effet, il faisait partie de ceux qu’on a appelés les orphelins de Duplessis, ces enfants qu’on a classés comme déficients mentaux juste pour obtenir des subventions et à qui on a refusé l’éducation. On en a aussi abusé et on les a traités en esclaves.

Bruno Roy a su traverser ces épreuves, montrer à tous quel homme brillant il était en publiant des essais, des romans et des poèmes et en prenant la défense de ces victimes oubliées. Bruno Roy a aussi défendu fièrement les écrivains québécois en assumant pendant plusieurs années la présidence de l’Union des écrivaines et écrivains québécois.

C’est avec grande émotion que je pense à lui, et nous devons le remercier pour cette humanité qu’il a contribué à renforcer dans la société québécoise.




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